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01/01/2014

Sites naturalistes

Sites naturalistes et protection de l'environnement

 

Acro : Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l'Ouest. Il s'agit d'un laboratoire indépendant d'analyse de la radioactivité doublé d'un centre d'information et de documentation. Créée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986, l'ACRO est une association d'information et de surveillance de la radioactivité, dotée d'un laboratoire d'analyse et agréée de protection de l'environnement.

 

L'ACROnique de Fukushima : Pour suivre toute l'actualité du traitement du site de Fukushima.

 

Envol vert : Association de préservation de la forêt et de sa biodiversité, grâce à des petits projets locaux et des initiatives encouragées.

 

Fondation Nature & Découvertes : Projets soutenus par la Fondation.

 

Greenpace France : L’actualité dans le monde nous prouve, jour après jour, que si nous voulons transmettre à nos enfants une planète préservée, il faut agir avec force et détermination. En 2013, chaque nouvelle marquante est venue démontrer que les actions de Greenpeace s’inscrivent dans la réalité et la nécessité.

 

 

29/12/2013

Décès de Robert Barbault le 12 décembre 2013

Décès de Robert Barbault le 12 décembre 2013

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Sauf dans les milieux scientifiques, on n'a pas beaucoup parlé de la mort de Robert Barbault survenue le 12 décembre 2013 après un cancer du colon. J'ai largement puisé dans ses ouvrages d'écologie générale et d'écologie des populations et des peuplements pour apprécier sa pédagogie.

 

Je laisse le soin à Gilles Bœuf et à Denis Couvet, respectivement  président et professeur au Muséum national d'histoire naturelle de retracer les grandes étapes de sa carrière scientifique.

 

Robert Barbault est né le 24 janvier 1943. Étudiant en 1964 au laboratoire de zoologie du professeur Lamotte à l’École Normale Supérieure de Paris, alors située rue Lhomond, il fut attiré au début par l’éthologie. Il passait rapidement à l’écologie sous la direction des professeurs Lamotte et Bourlière et partait pour une mission de longue durée « sur le terrain » à la station d’écologie tropicale dans la savane de Lamto en Côte d’Ivoire. Il va y travailler sur les réseaux trophiques et les stratégies biodémographiques des populations de reptiles et amphibiens. De façon permanente et durant toute sa vie, son humanisme et ses préoccupations constantes l’ont toujours amené à relier l’humain à cette nature qui nous entoure et à laquelle il appartient pleinement, ainsi qu’il l’avait fait au tout début en s’interrogeant au regard que portaient les populations locales, les Baoulés, sur les activités de cette station de recherche en Afrique. Il s’intéressait aussi à d’autres formes de pensées et d’inscription de l’humain dans le vivant et dans l’univers. Il avait lu et médité les grands penseurs indiens et était allé en Inde. Il défendra son doctorat d’État en 1973.

 

Robert aura ensuite des responsabilités scientifiques croissantes et majeures pour la communauté des écologues. Il a construit des équipes de recherche, des laboratoires, des programmes nationaux et internationaux, dans le domaine de la biologie des populations et des peuplements dans un premier temps, puis dans le domaine plus vaste de l’écologie et de la biodiversité. Il a assumé de très nombreuses et lourdes responsabilités scientifiques, au CNRS, -animateur du secteur écologie-évolution-environnement, directeur-scientifique, président de la section d’écologie, à l’Université Pierre & Marie Curie où il organisait le laboratoire d’écologie puis au Muséum national d’Histoire naturelle où il fondait et assurait durant 10 ans la direction du département « Écologie et Gestion de la Biodiversité ».

 

Il jouera un rôle considérable dans l’émergence d’une écologie scientifique française qui se situe maintenant au meilleur niveau, œuvrant notamment au lancement de la revue ‘Ecology letters’, l’un des fleurons, toutes disciplines confondues, de la littérature scientifique.

 

Parallèlement, puis de plus en plus en synergie avec ses activités scientifiques, ses interrogations humanistes ont porté sur le développement durable, la préservation de la biodiversité, les relations science-société. Avec des études menées dans les réserves de biosphère du Mexique dans les années 70, puis en s’investissant dans le programme Diversitas aux côtés de Francesco Di Castri dans les années 90. Très impliqué dans la recherche et les politiques de protection de la nature, il était depuis 2002 président du comité français du programme de l’Unesco sur l’Homme et la biosphère (MAB). Grâce à la dynamique et à l’importance des travaux du comité sous son impulsion, la France a pu retrouver une place au sein du Conseil international de coordination du programme MAB.

 

Il était également vice-président du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité depuis 2005 auprès du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Il a pris une part très active dans la rédaction des trois tomes « Des exemples pour la biodiversité » publiés par le CSPNB entre 2007 et 2012. Il présidait le Conseil Scientifique de Parcs Nationaux de France depuis 2007 ainsi que le Conseil d’orientation de l’Agence technique des espaces naturels (ATEN) depuis 2002.

 

Il a très largement contribué à l’émergence de la biodiversité dans le champ scientifique, de ses développements à partir d’une écologie qui se situe à l’interface entre les sciences de la Nature et les sciences de l’Homme et de la Société.

 

Pour l’ensemble de sa carrière scientifique, il avait reçu récemment le grand prix de la Société Française d’Ecologie. Il était membre de l’Academia Europaea depuis 1996. Mais par-delà sa carrière scientifique, Robert travaillait aussi à développer une conscience écologique auprès du grand public. Ce qui l’a amené à publier de nombreux ouvrages à destination du plus grand nombre, comme « Un éléphant dans un jeu de quilles » (2006), ou encore plus récemment « La vie, quelle entreprise ! » (2011) avec Jacques Weber, son complice de toujours, anthropologue et économiste. Il écrivait en 2012 « … pour peu que l’on accepte de penser autrement, c’est-à-dire avec une vision écologique du monde, la perspective d’une réconciliation des humains avec la nature pourrait cesser d’être une utopie. Ne voit-on pas se dessiner, sur la base d’une éthique de la biosphère, cet esprit de solidarité écologique dont l’humanité et la Terre ont tant besoin ? » dans sa préface de la ré-édition de « Avant que nature meure – Pour que nature vive ! ».

 

Robert fut pour nous l’un des plus grands penseurs de ces interactions « homme-nature » dans toute leur finesse et nuances variées. Il était exceptionnel pour raconter à ses étudiants, aux scientifiques, au public, aux milieux politiques, l’indispensabilité de travailler en totale transversalité, très interdisciplinaire, de tout prendre en compte pour aborder ce « tissu vivant aux mailles si complexes et que l’on était en train de détricoter ». Il a été l’un des « grands » au CNRS, à l’UPMC et au Muséum. Sa disparition nous laisse orphelins et malheureux. Elle donne aussi à chacun d’entre nous la responsabilité de poursuivre ses pensées et actions, de nous battre inlassablement, sur de solides bases scientifiques, non pas pour « sauver la planète » mais pour faire en sorte que l’humain ne s’y trouve pas rapidement en trop grand « mal-être » !

 

Gilles Boeuf et Denis Couvet, 15 décembre 2013

 

Lire également le communiqué de presse émanant du Muséum national d'histoire naturelle

 

Cœur artificiel : une première

Cœur artificiel : une première

 

par Nicolas Rodrigues

(Notre Temps 24 décembre 2013)

(Dernière mise à jour du 17 mars 2014)

 

La première implantation d’un cœur artificiel a été réalisée avec succès. Mais quels seront les critères pour bénéficier de cette nouvelle prouesse médicale ?

 

Cœur-artificiel-450.jpg

 

Une première mondiale

 

L'opération aura duré une dizaine d'heures. Le 18 décembre 2013, à l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris, l'équipe du Pr Christian Latrémouille a implanté un cœur artificiel à un patient de 75 ans atteint d'insuffisance cardiaque terminale. Et aux dernières nouvelles, le patient se porte "bien".

 

Depuis une dizaine d'années, on implante des cœurs artificiels. Mais cette fois, il s'agit d'un cœur définitif, qui n'est plus seulement destiné à faire patienter le malade avant une greffe.

 

Cette prothèse mime le fonctionnement du cœur humain : composé de deux ventricules, elle accélère les battements en cas d'effort et ralentit ensuite. De plus, elle est recouverte à l'intérieur d'une membrane biologique pour éviter la formation de caillots de sang. Du coup, Le patient n'a plus besoin de prendre de traitement anti-coagulant lourd.

 

Le but est d'obtenir une vie normale. Avec tout de même quelques contraintes, comme celles liées à l'alimentation électrique indispensable pour faire fonctionner une telle machine", a commenté le Pr Fabiani, chef du service de chirurgie cardiovasculaire à l'hôpital Pompidou. Les médecins espèrent apporter au malade au minimum cinq ans d’espérance de vie.

 

La volonté d'un chirurgien français

 

Cette prouesse médicale est le fruit de la ténacité d'un chirurgien et cardiologue français : le Pr Alain Carpentier, 80 ans, qui tenait absolument à réaliser cette première mondiale en France.

 

Il y a près de 10 ans, il s'est allié avec EADS, leader de l'aéronautique, pour créer la société Carmat (Carpentier-Matra Défense). Il bénéficie alors d'un soutien financier et technologique. Au total, plus de 100 ingénieurs et médecins ont été impliquées dans ce projet.

 

Aujourd'hui, Carmat est une start-up cotée en bourse, financée à la fois par des investisseurs privés et publics. Sa technologie représente un espoir pour les patients atteints d'une insuffisance cardiaque terminale: sur 100 000 patients en attente d'une greffe en Europe et aux États-Unis, seuls 4000 bénéficient d'une transplantation chaque année, faute de greffons disponibles.

 

La mise sur le marché de ce cœur artificiel n'est pas pour demain

 

Les équipes doivent finaliser l'étude en cours, sous la surveillance de deux comités d'experts indépendants. Si tout va bien, une seconde implantation devrait intervenir dans les prochaines semaines. Au total, quatre opérations sont prévues au cours de cet essai, avant d'engager une 2ème phase sur une vingtaine de patients. "Un an de recul sera nécessaire pour juger le cœur Carmat", prévient le Pr Jean-Noël Fabiani. La société espère démarrer la commercialisation de son cœur en 2015.

 

Des critères de sélection pour les futurs bénéficiaires

 

Mais pour en bénéficier, les futurs patients devront répondre à certains critères physiques : ce cœur artificiel nouvelle génération pèse 900 g, bien plus lourd qu'un cœur humain (300 g). De fait, il ne pourra être implanté que chez des personnes assez corpulentes. La société Carmat estime ainsi qu'il est compatible avec 70% des thorax d'hommes et 25 % de ceux de femmes.

 

Des critères médicaux constituent aussi des contre-indications plus ou moins rédhibitoires : hypertension pulmonaire irréversible, infection active, cancer, voire diabète, insuffisance rénale, obésité morbide, etc.

 

Enfin, son prix risque de restreindre encore l'accès à ce cœur artificiel. Un bijou technologique qui coûte environ 160 000€. Un coût prohibitif comparé à une greffe cardiaque dont le tarif s'élève en moyenne à 40 000€, auquel s'ajoutent les frais liés à la prise – à vie – de médicaments anti-rejets. Des frais supplémentaires qui ne sont pas nécessaires avec ce cœur artificiel... pour autant, pas certain que la Sécurité sociale puisse le rembourser.

 

L’alliance de la chirurgie et de l’aéronautique

 

Si l’idée de Carmat est l’œuvre du célèbre chirurgien Alain Carpentier, cette prothèse n’aurait pu voir le jour sans les finances et l’expertise du groupe aéronautique Matra. Dans les années 80, Alain Carpentier avait en effet convaincu Jean-Luc Lagardère d’investir dans son projet. Mais les deux hommes ne s’attendaient pas à mettre autant de temps pour le faire aboutir. Entre-temps, Lagardère père est mort et Matra a été refondu dans EADS. Mais le groupe européen n’a pas abandonné le dossier.

 

Prothèse-bourrée-de-capteurs-aéronautiques-450.jpg

 

Ce sont ses ingénieurs qui ont réussi à miniaturiser l’organe artificiel imaginé par Carpentier et qui ont mis au point les capteurs et le microprocesseur qui équipent la prothèse. D’autres implantations en Belgique, Pologne, Slovénie et Arabie Saoudite devraient suivre avant la mise sur le marché de Carmat. Reste également à alléger encore le poids de la prothèse – 900 grammes tout de même – et simplifier son dispositif d’alimentation très contraignant. Et il y a le coût prohibitif de cette petite merveille : 160 000 euros au moins. On doute que la sécurité sociale envisage de le rembourser…

 

Cette première mondiale ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de la médecine. On peut espérer que d’autres organes artificiels verront le jour sur son modèle comme des reins, des foies ou des pancréas. L'homme augmenté est déjà une réalité.

 

Découvrez l'animation sur : http://www.carmatsa.com/

 

Mise à jour du 2 mars 2014 : Décès de Claude Dany, premier malade ayant reçu le cœur artificiel.

 

 

Pourquoi le cœur artificiel de Claude Dany, implanté le 18 décembre 2013, s'est-il arrêté de battre le 2 mars dernier ? L'un des chirurgiens ayant participé à cette première mondiale, le Pr Daniel Duveau, révélait dimanche au Figaro que « pendant deux heures, à chaque arrêt du dispositif, la machine faisait tout ce qu'elle pouvait pour faire repartir la pompe ».

 

Pour en savoir plus, lire l'article du Figaro.fr Santé.

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26/12/2013

Cancer : Bactéries intestinales en renfort de la chimiothérapie

Quand les bactéries intestinales viennent en renfort de la chimiothérapie

 

(Article mis à jour le 5 septembre 2014)

 

Appelé autrefois "flore microbienne", le microbiote est l'ensemble des microbes (bactéries et champignons essentiellement) qui peuplent notre corps. Ces micro-organismes vivent avec nous, logés à la surface de la peau, dans les cavités buccale et vaginale, et surtout dans notre intestin : celui-ci contient 100 000 milliards de bactéries - soit 10 fois le nombre de nos propres cellules - et leur masse avoisine les deux kilogrammes chez l'adulte !

 

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Les bactéries du microbiote apparaissent en rouge

contre la paroi du colon (bleu et vert) © Institut Pasteur

 

Ce microbiote intestinal est aujourd'hui considéré comme un véritable organe, avec une activité métabolique égale à celle du foie car les espèces bactériennes qui le composent exercent des fonctions cruciales pour notre santé comme l’élimination des substances étrangères à l’organisme (et potentiellement toxiques) ou le maintien à distance de pathogènes qui nous contaminent. Elles assurent également la dégradation des aliments ingérés pour une meilleure absorption intestinale et un métabolisme optimal. Ces milliards de bactéries colonisent l’intestin dès la naissance et jouent un rôle-clef dans la maturation des défenses immunitaires.

 

Les espèces bactériennes qui composent le microbiote intestinal diffèrent toutefois d'un individu à l'autre et la présence ou l'absence de telle ou telle bactérie semble influencer la survenue de certaines maladies ou au contraire nous protéger. Il nous permet de digérer les sucres complexes et les fibres, intervient dans la biosynthèse des vitamines ou encore dans la détoxification de certaines substances de l'alimentation, et il forme une barrière protectrice contre les pathogènes. Il comprend environ 1000 espèces de bactéries et sa composition varie d'un individu à l'autre. Chacun d'entre nous a donc son propre microbiote intestinal, constitué dans les premières années de la vie à partir des bactéries de notre environnement : seul un tiers des bactéries intestinales est commun à tous.

 

Ce microbiote intestinal joue un rôle crucial dans le développement du système immunitaire et, sans doute, dans une large gamme de maladies : l'obésité, la résistance à l'insuline et diverses maladies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique...) peuvent résulter d'un déséquilibre du microbiote intestinal. Plus étonnant : il pourrait intervenir dans certaines pathologies de l'humeur comme la dépression. De plus en plus d'études montrent en effet que nos bactéries intestinales envoient des signaux au cerveau et semblent ainsi capables d'influencer le comportement.

 

Une recherche menée conjointement par des chercheurs de Gustave Roussy, de l'Inserm, de l’Institut Pasteur et de l'Inra a permis une découverte assez étonnante sur la façon dont les traitements de chimiothérapie anticancéreuse agissent plus efficacement grâce à l'aide du microbiote intestinal. Les chercheurs viennent en effet de démontrer que l’efficacité d'une des molécules les plus utilisées en chimiothérapie, repose en partie sur sa capacité à entraîner le passage de certaines bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine et les ganglions. Une fois dans les ganglions lymphatiques, ces bactéries stimulent de nouvelles défenses immunitaires qui iront aider l'organisme à combattre encore mieux la tumeur cancéreuse.

Microbiote-intestinal-450.jpg

 

Arbre phylogénétique bactérien sur fond de muqueuse du côlon d'une souris. La taille des cercles renseigne sur l'importance des populations bactériennes du microbiote. Les points rouges correspondent aux bactéries renforçant l'action d'une immunothérapie anticancéreuse, les verts à celles inhibant la réponse à une chimiothérapie.

 

Dans le domaine du cancer, l’équipe française* dirigée par le Pr Laurence Zitvogel, à l’Institut Gustave Roussy et directrice de l'Unité Inserm 1015 "Immunologie des tumeurs et immunothérapie", en collaboration étroite avec l’Institut Pasteur (Dr Ivo Gomperts Boneca, Unité "Biologie et génétique de la paroi bactérienne") et des chercheurs de l’INRA (Dr Patricia Lepage et Dr Joël Doré, Unité Micalis "Microbiologie de l'Alimentation au service de la Santé"), vient d'apporter la preuve que la flore intestinale stimule les réponses immunitaires d'un individu pour combattre un cancer lors d'une chimiothérapie.

 

*Équipe française dirigée par le Pr Laurence Zitvogel, à l'Institut Gustave-Roussy, directrice de l'Unité Inserm 1015 "Immunologie des tumeurs et immunothérapie", en collaboration étroite avec l'Institut Pasteur (Dr Ivo Gomperts Boneca, Unité "Biologie et génétique de la paroi bactérienne") et des chercheurs de l'INRA (Dr Patricia Lepage et Dr Joël Doré), Unité "Microbiologie de l'Alimentation au Service de la Santé Humaine".

 

Le cyclophosphamide est l’un des médicaments les plus utilisés en chimiothérapie. Comme tout traitement, il entraîne cependant des effets secondaires (inflammation des muqueuses etc.) et perturbe l'équilibre normal du microbiote intestinal. Chez la souris, l'équipe a démontré que le cyclophosphamide modifie la composition du microbiote dans l'intestin grêle et induit la translocation de certaines espèces de bactéries Gram-positives dans les organes lymphoïdes secondaires. Là, ces bactéries stimulent la production d'un sous-ensemble spécifique de "pathogène" T helper(17)" pTH17 cellules mémoire et des réponses immunitaires Th1. La synergie entre le microbiote et le cyclophosphamide débute lorsque le médicament facilite le passage à travers la barrière intestinale des bactéries Gram+ qui vont se retrouver dans la circulation sanguine et les ganglions lymphatiques. Ces bactéries sont considérées comme néfastes et l'organisme déclenche une réponse immunitaire. Une fois dans les ganglions lymphatiques, elles stimulent la production de globules blancs pTH17 qui vont agir comme de nouvelles défenses immunitaires et aider l'organisme à lutter contre la tumeur cancéreuse. "Cette réaction en chaîne, effet secondaire du traitement, va s'avérer en réalité très utile" explique Laurence Zitvogel. "De façon surprenante, la réponse immunitaire dirigée contre ces bactéries va aider le patient à lutter encore mieux contre sa tumeur en stimulant de nouvelles défenses immunitaires."

 

En détails, l'immunisation anti-bactérienne aboutit au recrutement de lymphocytes effecteurs différents de ceux mobilisés par la chimiothérapie. Leur rôle consiste à aider les lymphocytes anti-tumoraux à endiguer la croissance de tumeurs.

 

 A contrario, des souris dépourvues de tout germe intestinal ou préalablement traitées par des antibiotiques dirigés contre les bactéries Gram+ se révèlent incapables de produire les précieuses cellules pTH17 antitumorales. De plus, leur tumeur est devenue résistante au cyclophosphamide. La situation est toutefois réversible : lorsque les sourisreçoivent une perfusion intraveineuse de pTH17, le médicament retrouve son efficacité antitumorale.

 

Les chercheurs suggèrent également que certains antibiotiques utilisés au cours d’une chimiothérapie pourraient détruire ces bactéries Gram+ et annuler ainsi leur effet bénéfique. "Maintenant que ces bactéries bénéfiques potentialisant la réponse immunitaire anti-tumorale ont été identifiées, on devrait réussir rapidement à en fournir plus à l'organisme, notamment via des pro- ou pré-biotiques et/ou une alimentation spécifique" conclut la chercheuse.

 

Ces travaux ont bénéficié du soutien de la Ligue nationale contre le cancer, de l'Institut national du cancer (INCa) (SIRIC SOCRATES) et du LABEX Onco-Immunologie.

 

Remarque :

 

Le cyclophosphamide n'est pas le seul traitement à profiter d'un microbiote intestinal performant. Le même numéro de Science fait ainsi part du travail d'une équipe américaine qui aboutit à des conclusions très proches : certains antibiotiques diminueraient l'action de la chimiothérapie.

Parallèlement au travail des chercheurs français, Elizabeth Pennisi, Noriho Lida et al, de l'Institut national du cancer (Frederick, États-Unis), montrent que le microbiote intestinal renforce les effets d'autres traitements anticancéreux, à savoir une immunothérapie ou une chimiothérapie par oxaliplatine (un autre médicament anticancéreux). Ici aussi, comme dans l'étude française, l'efficacité du traitement antitumoral a chuté drastiquement chez des souris débarrassées de leur flore bactérienne intestinale.

 

Même si ces deux études ont été menées sur la souris, il est vraisemblable que leurs résultats puissent être un jour applicables à l'être humain. Ils suggèrent en tout cas que certains antibiotiques pourraient diminuer l'efficacité d'une chimiothérapie antitumorale mais également qu'une supplémentation en pro- ou pré-biotiques, voire une alimentation spécifique, pourrait renforcer l'action du traitement.

 

Sources :

 

Laurence Zitvogel et al (2013). - The Intestinal Microbiota Modulates the Anticancer Immune Effects of Cyclophosphamide, Science22 November 2013, vol 342 n° 6161 pp. 971-976.

 

Elizabeth Pennisi et al (2013). - Cancer Therapies Use a Little Help From Microbial Friends, Science 22 November 2013 Vol. 342 n° 6161 p. 921.

 

Marc Gozlan (2013). - La flore intestinale en renfort de la chimiothérapie, Sciences et Avenir, janvier 2014 n° 803, p. 70.

 

Qu'est-ce que le microbiote ? Lettre de l'Institut Pasteur, septembre 2014 n° 86 p. 9.

24/12/2013

L'exploration du centre de la terre

L'exploration du centre de la terre


Tout le monde n'est pas Jules Verne : aujourd'hui comme hier, il est impossible de connaître directement l'intérieur de la planète. De sorte que nous avons moins d'information sur ce qui se trame sous nos pieds que sur les soubresauts des astres aux confins du cosmos. Car notre seul messager direct est la lumière. Or, aucun photon ne nous parvient de ces profondeurs alors que la lueur des galaxies lointaines, captée par de nombreux instruments d'observation, renseigne sur de grandes portions de l'Univers.

 

Creuser la Terre : mission impossible

 

On a bien pensé à effectuer des forages profonds comme celui qu'a entrepris en 1970 une équipe de scientifiques russes qui s'est lancée dans le premier et seul forage très profond de la croûte terrestre qui n'a d'ailleurs jamais pu aboutir.

 

Depuis la presqu'île de Kola, près de la ville de Zapoliarny (au Nord-Ouest de Mourmansk), l'objectif était d'atteindre au moins le « moho ». Cette frontière virtuelle, du nom du sismologue croate Andrija Mohorovicic, est une « discontinuité » située à la base de la croûte, entre 5 et 10 km sous les océans et entre 30 et 60 km sous les continents. La vitesse des ondes qui s'y propagent augmente brusquement, comme si les roches y changeaient de soudainement. Le moho sous la presqu'île de Kola, dotée d'une croûte océanique, était estimé à 15 km de profondeur. Mais après dix-neuf ans de forage, les travaux ont été stoppés en raison de l'effondrement de l'Union soviétique, à -12,262 km précisément. Le forage était devenu trop difficile : vers 7 à 8 km de profondeur, une série de failles avec circulation de fluide a rendu la poursuite des travaux onéreux. Par ailleurs, la température au fond du trou frôlait les 180°C au lieu de la centaine de degrés attendue. Malgré tout, des roches de plus de 2,7 milliards d'années ont été remontées. Mais aucun échantillon du cœur de la Terre...

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Exploration des profondeurs par des méthodes indirectes


Pour accéder aux tréfonds de la planète, il faut donc employer des méthodes indirectes. Tout se passe comme si pour en deviner sa forme et sa constitution, nous frappons sa surface afin de la faire vibrer tout entier. Et c'est en écoutant attentivement sa manière de vibrer, grâce aux sismomètres qui enregistrent les mouvements du sol, qu'on peut en déduire sa forme et sa structure interne – une sphère creuse n'émettant pas le même son qu'une boule pleine. Ce sont les séismes de grande magnitude qui jouent le rôle de ces frappes : celui de Tohoku (Japon), survenu en mars 2011 – à l'origine de la catastrophe de Fukushima — a ainsi fait vibrer le sol... de la région parisienne distant de 9500 km.

 

Les sismographes ont enregistré un déplacement de quelque trois millimètres, soit un mouvement vertical et horizontal de 6 mm[1]. Or, avant de parvenir jusqu'à la France, les ondes sismiques parties du Japon se sont propagées à travers le noyau et le manteau de la Terre. Leur analyse, comme celle des ondes de chaque séisme, permet donc de reconstituer petit à petit le cœur de la planète : en effet, la vitesse des ondes sismiques varie selon la densité des roches qu'elles traversent. C'est ainsi que l'existence d'une croûte, d'un manteau supérieur, d'un manteau inférieur – tous les trois constitués de roches de densité différente – a été identifiée au cours du XXe siècle. « De même, certaines ondes sismiques, à l'origine de mouvements de cisaillement par exemple, ne peuvent traverser les liquides », rappelle Stéphane Labrosse, du Laboratoire de géologie de l'École normale supérieure de Lyon. L'absence partielle de ces ondes dans les enregistrements a permis au sismologue allemand Beno Gutenberg de conclure en 1912 que le noyau de la Terre était liquide. Puis la mathématicienne Danoise Inge Lehmann a analysé minutieusement en 1936 de nombreux sismogrammes pour déduire l'existence au sein de ce noyau liquide d'une graine solide[2].

 

Autres techniques : recréer les conditions dans le manteau


Liquide, solide, plus ou moins dense... Les ondes sismiques ne livrent aucune information sur les minéraux qui constituent le manteau. Bien sûr, les volcans se chargent de faire remonter vers la surface des roches du manteau. Mais la lave qui sort des cheminées volcaniques n'est plus dans le même état que les roches solides du manteau. D'où l'idée de reconstituer en laboratoire les conditions qui règnent dans les profondeurs du globe et d'y soumettre des échantillons de lave, par une technique utilisée depuis le milieu des années 1970 par les physiciens.

 

Pour ce faire, leur instrument fétiche s'appelle la « presse à enclumes de diamant ». Son principe : reproduire les pressions qui règnent dans le manteau en enserrant l'échantillon entre deux enclumes en diamant. Seule la dureté de cette pierre précieuse permet en effet de résister à des pressions qui vont de 30 gigapascals (GPa) et que l'on retrouve dans le manteau à 700 km de profondeur — soit 300 000 fois la pression atmosphérique — à 135 GPa à 2900 km, à la frontière du noyau, soit un million de fois la pression atmosphérique. Parallèlement, un faisceau laser vient chauffer 1 échantillon jusqu'à 2000°C. Celui-ci ainsi trituré, comprimé et grillé ressort comme le digne représentant du manteau de la Terre.

Reste à l'analyser aux rayons X pour visualiser l'emplacement des atomes dans la roche. C'est ainsi que les géophysiciens ont compris la différence entre le manteau supérieur et le manteau inférieur. Les mêmes composants chimiques cristallisent différemment en minéraux de plus en plus denses.

 

Un scénario audacieux révélé par une expérience inédite

 

La première expérience d'analyse de magma à très haute pression, par rayons X conforte l'hypothèse d'une Terre primitive à deux océans de magma superposés.

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© Christèle Sanloup (Istep CNRS/UPC)

 

Une équipe européenne (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni) dirigée par Chrystèle Sanloup de l’Institut des Sciences de la Terre Paris (iSTeP, UPMC/CNRS) a révélé des changements de structure au sein de basaltes fondus à des pressions équivalentes à 1400 kilomètres de profondeur. Cette expérience confirme ce qui avait été suggéré en 2007 : Dans un passé lointain, il y a plus de 3,5 milliards d'années, notre planète aurait renfermé en son sein deux océans de magma séparés par une couche rocheuse. La surface du premier se situe sous 200 à 300 kilomètres de roches depuis la croûte terrestre à une profondeur avoisinant les 400 km, soit 50 fois plus que les plus profondes fosses marines. Sous le plancher de ce premier océan magmatique à 600 ou 700 km de profondeur, se situerait une couche rocheuse cristalline dense sur 300 ou 400 km s'étendant jusqu'à -1000 km. Là, on retrouverait du magma liquide jusqu'à -2900 km de profondeur. En proposant ce scénario à deux étages d'océans, jamais les profondeurs terrestres n'avaient été ainsi pensées[3].

 

Mais l'équipe est allée plus loin. Au lieu d'utiliser un échantillon de lave refroidi et solide, comme c'était toujours le cas jusqu'alors, elle a eu l'idée de tester du magma. « D'une certaine manière, le magma est plus proche de l'état de la roche telle qu'elle était dans le manteau avant de remonter à la surface », explique Chrystèle Sanloup. Une vraie prouesse technique ! Maintenir de manière stable un liquide entre les mâchoires de la presse n'est pas aisé. Sans compter que les atomes d'un liquide sont désorganisés par rapport à ceux d'un solide. Les chercheurs ont donc dû faire appel à l'une des sources de rayons X les plus puissantes au monde, Petra III, située dans l'installation DESY, près de Hambourg (Allemagne). « Notre surprise a été de constater qu'au fur et à mesure que l'on soumettait le magma à des pressions élevées, sa densité augmentait, mais pas de la même manière que celle de la roche du manteau, explique Crystèle Sanloup. À faible profondeur, le magma flotte sur la roche, mais autour des pressions qui correspondent à 660 km de profondeur, le magma devient plus dense que les cristaux, donc les roches flotteraient sur cet océan de magma... » Ce qui a permis à l'équipe d'imaginer cet épisode surprenant du passé de la Terre, il y a plus de trois milliards d'années, lorsque son intérieur était en grande partie fondu : quand le magma liquide dominait, il a donc pu comporter deux océans superposés.

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Échantillon de basalte après manipulation mais toujours dans une cellule à enclumes-diamant (à 35 GPa, on voit trois billes de magma, correspondant à trois spots de chauffage laser, chacun faisant environ 20 microns de diamètre). Sanloup et al. Nature 2013.


Cette étude montre que le nombre de coordination de silicium - son nombre d'atomes voisins -dans les magmas passe de 4 à 6 quand la pression augmente de 10 GPa et 35 GPa. Leur densité passe d'environ 2,7 grammes par centimètre cube (g/cm³) à basse pression, à près de 5 g/cm³ à 60 GPa. Ainsi jusqu’à 25 GPa, soit 660 km , les magmas deviennent progressivement plus denses que les cristaux, qui vont donc flotter et non sédimenter. Une fois le nombre de 6 atomes voisins atteint dans les magmas, soit vers 35 GPa, cette densification devient beaucoup moins notable. C'est ainsi que ce différencient manteau supérieur et inférieur de part et d'autre de la limite de 600 km.

 

Le changement de structure des magmas avec la profondeur affecte également leurs propriétés chimiques. En effet, les auteurs remarquent que ce changement de structure coïncide avec un changement dans la façon dont des éléments sidérophiles (“qui aiment le fer”), tels le nickel, se répartissent entre magma et fer liquide. Par définition, les éléments sidérophiles se concentrent dans le fer liquide, mais cette concentration est de plus en plus faible à mesure que la pression augmente. Cette forte dépendance en pression en fait de bons marqueurs potentiels de la pression/profondeur d’équilibre entre océan magmatique et noyau métallique. Au-delà de 35 GPa par contre, leur répartition entre magma et fer liquide est peu affectée par la pression.

 

Pour les auteurs, le comportement plus dense du magma basaltique à une certaine profondeur, permet d’envisager un océan magmatique stratifié dans l'intérieur de la Terre primitive, comme l'ont déjà proposé certains modèles sur la base de calculs d’évolution thermique (refroidissement) de la Terre primitive. Très tôt après leur formation par accrétion de fragments solides, les planètes telluriques sont passées par un état fondu. Épisode qualifié “d'océan magmatique”. La cristallisation de minéraux à partir du magma a commencé à se produire entre probablement environ 660 et 1000 km de profondeur, là ou les cristaux sont en quasi-équilibre gravitaire avec le magma, séparant l'océan magmatique initial en deux océans superposés, qui se sont solidifié à leur tour ne laissant subsister que quelques poches de magma résiduel à la base du manteau inférieur. C’est du moins ce que pensent avoir repéré les sismologues en ayant localisé des zones où les sismiques se propagent à de très faibles vitesses.

 

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Depuis quelques années, les spécialistes des tremblements de terre qui analysent les vibrations du globe font face à une énigme connue sous le nom de « ULVZ » (Ultra Low Velocity Zone, zone à très faible vitesse) qui pourrait des lors se trouver éclairée par cette configuration passée de la Terre. « Lorsque l'on analyse la vitesse des ondes sismiques enregistrées par nos réseaux de sismomètres en surface, tout se passe comme si les ondes qui provenaient de deux régions bien précises — 2900 km sous l'Afrique du Sud et sous le Pacifique présentaient des anomalies : elles s'y propagent bien plus lentement qu'ailleurs, jusqu'à 30 % moins vite. » Or les sismologues le savent bien : les régions chaudes du manteau dissipent l'énergie des ondes sismiques, ce qui fait drastiquement baisser leur vitesse. D'où cette hypothèse très séduisante qu'ils envisagent désormais : à la base du manteau, à 2900 km sous nos pieds, persisteraient les vestiges de ces anciens océans de magma au sein d'un manteau totalement rocheux. En somme, des régions de magma liquide d'une centaine de kilomètres de large, ralentissant les ondes sismiques, seraient encore à l'œuvre. Ce qui expliquerait aussi qu'en surface, à l'aplomb de ces ULVZ, se trouvent deux des plus gros chaudrons du monde dont la lave proviendrait de ces vestiges : les îles Hawaii et les îles Samoa.

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Sources :


  • Structural change in molten basalt at deep mantle conditions, Chrystèle Sanloup, James W. E. Drewitt, Zuzana Konôpkova´, Philip Dalladay-Simpson, Donna M. Morton, Nachiketa Rai, Wim van Westrenen & Wolfgang Morgenroth Nature 7 novembre 2013.
  • Au cœur de la Terre primitive, Azar Khalatbari Sciences et Avenir n° 803 – janvier 2014 pp. 36-39).
  • Pour en savoir plus :

http://www.insu.cnrs.fr/node/4592?utm_source=DNI&utm_...

 



[1] sciav.fr/1adbfXz

[2] sciav.fr/1b0Qp1W

[3] Nature du 7 novembre 2013

 

La suite dans l'article "Structure du globe terrestre".

21/12/2013

Food and Chemical Toxicology (FCT) retire l'article de Séralini sur les rats nourris au maïs OGM NK603

Food and Chemical Toxicology (FCT) retire l'article de Séralini sur les rats nourris au maïs OGM NK603

 

(Dernière mise à jour : 31 juillet 2014)

 

On se rappelle de la polémique engendrée par la publication des travaux de Gilles-Éric Séralini portant sur portent sur les effets du maïs transgénique NK603, voir l'article dans ce propre blog.

 

La revue Food and Chemical Toxicology (FCT) a retiré l'article de Gilles-Éric Séralini de l'université de Caen, sur les rats nourris durant toute leur vie au maïs OGM NK603 tolérant à l'herbicide Roundup, publié en septembre 2012. Cette étude suggérait que les rongeurs développaient plus de pathologies et de tumeurs. Après examen des données brutes, la revue souligne qu'elle n'a relevé ni fraude ni manipulation, mais que « les résultats présentes sont peu concluants » et qu' « il y a une raison légitime d'inquiétude concernant à la fois le nombre d'animaux testés dans chaque groupe et la souche particulière [de rats] ».

 

Gilles-Eric Séralini, dont l'étude ne cesse de faire polémique. conteste cette décision, persuadé que la revue est sous pression depuis l'embauche, début 2013, d'un nouvel éditeur venu de la société Monsanto, spécialisée dans les biotechnologies. Il argue que la souche de rats (les Sprague-Dawley) qu'il a utilisée l'est aussi en routine aux États-Unis. Il rappelle qu'il a mené une étude inédite sur des rats nourris leur vie entière avec ce maïs OGM et qu'il a multiplié les mesures sur les animaux. Il pointe un article publié par Monsanto en 2004 dans FCT et jamais rétracté, concluant à l'innocuité du maïs NK 603 après avoir mesuré ses effets sur dix rats de la même souche seulement pendant trois mois. Et accuse : « seules les études pointant un effet adverse des OGM sont passées au crible d'une évaluation rigoureuse ». Il pourrait saisir maintenant les tribunaux.

 

Pour en savoir davantage :

http://sciav.fr/18mdr4u

 Le 14 novembre 2012, dans une lettre ouverte intitulée «Science et conscience» publiée sur le Monde.fr, 140 scientifiques s'étaient insurgés contre les critiques de l'étude et défendaient le professeur Séralini. Une info reprise récemment par la Tribune de Genève.

 

Affaire Séralini : publier n'est pas prouver

 

par Elsa Abdoun (Sciences & Vie, n° 1156, février 2014, p. 16).

 

II y a un an, le biologiste français Gilles-Eric Séralini faisait la une de tous les journaux après avoir publié dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology un article censé démontrer, images chocs de souris déformées par d'énormes tumeurs à l'appui, la cancérogénicité d'un maïs OGM. À l'époque, nous avions émis de sérieuses réserves sur cette étude (voir Sciences & Vie n°1142, p. 68). Un an plus tard, la revue a finalement fait machine arrière : toujours consultable, elle est désormais accompagnée de la mention "retiré", et ne peut plus être citée dans d'autres articles de chercheurs.

 

Cette décision, qui entérine le fait que cette étude débouchait sur des conclusions erronées, a valeur d'exemple. Elle pointe la dérive par laquelle le processus de publication scientifique est de plus en plus abusivement utilisé, par des chercheurs, associations ou industriels, pour conférer à leurs opinions un caractère indubitable.

 

De son côté, Gilles-Eric Séralini explique le retrait de son étude par le fait que la revue s'est dotée, début 2013, d'un éditeur associé, anciennement employé par l'entreprise Monsanto. Laquelle entreprise commercialise le maïs OGM qu'il met en cause... En clair, il serait l'objet d'une censure.

 

De telles situations de conflits d'intérêts nuisent effectivement à la crédibilité de la science, et jettent une suspicion légitime sur ses délibérations ; mais dans le cas de l'étude Séralini, une chose est sûre : ses conclusions erronées correspondent parfaitement aux critères de retrait établis par le Comité pour l'éthique des publications, qui sert de guide pour les revues scientifiques dans leur gestion des articles qu'elles publient.

 

Il ressort ainsi que cette étude - incorrecte - n'aurait jamais dû paraître. Il faut donc se rendre à l'évidence: la publication dans une revue scientifique n'est pas une garantie absolue de véracité. Une information cruciale, pour qui ne veut pas se voir berné par de tels artifices. Comme ceux employés par Gilles-Eric Séralini.

 

En effet, le principal argument de ce chercheur face à la remise en question de son étude est d'avoir été publié par une revue à "comité de lecture". En d'autres termes, l'étude, préalablement relue et "validée par des pairs", était au-dessus de tout soupçon. Un argument non valable, qui semble ignorer que l'analyse d'un article est un exercice faillible, sujet aux erreurs humaines. Pour preuve : de nombreuses autres études sont, chaque année, publiées à tort. Plus de la moitié des articles seraient concernés, selon plusieurs chercheurs qui se sont penchés sur la question. Pis, la plupart ne sont même pas retirés une fois l'erreur confirmée, car "cela reviendrait, pour les journaux, à admettre que leur système de relecture est défectueux ", explique Ivan Oransky, auteur du blog Retraction Watch qui recense depuis 2010 tous les retraits de publications scientifiques.

 

Pour les éditeurs de l'étude Séralini, la question de reconnaître ou non leur erreur ne s'est pas posée : les agences de sécurité alimentaire européenne (Efsa), française (Anses) et même allemande (BfR), le Haut Conseil des biotechnologies, six académies nationales ainsi que de très nombreux spécialistes de toxicologie, cancérologie et statistiques l'ont fait pour eux. Il faut dire que l'étude, ultra-médiatisée, a été lue par un très grand nombre de chercheurs, s'exposant dès lors aux critiques.

 

Au final, s'il ne nous a rien appris sur les OGM, le professeur Séralini aura au moins démontré cela : les revues sont truffées de conclusions fausses. De quoi inciter à la prudence...

 

Février 2014 : Séralini insiste et signe : les pesticides seraient mille fois plus toxiques que ce qu'on croyait.

Voir l'article de Metronews

 

Ajout de juillet 2014 : Gilles-Éric Séralini republie son étude sur les OGM

 

Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie à l'université de Caen republie son étude sur les OGM Le chercheur avait créé la polémique avec un article sur des rats nourris au maïs transgénique. Il le complète avec les données brutes.

 

Huit mois après le retrait forcé de son article sur le maïs NK603, le professeur Gilles-Éric Séralini, de l'université de Caen, a republié son article dans une autre revue, Environnemental Sciences Europe (Springer). L'étude controversée suggère que des rats nourris pendant deux ans avec du maïs NK603 — tolérant à l'herbicide Roundup développé par Monsanto — connaissent une mortalité et une incidence de tumeurs plus précoces et plus nombreuses que les rats nourris avec un maïs traditionnel. À la suite des critiques, l'équipe du Pr Séralini la republie avec, cette fois, les données brutes, et rappelle que « le protocole choisi était celui d'une étude de toxicologie sur deux ans et non celui d'une étude de cancérogénèse » et que « d'innombrables études toxicologiques utilisent la souche de rats Sprague Dawley, tandis que les études de Monsanto réalisées à trois mois sur ses OGM utilisent les mêmes effectifs et... la même souche ».

 

Les détracteurs de Gilles-Éric Séralini pointent que le scientifique ne publie toujours pas de photos des « rats contrôle ». Ces animaux nourris sans OGM pourraient en effet avoir développé eux aussi des grosseurs spectaculaires, comme les rats nourris aux OGM et pesticides. La publication des images de rongeurs aux corps déformés avait largement participé au retentissement médiatique de l'article.

 

Source : Sciences et Avenir n° 810 Août 2014 p. 21.

12/12/2013

Chalutage en eaux profondes

Chalutage en eaux profondes

 

Le 10 décembre, le Parlement européen devait décider s'il interdit le chalutage en eaux profondes, qui provoque des dégâts écologiques majeurs dans les abysses.

Lire l'article du "Canard Enchaîné" à ce propos en pièce jointe (où l'on apprend que les grandes surface et particulièrement la marque INTERMARCHÉ) possèdent une flotte de 6 chalutiers de ce type.

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Et aussi cette courte vidéo du "Monde" sur dailymotion.

10/12/2013

La Soufrière de Guadeloupe sondée par rayons cosmiques

soufriere_guadeloupe_juin 2008_logo.jpgLa Soufrière de Guadeloupe sondée par rayons cosmiques


par Nolwenn Lesparre[1], Dominique Gibert[2]

et Jacques Marteau[3]

(Pour la Science n° 434, décembre 2013 pp. 44-51)


Prévoir les éruptions volcaniques reste un défi pour les scientifiques. Une nouvelle méthode appliquée à la surveillance de la Soufrière de Guadeloupe : la radiographie par les muons cosmiques une solution qui permet de radiographier l'intérieur des volcans ?

 

(Pour la présentation de la Soufrière voir les articles La Soufrière de Guadeloupe et La Soufrière de Guadeloupe et ses séismes dans ce même blog)


 

Parmi les différents scénarios d'éruptions envisageables pour la Soufrière, on peut craindre un effondrement du dôme, une éruption phréatique ou une remontée de magma. Risque-t-on une explosion du type de celle de 1980 au Mont Saint-Helens, comme cela s'est déjà produit il y a quelque 3 000 ans ? Pour prévoir ces événements de façon fiable et suffisamment à l'avance pour évacuer les populations concernées, les volcanologues disposent de diverses méthodes pour ausculter le volcan et essayer de prévoir quand surviendra un tel événement et quelle en sera la violence. Une nouvelle méthode a été expérimentée à la Soufrière : la radiographie par les muons cosmiques.

 

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La Soufrière de Guadeloupe

 

En quoi consiste la méthode ?


Elle n'est pas sans rappeler la radiographie aux rayons x. Ces derniers traversent l'organisme, sont plus ou moins absorbés par les tissus et les os qu'ils rencontrent sur leur passage, et nous donnent des images de l'intérieur du corps humain, liées à cette absorption variable. De même, les rayons cosmiques traversent la matière. Serait-il possible d'observer les entrailles des volcans au moyen de ces rayons cosmiques, plus ou moins absorbés par la matière qu'ils traversent ? L'idée fut proposée au milieu des années 1960 par l'équipe de Luis Alvarez (1911-1988), lauréat du prix Nobel de physique en 1968 : il suggéra d'utiliser les rayons cosmiques pour ausculter la grande pyramide de Khéphren et y rechercher la chambre de la Reine.

 

Découverts en 1912 par le physicien américain d'origine autrichienne Victor Hess, les rayons cosmiques arrivant sur Terre sont constitués d'une « pluie » de particules produites par les rayons cosmiques primaires qui bombardent l'atmosphère terrestre. Les particules produites dans ces «cascades» sont de natures variées : électrons et photons, entre autres, mais aussi muons. Le muon est une particule élémentaire qui a les mêmes propriétés que l'électron, si ce n'est qu'il est instable (sa durée de vie est égale à 2,2 microsecondes) et que sa masse est environ 200 fois supérieure (206,8 fois précisément). Les muons sont parfois surnommés électrons lourds. Ce sont ces muons qu'utilisa l'équipe d'Alvarez pour « voir » à travers les épaisses parois de la pyramide.

 

C'est au milieu des années 1990 que l'équipe japonaise de Kanetada Nagamine eut l'idée d'utiliser les muons cosmiques pour ausculter les volcans. Depuis, les détecteurs de particules ont été notablement améliorés, ce qui a conduit plusieurs équipes à s'intéresser à la radiographie des volcans à l'aide des muons. Avoir accès à de telles images permettrait de suivre l'évolution des entrailles des volcans et, par exemple, de détecter une remontée de magma ou l'apparition de poches de vapeur avant toute manifestation visible.

 

Parmi ces équipes, le groupe Diaphane réunit des géophysiciens et des physiciens des particules de l'Institut de physique du Globe de Paris, de l'Institut de physique nucléaire de Lyon et du laboratoire Géosciences Rennes. Cette équipe mène des expériences sur plusieurs volcans aux Philippines, sur l'Etna et aux Antilles, où elle s'intéresse surtout à la Soufrière, surveillée en permanence par l'équipe de l'Observatoire volcanologique de Guadeloupe.

 

Rappelons que ce volcan subit des éruptions phréatiques, c'est-à-dire l'expulsion violente de grands volumes d'eau sous forme de panaches de vapeur. L'accès du volcan est difficile car le sommet (1 467 mètres) est entouré d'une forêt tropicale dense jusqu'à 1 100 mètres d'altitude dans un relief abrupt. Les pluies tropicales abondantes sont accompagnées de fortes rafales, toutes conditions qui rendent la surveillance difficile. Dès lors, la tomographie par rayons cosmiques présente l'intérêt théorique de suivre les entrailles du volcan sans avoir à l'escalader. Restait à démontrer la faisabilité de la méthode et sa fiabilité.

 

Les muons, que nous avons déjà mentionnés, sont produits à une quinzaine de kilomètres d'altitude lors des collisions entre les rayons cosmiques primaires et les atomes de l'atmosphère. Les particules primaires résultent de phénomènes astrophysiques violents, telles les explosions d'étoiles en supernovae, au cours desquelles elles sont accélérées. Les plus énergétiques détectées à ce jour ont une énergie d'environ 3,2 x 1020 électronvolts, c'est-à-dire plus que les plombs d'une carabine à air comprimé !

 

Lorsqu'elles pénètrent dans l'atmosphère, ces particules heurtent les molécules d'air. Sous le choc, de nouvelles particules sont libérées et se désintègrent à leur tour. Une cascade de désintégrations conduit à une averse de particules, nommée gerbe atmosphérique. Certains observatoires – HESS2, en Namibie, ou l'Observatoire Pierre Auger, en Argentine – sont consacrés à l'étude de ces phénomènes.

 

Les muons représentent cinq pour cent des milliards de particules qui constituent une gerbe atmosphérique. Leur énergie est comprise entre quelques dizaines et quelques milliers de gigaélectronvolts. Ils se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière dans le vide, ce qui allonge considérablement leur durée de vie apparente grâce à des effets relativistes. Cela leur permet de traverser l'atmosphère et d'atteindre le sol. Aux énergies considérées, les muons interagissent essentiellement par ionisation des atomes de la matière qu'ils traversent.

 

Les muons que... presque rien n'arrête

 

La perte d'énergie est approximativement constante et d'environ deux mégaélectronvolts par centimètre d'eau traversée. L'atmosphère ayant une épaisseur équivalant à dix mètres d'eau, les muons perdent deux gigaélectronvolts pour parvenir jusqu'au sol.

 

Les muons ne s'arrêtent pas en touchant le sol. Ils traversent la matière, où ils perdent de l'énergie plus rapidement que dans l'air. Si leur énergie est suffisamment grande et l'obstacle pas trop dense, ils peuvent le traverser de part en part. Si la densité de l'obstacle est trop élevée, ils sont arrêtés. On retrouve ici le principe de la radiographie aux rayons x, et on peut l'appliquer à la radiographie (ou tomographie) de l'intérieur d'un volcan. On mesure l'atténuation du flux de muons cosmiques produite par le volcan. L'atténuation augmente avec la quantité de matière traversée ou plus précisément l'opacité, c'est-à-dire le produit de la densité moyenne par la longueur du trajet dans le volcan.

 

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Principe de la radiographie des montagnes par les muons

(Pour zoomer, cliquer sur l'image)

 

Le principe décrit, comment procède-t-on en pratique ? On dispose d'un détecteur de particules – également nommé télescope, car on observe des rayons cosmiques – placé au pied du volcan et qui enregistre un flux de muons. Le télescope utilisé à la Soufrière est robuste, résistant aux variations de température, insensible aux pluies tropicales et aux ouragans. Il est également léger et maniable, transportable par hélicoptère et déposé sur des pentes escarpées. Deux ou trois personnes peuvent l'installer. Un vérin hydraulique et une base rotative permettent de modifier l'orientation du télescope et de l'ajuster avec précision. Il est alimenté par des panneaux solaires, une éolienne ou une pile à combustion.

 

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Le détecteur de particules ou télescope

 

 Le télescope est équipé de barreaux scintillants arrangés en deux séries perpendiculaires, de façon à former un damier constituant une matrice. Un télescope comporte au minimum trois matrices de 256 pixels de 25 centimètres carrés permettant de détecter les muons provenant de 961 directions différentes. La résolution angulaire est adaptée en ajustant la distance entre les matrices.

 

Lorsqu'une particule chargée traverse un barreau, la matière est ionisée et émet des photons avant de revenir à son état initial. L'énergie perdue par l'ionisation d'un muon produit entre 15 000 et 20 000 photons ultraviolets. Une fibre optique, collée au cœur du scintillateur, capture une partie de ces photons et les guide vers un photomultiplicateur qui produit une impulsion électrique. Ainsi, les muons produisent des photons que le photomultiplicateur convertit en électrons, signal électrique amplifié et mis en forme par un système électronique adapté de l'expérience OPERA (dédiée à l'étude des particules élémentaires nommées neutrinos). Les horloges utilisées pour repérer le passage de chaque muon ont une précision de quelques dizaines de picosecondes. Un ordinateur central collecte les informations provenant des différentes matrices et, dans le cas de la Soufrière, les transmet à l'observatoire volcanologique situé à une dizaine de kilomètres du volcan. Cela permet de mesurer un flux de muons en temps réel et de détecter d'éventuelles variations dues à des changements de conditions à l'intérieur du massif.

 

Le flux de muons décroît quand l'opacité augmente, et la mesure de son atténuation reflète les variations de densité à l'intérieur de l'objet sondé. Pour modéliser les variations de densité dans le volcan, nous résolvons ce que l'on nomme un problème inverse, méthode qui nous permet de déduire l'opacité du volcan du flux de muons l'ayant traversé. La tomographie par analyse du flux de muons nous donne des images de densité avec une résolution d'une vingtaine de mètres.

 

Comment calibrer le détecteur

 

Toutefois, restent encore plusieurs difficultés à résoudre : comment calibrer le détecteur pour obtenir une image de résolution optimale ? Comment évaluer la durée minimale d'enregistrement des données? Et comment déduire du flux de muons enregistré les variations d'opacité du volcan ? D'abord, il est important d'estimer le flux de muons observables, afin d'ajuster la configuration du détecteur.

 

Mais le calcul du flux de muons traversant une montagne nécessite de connaître approximativement la répartition des densités dans cet objet. Pour ce faire, on utilise les connaissances accumulées au fil du temps par les géologues. Bien sûr, on ignore les détails de l'anatomie du volcan, mais l'activité de la Soufrière est suivie depuis longtemps, ses failles et sa cheminée ont été explorées par divers moyens, de sorte que l'on a une idée de la répartition des masses en son sein.

 

Partant de ces données obtenues par d'autres méthodes, on estime le flux en fonction de la position du télescope par rapport à l'objet, de son orientation et de sa configuration. On peut alors évaluer les épaisseurs de roche traversées par les muons pour chacun des angles de vue du télescope. Ces épaisseurs sont ensuite converties en opacité, caractéristique qui détermine le seuil d'énergie minimale nécessaire aux muons pour traverser l'objet sans être absorbés. Le flux de muons détectables correspond alors au flux de muons arrivant à la surface du volcan et dont l'énergie est suffisante pour qu'ils puissent en ressortir.

 

Les radiographies de la Soufrière

 

Qu'avons-nous observé ? De nombreux signes témoignent de l'activité actuelle du volcan : des fractures, des fumerolles, le lac d'acide du gouffre Tarissan et des zones altérées par le système hydrothermal. Nous avons installé notre télescope successivement en trois endroits à l'Est, au Sud et à l'Ouest du volcan. Le fait d'avoir plusieurs points de vue permet de valider l'analyse des données.

 

Les radiographies montrent des zones de très faible densité dans la partie supérieure du volcan ; elles sont associées à la zone active du cratère Sud (nommées rf2 et rs4) et indiquent la présence d'un réseau de cavités (voir le schéma ci-dessous). Elles révèlent aussi une région peu dense (rf4) à la base du dôme, pouvant correspondre à la présence de roches altérées par les fluides hydrothermaux. Les régions de densité plus élevées (par exemple rf1 et rf5) révèlent l'existence de roches non altérées, en particulier de l'andésite mise en place lors de la formation du dôme. Des régions de densités intermédiaires (rf3) correspondraient à des barrières rocheuses localisées entre les réservoirs hydrothermaux.

Densité-moyenne-de-la-Soufrière-450.jpg

 

Nos radiographies présentent une bonne résolution spatiale. Elles ont été comparées à des images obtenues à l'aide d'autres méthodes géophysiques : les différentes images révèlent des structures similaires à l'intérieur du volcan. Par exemple, une tomographie électrique avait été effectuée à travers le dôme, apportant des informations sur les structures superficielles. Ce type d'images est sensible à la présence de fluides conducteurs et révèle les passages où les fluides du système hydrothermal circulent. Cependant, la résolution spatiale de la méthode n'atteint pas celle de la tomographie par analyse du flux de muons.

 

Radiographie-de-la-Soufrière-par-muons-450.jpg

 

Après la réalisation de ces deux radiographies, le télescope est resté installé pendant plusieurs mois sur le même site. Durant ce suivi, nous avons enregistré une augmentation du flux de muons à travers certaines zones du volcan, où l'écran rocheux est tel que seuls les muons de haute énergie le traversent. Or, quand on fait la moyenne du flux de ces muons sur quelques jours, on constate qu'il est constant. Si l'on observe une augmentation du flux, c'est nécessairement que la densité du milieu a diminué.

 

En effet, la région concernée correspond à un site où des fumerolles présentent un regain d'activité. Par conséquent, il est possible qu'à la suite d'une réorganisation de la circulation des fluides à l'intérieur de l'édifice, les roches de la région étudiée se soient appauvries en eau. Cette observation, qui doit être confirmée par des mesures indépendantes, montre l'intérêt de la tomographie par muons pour la surveillance des volcans en continu.

 

Une surveillance en continu

 

Ainsi, l'installation d'un télescope sur les flancs de la Soufrière de Guadeloupe a permis de montrer qu'un détecteur adapté au milieu tropical fournit des radiographies intéressantes des entrailles du volcan. La méthode permet de distinguer les hétérogénéités à l'intérieur de l'édifice. Les nouvelles données accumulées devraient permettre de concevoir des modèles plus précis de l'évolution du volcan. Un suivi régulier de cette évolution devrait révéler les changements internes d'opacité. Géophysiciens et volcanologues pourront-ils alors prévoir d'éventuelles éruptions ? C'est bien sûr ce que nous espérons.

 

Cette expérience a été réalisée sur un volcan de type explosif, mais elle est aussi applicable à des volcans de type effusif, tel l'Etna. Quel que soit le type éruptif d'un volcan, il présente des structures internes plus ou moins denses liées à la présence de cavités, d'une colonne éruptive, de roches massives ou de cendres et de ponces... Nous l'avons souligné, le télescope utilisé à la Soufrière offre de nombreux avantages (résistant, manipulable, précis, etc.), et la méthode permet de tomographier à distance des volcans dangereux, par exemple la Soufrière Hills de Montserrat. Toutefois, la tomographie par muons présente un inconvénient : elle n'est pas applicable partout.

 

Cette technique est bien adaptée au dôme de la Soufrière, qui a un diamètre de l'ordre du kilomètre et dont les pentes sont abruptes. Le flux de muons est suffisant pour obtenir en un mois une série de données exploitables. En revanche, un volcan de type bouclier comme le Piton de la Fournaise, à la Réunion, est moins adapté, car sa base est large de plusieurs kilomètres et ses pentes sont plus douces.

 

Dès lors, le flux de muons est fortement atténué par l'épaisseur de la roche, et il faudrait recueillir les données durant plusieurs mois, voire quelques années, pour commencer à distinguer les structures internes. Lors de l'expérience que nous avons réalisée sur l'Etna, volcan culminant à 3 300 mètres d'altitude, nous avons dû limiter notre étude à l'un des cratères sommitaux, le cratère Sud-Est, dont les dimensions sont comparables à celles de la Soufrière de Guadeloupe.

 

La tomographie par muons serait-elle applicable à d'autres objets que les volcans ? Oui, à condition de pouvoir aligner le flux de muons cosmiques, l'objet et le détecteur. D'autres applications sont envisageables, et un télescope a récemment été installé dans le laboratoire souterrain de l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, IRSN, à Tournemire, pour caractériser les roches présentes au-dessus des galeries.

 

De la Soufrière au suivi des nappes phréatiques

 

La méthode pourrait servir à caractériser le milieu recouvrant des sites de stockage géologique ou à évaluer des ressources minières. Les mesures effectuées en continu sur la Soufrière ont également montré la possibilité d'observer des variations de densité. La méthode permettrait aussi d'évaluer les dimensions de nappes phréatiques et de suivre leurs fluctuations, ou encore de surveiller les sites de stockage de dioxyde de carbone. Cette toute jeune méthode devrait trouver de nombreuses applications !

 

La Soufrière de Guadeloupe est un volcan actif, qui est déjà entré en éruption à diverses reprises. En radiographiant ses entrailles à l'aide de muons, pourrait-on mieux prévoir les risques potentiels ?

 

Pour en savoir plus :


N. Lesparre et al., Density muon radiography of La Soufrière of Guadeloupe : First results and comparison with other tomography methods, Geophys. J. Int., vol. 190, pp. 1008-1019, 2012.

J. Marteau et al., Muons tomography applied to geosciences and volcanology, Nucl. Instrum. Methods A, vol. 695, pp. 23-28, 2011.

N. Lesparre et al., Geophysical muon imaging : feasibility and limits, Geophys. J. Int., vol. 183, pp. 1348-1361, 2010.

J. Paul et J.-L. Robert-Ésil, Le roman des rayons cosmiques, Ellipses, 2009.

P. De Wever et al., Le volcanisme cause de mort et source de vie, Vuibert, 2003.

 

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Ouvrage de 248 pages aux Éditions universitaires européennes (9 novembre 2011)

ISBN-10: 3841780857 ISBN-13: 978-3841780850



[1] Nolwenn LESPARRE est géophysicienne à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, à Fontenay aux Roses. Elle a été lauréate du Prix Le Monde de la recherche universitaire 2012.

[2] Dominique GIBERT est géophysicien à l'Institut de physique du Globe de Paris et professeur à l'Université de Rennes 1. Il coordonne le projet DIAPHANE.

[3] Jacques MARTEAU est physicien des particules à l'Institut de Physique nucléaire de Lyon. Il a travaillé sur les expériences neutrinos OPÉRA et t2k.

04/12/2013

Le palmarès 2013 de l'écologie en France

Le palmarès 2013 de l'écologie en France


Voilà déjà 7 ans que l’hebdomadaire La Vie publie chaque année son palmarès de l’écologie. Objectif : passer au crible les politiques environnementales de chaque département, comparer ces critères identiques aux autres, et établir un classement. Avant de passer à celui-ci, attardons-nous sur la méthode employée et les 8 critères de sélection.

 

  • Il y a d’abord la « consommation durable » qui consiste à rapporter le nombres de magasins durables (bio, équitable, AMAP) au nombre d’habitants de chenue zone étudiée.
  • Il y a ensuite la protection de la biodiversité : quelle est la superficie d’espaces protégés dans les départements ? Les oiseaux et les papillons sont-ils en nombre satisfaisant ?
  • Vient alors le critère de la place accordée à l’agriculture bio : nombre de cultivateurs, part du bio, etc.
  • La gestion des déchets est bien entendu un critère primordial pour établir un tel classement : volume collecté, nombres de sites pollués…
  • La Vie prend aussi en compte, pour chaque division du territoire, la part d’habitants concernés par la mise en place d’un Agenda 21.
  • La part d’énergies renouvelables (solaire, éolien ou biogaz) dans le mix énergétique des départements est également prise en compte.
  • Enfin, qualité de l’air et qualité de l’eau sont les dernières variables qui entrent en considération.

 

Pour chacun de ces critères, l’hebdomadaire s’appuie sur des rapports provenant des ministères, des départements, des agences nationales ou d’associations spécialisées.

 

Sur la carte interactive du projet, on constate ainsi que si le Nord-Est semble être la zone du pays qui se conforme le moins au développement durable (et on inclue là toute la région parisienne), le Sud-Ouest (avec la Haute-Garonne, les Pyrénées-Orientales et la Gironde, qui occupent respectivement les 3 premières places) et la Bretagne (dont les 4 départements font partie des 12 mieux classés) apparaissent comme les meilleurs élèves.

 

Même s’il éclaire sur le chemin qu’il reste encore à parcourir pour devenir un pays exemplaire en matière d’environnement, il convient parfois de mesurer son enthousiasme : le Finistère, 4ème du classement, est pourtant 86ème (sur 96) sur le critère de la qualité de l’eau. Les Pyrénées-Orientales, brillant 2ème, sont pourtant 91èmes lorsqu’il s’agit de protéger la biodiversité.

 

Cette mesure est également valable pour les mal classés. Le Territoire de Belfort, 86ème au général, est pourtant 2ème quant à la gestion de ses déchets, et 7ème pour la qualité de son eau. La Seine-Saint-Denis, classée 89ème, est pourtant le 4ème meilleur élève du pays pour la mise en place de l’Agenda 21.

Découvrez le palmarès département par département en cliquant sur la carte interactive ci-dessous et en navigant département par département.

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En complément à cette étude comparative, on pourra consulter le plan national de prévention des déchets 2014-2020.

 

29/11/2013

Nos jardins à la loupe

Un vrai travail scientifique : devenez observateurs et participez à préserver l'environnement

 

Le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement  (CPIE) du Haut-Jura propose de passer nos jardins à la loupe en participant au comptage des oiseaux cet hiver. Tous à vos jumelles !

 

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Mésange bleue



Moineaux, merles, rouges-gorges, mais aussi chardonnerets élégants, sittelles et autres gros becs, vous deviendrez bientôt incollables sur les oiseaux qui peuplent notre région. C'est en tout cas ce qu'espère le CPIE qui cherche à constituer un réseau d’observateurs volontaires en Franche-Comté pour rassembler des données sur les oiseaux des jardins.

On dénombrerait 16 espèces localement. Le principe et simple : que vous soyez petits ou grands, expérimentés ou débutants, installés en ville ou à la campagne : il suffit d'installer une mangeoire chez soi, puis de nourrir, observer et recenser nos amis à plumes. Le résultat des observations doit ensuite être reporté sur le site de Nos jardins à la loupe.

L'opération a lieu jusqu'en mars. À noter qu'un autre observatoire des papillons ouvrira ses portes au printemps 2014.

 

Bain hygiénique des chardonnerets élégants

28/11/2013

Suspension de l’écotaxe : les collectivités locales devront payer

Suspension de l’écotaxe : les collectivités locales devront payer

 

Le ministre de l’écologie Philippe Martin a déclaré ce matin que l’écotaxe, dont les ressources doivent être en partie reversées aux finances publiques locales, serait vraisemblablement suspendue tant que la fiscalité globale n’aura pas été remise à plat. Alors que le Premier ministre se rend aujourd’hui au salon des maires, cette annonce repousse la mise en place du dispositif à une date lointaine et incertaine privant de fait les collectivités locales de précieuses ressources. Explications de France Nature Environnement.


L’écotaxe sur la voie de garage

Le 29 octobre dernier le Premier ministre annonçait la suspension sine die de l’écotaxe dont le lancement était prévu le 1er janvier 2013. Alors que le dispositif était initialement programmé en 2011, ce nouveau report, faisait suite au mouvement de contestation en Bretagne. L’écotaxe ne semblait pas enterrée pour autant puisque dans le même temps le gouvernement proposait l’organisation d’une concertation avec les différentes parties prenantes pour redéfinir ses modalités d’application. Cette nouvelle annonce remet donc en cause un peu plus l’avenir de l’écotaxe puisqu’elle adosse sa mise en place à une réforme dont on ne connaît ni l’échéance ni l’issue.

Des ressources supprimées pour des collectivités locales déjà exsangues

L’écotaxe doit faire payer les camions pour l’utilisation d’infrastructures routières dont ils disposent aujourd’hui gratuitement sur le réseau national et local et qu’ils dégradent fortement. Cette application du principe d’utilisateur-payeur doit fournir plusieurs centaines de millions d’euros par an, aux collectivités pour l’entretien de ces routes.

Pour Michel Dubromel, responsable Transports et Mobilités Durables à France Nature Environnement « Alors que les finances publiques locales sont dans le rouge, se priver de tels moyens est une aberration totale. Ne soyons pas dupes, si ce ne sont pas ceux qui dégradent et qui polluent qui paient, l’addition reviendra aux collectivités c'est à dire aux contribuables ! Supprimer l’écotaxe signifie une hausse des impôts locaux, ni plus ni moins. A quelques mois des élections municipales, cette décision semble un bien mauvais calcul politique. »

France Nature Environnement demande au gouvernement d’engager au plus vite la concertation prévue sur l’écotaxe avec toutes les parties prenantes, transporteurs, chargeurs, syndicats, collectivités et la société civile, et de maintenir sa mise en œuvre au 1er janvier 2014.

24/11/2013

Ours noirs : photo de famille

ours noir,mammifères,usa,canadaOurs noirs : photo de famille

 

Les ours noirs ont généralement deux petits, rarement, un ou trois. Au printemps 2007, dans le nord du New-Hampshire[1], une ourse noire a donné naissance à cinq jeunes en bonne santé.

 

On connaît deux ou trois cas de naissance de quadruplés,mais des quintuplés c'est extraordinaire.

 

Le photographe a été prévenu de ce cas dès que les oursons sont sortis de leur tanière et n'a eu de cesse que de vouloir photographier les cinq oursons avec leur mère. Il savait qu'ils suivaient assez régulièrement la même piste, généralement peu de temps avant la nuit.

 

Après avoir passé près de quatre heures par jour, sept jours par semaine, pendant plus de six semaines, il eut cette opportunité unique de les photographier. Il a utilisé un appareil photo numérique à une vitesse très rapide. L'image est bien cadrée et bien exposée, avec les six ours posant comme s'ils étaient dans un studio pour un portrait de famille.

 

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Le photographe est resté en contact avec d'autres personnes qui ont vu les ours durant l'été et la saison de chasse à l'automne . Tous les six ours ont continué à prospérer. Comme le temps pour l'hibernation approchait, il est resté sur place jusqu'à fin octobre, mais sans succès de rencontre.

 

De retour au printemps 2008, après la fonte des neiges, il eut la chance d'observer les six ours sortant de leur tanière et parcourant le même territoire familier qu'au printemps 2007.

 

Le 25 avril 2008, il eut la chance de pouvoir renouveler une photo de toute la famille.

 

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[1] État dans la région de la Nouvelle-Angleterre du Nord-Est des États-Unis, bordé à l'ouest par le Vermont et au nord par la province canadienne du Québec.

23/11/2013

Pesticides : Les dérogations ne sont pas des passe-droits

Pesticides : Les dérogations ne sont pas des passe-droits

par Boris Bellanger

(Science & Vie n° 1155 décembre 2013 p. 42)


Chassez les pesticides par la porte, ils reviennent par la fenêtre ! De fait, ils ont beau ne plus être autorisés en Europe, de nombreux produits phytosanitaires sont encore utilisés... en toute légalité. Comment ? Grâce aux dérogations permises par la réglementation européenne, qui prévoit qu'un état peut autoriser, pour une période n'excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytosanitaires interdits "lorsqu'une telle mesure apparaît nécessaire à cause d'un danger [insectes, parasites...] qui ne peut être contenu par aucun autre moyen raisonnable".


Or, ces dernières années, le nombre de dérogations a explosé en Europe : d'une cinquantaine en 2007, il est passé à 261 en 2012, après un pic à 320 en 2010. Au point qu'un guide de bonnes pratiques a été rédigé par la Commission européenne en février 2013 afin de rappeler que ce recours "devrait être exceptionnel [...] et ne doit pas compromettre l'application de la réglementation ", dont le but est " d'assurer un haut niveau de protection pour la santé des hommes, des animaux, et pour l'environnement".


La France est particulièrement visée : en 2010 et 2011, c'est elle qui a délivré le plus de laissez-passer. Si, dans la majorité des cas, ces autorisations portent sur des pesticides autorisés dans un pays mais pas dans un autre, elles concernent aussi des produits bannis du fait de leur dangerosité. Ainsi, en 2012, la France a accordé par trois fois une dérogation pour la mise sur le marché du 1,3-dichloropropène, un fumigène interdit car hautement toxique, et probablement cancérigène.

 

Problème : s'il est possible de savoir quels principes actifs ont fait l'objet d'une autorisation exceptionnelle — en épluchant les comptes-rendus de séances de la Commission européenne —, aucune information n'est en revanche donnée sur les quantités employées, ni les cultures concernées. Difficile, dans ces conditions, d'estimer le niveau d'exposition des agriculteurs ou de la population à ces pesticides non autorisés.

 

La France affectionne aussi les dérogations lorsqu'il s'agit d'employer des techniques proscrites. Interdits depuis 2009, les épandages aériens n'ont ainsi pas disparu du paysage. Certes, d'après le ministère de l'Agriculture, les surfaces ainsi traitées ont chuté de 70 % entre 2008 et 2012. Mais elles représentaient encore près de 55 000 ha l'an dernier (maïs, riz, vignes, et surtout bananes). Aux Antilles, déjà touchées par le scandale sanitaire du chlordécone, ce fongicide utilisé dans les bananeraies jusqu'à son interdiction en 1993 et incriminé dans la flambée, outre-mer, de certains cancers (prostate, sang), 80 % des surfaces plantées en bananes sont traitées par épandage aérien. Les procès s'y multiplient pour annuler les dérogations accordées par les préfets.

 

Un rapport du Sénat publié fin 2012, qui qualifiait la dérogation pour les épandages aériens d'"exception insuffisamment exceptionnelle", préconisait de "mettre fin aux dérogations au principe général d'interdiction "et, en attendant, de "doubler les distances de sécurité [entre le bord du champ traité et les premières habitations] en les portant de cinquante mètres, distance quasi symbolique, à cent mètres ".


Ces propositions n'ont pas été retenues dans le nouveau projet d'arrêté sur les épandages aériens, qui prévoit toujours la possibilité de dérogations et une distance de sécurité de 50 mètres... Au vu du rapport publié par l'Inserm en juin 2013, qui associe l'exposition professionnelle aux pesticides à la maladie de Parkinson ou à certains cancers, il serait peut-être temps d'arrêter de considérer qu'il est interdit d'interdire, et de mettre un terme aux dérogations.

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21/11/2013

Contamination des lacs alpins par le plastique

Les lacs des Alpes sont contaminés par le plastique

 

On les perçoit comme des sanctuaires naturels préservés... En réalité, les lacs de montagne pourraient bien être aussi contaminés par les déchets plastiques que les océans. C'est ce qu'indique une étude menée au lac de Garde, dans les Préalpes italiennes : l'analyse des sédiments des plages y a révélé la présence de microparticules de plastique aussi nombreuses que celles trouvées dans des sédiments marins. Ces microdéchets, qui proviennent de la fragmentation de plastiques issus de produits de consommation, peuvent être ingérés par des invertébrés d'eau douce... et contaminer toute la chaîne alimentaire.

 

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Les microparticules plastiques peuvent contaminer l'environnement

© gentlemanrook Decoded Science

 

La présence de microparticules de plastique dans les lacs subalpins se révèle aussi importante que dans les océans. Comment la vie dans les lacs d'eau douce s'en trouve-t-elle affectée ?

 

Une équipe de chercheurs allemands a réalisé une étude sur la pollution causée par les microparticules de plastique dans les sédiments des plages du lac de Garde (région subalpine, Italie). Les résultats ont montré que le niveau de contamination est comparable à celle des écosystèmes marins. Cette présence est préoccupante pour les implications possibles sur les biotopes d'eau douce.

 

Pollution par microparticules plastiques


La pollution de l'environnement en raison des déchets de matières plastiques est un problème très grave, ce qui suscite une préoccupation croissante. Un des dangers liés à la pollution plastique est la formation de microparticules plastiques ; Ce sont des morceaux de plastique millimétriques, issus de la dégradation partielle des plus grands objets en plastique, de diamètre inférieur à 1 mm jusqu'à 5 mm.

 

Microplastiques : Danger pour l'environnement


Plusieurs études montrent les dangers que les microparticules de plastique peuvent causer à l'environnement ; dans la majorité de ces cas, cependant, les chercheurs ont étudié le degré de pollution dans les écosystèmes marins et les conséquences sur les biotopes marins. Il existe peu ou pas d'information sur différents environnements, tels que les écosystèmes d'eau douce.

 

 

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Plages du lac de Garde

©Simone Cetoli

 

Étude des sédiments du lac de Garde


Des chercheurs de l'Université de Bayreuth (Allemagne) ont réalisé une étude sur la pollution des microparticules plastiques des sédiments de plage du lac de Garde, un lac subalpin du nord de l'Italie. Ce lac est utilisé comme une source d'eau potable ; de plus, c'est une des destinations touristiques les plus populaires, aussi bien pour les Italiens que pour les touristes des pays nord-européens.

 

Les chercheurs de Bayreuth ont travaillé en collaboration avec l'Université Ludwig-Maximilians (Munich, Allemagne) et la Technische Universität München. Ils ont publié les résultats dans Current Biology le 7 octobre 2013. L'étude faisait partie d'un projet qui met l'accent sur la pollution plastique et microplastique des systèmes européens limnétiques (lacs et rivières).

 

Contamination des sédiments : une pollution surprenante


Le professeur Christian Laforsch, du département d'écologie animale de l'université de Bayreuth, l'un des scientifiques impliqués dans l'étude, commente les résultats :

« Nous avons commencé notre étude d'un lac subalpin, en ayant dans l'idée qu'il serait moins pollué, surtout avec les microplastiques. Les résultats, cependant, se révélèrent très surprenants, puisqu'ils montraient un niveau de contamination comparable à celui observé dans les sédiments des plages marines. Pour donner quelques chiffres, sur deux plages sur la rive nord du lac, nous avons détecté 1108 ± 983 microparticules plastiques / m2. La rive sud était moins contaminée, probablement en raison du vent dominant ; encore, nous avons trouvé 108 ± 57 microparticules plastiques / m2. »


Différentes matières plastiques


Par microspectroscopie Raman, une technique permettant la caractérisation des matériaux de la gamme micrométrique, l'équipe a pu identifier la nature des microplastiques. Les spectres acquis ont été comparés avec des échantillons de référence.

 

Les principaux matériaux détectés dans ces microparticules de plastique sont des polymères de faible densité, comme le polystyrène (45,6 %), le polyéthylène (43,1 %) et le polypropylène (9,8 %). En outre, même les plus petites particules (dimensions entre 9 et 500 µm), de polyamide et de polychlorure de vinyle ont aussi été détectées. Ces résultats sont particulièrement inquiétants, puisque le chlorure de polyvinyle est considéré comme l'un des cinq polymères les plus toxiques.

 

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Les bouteilles en plastique, l'une des sources de microplastiques

©Samuelalove Detected Science

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Origine de ces microplastiques


D'après le Professeur Laforsch : « Ces microplastiques peuvent provenir de diverses sources : décombres de l'enfouissement, déversement illégal et activités industrielles ; les objets simplement rejetés dans l'environnement peuvent également être une source. En général, cependant, la majorité des particules que nous avons trouvées provenait de produits de post-consommation. Certaines pièces pourraient provenir de jouets en plastique, d'équipement de sport d'eau, de sacs et de bouteilles en plastique, etc. »


Conséquences pour l'environnement


La présence de pollution par microplastiques dans les lacs d'eau douce comme le lac de Garde a des incidences significatives sur l'environnement. Selon le Professeur Laforsch : « Ces résultats montrent que nous devons reconsidérer certaines de nos idées sur la pollution par les microplastiques. Comme les océans, les écosystèmes d'eau douce tels que les lacs ne sont pas à l'abri d'une telle pollution. Compte tenu de la taille des microparticules plastiques contenues dans les sédiments, on peut supposer qu'elles peuvent être incorporées dans les réseaux trophiques des divers organismes limnétiques, comme ce qui se passe dans les écosystèmes marins. Le processus peut également conduire à la bioaccumulation et ses conséquences à long terme. Les produits chimiques associés aux plastiques sont toxiques, ils ont des effets cancérigènes et agissent comme des perturbateurs endocriniens, La découverte de ces microdéchets suggère qu'ils doivent se trouver en quantité encore plus importante dans les lacs et les cours d'eau des vallées. Il est donc crucial d'identifier les organismes les plus vulnérables. Il est donc nécessaire de surveiller attentivement cette contamination dans les systèmes d'eau douce. »


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© Science & Vie décembre 2013



Sources :

Imhof Hannes K., Ivleva Natalia P., Schmid Johannes, Niessner Reinhard and Laforsch Christian (2013). -  Contamination of beach sediments of a subalpine lake with microplastic particles. Current Biology, 23(19) 867-868.

 

Piccirillo C. (2013). -  Microplastic Particle Pollution in Subalpine Lake, Decoded Science.

 

08/11/2013

Prix Pinocchio 2013 : Veolia, Areva et Auchan

Prix Pinocchio 2013 : les pires menteurs de l’année sont... Veolia, Areva et Auchan

 

Publié le 21/11/2013 par La Voix du Nord

 

Ce n’est pas beau de mentir ! Les Prix Pinocchio, organisés par les Amis de la Terre, en partenariat avec Peuples Solidaires, « récompensent » les entreprises ayant le mieux menti dans l’année. Plus de 41 000 internautes ont participé au vote de l’édition 2013, qui a été décerné à Veolia, Areva et Auchan.

 

Avec 50 % des votes, le Prix Pinocchio de la catégorie « Mains sales, poches pleines » a été décerné à Auchan. Ce prix est décerné à l’entreprise ayant mené la politique la plus opaque au niveau financier, en termes de lobbying, ou dans sa chaîne d’approvisionnement. Selon les Amis de la Terre, « le numéro 2 de la grande distribution en France refuse de reconnaître sa responsabilité et de participer à l’indemnisation des victimes de l’effondrement des usines textiles du Rana Plaza au Bangladesh, alors que des étiquettes de ses vêtements ont été retrouvées dans les décombres de cet accident qui a fait 1133 morts ». Auchan a admis qu’une partie de sa production y avait été sous-traitée de manière informelle, et s’en dit victime. Pour les Amis de la Terre, « les entreprises donneuses d’ordre, comme Auchan, imposent à leurs fournisseurs des conditions intenables qui favorisent le phénomène de sous-traitance informelle ».

 

Veolia a reçu le Prix Pinocchio dans la catégorie « Une pour tous, tout pour moi », pour son implication dans des projets de privatisation de l’eau en Inde. Alors que la multinationale se présente en héros apportant l’eau aux pauvres, sur le terrain les échos sont bien différents : augmentation des tarifs, opacité des contrats, conflits avec les villageois et les élus locaux.

 

Dans la catégorie « Plus vert que vert », Areva remporte le Prix Pinocchio pour son projet Urêka, musée à la gloire des mines d’uranium, sur le site d’anciennes usines du Limousin, qui ont laissé un lourd passif environnemental et sanitaire.

06/11/2013

La biodiversité éclairant le monde

 La biodiversité éclairant le monde

par Jean-Louis Romand


Le lierre, une plante de grande valeur biodiversitaire :Le gite et le couvert pour toute une microfaune.
Plantez donc un lierre dans votre beau jardin et observez-le de très près !

 

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Jungle d'eau douce, la vie secrète des gravières

 Jungle d'eau douce, la vie secrète des gravières

un film de Serge Dumont 

Armé de sa caméra, Serge Dumont, plongeur et biologiste, enseignant à l'Université de Strasbourg, filme les milieux aquatiques de la plaine du Rhin.
Son film "Jungle d'eau douce", plusieurs fois primé en France et en Allemagne, diffusé par Arte, nous invite à plonger dans le monde à la fois méconnu, fascinant et magnifique d’une gravière en Alsace.
 
À l’abri des regards, cette gravière s’est transformée en un refuge pour de nombreuses espèces dont certaines rarissimes.
 
Des images à couper le souffle et des prises de vues subaquatiques comparables par leur richesse et leur qualité à celles des zones aquatiques tropicales et qui montrent au spectateur à quel point la richesse de la nature sous nos latitudes mérite d’être redécouverte et protégée.
 
et pour vous mettre l'eau à la bouche :


 
 
http://www.universcience.tv/video-les-amphibiens-5353.html

 

http://www.universcience.tv/video-les-bryozoaires-5351.html

 

http://www.universcience.tv/video-le-brochet-5340.html

 

http://www.universcience.tv/video-le-bestiaire-des-zones-...

 

http://www.universcience.tv/video-le-grebe-amoureux-5338....

 

http://www.universcience.tv/video-que-font-les-poissons-e...

 

http://www.universcience.tv/article-jungle-d-eau-douce-le...

 

http://www.universcience.tv/video-l-anguille-au-long-cour...

 

http://www.universcience.tv/video-la-crevette-rouge-sang-...

 

http://www.universcience.tv/video-mangeons-les-carpes-534...

 

http://www.universcience.tv/video-qu-est-ce-qu-une-gravie...

 

http://www.universcience.tv/categorie-jungle-d-eau-douce-...

Vidéo : le Blaireau, petit ours de nos campagnes

Le Blaireau, petit ours de nos campagnes

Voir la vidéo

 

Autre vidéo : MNHN et Tour de France de la diversité

04/11/2013

Stage de permaculture à Froidevaux

Stage de permaculture à Froidevaux

 

Ce stage de permaculture est co-organisé par une nouvelle association créée pour l'occasion (en fait le potager d'une curieuse avec quelques amis) et Bernard Alonso, permaculteur canadien qui est déjà venu à Besançon en 2012.

 

La permaculture est un ensemble de pratiques et de modes de pensée visant à créer une production agricole soutenable, très économe en énergie (travail manuel et mécanique, carburant...) et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques. Elle vise à créer un écosystème productif en nourriture ainsi qu'en d'autres ressources utiles, tout en laissant à la nature "sauvage" le plus de place possible.

 

Elle utilise des notions d'écologie, de paysagisme, d'agriculture biologique, de biomimétisme, d'éthique, de philosophie et de pédologie. La permaculture invite à mettre ces aspects théoriques en relation avec les observations réalisées sur le terrain.

 

La base de la permaculture n'est pas uniquement d'analyser les éléments constitutifs d'un système individuellement, mais aussi de prendre en compte leurs interactions, dans le but de produire une compréhension de l'écosystème dans l'optique d'une utilisation par l'Homme.

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03/11/2013

Vidéo : l'ourse Hvala et ses deux oursons

Une vidéo exceptionnelle de l'ourse Hvala et ses deux oursons de l'année
 

C'est probablement la plus belle vidéo depuis les derniers lâchers d'ours en 2006 dans les Pyrénées : l'ourse Hvala et ses deux oursons nés en 2013 filmés en plein jour près d'un arbre équipé d'une caméra automatique du réseau Ours brun.

Des images exceptionnelles qui répondent d'elles-mêmes aux démagogues qui présentent le retour de l'ours comme un échec ...

 

Voir la vidéo

02/11/2013

Le premier cerveau éprouvette

Le premier cerveau éprouvette


par Aude Rambaud

(Science & Vie n° 1154, novembre 2013, pp. 92-95)

 

À première vue, ce n'est qu'un petit amas de cellules. Une sphère d'à peine 4 millimètres de diamètre, maintenue en suspension dans un liquide transparent. Rien, dans l'apparente insignifiance de cet objet biologique, ne laisse présager son importance. Et pourtant ! Prévenu de sa véritable nature, l'observateur ressent une indicible émotion. Car ce qu'il a sous les yeux, flottant dans une petite boîte, n'est ni plus ni moins que le tout premier embryon de cerveau humain cultivé en laboratoire. Une réplique vivante du futur organe de la pensée, comme il se présente chez un fœtus d'un peu plus de deux mois. Un choc ! Un choc et... une incroyable prouesse, que l'on doit aux chercheurs de l'Institut de biotechnologie moléculaire de Vienne (Autriche).

 

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Encapsulés dans des microbilles de gel nutritif (à droite) placées en suspension dans un incubateur (à gauche), des amas de cellules souches ont donné naissance à un embryon de cerveau humain (ci-dessous, en coupe)

 

Mini-Cerveau_coupe-450.jpg


À l'origine de cet exploit, il y a les dernières découvertes en matière de cellules souches, ces cellules capables de donner naissance à tout type de tissu ou d'organe, et dont les potentialités ne laissent d'impressionner. Ainsi, à partir de quelques cellules de peau prélevées sur un donneur et génétiquement "reprogrammées" au stade de cellules souches, les chercheurs ont obtenu, deux mois et demi plus tard, la réplique quasi parfaite du cerveau du donneur... tel qu'il devait être aux prémices de son développement embryonnaire, après neuf semaines de gestation. "C'est un travail magnifique", commente, admiratif, Étienne Hirsch, directeur adjoint du Centre de recherche de l'institut du cerveau et de la moelle épinière (Paris). Pas de doute, la "fabrication" in vitro de l'organe le plus complexe du corps humain, même à un stade primaire, repousse les frontières du possible. En même temps qu'elle interroge les limites de la culture d'organes.

 

Des matrices pour organes

 

Le pari fou des chercheurs autrichiens n'était pourtant pas gagné d'avance. Certes, depuis le milieu des années 2000, les biologistes maîtrisent de mieux en mieux les cellules souches. Ils savent guider leur transformation, par des techniques de mise en culture, pour qu'elles donnent toutes les sortes de lignées cellulaires qui composent un être humain : cellules cardiaques, musculaires, pancréatiques... ou même neuronales. Mais sans support "physique", les cellules souches se bornent à former de simples tapis biologiques. Dans le même temps, d'autres équipes ont donc mis au point des matrices, sortes de charpentes pour culture cellulaire en trois dimensions, qui ont déjà permis de faire pousser in vitro des copies plus ou moins parfaites d'organes, comme la vessie, les vaisseaux sanguins ou le foie.

 

Presque comme un vrai !

 

Étant donné sa complexité, le cerveau restait toutefois hors de portée. Principale difficulté ? Il est constitué de neurones aux formes différentes et de cellules de soutien (cellules gliales) qui s'imbriquent les unes dans les autres. Un puzzle d'une précision telle qu'il semblait impossible à reproduire. "Les précédentes tentatives avaient abouti à des ensembles de neurones de même type. Cette fois, nous avons un véritable petit organe en développement, présentant tous les aspects d'un cerveau in vivo, malgré une organisation un peu anarchique ", estimait Jürgen Knoblich, auteur des travaux, lors de la présentation des résultats.

 

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Le cortex embryonnaire a une structure identique in vivo (à droite) et in vitro (à gauche), même si l'organisation des cellules y est anarchique

 

Le secret ? Il ne réside pas dans le matériel biologique utilisé. En effet, les chercheurs autrichiens s'en sont tenus aux cellules souches classiquement obtenues. Lesquelles, mises en culture, se sont notamment différenciées en neuroectoderme, le tissu à l'origine du cerveau. Jusqu'ici, rien de vraiment neuf. Puis, les chercheurs ont découpé des fragments de ce tissu, qu'ils ont encapsulés dans des microbilles de gel nutritif contenant toutes les substances nécessaires à la croissance et au développement des cellules en culture. Voilà l'une des premières astuces. "L'utilisation de microbilles à la place d'une couche de gel au fond d'une boîte a amélioré l'adhérence entre les cellules", explique Mathilde Girard, de l'Institut des cellules souches I-Stem d'Évry.

 

Ensuite, et c'est là qu'est la véritable clé du succès, ils ont utilisé un bioréacteur tournant, une sorte d'incubateur qui a placé les microbilles en état de suspension permanente. "C'est la grande nouveauté du dispositif, s'enthousiasme la chercheuse. Les billes en suspension contournent le problème de la gravité. Lorsque les cellules commencent à former un amas au sein de la capsule de gel, elles ne se déforment pas et ne retombent pas comme dans une boîte de Pétri. En outre, cette mobilité permet d'améliorer l'oxygénation des cellules. "Autrement dit, c'est en se rapprochant des forces mécaniques exercées sur ces cellules durant une grossesse que les chercheurs ont triomphé.

 

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Frottements, gravité, mouvement... Le résultat de cette modification de l'environnement est étonnant. Dans leurs microbilles, les cellules se multiplient, se différencient et s'organisent de façon totalement autonome. Comme si les cellules avaient en mémoire le plan à respecter pour aboutir à un cerveau, avec des régions cérébrales bien distinctes : cavités remplies de liquide qui donneront les ventricules et le liquide céphalo-rachidien, couches internes du cortex cérébral avec neurones différenciés, plexus choroïdes produisant le liquide céphalo-rachidien, ou encore tissu rétinien chez environ 10 % des embryons de cerveau. Autant de structures présentes in vivo et qui montrent même des traces d'activité électrique identiques... "Certaines étapes du développement sont tout à fait semblables à ce qui se passe in vivo. Néanmoins, l'organisation spatiale au sein de ces régions, anarchique, ne reproduit pas l'architecture réelle d'un cerveau", tempère Jean Bernard Manent, chercheur à l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée, à Marseille.

 

Un développement bloqué à neuf semaines

 

Cette première étape franchie, le cerveau n'a cependant pas continué à se développer. Pourquoi ? Les chercheurs ont bien essayé de pousser plus loin l'expérience, en laissant leur culture dans l'incubateur au-delà de neuf semaines... Mais si le mini-cerveau a pu survivre pendant plusieurs mois, l'absence de circulation sanguine, source d'oxygène et de nutriments, a empêché sa croissance. "Sans système vasculaire, le développement s'arrête rapidement. Or, il semble impossible de le reconstituer, car il faudrait pour cela reproduire la totalité de l'embryon in vitro ", explique Mathilde Girard.

 

Ces travaux n'en intéressent pas moins les médecins, qui espèrent utiliser ces cerveaux embryonnaires pour tester la toxicité de certains médicaments lors des premiers mois de la grossesse, ou étudier des pathologies liées au développement cérébral à partir des cellules d'un individu malade. Ils nous font pénétrer plus loin que jamais dans les coulisses de l'être humain en formation. L'homme parviendra-t-il un jour à créer en laboratoire un véritable cerveau humain parvenu à son stade adulte de développement ? L'avenir le dira. Mais l'idée, à la fois fascinante et effrayante, ne relève plus tout à fait du domaine de la science-fiction.

 

L'informatique aussi modèle le cerveau

 

In vitro ou in silico ? Modéliser le cerveau humain pour tester sur lui de futurs médicaments, c'est aussi l'un des objectifs poursuivis par le Human Brain Project. Cet autre projet fou compte reproduire, à l'aide de simulations informatiques, le fonctionnement cérébral d'ici dix ans (voir Science & Vie n° 1145, p. 44). Près de 80 instituts de recherche européens et internationaux regroupent et analysent actuellement toutes les données disponibles : biologiques, cliniques, issues de l'imagerie, etc. À terme, cette cartographie devrait permettre de reconstituer les circuits neuronaux, de modéliser certaines maladies neurologiques ou encore de tester des molécules. Si la majeure partie des recherches concerne le cerveau adulte, il est prévu d'ajouter au projet des données sur le développement cérébral, grâce à des clichés de cerveaux d'enfants prématurés ou plus âgés.

 

Quatre dates importantes sur ce sujet

 

1998 : découverte des cellules souches embryonnaires (CSE) chez l'Homme.

2006 : création de cellules souches induites, dites iPS, à partir de cellules de peau.

2009 : culture de neurones fonctionnels en laboratoire à partir de CSE.

2013 : fabrication du premier embryon de cerveau humain à partir de cellules iPS.

11/10/2013

Mine claire. Des paysages, des techniques et des hommes.

Mine claire.
Des paysages, des techniques et des hommes.
Les techniques de préparation mécaniques des minerais en Franche-Comté, 1500-1850.
 


Hélène Morin-Hamon nous invite à découvrir la complexité de ces ateliers où les ouvriers utilisaient des machines hydrauliques comme le "patouillet" dont la fonction était de transformer le minerai de fer en "MINE CLAIRE".


Abondamment illustré et documenté, ce livre rend compte d'un programme inédit de recherche en archéologie et histoire des techniques. Il démontre que loin d'être une activité annexe, le traitement des minerais de fer constituait une industrie à part entière, grande dévoreuse d'eau et source d'innovations.



Au fil des pages, cet ouvrage dévoile d'étonnants paysages multiformes témoins de ces activités ancienne et nous convie à comprendre comment la préparation mécanique des "mines" s'est enrichie dans l'espace et dans le temps aussi bien en Europe que dans d'autres régions françaises.



L'auteur, qui a soutenu en 2003 une thèse sur cette thématique à l'Université de Franche-Comté, nous offre en fin d'ouvrage un glossaire de termes glanés au cours de ses nombreuses années de recherche.

 

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Bulletin de souscription [PDF - 1 Mo]

10/10/2013

Nicole Le Douarin : Les cellules souches, porteuses d’immortalité

Nicole Le Douarin : Les cellules souches, porteuses d’immortalité


Livre présenté par Alain Prochiantz lors de la Séance publique de l’Académie des sciences du 13 novembre 2007.


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Le livre s’ouvre sur l’immortalité, celle des hydres, métazoaires à 2 feuillets embryonnaires. La figure d’Abraham Trembley est évoquée, celle de Charles Bonnet aussi. Les hydres sont-elles des plantes pour se multiplier par bourgeonnement ? Non, elles bougent et ont un système nerveux, les animaux aussi peuvent bourgeonner ; bourgeonner et régénérer. C’est ainsi que la réflexion sur les cellules souches se place d’emblée du côté de la régénération, d’une régénération naturelle. La vie c’est la mort, la destruction de la vie, c’est aussi la création de vie, en parallèle, comme le disait Claude Bernard dans Les phénomènes communs aux animaux et aux végétaux, déjà ! Car la régénération n’est pas réservée aux métazoaires inférieurs, on la trouve aussi chez les vertébrés. Dramatique parfois, comme chez les salamandres qui reconstruisent des fragments entiers de la moelle épinière ou du cerveau, significative chez le poisson qui régénère ses nageoires, silencieuse mais réelle chez tous les organismes vivant qui renouvellent la peau, les cellules sanguines, tous les tissus à vrai dire, jusqu’à certaines populations cellulaires du bulbe olfactif ou de l’hippocampe, dans le cerveau.

 

 C’est à travers cette étude comparée, comme on parle d’anatomie comparée, de la régénération, donc en faisant appel à tous les organismes des plus modestes, l’hydre ou le ver, C. elegans, jusqu’à l’homme que Nicole Le Douarin pose, avec son extraordinaire, à vrai dire unique, connaissance de la physiologie, du développement, et de l’histoire de la biologie, la question des cellules souches. Avec sérieux, aussi ; ceux qui cherchent le spectaculaire et le fracassant peuvent se passer de lire l’ouvrage, ceux qui veulent s’instruire et comprendre ce que sont les cellules souches doivent prendre le temps de le lire. Ce que sont les cellules souches est, en effet, en soi, une question importante aux solutions fragmentées. Sont-ce des cellules totipotentes restées quiescentes ? Sont-ce des cellules différenciés qui se dédifférencient pour réacquérir de la totipotence ? Chaque organe au sens large, a-t-il son contingent de cellules souches spécifiques capables de reconstituer cet organe, ou des parties de cet organe : cellules souches hématopoïétiques ou cellules souches neurales ? Autant de questions abordées par l’auteur avec précision mais aussi honnêteté, c’est un livre qui sait écrire, « on ne sait pas ». Même si parfois on pense savoir, mais la grâce l’emporte toujours, laissant à une équipe qui s’est probablement fourvoyée, le bénéfice du doute. Peu probable, en effet, que, par exemple, des cellules souches hématopoïétiques donnent du tissu nerveux, ou l’inverse. Mais pas de condamnation, juste la reconnaissance d’une marche difficile dans un contexte qui, parfois, pousse à prendre ses désirs pour la réalité, le plus souvent en toute bonne foi. Ce qui, Nicole Le Douarin, nous le rappelle ne remet pas en cause les cas de trans-différenciation, mais, jusqu’à nouvel ordre, au sein d’un même tissu. De même qu’il n’y a pas une physique pour construire les ponts et une autre pour rendre compte de leur affaissement, la connaissance des fonctions normales des cellules souches ouvre la voie à une compréhension des pathologies associées à leur dérèglement. Un exemple, un seul, car le livre est si riche, que je suis obligé de conduire une opération « tapas », celui du cancer et de l’ouverture vers une origine possible de certaines tumeurs, à trouver dans la transformation de cellules souches. Le concept de cellules souches tumorales, à cibler pour toute guérison définitive, est devenu central en cancérologie. Au-delà, les cellules souches sont, évidemment, des outils extraordinaires pour traiter nombre de pathologies. On sait, et Nicole Le Douarin nous le rappelle, comment les travaux initiés par Howard Green, permettent, à partir de fragments restés épargnés, de fabriquer suffisamment de peau en culture pour sauver la vie des grands brûlés.

 

Et l’espoir existe d’utiliser ces mêmes stratégies pour combattre nombre de maladies encore sans remèdes, y compris les maladies neurologiques. Ce qui ne va pas sans se poser la question de la source de ces cellules. Et il faut dire que cette partie de l’ouvrage est sans égale dans sa capacité à faire le point sur les approches les plus contemporaines qui permettent de fabriquer des tissus différenciés à partir de cellules embryonnaires totipotentes, ou de cellules souches germinales, voire de fibroblastes adultes transformés en cellules souches par l’introduction d’une petite série de gènes qui portent la signature des cellules totipotentes. Par-delà un intérêt évident pour les pathologies, Nicole Le Douarin nous livre un éloge émouvant de la recherche fondamentale, de la liberté des chercheurs, du droit à l’erreur qui accompagne toute recherche à visée cognitive. Et elle multiplie les exemples, à commencer par la découverte des gènes de la mort programmée chez un ver ou des ARN interférants chez le pétunia, qui démontrent que des travaux à mille lieux de considérations sociétales peuvent déboucher, parfois rapidement, sur des applications médicales, ou autres. Enfin, il faudra bien boucler sur cette affaire d’immortalité sur lequel le livre s’est ouvert. Nicole Le Douarin, même si elle ne veut en rien fermer la porte à l’avenir, nous décrit bien comment le clonage, si indispensable quand il s’agit de sa version thérapeutique, reste illusoire quand il s’agit non de reproduction, mais d’individuation.

 

Oui la lignée germinale s’est séparée, hommage rendu à August Weismann, de la lignée somatique et l’invention de la sexualité fait bien de chacun un être génétiquement unique. Mais, chez l’homme, cette lignée somatique est, du fait d’un cerveau sans égal chez aucune autre espèce animale, le lieu d’une individuation extrême. On ne peut cloner cette individuation, car on ne peut cloner l’histoire des individus, même si la science de l’épigénétique a fait des progrès décisifs. Des page fortes y sont consacrées. Ce en quoi ce livre qui porte un sous-titre où figure le mot d’immortalité est aussi un hommage non seulement à la vie, et à sa transmission par la lignée germinale, mais aussi, par-delà une individuation qui se poursuit tout au long de notre brève existence, à son indissociable part de mort.

Les cellules souches pluripotentes induites (iPS)

01-Cellules souches.jpgLes cellules souches pluripotentes induites (iPS)

 par Hervé Ratel

journaliste scientifique

(Sciences et Avenir n° 794, avril 2013, pp. 66-68)

(dernière mise à jour : 28 février 2014)

 

Le sigle iPS désigne les cellules souches pluripotentes induites, c'est-à-dire des cellules adultes rajeunies au stade embryonnaire. Un stade où elles sont capables de donner n'importe quel type de cellule de l'organisme (pluripotence). Les iPS ouvrent des perspectives majeures dans le traitement de nombreuses maladies incurables. Les premiers essais vont commencer au Japon.

 

Rajeunir les cellules, c'est la prouesse annoncée par ce simple sigle : iPS. Ce terme désigne les cellules souches pluripotentes induites, soit des cellules adultes reprogrammées jusqu'au stade primitif de cellules embryonnaires. Pour nombre de scientifiques, la révolution annoncée est comparable à celle des vaccins ou des antibiotiques en leur temps. Mise sous les projecteurs en octobre 2012 avec le prix Nobel décerné à leur découvreur, le Japonais Shinya Yamanaka (voir Sciences et Avenir n° 789, novembre 2012), ces cellules iPS sont en effet susceptibles de rendre d'immenses services dans le domaine des greffes de tissus, de faciliter la mise au point de médicaments pour des maladies génétiques et d'élucider certains mécanismes du cancer. Un comité d'éthique japonais a d'ailleurs donné son feu vert pour de premiers essais cliniques qui devraient débuter dès le mois d'avril 2013.

 

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Diagramme © Institut Pasteur

 

Dans la course mondiale qui démarre, la France est bien placée. "Elle pourrait prendre la tête d'un consortium chargé de piloter un projet de banque européenne de cellules iPS. Celui-ci sera finalisé d'ici à la fm de cette année", pronostique Annelise Bennaceur-Griscelli (Inserm), qui coordonne la plate-forme nationale de cellules souches Ingestem, rassemblant plusieurs laboratoires de l'Hexagone.

 

Pourtant, les chercheurs français reviennent de loin ! En cause : la loi de bioéthique de 1994 - révisée en 2004 - qui interdit toute recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh). Ces dernières - qui ne sont pas des iPS - nécessitent en effet d'avoir directement recours à des embryons surnuméraires issus de fécondations in vitro. « Pour obtenir une dérogation les autorisant à travailler sur les CSEh, les chercheurs devaient remplir des documents faisant plusieurs dizaines de pages, raconte Frank Yates, enseignant-chercheur à l'école Sup'Biotech de Paris. Il fallait par exemple décrire à l'avance - exercice impossible et absurde les progrès médicaux attendus des expériences envisagées... Certains baissaient les bras ou s'exilaient à l'étranger devant ce cauchemar bureaucratique.» D'autres pays comme le Royaume-Uni, ont une réglementation moins restrictive, plus en phase avec la recherche fondamentale.

 

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Les scientifiques abasourdis par ces résultats

 

La découverte des iPS en 2006 est donc venue bouleverser la donne puisque ces cellules ne nécessitent comme matériel de départ que des cellules adultes déjà différenciées, prélevées sur des donneurs consentants. Lors de leur découverte annoncée en 2006 dans la revue Cell c'est pourtant le scepticisme qui avait dominé parmi la communauté scientifique. « J'ai eu la chance d'assister à la première conférence du PrYamanaka sur le sujet, se remémore Frank Yates. Quand il a présente ses résultats, tout le monde était abasourdi. Parvenir à reprogrammer une cellule paraissait totalement improbable. » Improbable parce que cette découverte réduisait à néant l'un des dogmes majeurs de la biologie : une cellule différenciée, comme une cellule musculaire, ne pouvait pas se transformer en une cellule d'un autre type, une cellule hépatique par exemple. Pourtant, il n'a pas fallu longtemps pour que les résultats du chercheur japonais soient reproduits et confirmés par d'autres équipes de biologistes cellulaires à travers le monde. Les cellules iPS étaient bel et bien une réalité.

 

Pour comprendre, il faut revenir à l'intuition de génie de Shinya Yamanaka : le chercheur a voulu savoir ce qui se passerait si on transférait des gènes actifs uniquement au stade embryonnaire, dans une cellule différenciée adulte. Pour mener l'expérience, il a, avec son équipe, identifié dans un premier temps 24 gènes de ce type, avant de restreindre la sélection à 4 d'entre eux (Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc). Et ça a marché ! Les cellules adultes ont "remonté le temps" jusqu'à redevenir des cellules indifférenciées. Mais cette recette est évidemment bien plus délicate à mettre en œuvre. Et elle ne fonctionne pas à tous les coups : « Dans le meilleur des cas, le taux de conversion de cellules adultes en iPSn'excède pas 5 % », précise Jean-Marc Lemaitre (Inserm, Montpellier). De très nombreux obstacles restent donc à franchir avant de trouver des applications directes aux iPS.

 

Un travail de culture astreignant fait à la main

 

La première difficulté consiste à obtenir ces fameuses iPS en quantités suffisantes. Car développer une lignée, c'est un peu comme réussir un soufflé : les ingrédients sont peu nombreux, mais rien n'est possible sans un bon tour de main, du doigté et de la patience. Une fois une iPS obtenue au bout de quelques jours, il faut en effet absolument éviter qu'elle ne se différencie à nouveau et ne redevienne une cellule adulte. Comment ? En veillant en permanence à séparer les iPS nouvellement créées du reste de leurs consœurs encore à l'état différencié dans la boîte de Pétri, ces récipients où l'on cultive les cellules en laboratoire. Un travail astreignant qui, aujourd'hui, se fait encore manuellement. Trois semaines de culture sont nécessaires pour obtenir une colonie et il faut plusieurs mois avant que cette colonie compte quelques milliers de spécimens. « De plus, les cellules iPS sont très sensibles et capricieuses. Il faut les surveiller 24 h/24 », explique Lina El Kassar. Tous les trois mois, cette biologiste de l'I-Stem au Génopole d'Evry, dans l'Essonne, accueille ainsi des chercheurs dans son atelier pour leur transmettre son savoir-faire. À l'issue du stage, chacun repart avec ses propres lignées d'iPS sur lesquelles il peut poursuivre ses travaux de recherche. Une initiative fructueuse qui a permis de former rapidement à la culture des iPS quantité de biologistes français, contribuant au bon positionnement de la France.

 

Autre difficulté : les iPS souffrent de défauts épigénétiques. En effet, la cure de jouvence qu'elles subissent ne parvient pas à remettre parfaitement tous les compteurs biologiques à zéro. Ainsi, les iPS - à l'inverse des CSEh, les cellules souches embryonnaires humaines - conservent de petites « étiquettes » à la surface de leurs gènes indiquant toujours leur signature de cellules adultes. Autrement dit, vues sous l'angle épigénétique, les iPS n'ont que l'apparence de cellules embryonnaires. En profondeur, elles demeurent de "vieilles" cellules. « Que ce soit pour unefuturemédecine régénératrice ou comme modèle in vitro d'une pathologie, ces désordres épigénétiques doivent êtrepris en compte, explique Marc Peschanski, directeur scientifique de l'I-Stem. Il faudra vérifier au préalable qu'ils ne constituent pas une nuisance.» Car le risque que des iPS souffrant de tels défauts deviennent cancéreuses n'est pas à écarter.

 

Obtenir des cellules souches pluripotentes par balnéation acide ? (janvier 2014) (Sciences et Avenir n° 805, mars 2014, p. 23)

 

Plonger des cellules dans un bain légèrement acide est-il de nature à les stresser suffisamment pour les transformer en cellules souches comme le proclame l'équipe de Haruku Obokata, du centre Riken, à Kobe ?

 

 

Depuis la publication fin janvier dans les colonnes de Nature du travail des Japonais, des critiques n'ont pas tardé à apparaître sur Internet, et plusieurs équipes dans le monde ont tenté de reproduire ces résultats, pour l'instant, la moisson n'est pas fameuse.

 

Selon le décompte du site Ipscell, sur dix tentatives, une seule s'est révélée fructueuse, et encore avec une production très modeste. « J'aurais tendance à classer ce résultat des Japonais dans les artefacts de culture, avoue Frank Yates, enseignant-chercheur à Sup'Biotech. Intuitivement, nous sommes beaucoup à penser que s'il était aussi simple d'obtenir des cellules souches, nous y serions arrivés bien avant par accident... »

 

Irrégularités méthodologiques, fraude délibérée, erreurs de manipulation ou travail scientifique révolutionnaire de nature à changer la face des biotechnologies ? La réponse définitive viendra sous peu, à la fin des investigations scientifiques de rigueur.

 

Des champs d'application très larges

 

Étudier une maladie.

 

En prélevant des cellules sur un malade, les iPS permettent de suivre le développement d'une cellule affectée d'une mutation. Ce qui était impossible avec les CSEh, car il faut disposer d'embryons porteurs de la pathologie.

 

Mieux comprendre le cancer.

 

En suivant le devenir d'une cellule à partir de son stade embryonnaire, les chercheurs espèrent élucider les mécanismes conduisant aux processus tumoraux et notamment les métastases.

 

Concevoir de nouveaux médicaments.

 

Les iPS doivent permettre à terme détester facilement l'effet de molécules potentiellement intéressantes pour bon nombre de maladies. Cette recherche est actuellement au point mort.

 

Élaborer une médecine régénératrice.

 

C'est l'objectif ultime : pouvoir remplacer des neurones, des cellules musculaires, un épiderme, etc. à partir de cellules suffisamment proches du système immunitaire du malade. Voir également sur ce même blog les articles : cellules souches et rajeunissement, des cellules souches dans la rétine, régénération de la rétine humaine, élaboration d'une rétine humaine en culture à partir de cellules souches, obtenir des neurones à l'aide de fibroblastes, créer des dents biologiques grâce à des cellules souches,

 

L'industrie pharmaceutique n'est pas prête à investir

 

Les espoirs se tournent plutôt vers la constitution de banques de cellules iPS qui seraient immunologiquement compatibles avec la majeure partie d'une population donnée : Européens, Asiatiques, etc. Soit des banques ethniques qui risquent de faire grincer bien des dents... D'autant que les firmes pharmaceutiques ne semblent pas décidées à participer à la constitution de telles banques. « Culturellement, les industriels de la pharmacie sont des chimistes, pas des biologistes, justifie Marc Peschanski. Ils ont encore du mal à travailler avec du matériel vivant. » Un avis partagé par Laurence Daheron, responsable de la plate-forme iPS/CSEh à l'université Harvard (Cambridge. États-Unis) : « L'industrie pharmaceutique commence tout juste à entrevoir le potentiel des iPS. Elle est loin d'être prête à s'investir dans la thérapie cellulaire. Il n'y a aucun changement radical à attendre de sa part pour les années à venir. Elle se contentera d'utiliser les iPS pour rester des médicaments classiques, rien de plus. »

 

Pourtant, tout porte à croire que le jour où la recherche publique aura prouvé le potentiel thérapeutique des iPS, la demande de millions de patients en attente d'un traitement sera suffisamment pressante pour forcer la main des industriels. Il reste juste à espérer que ces derniers auront alors la capacité de prendre le train en marche...

 

S'affranchir des manipulations fastidieuses in vitro en produisant in vivo des cellules souches pluripotentes induites (iPS)

 

Dans un article de Nature paru le 11 septembre 2013, des chercheurs espagnols sont parvenus à reprogrammer « in vivo » des cellules adultes de souris. Cette technique permet donc de s'affranchir des fastidieuses et coûteuses mises en culture des cellules adultes !

 

Le premier défi pour les chercheurs du Centre national de recherche sur le cancer (CNIO, Madrid) était de reproduire l'expérience de Yamanaka chez un être vivant. Ils ont choisi la souris comme organisme modèle. En utilisant des techniques de manipulation génétique, les chercheurs ont créé des souris dans lesquelles quatre gènes de Yamanaka pouvaient être activés à volonté. Lorsque ces gènes sont activés, les chercheurs ont observé que les cellules adultes étaient capables de régresser  dans leur développement évolutif pour devenir des cellules souches embryonnaires dans plusieurs tissus et organes

 

En outre, l'équipe de Manuel Serrano a ainsi obtenu des cellules souches de meilleure qualité que celles produites in vitro. C'est un résultat spectaculaire : faire en sorte que des souris fabriquent des cellules souches pluripotentes induites, capables de fournir quasiment n'importe quelle cellule spécialisée de l'organisme. Autrement dit, qu'au sein d'un animal vivant des cellules adultes redeviennent des cellules souches embryonnaires ! Reprogrammer in vivo des cellules est désormais possible. La démonstration chez l'animal de la faisabilité d'un tel concept pourrait bouleverser la pratique de la future médecine régénératrice.


Les chercheurs espagnols ont ainsi franchi une nouvelle étape, en obtenant les mêmes résultats que Yamanaka, mais cette fois au sein du même organisme, chez la souris, sans avoir besoin de passer à travers dans des boîtes de culture in vitro. La génération de ces cellules dans un organisme apporte cette technologie encore plus proche de la médecine régénérative.

 

L'étape du laboratoire sera ainsi supprimée. Jusqu'à présent, on imaginait que pour greffer ces cellules iPS à un malade souffrant de diabète insuline-dépendant, d'insuffisance cardiaque ou de la maladie de Parkinson, il fallait au préalable les produire en passant par des manipulations sophistiquées et coûteuses en laboratoire. Le travail réalisé par l'équipe de Manuel Serrano bouleverse ce protocole : il sera possible d'induire la production de ces précieuses cellules souches au sein même du tissu ou de l'organe à réparer sans passer par l'étape du laboratoire. Une fois ces iPS produites par le patient, elles seraient amenées à se différencier en un type cellulaire particulier, en cellule du pancréas, du cœur, en neurone, par exemple.

 

Comme indiqué au début de cet article, pour reprogrammer des cellules adultes (de peau notamment) en cellules souches, il faut y introduire quatre gènes clés (Oct4, Sox2, Kfl4 et c-Myc). Ceux-ci produisent quatre facteurs de croissance jouant un rôle dans les premiers temps du développement embryonnaire. Les cellules adultes ainsi reprogrammées, dénommées iPS, sont capables de « remonter le temps » jusqu'au stade embryonnaire.

 

Cette technique de production, mise au point en 2006, a d'ailleurs valu le prix Nobel de médecine en 2012 au Japonais Shinya Yamanaka. Les chercheurs espagnols sont allés plus loin : l'organisme de leurs souris transgéniques fabrique lui-même ces quatre facteurs de croissance. Pour activer les quatre gènes, ils ont fait boire aux rongeurs de l'eau contenant de faibles doses d'un antibiotique : la doxycycline. Résultat : au bout de deux semaines et demie, les rongeurs ont développé des tumeurs (tératomes,) issues de cellules souches pluripotentes et contenant plusieurs types cellulaires adultes. Preuve manifeste pour les chercheurs que des cellules adultes de ces rongeurs avaient bien été reprogrammées en iPS avant qu'elles ne se transforment, à leur tour, et en divers endroits, en plusieurs types cellulaires. Par ailleurs, l'analyse de tissus de l'estomac, de l'intestin, du pancréas et des reins des rongeurs a montré la présence disséminée d'une reprogrammation cellulaire in vivo. De même, les chercheurs ont détecté la présence d'iPS dans le sang des souris qui avaient été reprogrammées pour en fabriquer.

 

Ces cellules iPS sont d'une qualité supérieure

 

Une autre surprise attendait les chercheurs : les cellules iPS produites chez ces souris et obtenues directement à partir de l'intérieur de l'organisme, ont une plus grande capacité de différenciation que ceux obtenus par culture in vitro. Plus précisément,ces ceklules ont les caractéristiques des cellules totipotentes, un état primitif jamais obtenu dans un laboratoire.

 

En effet, outre leur capacité à se transformer en n'importe quel type de cellule d'un embryon, elles ont pu se différencier en placenta. Ce résultat étonnant fait dire aux chercheurs que ces iPS obtenues in vivo sont à un stade encore plus précoce que les iPS produites en laboratoire. Il est évidemment hors de question d'utiliser une procédure semblable chez l'Homme, dans la mesure où les cellules reprogrammées risqueraient de former des tumeurs. En revanche, une stratégie de régénération in vivo pourrait, dans l'avenir, consister à administrer au malade, localement et pendant un temps limité, des gènes synthétiques codant les quatre facteurs de croissance identifiés par le prix Nobel Shinya Yamanaka.

 

D'autres pistes sont à l'étude comme administrer, au sein d'un organe ou d'un tissu malade, un cocktail de petites molécules capables d'activer le programme génétique de production de cellules iPS ou utiliser des virus rendus inoffensifs pour délivrer les quatre fameux gènes clés.


María Abad, le principal auteur de l'article et chercheur dans le groupe de Serrano, a déclaré: "Ce changement de direction dans le développement n'a jamais été observé dans la nature, nous avons démontré que nous pouvons également obtenir des cellules souches embryonnaires dans les organismes adultes et pas seulement en. le laboratoire ".

 

"Nous pouvons maintenant commencer à penser à des méthodes pour induire la régénération localement et de manière transitoire pour un tissu endommagé particulier.", précise Manuel Serrano.



Les cellules souches obtenues chez la souris montrent également des caractéristiques totipotentes jamais produites dans un laboratoire, équivalentes à celles présentes dans les embryons humains au stade de 72 heures de développement, quand ils sont composés de seulement 16 cellules.


En comparaison avec les cellules obtenues avec la technique développée par Yamanaka, les cellules souches obtenues par le CNIO représentent donc un état encore embryonnaire plus précoce, avec une plus grande capacité de différenciation.


Les auteurs ont même été capables d'induire la formation de structures pseudo-embryonnaires dans les cavités thoracique et abdominale des souris. Ces pseudo-embryons affichaient les trois couches typiques des embryons (ectoderme, mésoderme et endoderme), et des structures extra-embryonnaires tels que la membrane vitelline et même l'ébauche de cellules sanguines.



"Ces données nous disent que nos cellules souches sont beaucoup plus polyvalentes que les cellules iPS obtenues in vitro par Yamanaka, qui génèrent les différentes couches de l'embryon mais jamais les annexes embryonnaires, comme le placenta", a déclaré Manuel Serrano.



Les auteurs soulignent que les applications thérapeutiques possibles de leurs travaux restent lointaines, mais ils admettent que, sans doute, cela pourrait signifier une réorientation de la recherche sur les cellules souches, la médecine régénérative et l'ingénierie tissulaire.



"Nos cellules souches survivent aussi en culture, permettant ainsi de les manipuler dans un laboratoire. L'étape suivante est d'étudier si ces nouvelles cellules souches sont capables de produire efficacement différents tissus tels que ceux du pancréas, du foie ou du rein. ", a déclaré Abad.


Sources :

- María Abad, Lluc Mosteiro, Cristina Pantoja,Marta Cañamero, Teresa Rayon,Inmaculada Ors, Osvaldo Graña, Diego Megías, Orlando Domínguez,Dolores Martínez, Miguel Manzanares,Sagrario Ortega & Manuel Serrano. (2013). Reprogramming in vivo produces teratomas and iPS cells with totipotency features Nature : 10.1038/nature12586.

- Marc Gozian (2013) Des souris vivantes ont produit des cellules souches (Sciences et Avenir, n° 800, octobre 2013, pp. 78-79).

Voir également dans ce blog, l'article : Les-potentialités infinies des cellules souches.

 

Le myélome multiple

Le myélome multiple

 Mise à jour 02/07/2014

 

par Violette DELARUELLE [1], Gisèle HOARAU [2], Nicole MOREL [3] Dr Madalina UZUNOV [4], Dr Sylvain CHOQUET [5]

 


[1] Membre du CA de l'AFITCH-OR

[2] Membre du CA de l'AFITCH-OR

[3] Membre du CA de l'AFITCH-OR

[4] Hématologue

[5] Hématologue

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myélome multiple

 

Rougeole et myélome : ajout du 16/05/2014.

Que faut-il en penser ? Voir l'article de Science et Avenir à ce propos.

 

Sites internet de référence :

Pour un premier contact : http://fr.wikipedia.org/wiki/My%C3%A9lome_multiple

Site d'information de l'Association des Malades du Myélome Multiple : www.af3m.org

Site d'information des malades sur le myélome : www.myelome.patients.info

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Intensification thérapeutique avec support de cellules souches dans le traitement des myélomes multiples

Intensification thérapeutique avec support de cellules souches dans le traitement des myélomes multiples

 

(Dernière mise à jour : mars 2015)

 

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Myélome multiple : image histopathologique d'un extrait de la moelle osseuse. Coloration à l'hématoxyline et à l'éosine (illustration @Wikimedia).

 

Introduction

 

La Chimiothérapie à haute dose avec support de cellules souches est une option thérapeutique importante pour les patients éligibles, atteints de myélome multiple. Qu'elle soit réalisée dans le cadre du traitement de première ligne ou au moment de la rechute de la maladie, elle peut donner des réponses d'excellente qualité et un avantage de survie. Le traitement à haute dose avec support de cellules souches, ou greffe de cellules souches, comme on rappelle parfois, est l'étape 5 des 10 étapes pour de meilleurs soins de l'IMF. Cette note explique le rationnel et le côté pratique de la chimiothérapie à haute dose avec greffe de cellules souches en tant qu'option thérapeutique dans le myélome. Les questions abordées seront les suivantes :

 

• Que sont les cellules souches hématopoïétiques ?

• Pourquoi les cellules souches sont-elles recueillies et utilisées pour une greffe ?

• Quels sont les avantages et les risques de la chimiothérapie à haute dose avec greffe de cellules souches dans le cadre du traitement du myélome ?

• Quel est le rôle de la chimiothérapie à haute dose depuis l'introduction de nouvelles drogues ces dix dernières années? Peuvent-elles être associées ?

Tous les mots qui apparaissent en caractères gras, ainsi que les autres termes pertinents sont définis à la fin de cette note.

 

Rationnel pour l'utilisation de la chimiothérapie à haute dose avec greffe ou support de cellules souches hématopoïétiques

 

Les cellules myélomateuses et les cellules souches normales ou cellules souches hématopoïétiques cohabitent dans le même microenvironnement au niveau de la moelle osseuse. Comme les cellules myélomateuses s'accumulent dans la moelle osseuse, elles se mélangent avec les cellules souches normales responsables de la production des globules rouges et blancs et des plaquettes. Tous les médicaments anti-myélome atteignant le microenvironnement de la moelle osseuse peuvent donc endommager à la fois les cellules myélomateuses et les cellules souches normales.

Le melphalan, un agent de chimiothérapie appartenant à la famille des alkylants, est un traitement très efficace dans le myélome, mais il peut aussi endommager les cellules souches normales. De fortes doses de melphalan peuvent être particulièrement utiles pour éradiquer les cellules myélomateuses dans la moelle osseuse. Pour contourner le problème des dommages collatéraux sur les cellules souches normales, ces cellules souches sont collectées et congelées avant que le melphalan ne soit administré à forte dose.

Les cellules souches normales sont collectées ou recueillies chez le patient ou un donneur par un processus appelé cytaphérèse. Les cellules souches recueillies sont ensuite congelées à -80 degrés. Elles peuvent être conservées indéfiniment à cette température. Lorsque le patient recevra les fortes doses de melphalan, les cellules souches seront alors décongelées et réinjectées dans la circulation sanguine du patient par un procédé analogue à celui d'une transfusion sanguine. Les cellules souches sont ensuite capables de retourner dans la moelle osseuse, où elles vont se diviser et croître pour repeupler la moelle osseuse. Environ 36 à 48 heures après son administration, les concentrations sanguines et tissulaires de melphalan sont très faibles et ne nuisent pas à la croissance des cellules souches. L'ensemble du processus de collecte et de réinjection est appelée greffe de cellules souches, ou support de cellules souches, parce que les cellules souches "sauvent" la moelle osseuse des effets de la chimiothérapie à haute dose.

 

Les différents types de greffe de cellules souches

 

Autogreffe de cellules souches, ou, plus exactement, intensification thérapeutique avec autogreffe de cellules souches.

Les cellules souches sont recueillies chez le patient atteint de myélome après le traitement initial et réinjectées après un traitement par melphalan à haute dose. Il s'agit du type de greffe de cellules souches le plus courant. La procédure peut être effectuée une fois (autogreffe simple) ou deux fois (double transplantation ou en tandem) voire plusieurs fois.

 

• Greffe Syngénique de cellules souches

Les cellules souches sont recueillies chez un vrai jumeau. Dans ce cas, les cellules souches du vrai jumeau sont réinjectées après une chimiothérapie à haute dose par melphalan ou par d'autres agents.

 

• Allogreffe de cellules souches

Les cellules souches sont recueillies chez un membre de la famille qui n'est pas un jumeau identique, mais parfaitement compatible par typage tissulaire (système HLA). Habituellement, le meilleur donneur est un frère ou une sœur. Encore une fois, les cellules souches sont réinjectées après la chimiothérapie à haute dose. Les effets anti-cancer de ce type de greffe découlent en partie de la chimiothérapie à haute dose, et en partie de l'effet des cellules greffées, ou transplantées, sur la maladie. Les cellules transplantées reconnaissent les cellules cancéreuses comme étrangères, les attaquent et les tuent. C'est ce qu'on appelle l'effet du greffon contre le myélome. Le problème avec les cellules souches du donneur, c'est qu'elles peuvent aussi reconnaître certaines cellules normales du receveur comme étrangères, et donc les attaquer, provoquant la maladie du greffon contre l'hôte, ou GVH. Certains cas de GVH sont contrôlables, et certains ne le sont pas. Lorsque la GVH ne peut pas être contrôlée, elle peut être mortelle. Cette procédure est rarement utilisée chez les patients atteints de myélome, avec une chimiothérapie à très forte dose parce que le risque de décès par GVH est d'environ 45%. La greffe allogénique à pleine dose a été largement abandonnée pour les patients atteints du myélome au début des années 1990.

 

• "Mini"allogreffe ou non myéloablative

Il s'agit d'une procédure plus sûre que l'allogreffe complète ou standard. Elle utilise une chimiothérapie d'intensité réduite en association avec une greffe de cellules souches d'un donneur compatible. Une autogreffe est le plus souvent effectuée en premier, afin de réduire la charge tumorale du myélome, puis, dans les 180 jours, une dose réduite de la chimiothérapie est administrée avant que le patient ne reçoive les cellules souches du donneur. Bien que la GVH et l'effet du greffon contre le myélome puissent encore se produire, ils ne sont généralement pas aussi graves que dans l'allogreffe standard.

 

• Allogreffe de cellules souches de donneur non apparenté

Les cellules souches sont recueillies chez un donneur extrafamilial. Dans ce cas, les cellules souches sont plus rarement compatibles à 100%. D'où le terme de "mismatch" fréquemment utilisé dans cette situation. Une greffe non apparentée comporte un risque beaucoup plus élevé de GVH et est une procédure globalement plus risquée.

 

Comment l'intensification thérapeutique avec greffe de cellules souches est intégrée dans le traitement du myélome ?

 

  • Généralités

La chimiothérapie à haute dose avec greffe de cellules souches est utilisée dans le traitement du myélome depuis plus de deux décennies. Les médecins tentent de tuer autant de cellules myélomateuses que possible pour "réduire la masse tumorale" avant de recueillir les cellules souches puis d'administrer la chimiothérapie à forte dose (HDT). Les patients doivent donc recevoir une induction ou traitement de "première ligne" avec divers médicaments avant de commencer le processus d'intensification thérapeutique. Même en cas de réponse minimale à l'induction, les patients peuvent procéder à la collecte, au traitement à haute dose avec greffe de cellules souches ; ils ont encore d'excellents résultats. La réponse après l'HDT est beaucoup plus importante que la réponse avant, et ce tant que la maladie n'est pas progressive.

 

  • Les options de première ligne

Plusieurs options sont disponibles comme traitement d'induction ou de première ligne. Les traitements de première ligne les plus couramment utilisés sont :

•Velcade® (bortezomib) plus dexamethasone avec une troisième drogue comme le Thalidomide (T) voire le Revlimid® (lenalidomide) (R) ou l'Endoxan (C).

Les acronymes pour ces régimes d'induction sont : VTD, VRD et VCD ou CyBorD aux USA.

• Dans d'autres pays, l'association d'un des 2 IMiDs (agents immunomodulateurs) Thalidomide ou Revlimid à la dexamethasone peut être proposée aux patients candidats à l'intensification avec un recueil des cellules souches organisé après 4 cycles.

 

Options de première ligne à considérer et à éviter

 

Généralement, la greffe de cellules souches est une option pour tous les patients atteints du myélome à la fin du traitement d'induction. Toutefois, la greffe étant une approche intensive, les patients âgés de plus de 65 ans et/ou ceux atteints d'autres pathologies médicales peuvent ne pas être en mesure de tolérer la procédure et/ou peuvent courir le risque de graves complications. Si la greffe de cellules souches est envisagée comme une option, il est important d'éviter l'usage du melphalan avant le prélèvement des cellules souches, puisque cela peut les endommager. Ainsi, la stratégie la plus souvent recommandée consiste à éviter de prime abord l'usage du melphalan. Toutefois, si la greffe de cellules souches s'avère impossible ou n'est pas souhaitée, quelle qu'en soit la raison, le melphalan par voie orale (comprimés), utilisé dans le cadre du traitement initial, peut s'avérer un traitement simple et très efficace.

 

En résumé

 

Les cellules souches sont prélevées, la chimiothérapie à forte dose est ensuite administrée et la greffe est réalisée, tout cela à la suite du traitement d'induction ou de première ligne. Les deux points majeurs du traitement d'induction sont :

Le traitement d'induction, pour une durée de 3 à 6 mois, doit préserver les cellules souches normales.

Théoriquement, une réponse au traitement d'induction devrait entraîner une baisse de >50% de la protéine monoclonale et/ou d'autres indicateurs de myélome actif avant le prélèvement des cellules souches. Toutefois, un taux de réponse inférieur peut suffire pour réaliser dans de bonnes conditions un prélèvement de cellules souches (qui ne sont pas malades).

 

Quels sont les avantages de la chimiothérapie à forte dose avec support de cellules souches ?

 

Amélioration de la profondeur de la réponse

L'augmentation du taux de réponse obtenu dans le cadre du traitement de première ligne est un avantage important de l'intensification thérapeutique avec greffe de cellules souches. Dans plus de la moitié des cas, les réponses s'améliorent de façon considérable avec des réponses partielles qui deviennent une TBRP (très bonne réponse partielle, baisse de 90 % de la protéine monoclonale) voire une RC (réponse complète, disparition du composant monoclonal).

 

Amélioration de la survie

L'introduction des nouvelles drogues dans les régimes d'induction a permis d'augmenter considérablement les taux de TBRP ou RC et, l'avantage supplémentaire du traitement à haute dose dans ce contexte est étudié spécifiquement. La chimiothérapie à haute dose a démontré un bénéfice statistiquement significatif après chimiothérapie d'induction classique (par opposition aux nouvelles associations) utilisant anciennement le VAD. Toutefois, les nouvelles combinaisons thérapeutiques peuvent produire des niveaux plus élevés de TBRP et RC que la chimiothérapie classique. Les résultats de deux études comparant les nouvelles combinaisons seules contre nouvelles combinaisons plus HDT avec greffe de cellules souches ont été présentées au congrès de la AmericanSocietyofHematology (ASH) en décembre 2011. Les données préliminaires suggèrent que, malgré des effets toxiques accrus, les nouvelles combinaisons thérapeutiques suivies de fortes doses de melphalan avec greffe de cellules souches peuvent améliorer non seulement la survie sans progression, mais aussi la survie globale. D'autres études et un suivi à plus long terme sont nécessaires pour confirmer ces données préliminaires.

 

Rôle de la Consolidation et de la Maintenance

Un avantage particulier de l'intensification thérapeutique est que la réponse peut se compléter dans les semaines et les mois qui suivent la procédure. Si une RC ou une TBRP sont obtenues, alors ces patients peuvent être suivis sans devoir avoir recours à un traitement d'entretien ou de maintenance. On leur proposera certainement un traitement de consolidation. Les patients qui bénéficient de l'intensification thérapeutique sont souvent en rémission plus longtemps et donc profitent de périodes plus longues avant qu'un nouveau traitement soit requis. Toutefois, selon les caractéristiques initiales de la maladie, y compris l'analyse chromosomique, le traitement d'entretien et/ou autre traitement (consolidation) peuvent être recommandés après la greffe.

 

Rôle d'une seconde greffe

Si une RC ou au moins une TBRP ne sont pas obtenues après une première autogreffe, une seconde autogreffe ou une autre greffe, comme la "mini-allogreffe" voir ci-dessus, peuvent être effectuées. Poursuivre les efforts pour atteindre au moins une TBRP avec une seconde greffe ne semble pas conférer un avantage aux patients.

 

Facteurs influençant le devenir

II est généralement admis que les patients qui obtiennent une très bonne réponse comme une RC ou une TBRP ont un meilleur devenir (en comparaison, par exemple, à une réponse partielle [RP]). Toutefois, d'autres études s'imposent. Obtenir une réponse durable, que ce soit avec une simple RP (⩾ 50% d'amélioration), TBRP (⩾ 90%) ou RC (100%), est plus important que le niveau de réponse en soi. Une réponse qui dure au moins deux ans est bien plus avantageuse. Le bénéfice d'une maladie stable, quel que soit le niveau de réponse (RP, TBRP ou RC) fait actuellement l'objet d'une étude.

 

Étapes importantes avant de considérer l'intensification thérapeutique avec support de cellules souches comme une option de traitement

I.

Confirmer le diagnostic de myélome multiple actif ou symptomatique, nécessitant un traitement spécifique.

• S'il y a le moindre doute quant au diagnostic ou la prise en charge thérapeutique, cela peut être le moment opportun pour demander un second avis avant de débuter le traitement de première ligne.

II.

• Débuter le traitement de première ligne ou d'induction afin de contrôler le myélome et d'obtenir une réponse initiale.

Éviter le melphalan ou tout autre traitement qui pourraient affecter la qualité des collectes de cellules souches. Une radiothérapie étendue sur le basin peut diminuer les réserves de cellules souches et devrait être évitée si possible.

III.

Évaluer la réponse au traitement à chaque cycle (habituellement toutes les 3 à 4 semaines).

Après 3 à 4 cycles, une évaluation plus complète est souvent nécessaire, comprenant un examen de la moelle osseuse et de l'imagerie afin de déterminer le niveau de réponse.

IV.

Revoir avec votre médecin les avantages et les inconvénients d'une intensification avec greffe de cellules souches (et/ou discuter d'un prélèvement de cellules souches sans greffe immédiate).

Si une réponse de 50% est atteinte (RP : baisse de ⩾ 50% de la concentration de protéine liée au myélome dans le sang et/ou l'urine), la collecte de cellules souches peut être organisée si le patient et le médecin pensent que c'est la meilleure option. S'il n'est pas prévu de procéder au prélèvement et/ou à une greffe, un nouveau plan de traitement et de suivi doit être proposé.

Si la réponse est < 50%, alors un autre traitement peut être envisagé avant de réaliser la greffe.

 

Comment les cellules souches sont-elles recueillies ?

 

Les cellules souches sont situées dans la moelle osseuse. Jusqu'à il y a environ 20 ans, le patient ou le donneur devaient être sous anesthésie générale et subir de 50 à 100 ponctions de la moelle osseuse sur la partie postérieure de l'os iliaque du bassin afin de prélever suffisamment de moelle osseuse et de cellules souches pour une greffe ultérieure. Cette procédure était évidemment douloureuse, angoissante et incommodante. Il va sans dire que ce fut une avancée majeure que de découvrir que les cellules souches pouvaient être prélevées dans la circulation sanguine en administrant au patient ou au donneur des injections de facteurs de croissance ("facteurs stimulants les colonies ou CSF") tels que le Neupogen®, le Granocyte®, le Neulasta®.... pour déclencher la libération de cellules souches médullaires dans la circulation sanguine. Améliorée au fil des années, cette procédure constitue aujourd'hui la méthode standard. Il est rarement nécessaire d'utiliser l'ancienne méthode de prélèvement dans le bassin.

 

Comment prélever les cellules souches dans le sang périphérique (CSP) ?

Il existe trois méthodes de prélèvement de cellules souches périphériques :

1) sous facteurs de croissance seuls, 2) sous facteurs de croissance, combinés à une chimiothérapie, 3) sous facteurs de croissance, combinés à un autre agent mobilisateur.

1. Donner des facteurs de croissance seuls

Les facteurs de croissance sont des médicaments qui stimulent la croissance et la libération des cellules souches dans le sang. Ces traitements sont administrés par voie sous-cutanée (sous la peau). Les facteurs de croissance des globules blancs (Neupogen®, Neulasta®, Granocyte®...) sont utilisés pour le recueil de cellules souches. Ce processus s'appelle la "mobilisation". Les injections sont administrées quotidiennement durant une période minimale de cinq jours. Les cellules souches sont habituellement prélevées le cinquième jour après le début des injections. Les prélèvements et les injections se poursuivent de façon quotidienne jusqu'à l'obtention d'un nombre suffisant de cellules souches. Généralement, il est programmé de collecter assez de cellules souches pour au moins 2 greffes, c'est-à-dire au moins 2-3 millions de cellules souches par kg de poids du patients par greffe (soit 4-6 million/kg au total).

2. Facteurs de croissances combinés à la chimiothérapie

L'Endoxan (ou cyclophosphamide) est la chimiothérapie la plus souvent utilisée dans ce contexte pour augmenter la libération des cellules souches dans le sang. Bien évidemment, d'autres chimiothérapies peuvent être utilisées. Votre médecin vous expliquera pourquoi, selon le cas, il peut être ou non approprié d'avoir recours à une chimiothérapie, comme l'Endoxan, en combinaison avec des facteurs de croissance. Il vous expliquera également quels sont les effets positifs et négatifs de l'Endoxan s'il est utilisé pour mobiliser les cellules souches sanguines.

En premier lieu, l'Endoxan est utilisé pour augmenter le rendement des cellules souches et est donc recommandé si l'on craint que la collecte des cellules souches soit faible. L'Endoxan a l'avantage supplémentaire d'être également un traitement pour le myélome. L'inconvénient de l'Endoxan est qu'il est administré le plus souvent en hospitalisation pour la mobilisation. Qui plus est, il peut entraîner une aplasie et, lorsque les globules blancs (système immunitaire de l'organisme) sont à des niveaux très bas, une infection peut se déclarer, nécessitant éventuellement une autre hospitalisation.

Après la chimiothérapie de mobilisation, un facteur de croissance de la lignée granulocytaire (globules blancs) sera administré par injection sous la peau quotidiennement pendant environ 10 jours. Cette procédure est donc plus longue et beaucoup plus intensive que l'utilisation de facteurs de croissance seuls. Le patient ou son entourage peuvent être éduqués pour réaliser les injections eux même à la maison. Sinon, les patients peuvent recevoir les injections de facteur de croissance avec infirmière à domicile. Une fois le nombre de cellules souches dans le sang suffisamment élevé, elles seront collectées sur 2 à 5 jours, alors que le patient continue de recevoir des injections de facteurs de croissance.

3. Autre agent mobilisateur combiné à la chimiothérapie

Le Mozobil® (plérixafor) a été approuvé par la FDA en 2008 comme un agent supplémentaire pour la mobilisation des cellules souches. Le Mozobil® est utilisé en association avec des facteurs de croissance pour libérer les cellules souches dans le sang afin qu'elles puissent être collectées et utilisées pour la greffe chez les patients atteints de myélome (ainsi que les patients atteints de lymphome non hodgkinien). Les patients sont traités avec des facteurs de croissance pendant 4 jours avant de recevoir le Mozobil. Ce dernier est injecté en sous-cutanée environ 11 heures avant la collecte de cellules souches prévue pour un maximum de 4 jours consécutifs. Le Mozobil augmente le nombre de cellules souches qui peuvent être recueillies et est particulièrement utile pour les patients qui, pour diverses raisons (telles que l'âge ou des régimes de traitements antérieurs intensifs), ont du mal à générer des cellules souches pour le recueil.

Les essais cliniques ont démontré plusieurs avantages à utiliser le Mozobil en plus des facteurs de croissance par rapport aux facteurs de croissance seuls pour la mobilisation des cellules souches. Les avantages du Mozobil sont les suivants :

• Taux de réussite plus élevés pour la mobilisation de cellules souches. Plus de patients atteignent le nombre minimum et le nombre cible de cellules souches, et sont en mesure ainsi d'avoir à la greffe. La réinjection de plus de cellules souches au patient peut se traduire par une récupération de globules blancs, de globules rouges et de plaquettes de plus longue durée (ou "durable").

• Moins de procédures de cytaphérèses nécessaires, avec donc un nombre réduit de passage sur la machine.

• Pratiquement tous les patients atteints de myélome et de lymphome non hodgkiniens ayant reçu une mobilisation par Mozobil en combinaison avec des facteurs de croissance ont été greffes avec succès.

• Une présentation durant l'ASH 2011 par Adel et al du Mémorial Sloan Kettering a démontré que l'utilisation dès le départ du Mozobil serait plus rentable que l'approche actuelle largement utilisée employant l'Endoxan, non seulement parce que le Mozobil nécessite moins de jours de cytaphérèse, mais parce que les patients qui utilisent le Mozobil ne nécessite pas d'hospitalisation.

 

Le recueil ou la procédure de collecte

Dans le jargon médical, le prélèvement est dénommé cytaphérèse - c'est-à-dire l'extraction des globules blancs de la circulation sanguine. La cytaphérèse est une procédure grâce à laquelle le sang du patient ou du donneur circule à travers un appareil spécial qui sépare (par une technique de centrifugation) puis extrait les cellules souches. Le reste du sang est immédiatement réinjecté au patient ou au donneur. Il s'agit d'une procédure exceptionnellement simple et sans douleur comparativement au prélèvement de moelle osseuse dans le bassin.

Cytaphérèse

Avant de procéder aux cytaphérèses, un petit tube flexible en plastique appelé cathéter est inséré dans une veine afin de pouvoir y prélever du sang. Durant cette procédure, le sang est prélevé par le cathéter et traité dans un appareil afin de retirer les cellules souches. Le reste du sang est réacheminé à travers le même cathéter (la lumière qui n'est pas utilisée dans un cathéter à deux lumières) ou en utilisant un autre cathéter. On doit prévoir trois à quatre heures par jour pendant une à cinq journées pour les cytaphérèses. Les cytaphérèses sont habituellement effectuées en externe. Les effets secondaires les plus courants ressentis durant les cytaphérèses sont de légers étourdissements, sensations de fourmillement dans les mains et les pieds. Les effets secondaires les moins fréquents comportent les frissons, les tremblements et les douleurs musculaires. Ces effets secondaires sont temporaires et sont provoqués par les changements dans le volume sanguin du patient alors qu'il circule de l'intérieur à l'extérieur de l'appareil, ainsi que par les anticoagulants ajoutés au sang afin d'éviter la coagulation sanguine durant la cytaphérèse.

Traitement des cellules souches

À la suite du prélèvement, le sang périphérique (ou occasionnellement la moelle osseuse) est acheminé vers le laboratoire de traitement, habituellement situé à l'hôpital ou à la banque de sang locale (à Besançon à l'Institut Français du Sang [IFS]). Dans le laboratoire de traitement, la moelle osseuse ou les cellules souches sanguines sont préparées pour la congélation (cryoconservation). Les cellules souches sont mélangées dans une solution contenant le composé chimique DMSO (diméthylsulfoxide) afin de les préparer pour la congélation. Les cellules souches sont par la suite congelées et conservées dans de l'azote liquide. Les cellules souches restent congelées jusqu'au moment de la greffe. Elles peuvent être congelées aussi longtemps que nécessaire. On remarque une détérioration avec le temps, mais l'on peut maintenir une excellente fonction des cellules souches pendant au moins dix ans.

De combien de cellules souches ai-je besoin ?

Plusieurs études ont été réalisées au fil des ans afin de déterminer le nombre de cellules souches requises pour recevoir un traitement à fortes doses en toute sécurité. Le nombre de cellules souches est quantifié grâce à une technique de laboratoire spécialisée surnommée "analyse des cellules CD34+ par cytométrie en flux". Un petit échantillon des cellules souches qui ont été prélevées est analysé afin de déterminer la teneur en cellules CD34+. Nous savons que le nombre minimum de cellules souches requis pour effectuer une greffe en toute sécurité est de 2 millions de cellules CD34+ par kilogramme de poids corporel. Le nombre de cellules CD34+ est vérifié dans le prélèvement quotidien et inventorié. Le processus de prélèvement se poursuit de façon quotidienne jusqu'à ce que le nombre de cellules requises soit prélevé - habituellement de 1 à 4 jours. Certains centres de transplantation vérifient le nombre de cellules CD34+ le jour même AVANT d'effectuer la cytaphérèse afin de s'assurer que le prélèvement sera optimal. La plupart des médecins greffeurs prélèvent suffisamment de cellules souches pour deux greffes (plus de 4 voire 6 millions de cellules CD34+ par kilogramme de poids corporel).

 

Administrer la chimiothérapie à haute dose

 

Lorsque les cellules souches ont été congelées et conservées, le patient est prêt à recevoir une chimiothérapie à fortes doses. Ce traitement est conçu pour éliminer les cellules myélomateuses de façon plus efficace que les doses standards de chimiothérapie. Le but de la chimiothérapie à fortes doses est d'éliminer les cellules myélomateuses dans le corps du patient. Le type de chimiothérapie à fortes doses le plus couramment utilisé pour traiter le myélome est le melphalan administré à une dose de 200 milligrammes par mètre carré (mg/m2) de surface corporelle (selon la taille et le poids du patient). En tenant compte du type de myélome et d'autres facteurs, certains patients peuvent recevoir une deuxième greffe 3-6 mois après la première (double autogreffe ou greffe en tandem). Le patient devrait discuter, avec son médecin, des avantages et inconvénients de réaliser deux greffes consécutives comparativement à la possibilité de conserver les cellules pour une deuxième greffe à une date ultérieure.

Autogreffe de cellules souches

Les cellules souches déjà prélevées sont décongelées et réinjectées dans la circulation sanguine par un cathéter (comme c'est le cas pour un individu qui reçoit une transfusion sanguine) un à deux jours après la chimiothérapie à fortes doses. C'est ce qu'on appelle une "greffe", mais ce n'est pas le terme exact car les patients en fait reçoivent leurs propres cellules souches. Ces cellules ne sont pas greffées à partir d'un donneur. La greffe est réalisée dans la chambre du patient : il ne s'agit pas d'une intervention chirurgicale. Les poches congelées de cellules souches sont décongelées dans un bain d'eau chaude, et leur contenu réinjecté dans la circulation sanguine par le cathéter. Au moment de la décongélation, le DMSO (agent de congélation) s'évapore dans l'air et crée une odeur distincte et quelque peu désagréable d'ail. La plupart des centres perfusent une poche à la fois. La perfusion se déroule sur une période de 1 à 4 heures.

Les cellules souches réinjectées circulent dans le sang et retournent dans la moelle osseuse, où elles produisent de nouveaux globules blancs, globules rouges et plaquettes. Il faut prévoir de 10 à 14 jours pour que les nouvelles cellules sanguines puissent apparaître dans la circulation en nombre suffisant. Des facteurs de croissance peuvent être administrés au patient afin d'accélérer le processus.

En plus d'anéantir la moelle osseuse, la chimiothérapie à fortes doses peut provoquer d'autres effets secondaires graves pouvant nécessiter l'hospitalisation de certains patients afin qu'ils soient traités durant cette période. (Les centres de transplantation aux USA n'exigent pas tous que les patients demeurent à l'hôpital suivant la réinjection des cellules souches ; certains sont dotés d'établissements à proximité où les patients peuvent demeurer et être suivis de façon quotidienne en clinique externe, alors que d'autres permettent aux patients dont la résidence est située à proximité de l'hôpital de dormir à la maison et d'être suivis à l'hôpital). La durée moyenne du séjour à l'hôpital (ou dans un établissement à proximité) pour la chimiothérapie, la greffe et la convalescence est environ de trois semaines. Juste avant de commencer la chimiothérapie, les patients doivent habituellement consommer d'importantes quantités de liquides afin de prévenir la déshydratation et les lésions rénales occasionnées par la chimiothérapie.

Certains des effets secondaires fréquents de la chimiothérapie incluent les nausées, les vomissements, la diarrhée, les ulcères dans la bouche ou mucite, les éruptions cutanées, la perte de cheveux, la fièvre ou les frissons et les infections.

Des médicaments conçus pour prévenir ou atténuer certains des effets secondaires du traitement sont automatiquement administrés. Les patients sont suivis étroitement pendant et après la chimiothérapie à fortes doses. Le suivi comprend une vérification quotidienne du poids ainsi que des lectures fréquentes de la pression artérielle, du rythme cardiaque et de la température.

 

Prévenir les Infections

 

Au cours des deux à trois semaines suivant la greffe, les cellules souches injectées migrent vers la moelle osseuse et commencent à produire des cellules sanguines, un processus appelé prise de greffe. Jusqu'à ce que la prise de greffe ait lieu, les patients sont à risque de développer des infections. Même une infection bénigne, comme un rhume, peut mener à de sérieuses complications puisque le système immunitaire est affaibli par la chimiothérapie à fortes doses. Il faut donc prendre des précautions particulières durant la période de convalescence. Comme le système immunitaire est très affaibli, les patients doivent demeurer à l'hôpital jusqu'à ce que les concentrations de globules blancs atteignent un niveau suffisant pour qu'ils puissent sortir. Afin de prévenir les infections, les traitements de support suivants peuvent s'avérer nécessaires :

• Des antibiotiques sont souvent prescrits afin d'aider à prévenir les infections.

• Les visiteurs doivent se laver les mains et, à l'occasion, porter un masque et des gants afin de protéger le patient.

• II est parfois interdit d'apporter des fruits, des légumes frais et des fleurs dans la chambre du patient pour éviter les infections (bactéries et infections fongiques).

• En présence d'infection et/ou de fièvre (en raison d'une diminution des taux de globules blancs), le patient peut recevoir un traitement antibiotique intraveineux.

 

Prise de greffe et convalescence

 

Une fois que les cellules souches ont été réinjectées, on doit prévoir jusqu'à deux semaines pour que les globules blancs atteignent un niveau normal. À la suite d'une greffe, plusieurs centres de transplantation utilisent, là encore, des facteurs de croissance granulocytaires (Neupogen®, Neulasta®, Granocyte®....), pour stimuler la moelle osseuse afin qu'elle produise des cellules sanguines saines. Ces injections (sous-cutanées) peuvent se poursuivre jusqu'à ce que les leucocytes atteignent un niveau normal. Durant cette période dite d'aplasie, des transfusions de globules rouges et/ou de plaquettes peuvent s'avérer nécessaires.

Attendre la prise de greffe des cellules souches greffées, la remontée des globules blancs à un niveau normal et la disparition des effets secondaires, est souvent la période la plus difficile pour le patient, sa famille et ses amis. Au cours de cette période, les patients se sentent faibles et ressentent une grande fatigue. Il est très important d'avoir un soutien. La convalescence peut se comparer à un tour sur les montagnes russes : un jour, le patient se sent beaucoup mieux, puis le lendemain plus malade que jamais. Il est important de vivre les choses au jour le jour durant cette période. Lorsque les nouvelles cellules sanguines sont produites, les symptômes disparaissent, les risques d'infections graves diminuent et les transfusions ne sont plus nécessaires.

Après être sorti de l'hôpital, le patient poursuit sa convalescence à la maison pendant deux à quatre mois. Même si les patients sont en mesure de quitter l'hôpital, leur convalescence est loin d'être terminée.

Durant les premières semaines, ces patients sont faibles et ne réussissent souvent qu'à dormir, s'asseoir et marcher un peu dans la maison. Les patients peuvent habituellement reprendre leurs activités ou retourner au travail à temps plein trois à six mois après la greffe, bien que ceci puisse varier d'un individu à un autre.

 

Suis-je candidat à l'intensification thérapeutique avec greffe de cellules souches ?

 

Le traitement intensif avec greffe de cellules souches est une option thérapeutique pour de nombreux patients atteints d'un myélome ; toutefois, cela ne guérit pas. La greffe peut prolonger la période de rémission et la durée de vie. Elle peut également procurer une meilleure qualité de vie pour la plupart des patients.

Les patients atteints d'un myélome ne sont pas tous des candidats à une greffe de cellules souches. Plusieurs facteurs doivent être considérés. Ceux-ci incluent des facteurs liés au myélome en soi et des facteurs liés au patient.

 

Facteurs liés au Myélome

• type de myélome

• stade de la maladie

• agressivité de la maladie

• réponse au traitement

• taux d'albumine sérique

• taux de bêta-2 microglobuline initial

• analyse des chromosomes

 

Facteurs liés au Patient

• âge

• état de santé

• fonction rénale, cardiaque, pulmonaire,

et hépatique

• préférence du patient

• situation familiale

• situation professionnelle

 

On ne peut suffisamment insister sur le fait que le myélome est une maladie très particulière à chacun. Bien qu'il existe des similarités entre les patients, chaque cas présente ses propres caractéristiques distinctes.

De nombreuses variables sont examinées avant de déterminer si une greffe est recommandée. Par conséquent, les généralités au sujet du devenir pendant et après la greffe ne sont pas appropriées. Les données récentes d'essais cliniques suggèrent qu'une induction comprenant le thalidomide, le Revlimid, et/ou le Velcade peut donner des taux de réponse et une durée de réponse comparables à ceux obtenus après HDT avec support de cellules souches ; cela permettrait à certains patients de reporter l'HDT plus tard dans l'évolution de la maladie. D'autres études sont en cours pour valider ces données.

Souvenez-vous, dans la majorité des cas, avoir un myélome laisse le temps au patient d'effectuer des recherches et de recueillir les informations nécessaires pour prendre une décision plus avertie sur l'option la plus appropriée. Par exemple, un patient peut réaliser un prélèvement de cellules souches et les conserver pour un traitement ultérieur. Cela permet au patient de bénéficier de plus d'options de traitement de première ligne. Il s'agit de facteurs à discuter avec votre médecin. Il ne faut surtout pas oublier que même si un individu semble être un bon candidat pour une greffe, la décision finale de bénéficier ou non une greffe, et quand la réaliser revient au patient.

 

Greffe et essais cliniques

 

L'autogreffe de cellules souches est considérée comme le traitement de référence pour les patients atteints d'un myélome multiple. Toutefois, bon nombre de nouvelles approches font l'objet d'études dans le but d'améliorer le devenir des patients. Ces études sont réalisées sous forme d'essais cliniques. Elles comprennent :

Une autogreffe en tandem ou double autogreffe est une approche qui englobe deux autogreffes. Un nombre suffisant de cellules souches est prélevé avant la première greffe. Trois à six mois après la première greffe, le patient reçoit un deuxième traitement similaire à fortes doses suivi de la réinjection du reste ou d'une seconde partie des cellules souches. Des données préliminaires indiquent que les greffes en tandem entraînent un meilleur contrôle de la maladie et un meilleur taux de survie chez les patients qui n'obtiennent pas une TBRP ou une RC après la première autogreffe.

Le traitement séquentiel par autogreffe suivie d'une "mini" (non myéloablative) allogreffe comprend une chimiothérapie à fortes doses avec une autogreffe afin de détruire la plupart des cellules myélomateuses, suivie 2 à 4 mois plus tard d'une mini allogreffe pour permettre aux cellules immunitaires du donneur de détruire toute cellule myélomateuse résiduelle. Dès que les cellules souches allogéniques se multiplient, les cellules immunitaires du donneur attaquent le myélome ("l'effet greffon contre myélome" mentionné précédemment). Il s'agit d'une forme d'immunothérapie. Le risque associé à cette procédure est la GVH ou maladie du greffon contre l'hôte, qui peut être très grave et mettre la vie en danger.

L'autogreffe de cellules souches suivie d'une mini-allogreffe (ou "Auto-mini Allô") a été étudiée dans le cadre d'essais cliniques chez des patients atteints de myélome depuis de nombreuses années. En 2006, une étude de l'IFM (Intergroupe Francophone du Myélome) ne retrouvait aucun bénéfice en survie globale ni en survie sans progression d'une séquence Automini Allô vs double auto. En 2007, Bruno et al quant à eux, ont trouvé une amélioration de la survie chez les patients recevant la séquence Auto-mini Allô vs double auto. Lors du congrès de l'ASH (American Society of Hematology) en Décembre 2010, une large étude clinique du groupe BMT CTN comparant double autogreffe par rapport à la séquence Auto-mini Allô (Krishnan et al) chez 710 patients dans 43 centres n'a trouvé aucune différence ni en survie sans progression ni en survie globale. Compte tenu de l'absence de bénéfice de survie et de rémission et de l'augmentation de la mortalité liée au traitement chez les patients recevant la séquence auto-mini allô, l'International Myeloma Working Group (IMWG) recommande actuellement que les mini Allô ne soient effectuées que dans le cadre d'essais cliniques.

 

Le traitement d'entretien est une approche qui utilise des doses diminuées de médicaments anti-myélome afin de prolonger la rémission et la survie après une greffe. À l'heure actuelle, les traitements en cours d'évaluation en entretien dans les essais cliniques comprennent principalement le Revlimid et le Velcade, seuls ou en combinaison avec des corticoïdes.

 

Les essais de maintenance les plus convaincants et plus récemment menées sont deux essais de phase III de Revlimid en post-greffe conduits aux États-Unis (CALGB 100104) et en France (2005-02 IFM). Leurs résultats ont été présentés lors du congrès de l'ASH en Décembre 2010 ; les deux études à ce moment-là ont démontré une survie sans progression (PFS) deux fois plus longue pour les patients qui avaient été randomisés dans le panel Revlimid en entretien. Lors du congrès de l'ASH en Décembre 2011, les données de suivi de ces essais ont été présentées. Il persiste un doublement du taux de survie sans progression pour les patients du panel Revlimid, et l'étude américaine retrouve un bénéfice en survie globale (OS).

Un fait notable de discussion et de controverse dans ces essais était que ces études ont rapporté un taux plus élevé de tumeurs malignes secondaires chez les patients qui étaient dans les panel Revlimid en entretien par rapport au placebo. L'augmentation des tumeurs malignes secondaires de ces essais reste un domaine fortement étudié, car il n'y a eu aucune augmentation de cancers secondaires rapportée chez les patients en rechute et réfractaires traités par Revlimid.

Une théorie qui prévaut est que l'augmentation des cancers secondaires pourrait découler de l'utilisation du melphalan, un agent alkylant employé dans le traitement à haute dose avant greffe dans les deux essais du CALGB et de l'IFM, ayant des effets potentiellement cancérigènes en combinaison avec Revlimid.

Sur la base des données de ces essais de phase III, le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) a récemment reclassé l'utilisation du Revlimid en tant qu'agent de maintenance de la catégorie 2A (ce qui signifie que les résultats des essais cliniques n'ont pas encore fait l'objet d'un réexamen complet, et que la sécurité et l'efficacité sont encore préliminaires), à la catégorie 1 (ce qui signifie qu'elle est fondée sur des preuves de haut niveau, et qu'il y a un consensus uniforme du NCCN). Étant donné les avantages évidents et les risques d'un traitement d'entretien post-greffe, chaque patient doit discuter du traitement d'entretien avec son oncologue, qui évaluera les facteurs de risque individuels et la réponse à la greffe avant de faire une recommandation de traitement.

 

Problèmes psychosociaux

 

Une chimiothérapie à haute dose et une autogreffe peuvent être sources d'un grand stress pour les patients et leurs familles. Le stress physique, psychologique, émotif et financier peut être accablant. Les patients et leurs familles peuvent éprouver des sentiments de colère, de dépression et d'anxiété attribuables à un avenir incertain et un manque de contrôle. Les services de soutien offerts dans les hôpitaux et plusieurs autres organismes, incluant les groupes de soutien pour les patients atteints de myélome, sont très importants durant cette période. Nous vous conseillons vivement d'utiliser ces services, ou de demander à votre oncologue de vous orienter vers des services de consultation psychologique et/ou psychiatrique.

 

Questions et Réponses au sujet de l'intensification thérapeutique avec greffe de cellules souches

 

Vous trouverez ci-dessous certaines des questions fréquemment posées par des patients atteints d'un myélome qui ont bénéficié ou qui vont bénéficier d'une greffe de cellules souches. Il est important de discuter de ces questions et de toute autre préoccupation avec le médecin et les membres de l'équipe soignante avant de prendre une décision au sujet du plan de traitement.

Q. Pourquoi une greffe de cellules souches est-elle nécessaire pour un patient atteint de myélome multiple ?

R. La greffe permet au patient de recevoir une chimiothérapie à fortes doses afin d'éliminer un plus grand nombre de cellules myélomateuses. Ce traitement est si puissant qu'il détruit toute la moelle osseuse. Sans la moelle osseuse, il est impossible pour l'organisme de produire les cellules du sang nécessaires pour transporter l'oxygène, faciliter la coagulation sanguine et prévenir les infections. Une greffe de cellules souches remplace donc la moelle qui a été détruite, épargnant le patient des effets de la chimiothérapie à fortes doses.

Q. Suis-je un candidat pour une intensification thérapeutique avec greffe de cellules souches ?

R. Les experts en médecine n'ont pas encore établi de recommandations fixes concernant la sélection des patients qui profitent le plus d'une greffe. Depuis longtemps intégrée dans les protocoles de traitement du myélome, la réussite de la greffe repose sur l'âge du patient, sa condition physique générale, le stade de sa maladie et sa réponse aux traitements antérieurs. Seul le médecin du patient peut offrir à ce dernier la meilleure évaluation de ses chances de survie à long terme.

Q. Est-ce que les agents alkylants tels que le melphalan, le busulfan et le cyclophosphamide(endoxan) réduisent mes chances de bénéficier d'une greffe ?

R. Les agents alkylants sont l'un des moyens les plus efficaces pour éliminer les cellules myélomateuses à l'intérieur du corps. Toutefois, une utilisation prolongée - de plus de 4 à 6 mois - réduit la capacité de prélever facilement les cellules souches d'un patient. Par conséquent, lorsqu'une greffe est envisagée, il est important que le patient discuter son plan de traitement global afin de s'assurer d'avoir le plus grand nombre d'options de traitement à court et à long terme. Il faut toutefois insister sur l'importance d'effectuer la collecte de cellules souches avant d'utiliser un alkylant.

Q. Comment choisir un centre de greffe ?

R. Une greffe est une procédure médicale complexe qui nécessite une équipe spécialisée constituée de médecins, infirmières, assistante sociale, psychologues et professionnels de la santé qui comprennent la procédure, l'ont réalisée avec succès à maintes reprises et qui sont capables de gérer à la fois les problèmes médicaux et émotionnels. On retrouve aujourd'hui plusieurs centres à travers le pays qui répondent à ces critères. Bon nombre de ces centres se spécialisent dans le traitement de patients atteints de cancer. Afin d'identifier le centre qui convient le mieux aux patients atteints de myélome multiple, vous devriez en discuter avec votre médecin, d'autres patients atteints de myélome multiple et l'IMF.

Q. Que se passe-t-il dans un centre de greffe ?

R. Afin de mieux comprendre ce qui se passe dans un centre de greffe, nous vous recommandons fortement d'effectuer une visite dans un ou plusieurs centres. Planifiez une rencontre avec le personnel - médecins, infirmières et autres membres de l'équipe soignante - afin d'en apprendre davantage sur leur approche de la greffe. Visitez une chambre où votre greffe sera réalisée et où vous séjournerez pendant votre convalescence. Renseignez-vous afin de savoir ce qui sera réalisé en ambulatoire ou à l'hôpital. Il est essentiel d'être en confiance avec le centre avant d'y recevoir votre greffe. À noter que dans certains pays, de nombreux centres ont un motel à proximité ou un complexe résidentiel où sont héberger les patients après avoir reçu leur chimiothérapie à haute dose et pendant qu'ils récupèrent des les effets secondaires. Non seulement les patients ont moins de risque d'infection hors de l'hôpital, mais en plus les coûts d'hébergement privé sont bien moindres que ceux d'une hospitalisation pendant deux semaines ou plus. Les patients sont vus à l'hôpital tous les jours pour leur prise de sang, et sont à proximité en cas d'urgence.

Q. Si mon médecin convient qu'une greffe de cellules souches est un traitement approprié pour ma maladie, que puis-je faire pour m'y préparer ?

R. Un patient peut se préparer de plusieurs façons. En prenant le temps de lire cette note, le patient a déjà réalisé une étape très importante : apprendre autant que possible au sujet de la procédure. Le patient devrait discuter avec son médecin et d'autres patients et lire tout ce qu'il peut, en incluant les publications et bulletins d'information de l'IMF. Les patients devraient poser des questions au sujet de ce qu'ils ont appris et s'efforcer de lire les informations les plus récentes issues de la recherche. Nous conseillons aux patients d'apporter un magnétophone ou d'être accompagnés d'un ami lors de leur visite chez le médecin afin de pouvoir bien se concentrer. Les patients devraient partager toute l'information avec leur famille et proches afin que ces derniers sachent à quoi s'attendre - et comment ils peuvent aider dans les semaines et les mois à venir. Le médecin effectue une série d'examens pour confirmer que le patient est suffisamment bien pour bénéficier de la greffe. Toutes les données recueillies sur l'état cardiaque, pulmonaire et rénal, et des autres organes vitaux permettent au médecin d'établir une comparaison entre la santé du patient avant et après la greffe. Dans la plupart des cas, le patient n'est pas hospitalisé pour les examens puisque ceux-ci peuvent être réalisés en externe.

Q. Quels effets secondaires dois-je prévoir après la greffe ?

R. Des effets secondaires peuvent être ressentis pour chaque type de traitement, même avec d'aspirine. Chaque patient réagit différemment à la chimiothérapie et aux autres médicaments administrés durant la greffe. Il n'y a pas deux patients qui partagent les mêmes effets secondaires. Les effets indésirables les plus fréquents sont des nausées, des aphtes dans la bouche ou mucite, la perte des cheveux, et la fatigue. Les patients doivent rechercher un centre où les médecins, les infirmières et l'équipe soignante ont réalisé un bon nombre de greffes chez des patients atteints de myélome et qui ont l'expérience et l'expertise de subvenir aux besoins individuels de chaque patient.

Q. Que se passe-t-il lors de la réinjection des cellules souches ?

R. En général deux jours après la chimiothérapie à fortes doses, les cellules souches du patient sont réinjectées. Les cellules souches sont décongelées et perfusées par le cathéter du patient dans une poche. Lors de la réinjection, le patient peut ressentir de la chaleur ou se sentir étourdi. Les produits chimiques utilisés pour conserver les cellules souches ont une senteur d'ail que le patient peut faiblement percevoir. L'oncologue peut prescrire ou ajuster les traitements du patient afin qu'il soit plus confortable pendant la greffe.

Q. La greffe en soi peut-elle entraîner la mort d'un patient ?

R. Toute procédure médicale comporte des risques et l'intensification thérapeutique chez un patient atteint de myélome multiple est risquée. Néanmoins, des études médicales ont démontré que la mortalité après greffe n'excède pas 5% voire même le plus souvent 1%.

Q. Un patient peut-il rechuter après une greffe ?

R. Oui. Malheureusement, la majorité (au moins 50%) des patients atteints d'un myélome multiple rechuteront dans les 18 à 36 mois après la greffe.

Q.J'ai beaucoup entendu parler de la purge du myélome. Est-ce bénéfique ?

R. Le processus de purge élimine les cellules myélomateuses du sang périphérique prélevé chez le patient avant la greffe. Une chimiothérapie à fortes doses est utilisée pour éliminer les cellules myélomateuses qui se retrouvent dans le corps. La sélection de cellules souches ou « purge », est utilisée pour éliminer les cellules myélomateuses des cellules souches prélevées avant la greffe. Le but de cette stratégie est de réduire le nombre de cellules myélomateuses présentes dans le corps du patient ainsi que dans le sang périphérique qui lui sera réinjecté. De récentes études indiquent que cette technologie n'est pas efficace pour le myélome. Par conséquent, peu de centres ont recours à la purge de cellules souches pour traiter les patients atteints d'un myélome.

Q. Quelle est la durée du séjour à l'hôpital pour le patient greffé ?

R. Les patients sont hospitalisés pendant 2 à 3 semaines environ. La durée du séjour varie d'un patient à un autre. Certains patients peuvent être admis pour plusieurs courts séjours.

Q. À quel moment les cellules souches commencent-elles à se reproduire ?

R. Les cellules souches commencent à se reproduire ou « à prendre » dans un délai de 10 à 14 jours après la réinjection.

Q. Qu'advient-il de la qualité de vie du patient après la greffe ?

R. En général, la récupération du patient dure entre 3 à 6 mois. À ce moment, le système immunitaire peut de nouveau combattre les infections puisque la moelle osseuse produit des cellules sanguines saines. Les cheveux repoussent, mais les papilles gustatives peuvent être encore affectées. Les aliments qui avaient bon goût avant la greffe n'ont pas nécessairement bon goût après la greffe. Toutefois, dans la majorité des cas, les patients sont en mesure de reprendre leurs activités quotidiennes. Certains prennent jusqu'à un an pour reprendre leur routine. Les patients et leur entourage doivent vivre au jour le jour au début. Il y aura des mauvais et des bons jours bons, pas nécessairement dans cet ordre. Les patients doivent se préparer à se sentir différemment chaque jour tout au long de leur convalescence.

Q. Les patients greffés doivent-ils s'attendre à des changements sur le plan émotionnel?

R. Oui. Une greffe est bien plus qu'une simple procédure médicale. Puisque le patient se retrouve à se reposer sur son oncologue et sur les autres membres de l'équipe de soins, en plus de la famille et des amis, il éprouve souvent un sentiment de perte d'autonomie et de contrôle. Des sentiments d'isolement, de dépression et de détresse sont courants chez les patients greffés. Les patients et les proches devraient alors demander l'aide d'un professionnel. Vous pouvez également recevoir de l'aide auprès des groupes de soutien pour les patients.

Q. Quelles thérapies parallèles et complémentaires peuvent être administrées pendant et après la greffe ?

R. Certains patients croient que les thérapies parallèles et complémentaires sont une composante importante de leur traitement. Du fait que tous les médicaments, synthétiques et naturels, interagissent, et peuvent créer des effets secondaires imprévus, les patients devraient toujours consulter leur médecin avant de les utiliser. Le médecin doit être informé du nom des thérapies parallèles et complémentaires prises. Il est important de noter que même les médicaments en vente libre, en apparence inoffensifs, comme l'ibuprofène par exemple, peuvent être dangereux pour un patient atteint d'un myélome.

 

Termes et Définitions

 

Agent alkylant : agent de chimiothérapie comme le melphalan (Alkeran®) ou le cyclophosphamide (Endoxan). Le terme Alkylant réfère à la façon dont ces agents interagissent avec l'ADN des cellules myélomateuses et bloquent la division cellulaire.

Agent Immunomodulateur : agent qui affecte, stimule ou inhibe le système immunitaire.

Allogreffe de cellules souches : la greffe est réalisée grâce à des cellules souches qui sont prélevées chez un donneur puis administrées au patient. La plupart des allogreffes de cellules souches utilisent des cellules souches du sang périphérique du donneur. Les allogreffes standards sont rarement réalisées pour les patients atteints d'un myélome en raison du risque qu'elles présentent pour le patient. Une technique récente et, pour le myélome, plus sécuritaire (discutée ci-après), est la greffe non myéloablative ou « mini greffe », actuellement étudiée dans des essais cliniques. Afin de déterminer si le patient a un donneur compatible potentiel, une analyse de sang particulière surnommée typage HLA est effectuée. Un donneur peut être un membre de la famille ou être identifié à partir d'un registre de donneurs volontaires. Les cellules souches sont rarement obtenues auprès d'une banque de sang de cordon ombilical.

Anémie : diminution du nombre normal de globules rouges, avec un taux d'hémoglobine habituellement inférieur à 10 g/dl (taux normal entre 12 et 15 g/dl). La présence du myélome dans la moelle osseuse bloque la production de globules rouges, provoquant ainsi l'anémie, dont les symptômes sont l'essoufflement, la faiblesse et la fatigue. Autogreffe de sang périphérique: (voir autogreffe de cellules souches) une procédure qui consiste d'abord à prélever, par cytaphérèse, les cellules souches dans le sang du patient puis à les conserver, et à les réinjecter à la suite d'une chimiothérapie à fortes doses.

Autogreffe (greffe autologue) de cellules souches : réinjection de cellules souches qui sont prélevées chez un patient et perfusées au même patient lorsqu'il a reçu une chimiothérapie à fortes doses. La plupart des greffes de cellules souches chez les patients atteints de myélome sont des autogreffes.

CD34+ : marqueur utilisé pour distinguer et quantifier les cellules souches dans la circulation sanguine. Un nombre minimum de cellules souches CD34+ est requis afin de pouvoir réaliser une greffe de façon sans danger.

Cellules souches (cellules souches hématopoïétiques) : Les cellules souches (hématopoïétiques) saines génèrent des composants sanguins normaux, incluant les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Ces cellules souches se trouvent normalement dans la moelle osseuse et peuvent être prélevées pour une greffe.

Cellules souches du sang périphérique (CSP) : les cellules souches sont prélevées dans le sang. Ces cellules sont similaires aux cellules souches retrouvées dans la moelle osseuse. Le terme « périphérique » signifie que les cellules proviennent du sang à l'extérieur de la moelle.

Chimiothérapie : médicaments utilisés pour détruire les cellules cancéreuses.

Cytaphérèse : procédure grâce à laquelle les cellules souches périphériques sont extraites dans le sang d'un patient ou d'un donneur. La fraction du sang contenant le plasma, les globules blancs et les plaquettes est séparée. Les globules rouges sont reperfusés au patient ou donneur. La fraction qui contient les globules blancs est celle qui contient les cellules souches.

Facteurs de croissance : médicaments qui stimulent la croissance et la libération de cellules souches sanguines dans la circulation sanguine.

Facteurs de croissance des globules blancs : protéines qui stimulent le développement et la croissance des cellules sanguines. Le Neupogen®, le Neulasta® et le Granocyte® sont des facteurs de croissance des globules blancs utilisés pour mobiliser les cellules souches de la moelle osseuse dans la circulation sanguine avant la cytaphérèse. Ces derniers peuvent également être utilisés suite à la greffe pour accélérer la remontée des globules.

Globules blancs : l'un des trois types majeurs de cellules dans le sang. Il existe plusieurs types de globules blancs ou leucocytes (neutrophiles, lymphocytes et monocytes).

Globules rouges : cellules sanguines qui transportent l'oxygène des poumons à travers le corps.

Greffe ou transplantation : les cellules souches sont utilisées pour restaurer le potentiel hématopoïétique du patient à la suite d'une chimiothérapie à fortes doses et/ou d'une radiothérapie. La greffe n'est pas forcement un traitement mais une méthode de support pour permettre un traitement de chimiothérapie à fortes doses.

Greffe de cellules souches du sang périphérique (CSP) : obtenues de la circulation sanguine du patient ou du donneur. Utiliser les CSP pour réaliser la greffe permet de prélever de façon plus facile et sécuritaire les cellules souches et de raccourcir la convalescence comparativement à la greffe de cellules souches de moelle osseuse.

Greffe de moelle osseuse : réalisée au moyen de cellules souches issues directement de la moelle osseuse du patient ou du donneur. Très peu de greffes de moelle osseuse sont actuellement réalisées en raison de la disponibilité des cellules souches du sang périphérique. La moelle osseuse peut rarement être prélevée chez les patients qui ne sont pas en mesure de mobiliser un nombre suffisant de cellules souches dans le sang périphérique.

Greffe en tandem : un terme utilisé pour désigner une double greffe. Il peut s'agir de deux autogreffes ou d'une autogreffe suivie d'une allogreffe (provenant d'un donneur). On planifie habituellement un intervalle de 3 à 6 mois entre chaque greffe.

Greffe de sang de cordon ombilical : les cellules souches sont obtenues à partir des cordons ombilicaux de nouveau-nés. Celles-ci sont congelées et conservées dans des banques de sang de cordon ombilical.

Greffe Syngénique de cellules souches : les cellules souches sont prélevées chez un jumeau monozygote (identique) du patient.

Immunoglobuline : une protéine produite par les plasmocytes (un type de globule blanc) qui aident à combattre l'infection. Également reconnu comme un anticorps.

Lésions lytiques osseuses : trous dans l'os.

Moelle osseuse : Tissu mou spongieux, retrouvé dans la plupart des os plats et longs, qui produit les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes.

Myéloablation : la destruction de la moelle osseuse au moyen de radiothérapie et/ou de chimiothérapie. Ce terme s'applique habituellement à la destruction complète ou presque complète de la moelle osseuse.

Myélome multiple : un cancer se développant à partir des plasmocytes dans la moelle osseuse. Les plasmocytes chez les patients atteints d'un myélome multiple forment des anticorps anormaux, qui endommagent possiblement les os, la moelle osseuse et d'autres organes.

Pic monoclonal : anticorps ou parties des anticorps retrouvés en quantité anormalement élevée dans le sang ou l'urine des patients atteints d'un myélome. Le pic monoclonal correspond au profil prononcé qui apparaît sur l'électrophorèse des protéines en présence d'une protéine M. Synonyme de protéine monoclonale et protéine liée au myélome.

Plaquettes : fragments cellulaires avec granules, essentiels à la coagulation sanguine et la guérison des plaies. Les plaquettes contribuent également à la réponse immunitaire.

Plasmocyte : un type de globules blancs qui produit des anticorps.

Plasmocytome : une tumeur composée de plasmocytes malins.

Ponction de la moelle osseuse : le prélèvement, au moyen d'un trocart d'aspiration, d'un échantillon de la moelle osseuse (liquide).

Prise de greffe : le processus au cours duquel les cellules souches greffées migrent vers la moelle osseuse du patient, commencent à se multiplier et à produire de nouveaux globules, globules rouges et plaquettes.

Protéine M (protéine monoclonale) : protéine anormale, produite par les cellules myélomateuses, qui s'accumule et peut endommager la moelle. Une concentration élevée de protéine M indique que les cellules myélomateuses sont présentes en grand nombre.

Rémission ou réponse : rémission ou réponse sont utilisées de manière interchangeable. Rémission complète (RC) est l'abréviation commune pour les deux. La RC est définie par l'absence de la protéine liée au myélome dans le sérum et/ou l'urine lors d'analyses standard, l'absence de cellules myélomateuses dans la moelle osseuse et/ou les autres régions affectées par le myélome, la rémission clinique, et la normalisation des autres paramètres biologiques.

Réponse complète (RC) : la RC est l'absence de la protéine liée au myélome dans le sérum et/ou l'urine lors d'analyses standard ; l'absence de cellules myélomateuses dans la moelle osseuse et/ou autres régions affectées par le myélome ; la rémission clinique et la normalisation des autres paramètres biologiques à un niveau normal. La RC n'est pas la même chose qu'une guérison.

Sélection de cellules souches : une technique de traitement des cellules utilisée pour obtenir un produit enrichi en cellules souches et ainsi contenant moins de cellules cancéreuses potentielles. S'est avéré inutile chez les patients atteints d'un myélome.

Système immunitaire : système qui protège le corps des organismes pathogènes, des autres corps étrangers et des cancers.

Système International de Stadification (ISS) : le plus récent système de stadification du myélome, il résulte de la collaboration de plus de 20 centres de recherche clinique à travers le monde.

Très bonne réponse partielle (TBRP) : une réponse qui n'est pas vraiment une réponse complète (c'est-à-dire, pas à 100%), mais qui représente une diminution de 90% ou plus de la protéine monoclonale sérique.

 

Sources : Brochure Comprendre l'intensification thérapeutique avec support de cellules souches par International Myeloma Foundation 26 p.

 

Sites internet de référence :

Pour un premier contact : http://fr.wikipedia.org/wiki/My%C3%A9lome_multiple

Site d'information de l'Association des Malades du Myélome Multiple : www.af3m.org

Site d'information des malades sur le myélome : www.myelome.patients.info

Après le congrès de l'American Society of Hematology (décembre 2013) :Saut de ligne Quelques minutes avec Hervé Avet-Loiseau président de l'IFM.

Voir également l'interview de Thierry Facon (Lille), qui a présenté les résultats très attendus d’une grande étude internationale pilotée par l’Intergroupe Francophone du Myélome, l’IFM, qui pourrait changer la prise en charge en première ligne des patients souffrant de myélome non candidats à l’autogreffe.

 

Ajout du 23 février 2015 : Le cancer attaqué par ses cellules souches

 

par Pierre Kaldy (Sciences et Avenir, n° 817 mars 2015, p. 77).

 

Des chercheurs américains ont découvert des molécules capables de tuer spécifiquement les cellules qui résistent aux chimiothérapies. Il s'agit peut-être de la prochaine révolution dans le domaine de la lutte contre le cancer.

Des chercheurs américains ont découvert de petites molécules capables de tuer spécifiquement les cellules souches tumorales, celles qui résistent aux chimiothérapies et aux rayons X, disséminant des métastases dans le corps. Cette stratégie, qui peut se révéler cruciale quand on sait que cette maladie tue le plus souvent par ses récidives, offre « l'une des perspectives les plus prometteuses dans son traitement », souligne Christophe Ginestier, chercheur au Centre de recherche en cancérologie de Marseille. Ainsi des médecins de la société Boston Biomédical ont identifié une molécule, le BBI608, qui bloque le développement des cellules souches d'une dizaine de cancers différents tout en épargnant celles qui régénèrent le sang. Aucun agent de chimiothérapie n'avait pu jusqu'ici entraver la prolifération de ces cellules. Sans toxicité apparente, le BBI608 a bloqué l'apparition de métastases dans deux modèles de cancer chez la souris. Ces résultats très encourageants ont incité la société à engager plusieurs essais cliniques préliminaires chez des patients atteints de diverses tumeurs incurables. Là encore, des exemples surprenants de régression de la maladie ont été obtenus après traitement avec le BBI608 et un agent de chimiothérapie. Une étude clinique à plus vaste échelle sur le cancer colorectal avancé est en cours pour vérifier cet effet. S'il reste de nombreuses étapes avant la commercialisation de nouveaux inhibiteurs de cellules souches, des patients diabétiques traités par un hypoglycémiant courant, la metformine, semblent déjà bénéficier de cette nouvelle approche. Lorsqu'ils sont atteints de certains cancers, ils présentent un taux de récidive plus faible, probablement dû au fait que la metformine apparaît également toxique pour les cellules souches de la tumeur.

Cellules-cancéreuses-450.jpg

Le BBI608 bloque le développement des cellules souches tumorales

(ici en vert) tout en laissant intactes celles qui régénèrent le sang.

 

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07/10/2013

Municipales : ours, loups, lynx, rapaces et phoques victimes de la démagogie électorale

loup,jura,prédateursMunicipales : ours, loups, lynx, rapaces et phoques victimes de la démagogie électorale

Les loups, les ours, les lynx ou les vautours n’ont décidément pas de chance car dans leurs existences difficiles il y a toujours une ou deux élections à l’horizon.

par Claude-Marie Vadrot

Et les municipales sont traditionnellement les plus mortifères pour la faune sauvage, même si les législatives, les cantonales ou la présidentielle déclenchent également des actions, prises de positions et déclarations démagogiques sur les espèces sauvages coupables de faire concurrence à la prédation et à la présence humaine.

Logiquement donc, les chasses au loup, l’organisation de battues administratives ou illégales et les empoisonnements ont entrainé la disparition d’au moins une dizaine de ces animaux depuis le début de l’année, dont une femelle dont les louveteaux ne survivront pas. Le pouvoir veut prouver qu’il agit avec la même fermeté et la même absence de remord contre les Roms et les loups que beaucoup d’élus rangent sans la moindre honte dans la catégorie des prédateurs « impossibles à assimiler ».


Alors les démagogues et les chasseurs crient au loup en maquillant les chiffres à la tribune de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans les journaux régionaux ou dans Le Figaro qui accueillent leurs diatribes et statistiques mensongères. Des fantasmes qui, comme pour les Roms, n’ont rien à voir avec la réalité. Car s’il est incontestable que les 250 à 300 loups désormais présents sur le territoire mangent aussi des brebis, les dégâts n’ont rien à voir avec les statistiques brandies par ceux qui crient au loup. Les 4.524 brebis tuées ou blessées en 2012 par Canis lupus représentent 0,06 % du cheptel français de 7 millions d’ovins. Victimes toutes remboursées en 2012 aux éleveurs pour une somme de 1,5 million d’euros, loin des bilans financiers faramineux assénés par les élus de tous bords.

Cette réalité n’implique pas que le métier d’éleveur ou de berger soit facile, qu’il ne comporte pas de nombreuses difficultés qui devraient le faire accéder au rang de métier pénible pour le calcul de la retraite. Passer plusieurs mois seul dans la montagne et courir de temps à autre après son troupeau pour un salaire souvent ridicule, cela n’a rien de drôle. Mais les éleveurs, les bergers et tous les syndicats agricoles confondus se trompent en liant l’existence du loup et d’autres espèces sauvages à la crise de la filière ovine. Ils feraient mieux de tourner leur courroux vers la filière de la viande, vers les importations, vers les politiques de prix des grandes surfaces ou vers le traité qui contraint encore la France à importer de l’agneau congelé de Nouvelle-Zélande.

Ils pourraient, comme certains le font heureusement comme je viens de le constater dans la Drôme, se poser des questions sur leur instrumentation par les chasseurs qui se moquent des moutons mais craignent la concurrence pour leur gibier. Il ne faut pas oublier que ce sont les chasseurs qui pourchassent les loups et réclament un droit de tir à vue. Ce sont aussi eux qui ont abattu les derniers ours Pyrénéens, contraignant les pouvoirs publics à leur chercher des remplaçants en Slovénie.

Les mêmes problématiques entraînent le harcèlement, voir l’assassinat des ours alors qu’ils ne "consomment", en général en automne, que 0,9% des brebis qui vivent dans la montagne pyrénéenne. Des chiffres qui n’ont aucune commune mesure avec les dizaines de milliers de moutons tués chaque année par les chiens errants ou fugueurs, bien souvent ceux des chasseurs. La même remarque vaut pour les Alpes et le Massif central, puisque selon une estimation de la FNSEA, ce sont au minimum 150.000 ovins qui sont tués ou estropiés chaque année par des chiens.

La situation pré-électorale n’est pas meilleure dans les Vosges et le Jura, où, depuis 1983, les lynx tentent de se multiplier en dépit des tirs clandestins ou des campagnes d’empoisonnement menées discrètement par les chasseurs. Au point que l’espèce est en danger, alors qu’en Espagne, le sauvetage d’une espèce voisine, le Lynx pardel est désormais réussie. Mais une part de la France rance, à commencer par celle des élus locaux, ne supporte pas le sauvage, ne supporte pas que le milieu naturel ne ressemble pas à un parc urbain, que les animaux sauvages n’obéissent pas aux syndicats d’initiative, que les routes circulent encore entre des arbres. Lesquels, c’est bien connu, ont la fâcheuse habitude de se jeter sur les routes au devant des automobilistes. Rien à voir avec les loups, les lynx ou les ours ? Mais si, car les chantres et représentants d’une ruralité qui n’existe plus que dans leurs imaginations et leur nostalgie d’un autre âge, se battent depuis des années contre ce qui ne ressemble pas à un jardin à la Le Nôtre. Alors qu’en Espagne et en Italie, les loups et les ours sont efficacement protégés.

La rage envers le sauvage a entraîné au cours des derniers mois, des élus à faire détruire des nids d’hirondelles parce que ces oiseaux salissaient les rues et des inconnus à empoisonner des vautours, des gypaètes, des milans royaux, des buses ou des hérons dans de nombreux départements. Sans que la justice se saisisse des ces délits alors que comme le loup, le lynx et l’ours, il s’agit d’espèces protégées.

La vindicte contre les animaux sauvages a même atteint depuis quelques mois les phoques veau-marins qui vivent autour de la Baie de Somme. Une espèce sauvée de justesse par les naturalistes et désormais accusée (ils sont 460 !) de dévaster les bancs de poissons par des pêcheurs (et des élus) qui devraient plutôt se poser des questions sur les méfaits de la surpêche dans les mêmes secteurs.

Le "sauvage" n’intéresse ni la droite, ni l’extrême droite, ni les socialistes, ni le Front de gauche, ni le Parti communiste. Ni d’ailleurs, dans le fond, les Verts qui ont d’autres chats à fouetter puisque les animaux ne votent pas. Seules les associations de protection de la nature râlent. Mais qui les entend, qui les écoute ?

Réalité encourageante : il est à peu près certain que le loup a désormais réussi sa reconquête du territoire français et qu’il peuplera de plus en plus de départements.

Claude-Marie Vadrot
Source : Politis

06/10/2013

Loups et élevages : une coexistence « compromettante »

loup,jura,prédateursLoups et élevages : une coexistence « compromettante »


par Antoine Doré[1]

Article paru dans le Courrier de l'environnement de l'INRA n°63, août 2013 pp. 123-124.


L'année 2012 marque les vingt ans du retour officiel des loups en France. Et pourtant, aucune mesure n'est à ce jour parvenue à créer les conditions d'une coexistence parfaitement pacifique entre les loups, les moutons, et les humains. L'existence des uns semble toujours, par endroits et par moments, compromise par la présence des autres. Les situations de calme relatif rendues possibles par l'appareillage compliqué de multiples dispositifs techniques, scientifiques, juridiques, administratifs, etc.[2], restent souvent précaires.

Non, les éleveurs et leurs animaux ne seront sans doute jamais totalement tranquilles en présence des loups. Il est fort à parier également que les loups ne vivront jamais complètement en paix tant que les éleveurs et les bergers auront des troupeaux à défendre. En effet, si des mesures de protection permettent d'assurer une relative sécurité du bétail, les loups parviennent de temps à autre à les contourner et à en trouver les points faibles. Et l'immunité théorique que la Convention de Berne[3] et la Directive Habitats[4] confèrent aux loups est régulièrement écornée dans la pratique par quelques destructions illégales de ces prédateurs.

Sauf à envisager l'hégémonie destructrice d'un camp sur un autre, la situation actuelle nous oblige à faire le constat que la suppression de tout conflit relatif à la présence des loups est illusoire. L'entière réconciliation du loup et de l'agneau n'est pas pour aujourd'hui. De sorte qu'il apparaît important de concentrer les efforts sur un accompagnement du conflit qui soit l'occasion d'apprentissages collectifs et d'ajustements réciproques.

Comme l'avait bien vu le sociologue et philosophe allemand Georg Simmel, le conflit est un facteur important de cohésion sociale[5]. C'est en particulier au gré de nos querelles, discordes, désaccords, etc., que nous apprenons collectivement à vivre ensemble et que nous faisons société entre humains. C'est par le conflit que nous devons également apprendre à composer les agencements « anthropo-zoo-techniques » qui conviennent et explorer ensemble les voies possibles d'une cohabitation plus vivable pour tous : loups, moutons, éleveurs, naturalistes, chiens de protection de troupeaux, promeneurs, chasseurs, chamois, chevreuils, etc.

Dans cette optique, l'aménagement des relations tumultueuses qui s'engagent entre des humains à propos des loups est certes important. Mais l'invention des conditions d'un co-apprentissage de la conflictualité entre les loups et les éleveurs l'est sans doute plus encore. Il est temps de considérer et de traiter les loups comme de véritables parties prenantes des conflits plutôt que comme de simples révélateurs d'enjeux politiques qui ne concerneraient que l'entente entre humains. Or, cela n'est envisageable qu'en dérogeant, de manière partielle et mesurée, à la stricte protection des loups. Les éleveurs et bergers doivent pouvoir réagir face aux prédateurs récalcitrants qui parviennent à outrepasser les dispositifs de protection des troupeaux pour s'attaquer à leur gagne-pain. Et les loups doivent pouvoir sentir, sur le vif, la résistance active de ces derniers pour apprendre ou réapprendre à se tenir à distance du bétail.

Pour ne pas être fatals aux uns ou aux autres, les conflits entre humains et animaux, tout comme les conflits entre humains, doivent cependant être accompagnés, être encadrés démocratiquement. Il s'agit alors d'inventer une pratique politique du conflit qui prenne définitivement acte du caractère compromettant du vivre ensemble, qui assume pleinement le constat selon lequel toute entreprise de coexistence pose des questions importantes d'identités, c'est-à-dire, par exemple, de reconfiguration des manières d'être éleveur, mais également des manières d'être loup. Dès lors. une question primordiale s'impose : jusqu'où sommes-nous prêts à compromettre nos façons de faire, nos façons d'être, pour cohabiter avec l'autre ? Comment et jusqu'où peut-on intervenir sur les loups sans remettre en cause leur caractère sauvage défendu par les uns ? Comment et jusqu'où peut-on transformer les pratiques d'élevage sans dénaturer certaines pratiques spécifiques de conduite des troupeaux auxquelles tiennent tant les autres ? Tout l'enjeu consiste alors à inventer les dispositifs de négociation prenant à bras-le-corps de telles questions pour rendre possible l'instauration collective de « compromis du supportable ».

 

antoine doré,inra

 

Le dispositif interministériel de prélèvement fixant les conditions d'autorisations ponctuelles de destruction de loups[6] est sans doute très imparfait et insatisfaisant. Il peut cependant être considéré comme la préfiguration d'un instrument d'accompagnement du conflit potentiellement efficace et démocratique, en créant les conditions de possibilité d'une négociation collective de « compromis du supportable », au sein des comités pluripartites dédiés aux grands prédateurs.

En vertu des mesures dérogatoires à la stricte protection des loups prévues par la Directive Habitats, des destructions de loups sont possibles aux conditions que des dégâts importants soient constatés, qu'il n'existe aucune autre solution satisfaisante et que cela n'affecte pas l'état favorable de conservation des populations. La traduction pratique et détaillée de ces conditions abstraites en un protocole technique fixant les conditions et modalités d'application des opérations de tir est l'occasion d'une négociation progressive de ce que les différents protagonistes peuvent supporter : d'une part, il s'agit de définir le seuil de pression de prédation supposé être supportable pour l'éleveur (nombre d'attaques constatées par l'administration pendant une durée donnée) ; d'autre part, il s'agit de définir un seuil de pression de prélèvement de loups supposé être supportable par la population (nombre maximum de loups dont la destruction peut être autorisée sans que cela n'affecte l'état favorable de conservation des populations).

Les débats qui accompagnent chaque année la publication des arrêtés préfectoraux ordonnant la réalisation de tirs de prélèvement de loups ne doivent pas être considérés comme le signe d'une défaillance du dispositif. Ils témoignent de l'invention en cours d'une coexistence qui ne peut pas être décrétée de manière autoritaire ou irénique[7], mais qui doit être pensée et construite comme un compromis réciproque des protagonistes. Tout l'enjeu des politiques publiques est alors de créer les conditions nécessaires à son élaboration.



[1] Sociologue à l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) Chercheur associé au CSO (CNRS/Sciences-Po) et au laboratoire PACTE (CNRS/IEP/UPMF/UJF) dore.antoine@yahoo.fr

[2] Pour ne citer que quelques exemples : les mesures de protection des troupeaux (parcs de regroupement mobiles, chiens patous, etc.) ; le Réseau loup/lynx de suivi des populations ; l'arrêté fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire français ; la circulaire relative à l'indemnisation des dommages causés par le loup aux troupeaux domestiques, etc.

[3] Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, Berne, 19 septembre 1979.

[4]Directive 92/43/CEE du Conseil, 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

[5]Simmel G., 1 W. Le conflit. Circé, Paris, 166 p

[6]Arrêté du 4 niiii 2011 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus). Journal officiel de la République française, n°0111 du 13 mai 2011 ; page 8289.

[7]Qui cherche à éviter les excès d'une attitude purement polémique. Relatif à l'irénisme (Larousse).

05/10/2013

Contrat de rivière Vallée du Doubs

contrat de rivièreContrat de rivière Vallée du Doubs : « restaurer la continuité écologique et restaurer les fonctionnalités biologiques »

 

La détermination paye. Le Doubs va enfin bénéficier d’un contrat de rivière en 2014.

 

Le comité de rivière « Vallée du Doubs » s’est réuni pour la première fois ce mercredi. Il regroupe des élus, des services de l’État et des collectivités et des usagers, et signera en juin prochain le contrat avec ses partenaires financeurs (Collectivités, Agence de l’eau). Éric Durand, conseiller régional EELV, préside ce comité.

 

Pour Éric Durand : « Ce contrat de rivière permet enfin de se pencher sur notre belle rivière emblématique de notre territoire. Il va engager une série d’actions permettant de restaurer la continuité écologique de la rivière et restaurer ses fonctionnalités biologiques. Afin de mettre en œuvre ces actions, il faudra convaincre les acteurs locaux de façon à ce que chaque action soit admise et partagée par le plus grand nombre. C’est sur cette concertation et mobilisation que repose le succès de ce programme. »

 

Le contrat de rivière est un projet commun pour réhabiliter et valoriser le patrimoine aquatique, qui se traduit dans un programme d’aménagement et de gestion du cours d’eau.

 

C’est l’Établissement Public Territorial du Bassin Saône et Doubs (EPTB) qui suivra ce contrat. Il intervient sur plus de 2000 communes sur les thématiques des inondations, de l’amélioration de la qualité et de la ressource en eau, des zones humides et de la biodiversité. L’EPTB agit pour une gestion durable de l’eau, des rivières et des milieux aquatiques.

 

Pour le futur contrat de de rivière « Vallée du Doubs », le diagnostic réalisé par l’EPTB et le comité de suivi ont retenu trois axes :

 

* la restauration physique des cours d’eau et de leur continuité écologique,

* la maîtrise des pollutions d’origine agricole et industrielle,

* la sensibilisation des acteurs et du grand public en vue de leur implication.

 

Pour suivre ce contrat : site de l’EPTB :

http://www.eptb-saone-doubs.fr/Doubs-Vallee-du-Doubs-et

 

Article de France 3 :

http://blog.france3.fr/vallee-de-la-loue/2013/10/02/un-co...

 

03/10/2013

Les bactéries font et défont les espèces

Escherichia-coli-logo-200.jpgLes bactéries font et défont les espèces

 

par Émilie Rauscher

(Science & Vie n° 1152, septembre 2013, pp. 106-111)

 

Les bactéries logées à l'intérieur de tout organisme vivant, y compris celles de la flore intestinale, influencent son évolution… Au point, parfois, de créer de nouvelles espèces. L'hypothèse avait été formulée il y a quelque temps déjà... En 1927, le microbiologiste américain Ivan Wallin notait :

 

"C'est une proposition pour le moins étonnante de dire que les bactéries, communément associées à la maladie, pourraient en fait être un facteur fondamental dans l'apparition de nouvelles espèces..."

 

Tellement étonnante, d'ailleurs, qu'elle fut rapidement oubliée, d'autant que les arguments pour la démontrer n'existaient pas... Ou plutôt pas encore. Car aujourd'hui, alors qu'ils mesurent encore à peine à quel point les bactéries sont partout – des abysses à nos cellules – ; alors qu'ils commencent à réaliser l'importance des relations ultimes et durables (symbioses) qu'elles ont tissées avec tout ce qui vit ; alors qu'ils découvrent enfin tout ce dont elles sont capables... finalement, les scientifiques en viennent à se dire qu'il y avait peut-être du vrai dans cette vieille idée folle !

 

Selon Bordenstein, professeur de biologie à l'université Vanderbilt (Nashville, EtatsUnis), lui, en est convaincu depuis plus de dix ans déjà : "Une nouvelle espèce pourrait bien apparaître, non seulement parce que ses gènes mutent au sein de ses propres cellules, mais aussi parce que les communautés microbiennes qu'elle héberge (dans ses intestins, etc.) changent ! " Et il a désormais de quoi étayer cette hypothèse, qui non seulement renouvelle notre compréhension de la complexe mécanique de l'évolution, mais fait des bactéries l'un des maîtres, aussi majeur que méconnu, du destin des espèces...

 

NOUS SOMMES TOUS DES ÉCOSYSTÈMES

 

Inspiré par Ivan Wallin, mais aussi par d'autres prédécesseurs visionnaires comme la biologiste américaine Lynn Margulis, qui avait perçu dès les années 1970 l'importance de la symbiose, Seth Bordenstein a patiemment réuni cas ambigus et phénomènes étranges, comme autant d'indices de l'influence des bactéries. Il mène des recherches, compile et dissèque les travaux dans lesquels des micro-organismes semblent être à l'origine d'une nouvelle espèce... Une gageure tant ce phénomène, la "spéciation", est discuté par les scientifiques : ses influences sont innombrables et ses causes multiples et difficiles à distinguer de ses conséquences.

 

Déjà se pose la question de ce qu'est une espèce. Cela semble simple si on regarde la chose d'un œil presbyte : de loin, les espèces se distinguent bien. De près, beaucoup moins. La faute à l'évolution et à la sélection naturelle qui poussent le vivant à changer en permanence, si bien qu'il est difficile de faire la part des choses quand une espèce se transforme ou que deux populations proches semblent s'hybrider. Par conséquent, depuis deux cent cinquante ans qu'ils travaillent dessus, les naturalistes, puis les biologistes ne se sont toujours pas accordés sur une définition claire... Retenons juste que des individus appartiennent à des espèces différentes s'ils ne peuvent pas se reproduire ensemble. Les raisons d'une telle barrière ? Soit l'acte est impossible entre eux, soit leurs hybrides sont condamnés ou stériles. Dans tous les cas, les ponts ont été coupés entre les partenaires et entre leurs espèces respectives — qui pouvaient n'en faire qu'une au départ. Incapables d'échanger des gènes, elles vont suivre chacune leur chemin évolutif et multiplier les différences. C'est ainsi qu'en partant d'un cousin de Velociraptor, on se retrouve quelques millions d'années plus tard avec des canards et des autruches. D'où viennent ces différences ? Comme le rappelle Seth Bordenstein, "les biologistes considèrent que l'apparition de nouvelles espèces est principalement dirigée par les changements qui se produisent dans nos gènes. Nous, nous démontrons que pour comprendre de façon globale comment se passe la spéciation, il faut certes considérer notre génome, mais aussi celui des micro-organismes qui sont en nous !" Pour le biologiste américain, la "cause première" de la séparation des espèces peut être, aussi, microbienne. Rappelons-nous que nous sommes de vrais écosystèmes, peuplés de nuées de bactéries. Tout comme deux populations appartenant à une même espèce peuvent être séparées physiquement par une montagne, ou génétiquement par un bouleversement chromosomique, elles peuvent l'être par ces mini-résidents !

 

 Le chercheur a regroupé une collection inédite de cas où des bactéries ont sorti une artillerie lourde capable d'imposer cette ségrégation...

 

 UN STRATAGÈME PARFAIT

 

 Wolbachia est, à ce titre, exemplaire : cette bactérie infecte près de 60 % des arthropodes, l'immense groupe des insectes, acariens, araignées et crustacés. Parasite incontournable, elle s'insinue dans les cellules de son hôte et colonise la descendance des femelles. Pour favoriser sa transmission, elle réalise des prodiges.

Wolbachia-450.jpg

En infectant les cellules souches des organes reproducteurs de la Drosophile, la bactérie Wolbachia (en vert) modifie en sa faveur l'évolution de son hôte.

 

Ainsi, elle est capable d'imposer à ses hôtes une "spéciation asexuelle" : les femelles qu'elle infecte produisent sous sa houlette des ovules qui se développeront sans être fécondés par les mâles (qui deviennent ainsi inutiles). Chez des guêpes ou des acariens par exemple, on voit ainsi apparaître des lignées entièrement féminines et autonomes. "Ce cas est emblématique car immédiat, pointe Olivier Duron, spécialiste de l'évolution des symbioses à l'université de Montpellier 2. Dès l'arrivée de la bactérie, on a un isolement reproducteur, c'est-à-dire que l'individu infecté ne peut plus se reproduire avec les autres." Et qui dit isolement dit début de divergence entre les populations séparées.

 

 Wolbachia a une seconde technique : elle sait influer sur les possibilités de reproduction de son hôte. Seules les femelles qu'elle infecte peuvent se croiser avec tous les mâles, transmettant ainsi le parasite à sa descendance. Une femelle non infectée est limitée aux mâles également non infectés, sous peine de voir ses œufs mourir. En quelques générations, près de 100 % de la population est parasitée. Ce procédé prend toute sa force quand on sait qu'il existe plusieurs types incompatibles de Wolbachia : ainsi, dans une même espèce d'arthropodes, on peut voir apparaître des groupes infectés par l'une ou l'autre souche bactérienne qui ne pourront plus se croiser !

 

DES ESPÈCES NAÎTRAIENT D'UN SIMPLE CHANGEMENT DE LEUR FLORE INTESTINALE

 

Preuve supplémentaire de la responsabilité de la bactérie : l'utilisation d'antibiotiques, en la tuant, fait tomber les barrières qu'elle dressait entre ses hôtes... À moins de s'y prendre trop tard, alors que l'évolution a déjà créé des lignées isolées. Séparées à l'origine par la bactérie, ces populations sont devenues trop différentes pour se croiser, même après sa disparition.

 

 Ces exemples, Seth Bordenstein en connaissait l'importance, mais aussi les limites. Après tout, qu'un parasite niché au cœur même des cellules de son hôte ait un tel effet sur lui n'est sans doute pas si surprenant. Et si Wolbachia et ses consœurs sont courantes chez les arthropodes, on n'en connaît guère chez les mammifères, pour ne citer qu'eux. Ce qui limite leur impact à des groupes animaux, certes nombreux, mais bien particuliers...

 

 Sauf que les bactéries n'ont pas besoin de s'incruster dans les cellules de leur hôte pour bouleverser sa vie. Partout dans le vivant, on observe des symbioses au cours desquelles elles se contentent de s'installer dans certains organes ! Pour rester chez les arthropodes, elles leur permettent de diversifier leur nourriture ou de s'adapter à un autre milieu, et donc de coloniser des zones interdites à leurs congénères. Grâce à elles, le termite mange du bois, le puceron conquiert de nouveaux végétaux, etc. "Puisqu'elle ouvre l'accès à une niche particulière, et donc facilite la divergence avec la population d'origine, la symbiose soutient la spéciation", souligne Olivier Duron. Voilà qui démultiplie les cas possibles !

 

Escherichia-coli-450.jpg

Escherichia coli

 

 Pourtant, Seth Bordenstein avait l'ambition d'aller encore plus loin. Pour ce défi, il reçoit en 2008 le soutien de son collègue Robert Brucker. Dans leur dernière étude, tout juste publiée, les deux biologistes soutiennent cette fois que même des bactéries banales, non symbiotiques, telles celles qui pullulent dans nos intestins, peuvent provoquer la spéciation ! "Ces dernières années, il est devenu clair que chaque animal avait des hôtes bactériens spécifiques, dont les gènes réunis (le microbiome) sont impliqués dans sa digestion comme dans son bon développement cérébral, rappelle le chercheur. Mais personne n'avait prouvé leur rôle dans la spéciation..."

 

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Embryon hybride de Nasonia

Leurs bactéries créent une divergence entre les guêpes qui les empêche de se reproduire. Un traitement antibiotique a mis en valeur l'influence de la flore bactérienne de 3 guêpes du genre Nasonia qui les empêche de se reproduire. Sans traitement, leurs embryons hybrides ne survivraient pas, leurs flores étant incompatibles.

 

Avec l'aide de trois petites guêpes du genre Nasonia, d'une bonne dose d'antibiotiques et de logique, c'est désormais chose faite. Les chercheurs savaient que lorsque ces trois espèces se croisaient, leurs hybrides étaient condamnés. Ils prédirent, en s'inspirant des expériences avec Wolbachia, qu'un traitement antibiotique aurait un effet drastique... Ils ne se sont pas trompés : près de 90 % des hybrides furent sauvés ! L'incompatibilité entre les guêpes venait donc bien des bactéries. Et réinjecter les microbes restaurait leur lourde mortalité précédente. Un scénario qui a un air de déjà-vu... Sauf que, différence fondamentale, les microbes visés étaient, cette fois, simplement ceux de la flore intestinale !

Évolution-de-la-guêpe-Nasonia-et-de-sa-flore-intestinale-450.jpg

 

UN JOUEUR DE PLUS À LA LOTERIE DE L'ÉVOLUTION

 

En étudiant cette dernière de plus près, Seth Bordenstein remarqua d'ailleurs que les hybrides survivant sans traitement étaient ceux qui avaient reçu une flore proche de celle d'un de leurs parents, au lieu d'un mélange chaotique. C'est donc bien cette flore qui détermine qui vit ou meurt et, ce faisant, imperméabilise les frontières entre les espèces concernées. "Cette étude est solide et l'idée qu'elle présente est séduisante. On savait que les bactéries intracellulaires pouvaient jouer sur l'isolement de populations... Mais que les bactéries intestinales en soient également capables est nouveau ! ", s'enthousiasme Olivier Duron. Ainsi, les espèces - et l'homme ne ferait pas exception - pourraient naître et prospérer par le fait de mutations dans leur génome mais aussi, simplement, par des changements dans leur flore intestinale.

 

Voilà une découverte qui ajoute un joueur particulièrement riche à la grande loterie de l'évolution... Et qui dit partenaire supplémentaire dit nouveaux gènes à prendre en compte : "Notre expérience donne ainsi une bonne raison de regarder 1'hologénome, c'est-à-dire la combinaison de l'ADN de l'hôte et de ses communautés de micro-organismes résidents, souligne Seth Bordenstein. L'objet de la sélection naturelle ne serait donc pas l'individu seul, mais lui et les communautés bactériennes associées." Pour le chercheur, nous étions jusqu'ici passés à côté de la plus grande part de l'information qui constitue chaque être vivant : les bactéries, ces marionnettistes invisibles et inconscients derrière l'évolution des espèces !

 

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Proteus vulgaris

 

ET CHEZ L'HOMME ?

 

Notre part bactérienne est plus importante qu'on ne le croit : pour dix cellules humaines, nous abritons quatorze bactéries et pour dix gènes humains, nos microbes en comptent quatorze. Outre nos quelque vingt milliers de gènes,  nous en comptons donc quelque trente milliers d'origine microbienne : deux patrimoines génétiques qui doivent fonctionner "en réseau".

 

Le rôle des bactéries dans l'évolution des insectes décrypté, on peut se demander ce qu'il en est des mammifères ou des poissons. Seth Bordenstein et Robert Brucker se posent bien sûr la question : "Nous espérons montrer que la flore intestinale et les gènes des microbes qui la composent, le microbiome, sont importants pour la spéciation animale. Une étude récente vient d'ailleurs de montrer que l'Homme et ses plus proches parents chez les primates ont des microbiomes scifiques à chaque espèce, qui évoluent en même temps que l'ADN nucléaire (dans le noyau des cellules)." Cette coévolution plaide pour un lien fort entre notre génome et celui de notre flore. Les études se multiplient d'ailleurs pour recenser les bactéries que nous hébergeons et mieux comprendre le microbiome riche de plusieurs millions de gènes qu'elles constituent. On sait déjà qu'il existe trois "groupes bactériens" intestinaux, comme il y a des groupes sanguins, et que les perturber a des conséquences sur notre santé.