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04/08/2019

L’épigénétique est un modulateur clé de l’évolution

L’épigénétique est un modulateur clé de l’évolution

 

Par Édith Heard et Vincent Colot

 

 

https://www.pourlascience.fr/sd/physique/pour-la-science-n0500-17033.php

Article paru dans Pour la Science n°500 - Juin 2019

 

En agissant sur la capacité de séquences mobiles d’ADNles transposons — de se déplacer dans le génome, l’épigénétique garde sous son contrôle un puissant réservoir de variations susceptibles d’avoir un effet majeur au sein d’une même espèce. L’environnement influence-t-il ce contrôle ? Edith Heard et Vincent Colot, chercheurs spécialisés en épigénétique, nous répondent.

 

Propos recueillis par Marie-Neige Cordonnier  27 mai 2019  POUR LA SCIENCE N° 500  20 mn.

 

L’uta, un lézard du sud-ouest des États-Unis, a en général la couleur du sable qu’il habite, mais ceux qui vivent sur le volcan Pisgah, en Californie, sont noirs comme la lave refroidie qui les héberge. En revanche, si un lézard de Pisgah (à gauche) vit pendant quatre mois dans du sable clair, il reprend une couleur sableuse (à droite). Ammon Corl, de l’université de Californie à Berkeley, et ses collègues ont récemment montré que chez les lézards de Pisgah, deux gènes régulant la production de mélanine sont mutés. Selon eux, la plasticité phénotypique de l’uta l’aide à s’adapter à un nouvel environnement, puis une mutation soumise à une forte sélection positive vient fixer le phénotype le mieux adapté.

 

1-Uta-Lézard des États-Unis (SW)-450.jpg

Utas, lézards du sud-ouest des États-Unis

© Corl et al., Current Biology, 2018

 

Comment définiriez-vous l’épigénétique aujourd’hui  ?

 

Edith Heard : La définition sur laquelle repose mon travail est celle issue des travaux du Britannique Robin Holliday et de l’Américain Arthur Riggs menés dans les années 1970 : l’épigénétique est l’ensemble des changements d’expression des gènes qui sont transmissibles au cours des divisions cellulaires ou à travers les générations et qui n’impliquent pas de changement de la séquence d’ADN.

 

Mais la définition de Conrad Waddington revient en force depuis une vingtaine d’années. En 1942, ce biologiste britannique a voulu rapprocher deux domaines, la génétique et l’embryologie, afin d’établir un lien entre génotype (le patrimoine héréditaire d’un individu, porté par les gènes) et phénotype (les caractères observables de l’individu). À l’époque, on ne savait pas de quoi étaient faits les gènes. Waddington a proposé de nommer épigénétique l’étude des mécanismes du développement par lesquels les gènes déterminent les caractères. Cette définition a pris un sens plus général aujourd’hui, à mesure que l’on s’est intéressé aux variations plus ou moins grandes de phénotypes que peuvent engendrer pour un même génotype des environnements différents.

 

Vincent Colot : Oui, la définition de Waddington est prévalente de nos jours : pour faire court, elle englobe tous les processus de régulation de l’expression des gènes, soit dans un cadre développemental, soit en réponse à des signaux de l’environnement externe. On sait que chez les eucaryotes (les organismes dont les cellules ont un noyau), cette régulation fait intervenir de nombreux mécanismes agissant sur la chromatine – la structure compacte que forment l’ADN et les protéines (histones) autour desquelles il est enroulé dans le noyau. Pour ma part, comme Edith, ce sont les mécanismes de contrôle conduisant à une « mémoire » des états d’expression des gènes au travers des divisions cellulaires ou des générations qui m’intéressent, et leurs conséquences. C’est dans ce cadre que j’étudie plus particulièrement, chez les plantes, l’héritage au fil des générations d’une marque de la chromatine, la méthylation de l’ADN – l’ajout d’un groupement méthyle (CH3) à certains nucléotides le long de la séquence de l’ADN.

 

Connaît-on beaucoup de mécanismes épigénétiques  ?

 

Vincent Colot : Oui, ils sont très variés, surtout chez les eucaryotes où la régulation de l’expression des gènes est bien plus complexe que chez les bactéries. L’ADN n’est pas juste lu et transcrit par des protéines : il est enroulé autour d’histones qui elles-mêmes sont sujettes à de nombreuses modifications chimiques, et la chromatine interagit aussi avec des ARN (des produits de lecture de l’ADN) dits non codants, car leur fonction n’est pas d’être traduits en protéines. L’organisation tridimensionnelle de la chromatine dans le noyau joue aussi un rôle important, comme Edith l’a montré à propos du chromosome X.

 

Edith Heard : En plus des mécanismes liés à la chromatine, il existe de nombreuses autres stratégies que les chercheurs commencent à disséquer. Le cas des criquets pèlerins Schistocerca gregaria montre à quel point ces stratégies sont diverses. Un criquet seul vit tranquillement sous les arbres, en solitaire. Mais dès que l’on met plus de trois criquets solitaires à proximité, ils changent complètement de comportement en quelques heures. Ils deviennent agressifs et se rassemblent, marchent en ligne, puis se mettent à migrer et à voler. Ils changent aussi de couleur et de morphologie, et leur descendance conserve ces attributs, qui sont même renforcés au fil des générations.

 

Quand le criquet pèlerin Schistocerca gregaria est solitaire, il vit tranquillement au sol, sous les arbres, et est plutôt marron-vert (à gauche). Mais si on rapproche plusieurs criquets solitaires, ceux-ci changent en quelques heures de comportement et de morphologie, devenant grégaires et agressifs, et très colorés (à droite). Ces changements sont transmis aux générations suivantes par une molécule que la mère se met à produire dans la mousse destinée à nourrir sa progéniture.

 

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Criquet pèlerin Schistocerca gregaria

© Shutterstock.com/davemhuntphotography

 

Il y a quelques années, Stephen Simpson, de l’université de Sydney, et ses collègues ont essayé de voir si cette transmission était juste liée à un apprentissage comportemental : les petits auraient-ils acquis les mêmes attributs que leurs parents en apprenant à leur contact à devenir agressifs et à migrer ? En fait, pas du tout : la femelle criquet pond ses œufs fécondés sous le sable, puis ne s’en occupe plus. En revanche, elle dépose avec eux une mousse. Et si la femelle s’est transformée au préalable, la mousse sécrétée suffit à modifier le comportement, la morphologie et le métabolisme des descendants. Une seule molécule induit tous ces changements : une forme de L-dopa, un précurseur de la dopamine, un messager chimique du système nerveux. Cette molécule déclencherait toute une cascade développementale qui aurait un impact sur la physiologie. Pour moi, c’est de l’épigénétique : le comportement grégaire induit chez les individus des changements massifs d’expression des gènes (viala production accrue d’un autre messager neuronal, la sérotonine), et une fois que ce mécanisme est enclenché, il est transmis par la mère d’une génération à l’autre sans que cela soit codé dans les gamètes.

 

Les modifications épigénétiques peuvent-elles être héréditaires  ?

 

Vincent Colot : Nos recherches et celles d’autres équipes travaillant chez les plantes ont établi sans aucun doute possible qu’il peut y avoir des variations héréditaires de caractères sans le moindre changement de la séquence de l’ADN. Chez la plante Arabidopsis thaliana, nous avons produit une population d’individus ayant tous un même génome, mais qui diffèrent les uns des autres par leur profil de méthylation de l’ADN. Et nous avons observé qu’une partie de ces différences sont transmises fidèlement au travers de dizaines de générations, sans que cette transmission ne repose sur un quelconque changement de la séquence d’ADN.

 

Et chez les animaux ?

 

Vincent Colot : Chez le ver Caenorhabditis elegans, on commence à avoir des preuves. L’équipe d’Oded Rechavi, à l’université de Tel-Aviv, a notamment montré, ces dernières années, qu’en réponse à différents stress environnementaux, ce ver produit des petits ARN, et que cette production se renforce au fil des générations tant que nécessaire. Un mécanisme de rétroaction détermine par ailleurs si cette réponse épigénétique sera mémorisée ou oubliée à la génération suivante.

 

Edith Heard : Il y a aussi des cas chez la souris avec le gène agouti, qui contrôle la distribution de mélanine dans le pelage, et donc sa couleur. Emma Whitelaw de l’institut de recherche médicale du Queensland en Australie, Robert Waterson, à l’université Duke, aux États-Unis, et leurs collègues ont par exemple montré dans les années 2000 qu’il était possible d’induire un état de méthylation au niveau de ce gène et de le conserver sur plusieurs générations. Dans ce cas, la transmission est métastable : parmi la progéniture, certaines souris ont le gène méthylé, d’autres non. Mais en sélectionnant les souris qui portent l’état recherché, on maintient la lignée. Et en jouant sur le régime alimentaire, on peut aussi favoriser la transmission de cet état.

 

Vincent Colot : En fait, la transmission stable telle qu’on l’a obtenue avec Arabidopsisest un cas extrême. Nos travaux montrent qu’il existe un champ continu des possibles entre une transmission très stable, mendélienne, et des transmissions quasi évanescentes.

 

Justement, dans la nature, où l’on a plutôt de tout, les états épigénétiques sont-ils transmis sur un nombre suffisant de générations pour donner prise à la sélection naturelle  ?

 

Vincent Colot : Dans notre expérience, nous avons observé que deux états épigénétiques alternatifs se transmettent sur au moins une vingtaine de générations et peuvent donc donner prise à la sélection. Nous l’avons d’ailleurs testé : parmi les plants de notre système expérimental, qui ont donc tous quasiment le même génome, mais des profils distincts de méthylation de l’ADN, nous avons sélectionné des phénotypes extrêmes – des racines très longues ou très courtes, par exemple. Nous avons vu que cette sélection était fortement corrélée à la présence d’une signature épigénétique particulière (ADN méthylé versus ADN non méthylé) à quelques endroits précis du génome, en accord avec un lien causal.

 

Edith Heard : Mais on ne sait pas si ça marche comme ça dans la nature.

 

Vincent Colot : Oui, mais le variant que nous avons établi au laboratoire existe aussi dans la nature. La grande question est donc maintenant de comprendre comment il y est apparu, avant même de se demander s’il a été sélectionné.

 

L’épigénétique joue-t-elle un rôle dans les vagues de mutations observées dans la nature  ?

 

Vincent Colot : Cela se pourrait. On vient en effet de trouver une telle situation au laboratoire en libérant un transposon chez Arabidopsis. Les transposons sont des séquences d’ADN capables de se déplacer de façon autonome dans le génome : ils comportent des gènes codant des enzymes dont le rôle est de les dupliquer ou de les couper et de les insérer ailleurs. Ces éléments mobiles et leurs vestiges — des transposons qui ont perdu leur mobilité au fil des mutations —, sont très nombreux et répartis dans tout le génome : chez l’humain, ceux identifiés constituent environ 50% de la séquence d’ADN, mais ils occupent en réalité sans doute plus de 80% de notre ADN, même si seul un petit nombre de transposons (les plus récents) sont encore mobiles. Or on s’est aperçu ces dernières années que les transposons et leurs dérivés sont des porteurs privilégiés de marques épigénétiques. Dans nos expériences, notamment, l’épigénétique transmissible à travers les générations est sous-tendue par la présence de transposons ou de leurs vestiges à proximité des gènes. De fait, tout le monde s’accorde à dire qu’au moins chez les mammifères et les plantes, les phénomènes épigénétiques expérimentaux qui semblent traverser les générations sont très souvent liés à la présence, à proximité d’un gène donné, d’un transposon intact ou fossile. Il est le plus souvent méthylé – c’est l’état de répression classique –, mais il arrive que la méthylation soit perdue. Peut-être que la fonction première de l’épigénétique en lien avec l’évolution est de contrôler l’activité de ces séquences mobiles et de limiter leur dissémination dans le génome.

 

Une souche de la plante Arabidopsis thaliana poussant à Brive porte, dans un gène qui contrôle le temps de la floraison, un transposon sensible à la chaleur. Ce transposon est absent du gène chez les plus proches cousines de la souche de Brive, qui, comme celle provenant du Michigan, ont besoin d’une période de grand froid pour fleurir au printemps. L’équipe de Vincent Colot a montré que la présence du transposon confère la capacité de fleurir après un choc de chaleur. En d’autres termes, le transposon, via la modulation du contrôle épigénétique que la chaleur exerce sur lui, aurait permis à la souche de Brive de s’acclimater aux doux hivers corréziens.

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Arabidopsis thaliana

 

A-t-on observé un tel contrôle dans la nature  ?

 

Edith Heard : Il est clair que les transposons attirent la machinerie épigénétique, telles les enzymes qui méthylent l’ADN ou modifient les histones, souvent en lien avec le mécanisme d’interférence à ARN, par lequel les ARN non codants modifient l’expression de gènes. En général, cette machinerie inactive les transposons et, avec le temps, ceux qui n’ont pas été éliminés par la sélection naturelle dégénèrent : ils dérivent de façon neutre et accumulent des mutations. Toutefois, certains gardent leur capacité d’attirer la machinerie épigénétique et peuvent contribuer à l’évolution des réseaux de régulation des gènes.

 

Vincent Colot : Ces vestiges ou fossiles constituent alors des sortes de modules épigénétiques à la disposition des gènes à proximité. De très beaux travaux de Didier Trono, à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, et de Cedric Feschotte, de l’université Cornell, aux États-Unis, ont montré que des réseaux de régulation de l’expression des gènes chez les mammifères, dont l’homme, sont en grande partie constitués de tels vestiges, qui mettent tout un ensemble de gènes sous le même type de contrôle épigénétique.

 

Edith Heard : On rejoint l’hypothèse qu’avait formulée Barbara McClintock lorsqu’elle a découvert les transposons vers 1950 : c’étaient pour elle des éléments de contrôle de l’expression des gènes, même si elle ne parlait pas d’épigénétique.

 

Comment ces éléments interviendraient-ils dans les vagues de mutations  ?

 

Edith Heard : Les transposons pourraient jouer un rôle dans l’évolution accélérée. On sait que quand le contrôle épigénétique est altéré, comme lors de stress environnementaux, certains transposons sont remobilisés, ce qui conduit à une période transitoire d’instabilité génomique. Par exemple, un choc thermique rend la chromatine moins compacte, ce qui pourrait déclencher la mobilisation de transposons. À Hawaii, où le volcanisme crée des conditions environnementales plutôt hostiles, les espèces de drosophiles sont extraordinairement nombreuses. Des chercheurs ont émis l’hypothèse que cette diversification extrême serait la conséquence directe de cet environnement, qui aurait conduit à des « explosions » répétées d’activité des transposons. En retour, ces explosions auraient produit la variation génétique nécessaire à l’adaptation aux conditions du milieu et à la spéciation.

 

A-t-on des preuves d’un tel scénario où un stress environnemental remobiliserait un transposon en dérégulant son contrôle épigénétique  ?

 

Vincent Colot : Il n’existe pas de preuve directe que cela se produit dans la nature. Il faut savoir que la mobilisation des transposons y est extrêmement rare, sauf situations très particulières. En revanche, il est possible de faire bouger au moins certains d’entre eux en laboratoire en modifiant leur contrôle épigénétique. En effet, si on ne sait pas encore vraiment ce qui déclenche la perte de méthylation en conditions naturelles, on peut l’induire en perturbant le fonctionnement des enzymes qui méthylent l’ADN. C’est ce que nous avons fait dans nos souches d’A. thaliana, et certains transposons se sont mis à bouger ! Nous avons pu observer qu’une réaction en cascade se produit à partir d’un seul transposon remobilisé. Très vite, en trois ou quatre générations seulement, on arrive à des taux de mutations infernaux : on crée bien plus de mutations par cette mobilisation que de mutations spontanées dues aux erreurs de réplication de l’ADN. En somme, dans notre expérience, la dérégulation épigénétique agit comme un accélérateur de l’évolution.

 

Chez les abeilles Apis mellifera, la larve de la future reine est nourrie de gelée royale, sécrétée par les abeilles, tandis que les autres mangent du pain d’abeille, un mélange de pollen et de miel. On n’a compris que récemment que la gelée royale n’est pas le seul acteur de leur plasticité phénotypique. Dans le pain d’abeille, de petits ARN issus des plantes interviendraient dans le déclenchement du programme « ouvrière »…

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Apis mellifica

© Shutterstock.com/Ivan Marjanovic - Pour la Science

 

Que se passe-t-il ensuite  ?

 

Vincent Colot : Le contrôle épigénétique par la méthylation de l’ADN finit par se mettre en marche et inactive d’un coup toutes les nouvelles copies du transposon générées lors de la réaction en cascade. Dès lors, on a pu s’intéresser à l’impact de chacune de ces copies et de leur état épigénétique sur les gènes voisins. Si certaines copies n’avaient aucun effet, d’autres modifiaient l’expression d’un gène à proximité. Or, parmi ces dernières, plusieurs ne le faisaient que lorsqu’elles n’étaient pas méthylées. Dès que la méthylation revenait, elles devenaient inactives et n’avaient plus du tout d’effet.

 

Sans que la séquence d’ADN n’ait changé…

 

Vincent Colot : En effet, il s’agit bien d’épigénétique ! On s’est aussi aperçu que le transposon ciblait préférentiellement certains locus particuliers, où des gènes sont impliqués dans la réponse aux changements environnementaux comme des attaques d’agents pathogènes ou des chocs thermiques. La mutagenèse induite par ce transposon n’est donc pas du tout aléatoire. Il y a peut-être eu une coévolution de plusieurs mécanismes : des transposons qui ne sont activés qu’en condition de stress — même si on ne sait pas déclencher leur mobilité de cette façon en laboratoire — et qui ciblent des gènes dont l’expression a besoin d’être régulièrement ajustée pour mieux répondre au stress.

 

Et dans la nature  ?

 

Vincent Colot : On a trouvé une situation similaire en recherchant, dans la base de données du projet de séquençage 1001 Genomes d’A. thaliana, une insertion toute récente dans le gène FLC, qui est un répresseur clé de la floraison. La souche possédant cette insertion provient de Brive alors que les autres souches contenant un gène FLC très semblable, mais sans insertion, sont trouvées pour la plupart en Amérique du Nord, dans des régions aux hivers rigoureux. Or nous nous sommes aperçus que si toutes ces souches déclenchent la floraison après un épisode hivernal, qui induit la répression stable du gène FLC, seule la souche de Brive, aux hivers bien plus cléments, peut également fleurir sans froid préalable dès lors qu’elle est soumise à un choc thermique. Des travaux encore préliminaires suggèrent que c’est bien le transposon inséré dans le gène FLC qui confère à cette souche la propriété de fleurir ainsi. De fait, ce transposon perd sa méthylation après un choc thermique, ce qui suffit, comme le froid hivernal, à inhiber de manière stable l’activité du gène FLC.

 

Edith Heard : C’est intéressant par rapport au changement climatique ou d’autres stress environnementaux : les transposons créent un réservoir d’individus différents qui vont réagir différemment à une vague de chaleur ou de froid, et ne mourront peut-être pas tous. 

 

Vincent Colot : Et peut-être le choc thermique induit-il aussi des transpositions, même si on ne sait pas les voir, et génère-t-il de cette façon de la diversité génétique, comme évoqué par Edith pour les mouches hawaiiennes. Dans ce contexte, l’évolution implique bien des changements de la séquence de l’ADN.

 

L’épigénétique n’est-elle pas quand même un puissant moteur de l’évolution  ?

Vincent Colot : Si, mais plutôt de manière indirecte, en modulant la capacité des transposons à être mobilisés, notamment en réponse aux changements brusques de l’environnement, et en permettant ainsi la création rapide de mutations potentiellement adaptatives, pour certaines parce qu’elles-mêmes épigénétiquement sensibles. C’est en tout cas ce que l’exemple de l’insertion du transposon dans le gène FLC de la souche de Brive suggère.

 

Quels aspects vous paraissent particulièrement intéressants dans les recherches actuelles sur l’épigénétique au regard de l’évolution  ?

 

Edith Heard : Une voie intéressante concerne ce qu’on appelle la plasticité phénotypique, qui permet une adaptation rapide, programmée, à un changement environnemental, comme celle des criquets pèlerins en fonction du nombre de congénères à proximité. Comment des individus ayant le même génome peuvent-ils avoir des phénotypes si différents selon l’environnement dans lequel ils se trouvent ? Les stratégies et mécanismes utilisés sont peu connus encore. Qu’il s’agisse de comprendre comment un poisson change de mâchoire en fonction de la nourriture disponible, ou comment un lézard des sables devient noir sur de la lave, on est encore loin d’avoir une réponse. On n’a pas simplement affaire à un gène qui serait méthylé ou non. En fait, on pense qu’à la base de la plasticité phénotypique, il y a une fluctuation d’expression des gènes. Dans une cellule, un gène est exprimé à un certain niveau qui diffère de celui de la cellule voisine. Puis de l’épigénétique pourrait contribuer à fixer tout cela. 

 

Par exemple, selon la richesse du milieu de culture de levures de boulanger, leur capacité de produire des spores varie. Plus le milieu est pauvre et plus la levure a de chances de sporuler. Des biologistes ont montré que la capacité de changer d’état est préexistante dans la population, et ils ont identifié le gène responsable de cette capacité. D’une cellule à l’autre, son expression fluctue beaucoup et, en conséquence, les cellules ne sporulent pas en même temps. Ils ont aussi montré que c’est l’état de la chromatine autour de la région où commence la lecture du gène qui fluctue d’une cellule à l’autre, produisant cette variabilité d’expression du gène. L’avantage se situe ici à l’échelle de la population : les cellules pas encore entrées en sporulation peuvent prendre le relais en cas de retour d’un milieu riche en nutriments. À ma connaissance, c’est un des rares cas de plasticité phénotypique où l’on connaît le gène et le mécanisme.

 

Quel autre aspect vous semble particulièrement important en ce moment  ?

 

Edith Heard : Le rôle éventuel des transposons et de leurs reliquats dans l’adaptabilité ; à quel point ces insertions servent de modulateurs de l’expression des gènes absolument critiques pour l’adaptation à des environnements différents. Et les plantes sont peut-être des exemples plus frappants que les animaux, car elles sont obligées d’exploiter ce qu’elles ont, alors que les animaux peuvent se déplacer. 

 

Vincent Colot : Oui, et en particulier, il est important de comprendre quelles sont les modalités qui président au relâchement du contrôle épigénétique et à la mobilisation des transposons, et comment tout cela s’inscrit dans un processus qui favoriserait la création de mutations adaptatives en réponse à des changements brutaux de l’environnement.

 

Donc par rapport aux visions de Lamarck et Darwin, on est finalement un peu entre les deux  ?

 

Vincent Colot : On fait dire tout et n’importe quoi à Lamarck. Mais si l’on veut bien accepter que l’environnement peut agir, non seulement comme un filtre, mais également comme un moteur dans la génération de la variation génétique, qui plus est comme un orienteur — imparfait — de celle-ci, le rapprochement devient intéressant.

 

Edith Heard : Une question que l’on se pose souvent est la suivante : un organisme peut-il acquérir des traits hérités, comme l’a proposé Lamarck ? La réponse est non. En revanche, comme l’a suggéré la biologiste américaine de l’évolution Mary Jane West-Eberhard en 2003 en s’appuyant sur des travaux sur des guêpes et des papillons, la plasticité phénotypique pourrait ouvrir la voie à des ajustements permanents, sous la forme de changements génétiques. Lamarck avait raison de dire qu’il fallait des réponses flexibles et rapides à l’environnement — comme cette plasticité phénotypique qui pourrait être le moteur de changements plus lointains —, mais si certains traits adaptatifs deviennent permanents, comme dans le cas de la couleur noire des lézards des sables, c’est parce que des mutations (peut-être liées à l’activité des transposons ?) ont fixé ces traits qui étaient plastiques auparavant. On parle d’assimilation génétique. Les mutations sont donc les moteurs ultimes de l’évolution.

03/08/2019

Moustique tigre : identification

Moustique tigre : comment le reconnaître à coup sûr ?

 

Par Hugo Jalinière le 15.07.2019 Sciences et Avenir 

 

Taille, comportement, couleur ou environnement, certains traits caractéristiques permettent d'identifier cet insecte sans faille.

 

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Taille du moustique Aedes albopictus

 

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Aedes albopictus

 

L'implantation du moustique-tigre (Aedes albopictus), potentiel vecteur de maladies tropicales comme la dengue, le chikungunya ou zika , se poursuit en France, dont la période de présence sur le territoire métropolitain va de mai à novembre. Et "la propagation est extrêmement rapide", expliquait en 2015 à Sciences et Avenir Rémi Foussadier, responsable de l'entente interdépartementale de démoustication en Rhône-Alpes. L'insecte originaire d'Asie se propage en "sauts de puce" et, "une fois installé, il se diffuse en taches d'huile", précise-t-il.

 

La surveillance de cette expansion territoriale est un souci constant car la présence de ce moustique en métropole, détectée pour la première fois en 2004, a introduit un risque jusqu'ici inexistant : la possibilité d'une épidémie de chikungunya et/ou de dengue, voire de Zika désormais en France métropolitaine. Une inquiétude qui a poussé les autorités à mettre en place un système permettant à n'importe quel citoyen de signaler en ligne la présence du moustique tigre via le site signalement-moustique.fr. Une méthode qui permet de suivre au plus près sa colonisation du territoire. Mais comment le reconnaître à coup sûr parmi les 67 espèces différentes de moustique répertoriées en France ? 

 

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La fiche d'identité d'Aedes albopictus

 

On entend souvent dire que le moustique tigre est facile à reconnaître en raison de ses rayures caractéristiques. Oui, sauf qu'en réalité l'espèce est si petite — à peine 5 mm — que cette indication n'est pas d'une grande utilité. À moins que celui-ci ait été délicatement tué. Ecrasé, il peut en effet devenir difficile à identifier... Toutefois, si vous parvenez à l'observer immobile, et de près, vous ne pourrez pas passer à côtés de ses couleurs caractéristiques : un corps très noir avec des rayures ou taches blanches, sur les pattes comme sur l'abdomen. Plutôt semblable au zèbre qu'au tigre donc.

 

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© EID Méditerranée / J.-B. FERRE

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COMPORTEMENT. Le vol du moustique tigre est relativement lent, ce qui le rend assez facile à écraser. Surtout, il fait partie des espèces qui piquent en journée, avec un pic d'activité au lever du jour et au crépuscule. Une information précieuse pour son identification. En effet, un moustique qui vous tourne autour alors que vous vous couchez (après le coucher du soleil) n'a que d'infimes chances d'appartenir à l'espèce tigre. Sa période d'activité cours de mai à novembre. L’espèce est adaptée à l'environnement humain et se développe préférentiellement dans des environnements péri-urbains, ainsi que dans des zones urbaines très denses. Venu d'Asie, sa "plasticité biologique" lui a permis de coloniser plus de 60 pays dans le monde et il fait désormais partie des 10 espèces les plus invasives.

 

>> Pour en savoir plus : Le site de l'EID Méditerranée

>> Moustique tigre : ce qu'il faut savoir pour s'en prémunir

 

 

 

 

02/08/2019

La théorie synthétique de l'évolution revisitée

La théorie synthétique de l'évolution revisitée

 

Par Hervé Le Guyader  01 octobre 2002  POUR LA SCIENCE N° 300

 

L'édifice de la théorie synthétique de l'évolution des années 1940, qui associait pour la première fois génétique et darwinisme, a été enrichi par les découvertes issues de la biologie moléculaire et de la systématique.

 

Alice au pays des merveilles-450.jpg

 

Alice et la Reine rouge courent... pour rester sur place. Dans le roman de Lewis Caroll, De l’autre côté du miroir, le paysage se déplace aussi vite que les personnages. Leigh Van Valen reprend cet épisode pour expliquer que les espèces animales récentes ne sont pas plus adaptées que les espèces anciennes : toutes ont la même durée de vie. Il contredit ainsi l’idée de progrès, au centre de la théorie synthétique de l’évolution.

 

Rien n'a de sens en biologie, si ce n'est à la lumière de l'évolution.

Theodosius Dobzhansky

 

En 1859, la publication de L'origine des espèces par Charles Darwin (1809-1882) marque le temps zéro de la biologie évolutive moderne. Les principes de descendance avec modification et ceux de sélection naturelle constituent l'ébauche d'un cadre conceptuel où l'on peut – enfin – raisonner sur l'évolution et l'origine des organismes vivants, donc de l'être humain. Toutefois, à cette époque, la génétique fait cruellement défaut. De plus, il faut souligner la pauvreté de l'embryologie expérimentale et la faiblesse de la paléontologie naissante.

 

La deuxième date essentielle est celle de l'élaboration de la théorie synthétique de l'évolution, initiée par la publication de La génétique et l'origine des espèces, en 1937, par Theodosius Dobzhansky (1900-1975). Le titre parle de lui-même, et la mention explicite à l'œuvre de Darwin n'est pas fortuite. Dans cet ouvrage, Dobzhansky fait le point sur les résultats de la génétique acquis depuis le début du XXesiècle, notamment la génétique des mutants de la drosophile, puis la génétique des populations. Avec les travaux de Thomas Morgan (1866-1945) et de ses disciples, on comprend l'importance des petites mutations, qui ont parfois, pour un animal, telle la drosophile, des conséquences importantes sur son anatomie. Cependant, on se rend aussi compte que la population est un niveau adapté à la compréhension des mécanismes de l'évolution. Par exemple, dans une population, on peut calculer la fréquence des gènes. Quand, au cours des générations, cette fréquence ne change pas, la population est à l'équilibre. En revanche, lorsqu'elle varie, c'est souvent le résultat du jeu de la sélection. À partir de telles données, mathématisées sous l'impulsion de John Haldane (1892-1964), on peut suivre la sélection naturelle en action. Ainsi, la génétique et le darwinisme sont réunis. Tout est prêt pour créer une génétique évolutive qui explique les phénomènes liés à la spéciation. Le généticien Dobzhansky est rejoint par l'anatomiste et embryologiste Julian Huxley (1887-1975), futur directeur de l'UNESCO, qui publie en 1942, Évolution, la synthèse moderne. De leur côté, l'ornithologue Ernst Mayr, le paléontologue George G. Simpson (1902-1984) et le botaniste G. Ledyard Stebbins appliquent ces idées à leurs disciplines. Les quatre biologistes travaillent ensemble à l'Université Colombia, de New York. De ce rapprochement se dégage une vision cohérente, le néo-darwinisme (terme forgé par Huxley lui-même), selon laquelle l'évolution procède suivant un schéma simple : au sein de populations, les variations héréditaires, fruits des mutations minimes, sont sous l'emprise de la sélection naturelle qui modifie les fréquences géniques dans ces populations. Ces changements entraînent une meilleure adaptation des organismes : de manière graduelle, émerge toujours «quelque chose de mieux».

 

De cette «synthèse moderne», on retient surtout l'idée d'une évolution à petits pas et l'idée de progrès, l'une des idées clés de Simpson : l'évolution serait, d'une part, une marche graduelle du vivant par l'établissement d'organisations, ou grades, où chacune dérive des précédentes et, d'autre part, une progression vers une «meilleure adaptation», le progrès au sens anthropomorphique du terme. À partir des années 1970, cette vision vacillera sous les assauts, entre autres, de la biologie moléculaire et de la systématique.

 

Le bricolage au cœur de l'évolution

 

Le bouleversement n'est pas immédiat. À la fin des années 1960, alors que, non seulement, on connaît la structure de l'ADN, mais que le code génétique est déchiffré et que l'on comprend les mécanismes fondamentaux du contrôle de l'expression des gènes, la biologie moléculaire n'a pas encore d'impact majeur sur les théories de l'évolution. Pourquoi? Tout d'abord, la vision du génome est celle d'une structure compacte et rigide à la façon d'un programme informatique. Y toucher serait catastrophique. Seules les petites mutations sont acceptées, et l'on retrouve par là le principe fondateur du néo-darwinisme. En 1970, dans son livre Le hasard et la nécessité, qui fit autorité à l'époque, Jacques Monod (1910-1976) affirme que l'échelle microscopique du génome interdit sans doute à jamais tout moyen d'agir sur le patrimoine héréditaire pour l'enrichir de traits nouveaux. L'avenir le contredira : en 1981, François Jacob affirme que «Nous avons appris à imiter certains des processus naturels et, en particulier, à bricoler l'ADNen laboratoire

 

En biologie évolutive, on distingue classiquement la description de l'histoire évolutive et les mécanismes évolutifs. Du côté de ces derniers, que de révolutions dues à la biologie moléculaire! La plus importante est peut-être une meilleure compréhension de la mutation, c'est-à-dire de la nouveauté au niveau du génome : finie la mutation considérée comme un changement ponctuel minime. À l'exception des changements majeurs au niveau chromosomique qui sont déjà décrits, on découvre, suivant l'expression de Jacob, que «c'est probablement au niveau moléculaire que se manifeste le plus clairement l'aspect bricoleur de l'évolution». En effet, au cours des années 1970, la modularité du génome ou, en d'autres termes, comment faire du neuf avec du vieux, fait son apparition. Le principe est simple : on recopie et on recombine. La construction de familles multigéniques est un exemple : à partir d'un gène ancestral, on forme par duplication de nouveaux gènes, qui peuvent alors acquérir de nouvelles fonctions. Ainsi, les gènes Hox, gènes essentiels du développement des animaux, constituent, chez les mammifères, une famille de 39 gènes, tous issus par duplications successives d'un même gène ancestral. Le génome d'un même organisme a une histoire que l'on reconstruit grâce aux outils de la phylogénie. De la même façon, on sait aujourd'hui que les protéines sont formées de différents domaines, chacun étant codé dans le gène entier par une séquence, nommée boîte. Par un jeu de combinatoire qui associe des duplications, des associations et parfois des répétitions de boîtes, on peut, à partir de quelques motifs élémentaires, construire des protéines aux propriétés nouvelles.

 

Cette dynamique des gènes est sous-tendue par une propriété insoupçonnée il y a 30 ans, la fluidité du génome. C'est à cette époque que l'on découvre, dans des bactéries, les transposons, dont la présence a été soupçonnée dans le maïs par Barbara McClintock en 1948. Il s'agit d'éléments génétiques mobiles qui se déplacent dans le génome et produisent des copies d'eux-mêmes s'insérant dans un autre endroit du génome. L'étonnement des généticiens a été grand quand ils ont compris que ces transposons, codant seulement les protéines qui leur sont utiles, ne sont pas profitables à leur hôte. Ce sont plutôt des éléments dits «égoïstes», qui jouent pour eux–mêmes, et non «pour le bien» du génome auquel ils participent. Plus encore, dans les années 1990, des études ont montré que la quantité de transposons dans les génomes de plantes est gigantesque, jusqu'à parfois 75 pour cent. Par ailleurs, le séquençage du génome humain révèle la présence de 44 pour cent d'éléments transposables. Presque la moitié du génome ne sert a priorià rien pour l'organisme! Pourtant, c'est sans doute par le jeu des transposons que les duplications de gènes ou de boîtes sont rendues possible.

 

À cette époque, on met aussi en évidence, dans une même cellule, des conflits au sein d'un génome, par exemple, entre des chromosomes sexuels ou entre des gènes paternels et maternels, ou bien entre deux génomes différents, tels ceux du noyau et des mitochondries. La belle harmonie imaginée à l'intérieur d'un génome disparaît. Certains n'admettent toujours pas que des éléments qui participent à un même «programme» puissent être en conflit. Pourtant, s'il y a conflit, il y a sélection : c'est bien un gène ou un ensemble de gènes qui est sélectionné. Des conflits à l'intérieur d'un même génome ou entre génomes d'une même cellule indiquent que la sélection ne s'applique pas seulement sur l'organisme, mais sur toute entité plus ou moins autonome comportant un ou plusieurs gènes. On distingue alors différents niveaux de sélection selon l'entité concernée : le niveau moléculaire, tel celui des transposons ; le niveau cellulaire où, par exemple, une cellule cancéreuse peut «gagner» ; le niveau de l'organisme, c'est-à-dire celui des sélectionneurs.

 

Certains biologistes privilégient un niveau plutôt qu'un autre. Darwin considérait que la sélection agit sur l'organisme, tandis que Richard Wallace, l'autre père moins connu de l'évolution, pensait qu'elle intervient au niveau de l'espèce. À l'opposé, Richard Dawkins, dans les années 1970, n'envisage que les gènes comme cible de la sélection et fait des organismes des machines à propager l'ADN: les gènes égoïstes dictent leur loi. Dans une de ces controverses qui ont marqué les dernières décennies, Stephen Jay Gould (1941-2002) s'élèvera contre ce «favoritisme» et prônera une évolution active à tous les niveaux.

 

La découverte de la fluidité du génome minimise le rôle des mutations ponctuelles chères à la théorie synthétique de l'évolution. Ce rôle diminue encore après l'élaboration, en 1991, de la théorie neutraliste de l'évolution moléculaire par Motoo Kimura. En effet, à partir d'études de molécules, telle les chaînes de l'hémoglobine, les neutralistes soutiennent que certains gènes mutants sans aucun avantage sélectif peuvent se répandre dans une population. Plus encore, la plupart des mutations seraient neutres. La mutation minime clef de l'évolution n'est plus !

 

En 1979, Gould et Richard Lewontin s'attaquent à un autre pan de la théorie synthétique de l'évolution, le programme adaptationniste selon lequel tout caractère existant est passé au travers des fourches caudines de la sélection. À partir de la description des pendentifs de la cathédrale Saint-Marc (voir la figure 2), à Venise, les deux évolutionnistes forgent le concept d'exaptation. Les pendentifs richement décorés de mosaïques sont les conséquences architecturales de la forme du bâtiment, mais n'ont pas été initialement prévus. De la même façon, l'exaptation est l'utilisation, d'un point de vue évolutif, d'un caractère qui préexistait fortuitement. Les cristallines en sont un bon exemple. Ces protéines fabriquées en grande quantité dans les cellules du cristallin de l'œil doivent rester solubles en concentration élevée et avoir un indice optique adéquat de façon à assurer la convergence du cristallin. Or, une étude effectuée au début des années 1980 montre que ces cristallines ne sont que de banales enzymes. Que s'est-il passé? Ces protéines avaient de façon fortuite des propriétés originales vis-à-vis de la lumière, qui ont été la prise de la sélection naturelle. Il n'y a pas eu fabrication de nouvelles protéines, mais un tri parmi celles qui existaient déjà. Là encore, l'évolution a fait du neuf – des cellules transparentes – avec du vieux – des enzymes du métabolisme.

 

Des pendentifs fortuits

 

Puis la théorie synthétique de l'évolution est améliorée sur le front de la description de l'histoire des espèces. En 20 ans, des concepts forts ont bouleversé le cadre de la théorie de l'évolution moderne jusqu'à l'éloigner des non-biologistes (avec la physique quantique et la relativité, la physique s'était aussi éloignée des non initiés au début du XXesiècle). Il s'agit de la révolution cladistique.

 

Elle est l'œuvre de l'entomologiste allemand Willi Hennig (1915-1976) qui propose une logique pour établir des arbres, nommés cladogrammes, où apparaissent les relations de parenté. Paradoxalement, cette méthode consiste à mettre en place des ascendances, mais sans rechercher les ancêtres. Naturellement, les adeptes de la théorie synthétique de l'évolution, attachés aux relations ancêtres-descendants, ne pouvaient accepter une telle vision des choses.

 

Dès lors, les fossiles ne sont plus des ancêtres potentiels que l'on cherche à placer aux points de branchement entre deux groupes, mais des «cousins» situés souvent en bout de branche et dont on cherche le degré de parenté. Une telle façon de voir les choses transforme la paléontologie et éclaire d'un jour nouveau l'évolution des caractères. Par exemple, trouver, parmi les dinosaures, les groupes-frères des oiseaux actuels apprend la manière dont les caractéristiques des oiseaux sont apparues. Au final, les oiseaux constituent le groupe des archosaures avec les crocodiles (ils ont tous notamment un gésier), alors qu'auparavant, ils formaient avec les lézards qui leur ressemblent le groupe des reptiles. Les allures générales ne sont plus prises en compte !

 

Par ailleurs, la systématique est renouvelée. En effet, Hennig prône, en suivant ainsi le vœu de Darwin, une classification phylogénétique fondée sur des groupes mono­phylétiques, ou clades, c'est-à-dire des groupes composés d'un ancêtre hypothétique commun et de l'ensemble de ses descendants. Certains groupes classiques de la zoologie, pour beaucoup ceux dont le nom était connu des non-biologistes, tels les reptiles, les poissons et les invertébrés, deviennent impropres (voir la figure 3). La vision évolutive qui en ressort est complètement différente, et, de surcroît, met à mal l'idée de progrès.

 

Cette idée de progrès est aussi combattue par Leigh Van Valen qui, en 1973, propose le concept de la Reine Rouge (voir la figure 1), allusion à un épisode deDe l'autre côté du miroir, le roman de Lewis Caroll, où Alice court avec la Reine d'un jeu d'échec (dans les pays anglo-saxons, les pièces sont blanches et rouges) à la même vitesse que le paysage! Les personnages courent pour rester à la même place! Après avoir établi les courbes de survie de 24 000 espèces fossiles, il constate que la probabilité d'extinction des espèces est indépendante du temps. En d'autres termes, les espèces évoluent et s'adaptent, mais ne changent pas leur probabilité d'extinction, car les autres espèces évoluent aussi. Où est la notion de progrès chère à Simpson? Tous les journaux scientifiques ont refusé l'article de L. Van Valen : il a donc créé sa propre revue pour se publier. Ironiquement, il remercie à la fin l'État américain qui lui a constamment refusé des crédits de recherche, le condamnant ainsi à un travail de bibliographie.

 

L'étude des fossiles malmène aussi la vision d'une évolution graduelle. En 1972, Gould – encore lui! – et Niels Eldredge publient un article où ils défendent la notion des équilibres ponctués : des périodes de stabilité des espèces et de soudaines périodes d'évolution rapide se succéderaient. Cette idée avait été proposée par le généticien allemand R. Goldschmidt dans les années 1940. Selon lui, l'apparition des espèces pouvait résulter de mutations des gènes du développement et donc survenir brutalement, mais il avait été contredit par les tenants de la théorie synthétique de l'évolution. Les archives fossiles des musées d'histoire naturelle, ainsi que de récentes expériences sur des bactéries, confirmeraient cette hypothèse.

 

Progrès, échec et mat !

 

Enfin, en 1977, les origines de la vie elles-mêmes sont au centre de discussions. Lors d'une mission de géologues géochimistes au large de l'archipel des Galápagos, John Corliss découvre la faune des sources hydrothermales. Hormis la découverte d'animaux étranges, tels les vers vestimentifères, l'originalité réside dans un écosystème indépendant de l'énergie solaire fondé sur des bactéries supportant des températures et des conditions d'acidité extrêmes. La même année, à partir des séquences de l'ARNde la petite sous-unité du ribosome, Carl Woese publie un arbre du vivant où le règne des bactéries est scindé en deux domaines irréconciliables : d'un côté, les eubactéries, c'est-à-dire les bactéries déjà connues ; de l'autre, les archébactéries, ou archées, qui incluent ces premières bactéries de l'extrême et qui se distinguent des précédentes, entre autres, par la nature de la membrane cellulaire. Les archées sont des organismes adaptés à des conditions extrêmes et C. Woese postule qu'elles sont «anciennes». Tout le monde est loin d'être d'accord, mais le nom est resté.

 

Par ailleurs, ce type de phylogénie moléculaire a prouvé définitivement que les mitochondries et les chloroplastes sont des eubactéries vivant en symbiose dans le cytoplasme des cellules des mammifères, notamment. Nous sommes donc des chimères, et cette découverte a révélé l'importance de la symbiose dans les processus évolutifs. De la même façon, certains transposons seraient les vestiges d'anciens virus colonisateurs et illustreraient le rôle important des interactions des génomes dans l'évolution. Au final, la vision gradualiste vers le progrès continu s'estompe au profit du «bricolage de l'évolution» qui domine à tous les niveaux d'intégration. Un champ d'investigations extraordinaire a été ouvert ; on cherche à élucider diverses énigmes, au premier rang desquelles le problème de la forme. Bien que les gènes de développement expliquent l'organisation du corps d'un animal, on ne comprend pas encore comment la forme des organes apparaît.

 

Par ailleurs, la cladistique n'exploite pas tous les caractères qui lui sont offerts : on ne se sert principalement que des caractères anatomiques, morphologiques et moléculaires, mais rarement des caractères de comportement, tels le langage, les outils, la socialisation… Toutefois, une réflexion est en cours : ne doutons pas que de telles études approfondies en diront plus sur l'origine de l'homme qu'un nouveau fossile d'hominidé. Ce n'est que par des études comparatives rationnelles que l'on aura un éclairage, autre que celui de la neurophysiologie, sur le problème redoutable de la conscience.

01/08/2019

Filtration optimale pour le traitement de l’eau

Filtration optimale pour le traitement de l’eau

 

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Originaire de Russie, c’est à Besançon qu’Elizaveta Korzhova a choisi de poursuivre ses études et de préparer sa thèse en chimie. C’est là également qu’elle projette de créer une start-updédiée à la nano- et ultrafiltration à partir de membranes, selon un procédé qu’elle a peaufiné au cours de ses recherches.

 

Les membranes sont des filtres organiques ou céramiques, dont la sélectivité a deux origines : des effets dits stériques, liés aux tailles relatives des pores et des solutés, et des interactions électrostatiques entre les espèces présentes en solution et la surface de la membrane. La combinaison de ces effets permet de retenir des espèces aussi petites que les ions, les HAP, les pesticides ou encore certains colorants. Leur mise au point constitue l’un des axes de recherche de l’équipe Nanoparticules, contaminants, membranes de l’Institut UTINAM, où la jeune chercheure accomplit son travail de thèse sous la direction de Sébastien Déon et de Patrick Fievet.

 

« La technique que j’ai développée consiste à réaliser un dépôt par pulvérisation électrostatique sur des membranes pour en optimiser les capacités de filtration. » Si elle autorise la création de membranes de nouvelle génération, la méthode s’applique aussi à des membranes existantes, dont elle améliore de façon notable les performances, et notamment la rétention de métaux lourds. Ces propriétés de nano- et d’ultrafiltration sont particulièrement intéressantes pour les activités industrielles développées sur le territoire, comme dans le domaine automobile, nécessitant traitement de l’eau et des rejets industriels.

 

Elizaveta Korzhova soutiendra sa thèse dans le courant de l’année 2019. Elle prévoit de créer, dans le prolongement de ses travaux, une start-up d’ores et déjà baptisée ImPro Micro. Elle a reçu pour son projet le prix régional PEPITE « initiative au féminin 2018 », doté de 2 000 €.

 

Contact :
Institut UTINAM
Elizaveta Korzhova
Tél. +33 (0)3 81 66 20 40
elizaveta.korzhova[at]univ-fcomte.fr

 

Tirs de loups : les associations déposent un recours au Conseil d’État

Tirs de loups : les associations déposent

un recours au Conseil d’État

30/07/2019

*** Mise à jour du 31 juillet 2019 *** : le Ministère vient enfin de publier la synthèse suite à la consultation publique. Les oppositions à ce projet représentent 81 % ! Comme d’habitude le ministère explique qu’il n’en tiendra pas compte. Avec l’argument cette fois-ci que le désaccord ne porte pas sur les nouvelles modalités facilitant la destruction mais sur le principe même de la destruction… 

 

Les ministères de l’Écologie et de l’Agriculture viennent de publier un arrêté permettant le tir de 100 loups annuellement et facilitant d’autant les tirs, notamment dans des zones dites non protégeables.

 

Le ministre de l'Agriculture veut "effaroucher" les loups dans le parc national des Écrins.

 

  • Alors que les loups ne peuvent pas être abattus dans le parc national des Ecrins, Didier Guillaume souhaiterait que le gouvernement autorise leur "effarouchement".

 

  • "Effaroucher, c'est mettre un coup de fusil, pas forcément tuer, mais les faire partir" a précisé le ministre.

 

À l’heure des grands discours en faveur de la biodiversité, c’est une trahison honteuse et scandaleuse.

 

À peine un an après la publication du plan loup 2018-2023, déjà rejeté par les scientifiques et les citoyens, les pouvoirs publics empirent les tensions en inventant de nouvelles mesures anti-loup : cercle zéro, Zone Non Protégeable, tirs mixtes et surtout hausse du prélèvement de loups (de 12 à 19 %). Cette hausse conséquente du plafond de tirs cache l’échec cuisant de la politique, non pas de protection des troupeaux, mais de tirs. Mais l’Etat Français persiste dans cette posture.

 

 

Ces dispositions sont connues pour être inefficaces, dangereuses pour la survie du loup en France et les scientifiques mettent en garde  (expertise collective 2017 et réponse à la saisine tirs de loups février 2019 du Muséum National d’Histoire Naturelle et de l’ONCFS, avis défavorable du CNPN, avis du Conseil Scientifique, études internationales).

 

Mais l’État français n’écoute pas ses propres experts, seulement les lobbies.

 

La consultation publique sur le projet d’arrêté a recueilli près de 10.000 avis, défavorables en grande majorité. Le Ministère n’a même pas publié l’analyse des contributions et l’exposé de ses motivations pour en tenir compte ou non. Mais qu’importe, cette consultation n’était une fois de plus qu’un exercice obligé.

 

D’ailleurs, dès le 28 mai, les deux ministères informaient dans un communiqué de leurs décisions d’augmenter les quotas, avant même la fin de la consultation publique.

 

Les taux de prédation attribués au loup ne baissent pas malgré des tirs de plus en plus nombreux qui sont 6 à 10 fois plus élevés en France que chez nos voisins de l’UE (Linnell 2018), ces derniers ne pratiquant pas forcément des tirs létaux. Cette situation montre que des pistes de progrès existent. Tous les éléments pointent vers une carence en protection des troupeaux.

 

L’État français est sous contrôle des lobbies agricoles qui refusent la cohabitation. Il n’arrive même pas à appliquer les 12 mesures de protections pourtant prévues au Plan Loup 2018-2023.

 

La gestion du dossier du loup en France est victime d’une vision uniquement politique et en aucun cas rationnelle.

 

Y’a-t-il encore quelqu’un pour piloter l’avion ? Ou ce sont les syndicats agricoles qui ont pris les commandes ? Pourtant de ce côté, les priorités, sérieuses, ne manquent pas.

 

Nous demandons :

 

1- De procéder à une évaluation rapide et partagée de l’impact des tirs déjà effectués depuis de nombreuses années sur la prévention des attaques comme annoncé dans le Plan national loup (PNL) et comme demandé par nos associations depuis plusieurs années.

 

2- De développer une véritable ingénierie de protection s’appuyant non seulement sur le triptyque (berger / chiens de protection / parc de contention) mais aussi sur l’expérimentation de nouveaux moyens d’effarouchement et de protection (Fox light, Fladries, etc.)

 

3- La mise en place, dès l’été 2019, d’une conditionnalité effective des indemnisations des dommages, comme aussi annoncé dans le PNL, avec contrôle de la mise en œuvre des moyens de protection.

 

4- L’abandon du concept de non-protégeabilité des troupeaux et de la gestion différenciée des tirs sur les fronts de colonisation.

 

5- L’engagement formel de l’État d’un portage politique par le gouvernement du statut de protection du loup en respect de nos engagements internationaux.

 

6 – D’abandonner complètement cette régulation acharnée et ces tirs de loups inutiles.

 

Cet arrêté et ses nouvelles mesures sont en contradiction avec le droit communautaire et national. Nous allons immédiatement porter un recours au conseil d’État.

 

Pic-vert, invité surprise

Pic-vert, invité surprise

Par Dominique Delfino

Photographe naturaliste et animalier

 

À l'affût bien, dissimulé dans l'environnement, l'observation et la prise de vue s'accompagnent quelques fois de belles surprises.

 

Installé sur la berge de la Bourbeuse (90), j'observe les oiseaux qui évoluent au sein de ce milieu aquatique.

 

Soudain, un jeune pic-vert se pose au sol à quelques mètres de mon affût suivi d'un adulte qui semble encore subvenir à ses besoins en nourriture.

 

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Le jeune pic-vert

cliché © Dominique Delfino

 

Accroché au talus de la rivière, le jeune pic se rapproche très près, fouillant le sol à deux mètres de moi pour capturer les fourmis. 

 

À mon grand étonnement, il visite même un terrier d'un Martin-Pêcheur qui ne semble pas apprécier du tout l’intrus !

 

Le comportement du Pic adulte est extraordinaire. Il se cantonne à proximité du jeune en émettant des gloussements tout en tendant le cou et hérissant ses plume rouges de la tête. Il semble essayer de l'attirer pour lui offrir des fourmis, mais le jeune persiste à découvrir ce terrain en creusant la terre de la rive.

 

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Pic-vert mâle adulte

cliché © Dominique Delfino

 

Une rencontre magique, pour des oiseaux qui tombent à PIC !

 

31/07/2019

100 loups pourront désormais être tués en France

100 loups pourront désormais être tués en France

 

Par Anne-Sophie Tassart, Sciences et Avenir le 30.07.2019

 

Un arrêté publié le 27 juillet 2019 au Journal Officiel valide la hausse du taux de prélèvement des loups souhaitée par le gouvernement. Selon ces nouvelles dispositions, 17% de la population estimée pourra être prélevée avec un ajout de 2% possible.

 

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On compte actuellement environ 530 loups en France.

 © PIXABAY / RAINCARNATION40

 

La population lupine a dépassé les 500 spécimens en France et le gouvernement avait prévenu que cette hausse serait accompagnée d'une réévaluation du nombre d'animaux pouvant être tués. Dans la révision du Plan loup, le relèvement du pourcentage d'animaux pouvant être tués passant de 10% à 17%, avait été annoncé par Emmanuel Macron. Un arrêté publié le 27 juillet 2019 au Journal Officiel valide cette disposition.

 

90 loups pourraient être prélevés dans un premier temps

 

Le texte de loi précise que « le taux : '10 %' est remplacé par le taux : '17 %' pour l'année civile 2019. Selon le dernier décompte de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage(ONCFS), environ 530 loups seraient présents sur le territoire national ». Selon les mesures prises par le gouvernement, 90 animaux pourraient donc être tués dans un premier temps. L'arrêté précise que « si est atteint, avant la fin de l'année 2019, le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée », alors « le préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup pourra autoriser, par arrêté, dans la limite de 2 % de l'effectif moyen de loups estimé annuellement de nouveaux tirs ». Ainsi, 100 loups pourraient finalement être abattus durant l'année 2019.  

 

Une mesure critiquée par les associations

 

"Nous considérons que le loup n'est plus une espèce en voie de disparition, ce qui est une bonne chose pour la biodiversité", avait déclaré le 5 juin 2019 le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume selon l'AFP. « Nous en sommes par contre, pour la prédation, à un niveau hors du commun (...) Nous avons besoin d'apporter un soutien fort et plein aux éleveurs. Leur bien-être est notre priorité », ajoutait-il. Pourtant, Sébastien Moncorps, le directeur du comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), avait rappelé à l'occasion du congrès français de la nature à Marseilleque « le loup est, selon la liste rouge que nous établissons en France, une espèce menacée sur le territoire ».

 

À la fin du mois de mai 2019, après une réunion qui s'était tenue à Lyon en présence du préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes en charge du dossier loup, les éleveurs comme les associations avaient critiqué ce qui n'était alors qu'un projet de loi.

 

L'association Cap Loup avait dénoncé la mesure phare : le relèvement du seuil de prélèvement. « Dans cette nouvelle configuration, et si nous suivons les recommandations de l’expertise du Museum National d’Histoire Naturelle publiée en 2017, l’État va mettre en danger la population lupine. Encore une fois, nous rappelons que l’efficacité des tirs n’est démontrée ni scientifiquement ni sur le terrain », écrivait-elle le 4 juin 2019 sur son site internet.

 

La Fédération Nationale Ovine a réagi le 29 juillet 2019 à ce nouvel arrêté notamment par la voix de son secrétaire général en charge du dossier loup, Claude Font : « Les avancées sont bien réelles mais le compte n'y est toujours pas. Le plan loup a été conçu pour répondre à deux objectifs :  celui de la conservation du loup et celui de l'élevage et des activités pastorales. Force est de constater que le second objectif ne sera toujours pas rempli ». La FNO juge notamment les critères de sélections des communes considérées comme cibles privilégiées du loup "trop restrictifs" mais "note le gain d'efficacité dans la procédure de tir".