05/02/2013
Cascade du Moulin de Vermondans prise par la glace
Cascade du Moulin de Vermondans
prise par la glace (janvier 2013)
Cascade du Moulin de Vermondans vue générale
© Michel Cottet, écointerprète
Cascade du Moulin de Vermondans vue de dessus
© Michel Cottet, écointerprète
14:30 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : michel cottet, gel, glace, hiver, franche-comté, doubs, vermondans, moulin de vermondans | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
04/02/2013
Zones humides sous surveillance
Zones humides sous surveillance
par Dominique Delfino
photographe paysagiste et animalier
Chaque année, la Journée mondiale des zones humides est célébrée le 2 février, pour commémorer la signature de la Convention sur les zones humides, le 2 février 1971, dans la ville iranienne de Ramsar. Depuis 2001, en France, divers organimes et associations participent à l’événement et organisent des actions de sensibilisation du public sur les zones humides, et la Convention de Ramsar.
La sortie sur le cours de l'Allan et de la Bourbeuse organisée dimanche 3 février par le groupe Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) du Pays de Montbéliard, a permis de mieux comprendre le rôle déterminant de ces espaces inondables et inondés suite à l'épisode de pluie de ces jours derniers.
Dominique Delfino en a profité pour survoler l'ensemble de ces milieux naturels, la prise de vues aériennes permettant d'apprécier au mieux la qualité et la beauté de ces espaces.
Préservé et aménagé en 1987 suite aux différentes démarches de la LPO, l'espace naturel de l'Allan (photo ci-dessous) reste aujourd'hui un des derniers espaces inondables de la plaine de l'Allan inscrit d'ailleurs dans le périmètre de la ZAC Technoland.
Pour zoomer, cliquer sur les clichés
© Dominique Delfino
Inondations à Thise
© André Guyard
07:33 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : dominique delfino, inondation, zones humides | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
21/01/2013
Les pôles du froid en Franche-Comté
Les pôles du froid en Franche-Comté
par Daniel JOLY ThéMA, UMR 6049, Université de Franche-Comté Claude GRESSET-BOURGEOIS, Bruno VERMOT-DESROCHES, Centre départemental de Météo-France, Besançon
Grâce à la combinaison de plusieurs facteurs géographiques qui favorisent le froid d'hiver, la Franche-Comté présente une fréquence de gels assez élevée. Le Haut-Doubs dans son ensemble et Mouthe en particulier présentent régulièrement des températures qui descendent au-dessous de -20°C. L'étude statistique de la chronique climatologique 1992-2007 permet de dresser le bilan des séquences glaciales et d'identifier, par analyse spatiale, les sites les plus froids de Franche-Comté.
La Franche-Comté est, avec l'Alsace, la région française située le plus loin de toute mer ou océan, ce qui lui confère un climat semi-continental. Les étés sont orageux et plutôt chauds : 19,3°C en moyenne de juillet à Besançon, alors qu'aucune station du Finistère ne dépasse 18°C. En revanche, les hivers présentent une alternance de séquences douces et pluvieuses et de périodes anticycloniques au froid rigoureux. Cette tendance au froid est renforcée par l'altitude et par la présence de larges cuvettes, les vals, où l'air froid s'accumule tant que le vent ne l'y chasse pas. Ainsi, la montagne du Jura supporte un nombre anormalement élevé de gels rigoureux d'octobre à mars.
Parmi un échantillonnage de 1 455 stations gérées par Météo-France et distribuées homogènement sur l'espace français, Mouthe (936 m) d'abord et les Rousses (1116m) ensuite, arrivent en tête du palmarès des stations les plus froides situées en dessous de 1300 m d'altitude. Elles présentent respectivement, en moyenne annuelle, 80 et 72 jours où la température minimale a été inférieure à -5°C. Parmi les 50 stations françaises les plus froides à l'aune de ce critère, on compte 13 stations franc-comtoises, dont certaines sont situées à moins de 700 m (Supt et Pierrefontaine-les-Varans).
Rappel de quelques chiffres
À Besançon, sur la période 1885-2008, on dénombre 26 hivers (21 %) avec au moins sept jours au cours desquels les températures minimales ont été inférieures à -10°C (18 hivers sur la période 18851947 et huit hivers sur la période 1947-2008). Depuis 1945, l'hiver le plus rigoureux fut sans contestation l'hiver 1962-1963 avec de fréquentes périodes glaciales entre la mi-novembre et la mi-mars. Il devance nettement l'hiver 1955-1956 qui a été marqué par une période glaciale intense qui s'est calée sur le mois de février. Durant ce mois, l'absence quasi générale de neige avait permis au gel de pénétrer dans le sol à des profondeurs jusqu'alors inconnues et qui n'ont depuis lors jamais été atteintes.
Sur la période 1975-1990, quatre hivers ont été plus froids que ceux cités ci-dessus, plus particulièrement l'hiver 1980-1981 avec beaucoup de neige en montagne et l'hiver 1984-1985 avec une première quinzaine de janvier extrêmement glaciale sans dégel à Besançon entre le 31 décembre 1984 et 18 janvier 1985.
Mouthe souvent la plus froide
Forts de ce constat, nous avons voulu en savoir plus sur l'extension spatiale de ce phénomène et vérifier si Mouthe est toujours la station la plus froide comme on le croit généralement. Pour cela, nous avons sélectionné tous les jours où la température moyenne des 74 stations franc-comtoises prises en compte fut inférieure à -10°C. Au total, entre décembre 1992 et janvier 2007 inclus, 99 situations ont été isolées, ce qui représente, en gros, sept jours de froid vif par hiver.
(Pour zoomer, cliquer sur le cliché)
La figure 1 montre que Mouthe est bien la station où le minimum franc-comtois est le plus fréquemment observé : 35 fois au total (sur 99). C'est aussi la station où la moyenne des gels est la plus basse : -21 °C. Mouthe accapare à elle seule les trois minimums enregistrés au cours de la période d'observation : -28,1°C le 12 février 1999, -27,6°C le 1er février 2003 et -27°C le 24 décembre 2001. On est bien sûr encore loin du mythique minimum absolu de -36,7°C le 13 janvier 1968, mais la répétition de ces occurrences de froid s'explique par une altitude assez élevée (936 m) et une situation encaissée : l'air froid, généré au contact de la neige, glisse le long des versants qui encadrent le val et vient s'accumuler au fond de la cuvette où il peut stagner plusieurs semaines de suite.
Saint-Laurent-en-Grandvaux, avec 19 occurrences et une moyenne de -20,8°C arrive juste après Mouthe. La topographie est analogue à la précédente avec cependant, une altitude un peu inférieure (880 m). Le secteur de Morteau-Maîche cumule 18 occurrences de minimums francs-comtois. Les vals au fond desquels Le Russey et Morteau s'étendent expliquent leur moyenne plus faible (-19,6°C, -18,3°C) par rapport à Maîche (-17,6°C) et Charquemont (-15,4°C), stations de plateau. Enfin, notons Levier qui, situé en situation intermédiaire entre Mouthe et Morteau-Maîche, a été sept fois le plus froid, avec une moyenne de -20,1 °C.
Les autres stations, présentes sur la figure avec un cercle coloré, ont toutes été à une, ou au plus deux occasions, les plus froides de Franche-Comté. Les conditions climatiques favorables au développement et à la répétition d'un froid vif n'y sont pas réalisées. Certaines sont situées en altitude mais sur des sites de versant (Longevilles-Mont d'Or, Les Rousses), ou, à l'inverse, en fond de vallée à moins de 600 m (St-Claude). Signalons les trois stations du nord-ouest de la Haute-Saône qui, tout en étant situées à faible altitude (entre 200 et 250 m) ont été, à au moins une occasion, les plus froides de Franche-Comté. Le plateau de Haute-Saône et son prolongement vers Langres est renommé pour ses températures glaciales.
Un réseau trop lâche pour observer les variations les plus fines de la température
Ces informations sont intéressantes mais, pour autant, elles ne nous renseignent que sur un nombre limité de sites : ceux qui bénéficient d'un poste météorologique. Bien sûr, on peut s'attendre à ce que les quelques décamètres situés à proximité de la station de Mouthe présentent des températures analogues à celles qui y sont enregistrées. Toutefois, la comparaison avec les stations qui l'entourent montre que les températures ne sont pas identiques d'un lieu à l'autre, parfois loin s'en faut. La raison de ces variations a été esquissée : l'altitude et le contexte topographique jouent assurément un rôle majeur.
Le val de Mouthe est presque toujours plus froid que le sommet du Risoux lors des situations anticycloniques stables dont il est ici question. Il n'est lui-même sans doute pas homogène et, si des mesures à haute densité étaient effectuées, il est probable que de menues différences apparaîtraient d'un secteur à l'autre : telle croupe sera moins froide de deux ou trois degrés que le fond du vallon situé quelques hectomètres plus loin. Ainsi, des gradients, plus ou moins élevés se mettent en place au gré des contraintes exercées par la topographie. Et dans ces conditions, il se pourrait bien que la station de Mouthe ne soit pas localisée au mieux pour enregistrer les minimums les plus bas.
La figure 2, qui représente la variation des températures par rapport à l'altitude, donne un bon exemple de ce mécanisme. La plupart des postes sont alignés le long de la « droite de régression », accréditant là l'hypothèse d'une forte dépendance des températures à l'altitude. En effet, ce facteur explique près de 40 % de la variation de la température. Toutefois, une petite dizaine de stations échappent, au moins partiellement à cette influence : Longevilles-Mont d'Or, Lamoura, Les Rousses et les autres postes rejetés en haut du graphe présentent une température (entre -16 et -13°C) beaucoup trop élevée compte tenu de leur altitude : si elles se comportaient ainsi que Mouthe, Maîche ou Besançon, toutes localisées à proximité de la droite, leur température devrait se situer en dessous de -30°C ! D'autres « variables » que la température existent qui expliquent ces écarts : on pense bien sûr au contexte topographique déjà évoqué à plusieurs reprises.
(Pour zoomer, cliquer sur le cliché)
Connaître la répartition des températures sur l'ensemble du territoire
Tout le problème est d'avoir une connaissance sur « ce qui se passe » entre les postes d'observation : la technique nous fournit les moyens de le résoudre.
Premier temps : puisque les minimums les plus accusés semblent se localiser de manière répétitive au fond des vals d'altitude, il « suffit » de chercher cette information dans un système d'information géographique (SIG). L'institut géographique national (IGN) commercialise des modèles numériques de terrain (MNT) à pas de 50 m de grande qualité : cette donnée fournit quatre cotes d'altitude pour chacun des 1 620 200 hectares que compte la Franche-Comté. Ensuite, par calculs appropriés, on dérive, du MNT les autres informations utiles : degré d'encaissement (un fond de val est très « encaissé » par rapport aux versants qui le dominent, une crête est peu encaissée, dominant l'ensemble des points voisins), distance au creux le plus proche (minimale au plus près de l'axe des vals), distance à la crête la plus proche, etc.
Second temps : on apparie les températures enregistrées en chacun des postes climatiques aux données de la topographie que l'on corrèle les unes aux autres par calcul statistique. Des coefficients permettent alors d'évaluer la dépendance des premières aux secondes. In fine, on obtient une carte sur l'ensemble de la Franche-Comté en croisant, dans une « régression multiple » l'ensemble des variables qui expliquent significativement la température. Ce processus de calcul, appelé « interpolation » a déjà été présenté pour représenter le champ spatial continu de l'ozone en Franche-Comté (IFC n°27, 2003).
Ainsi, la carte des températures minimales du 26 février 1993 (figure 3) superpose les températures observées en 74 postes et interpolées sur l'ensemble de la Franche-Comté. En règle générale, le calcul renvoie une valeur conforme à la réalité : les stations les plus froides (cercles bleu nuit) sont bien localisées sur des aires de la même couleur ; les stations où la température est supérieure à -8°C sont noyées au sein de taches rouges. Mais des écarts apparaissent : par exemple, certains cercles bleu clair des plateaux du Jura (Saône, -13,6°C) se trouvent au sein d'aires où la statistique a calculé une température supérieure à -8°C. Inversement, à Amancey, la température est de -10°C et la valeur calculée est de -14,6°C. Ces écarts, parfois importants, montrent bien la difficulté à reproduire une réalité infiniment complexe.
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Fréquence des températures inférieures à -25°C
En répétant les interpolations autant de fois que nous avons de jours de froid, on obtient 99 cartes d'où il est possible de tirer de nombreux enseignements. Nous en présenterons un : celui de la fréquence des gels inférieurs à -25°C. Ces occurrences de froid intense sont rares : elles ont été enregistrées neuf jours depuis 1992 et ont concerné 24 stations au total. Un rapide tri effectué parmi les 99 situations interpolées nous dit que 12 jours ont présenté un gel inférieur à -25°C. Il y a ainsi au moins trois jours au cours desquels un ou plusieurs points en Franche-Comté ont observé une température aussi basse sans que le réseau des stations n'en fasse état. La station de Mouthe n'est donc pas toujours localisée au point le plus froid.
La carte de la fréquence des jours où la température a été inférieure à -25°C localise les « pièges à froid », ces fameux sites où la température est glaciale à répétition et durant de longues périodes. On les trouve dans le val de Mouthe, bien évidemment, mais aussi en de multiples points dispersés dans la montagne jurassienne, entre Lamoura et Maîche en passant par Levier. Ce que la figure 4 nous montre, c'est la localisation des sites où la probabilité de faire froid est forte. Maintenant, pour nous en assurer, il faudrait y installer des capteurs pour, peut-être découvrir de nouveaux pôles du froid détrônant Mouthe...
(Pour zoomer, cliquer sur le cliché)
Mais il convient d'être prudent. On a vu que le calcul ne fournit pas nécessairement une température juste. Des erreurs élevées surviennent même de temps à autre. Par ailleurs, le modèle reproduit des tendances et des régularités tirées d'une information climatique et géographique ajustée à un niveau d'échelle local : les stations climatiques sont positionnées de manière telle que les influences microlocales sont minimisées ; les données spatiales introduites dans le SIG (résolution de 50 m) ne sont pas forcément les plus adaptées pour prendre en compte les plus fines variations de la température. Ainsi, les données, imparfaitement adaptées au problème posé, sont incapables de fournir la moindre information concernant la température de quantité de micro-sites extrêmement propices à rétablissement de températures glaciales. On se heurte là à un problème d'échelle rédhibitoire qui explique les erreurs d'estimation parfois élevées qui apparaissent ici ou là.
Source :
Images de Franche-Comté, n° 38, décembre 2008 pp. 6-9.
09:22 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : franche-comté, froid, hiver, université de franche-comté, daniel joly, théma, umr 6049, claude gresset-bourgeois, bruno vermot-desroches météo-franche besançon | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
29/12/2012
Sources en crue
Sources en crue
par Michel Cottet
Éco-interprète
Article en construction
Le mois de décembre 2012 s'est révélé enneigé puis pluvieux dans le département du Doubs. Cette météo a permis aux sources vauclusiennes de cracher à plein régime. Ci-dessous quelques clichés spectaculaires de Michel Cottet.
17:50 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
Une eau saine pour tous, une utopie ?
Une eau saine pour tous,
une utopie ?
par Alain Marchal
Biologiste honoraire, président
des « Amis de Pasteur » de Dole.
Conférence le 13 février 2013 de 18h00 à 19h30
Centre diocésain - Besançon
Tél : 03 81 25 15 21
Une eau saine pour tous, une utopie ?
L'eau pour tous, l'eau propre pour tous sont aussi des objectifs de l'action internationale. « L'égout, c'est la conscience de la ville » écrivait VictorHugo dans les Misérables. Or, aujourd'hui encore, plus de deux milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau salubre ce qui est une violation des droits de l'Homme. Les juristes enrichiront donc l'exposition en rappelant que selon les Nations Unies, « le droit à l'eau pour tous est une utopie à notre portée ».
Exposition du 11 février -9 mars 2013
En partenariat avec l'Université ouverte de Franche-Comté et la maison Pasteur de Dole.
Cette exposition développe le thème des maladies hydriques et de la production deau saine. Un lien est tout particulièrement établi avec les implantations de l'Institut Pasteur dans la péninsule indochinoise.
Cette exposition est s'organise autour de :
- 11 panneaux consacrés à l'eau (maladies hydriques, production d'eau saine à partir d'eaux de mares ).
- 7 autres panneaux consacrés à chacun des 7 Instituts Pasteur de la péninsule indochinoise (intégrés au Réseau International des Instituts Pasteur), dont celui de Vientiane (Laos) inauguré en janvier 2012.
- Une vidéo d'une dizaine de minutes, complément de l'exposition, qui sera diffusée en boucle dans la salle d'exposition. Cette vidéo présente trois courtes séquences :
- L'une sur Alexandre Yersin, pasteurien aventurier, découvreur du bacille de la peste en 1894, installé à Nha Trang (Annam) ; ce personnage resurgit dans l'actualité littéraire, puisqu'il est le sujet de « Peste et choléra » de Patrick Deville, prix Fémina 2012.
- Une deuxième séquence est la présentation des réalisations de l'association « 1001 Fontaines pour demain ».
- La troisième, très court dessin animé en anglais, mais suffisamment explicite pour les plus réfractaires à l'anglais, destiné aux populations locales pour les encourager à utiliser une eau saine pour leurs boissons et nourriture.
Vernissage : mercredi 13 février à 19 h 30 au Centre Diocésain.
Centre Diocésain, espace Lucien Ledeur - 20 rue Mégevand, 25041 Besançon Cedex
Tous les jours - Entrée gratuite - Visites Guidées - Visites guidées pour les scolaires sur demande.
17:36 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Nature et santé | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
08/12/2012
À l'image du Doubs
À l'image du Doubs
Il reste quelques exemplaires du livre de Michel Cottet et de Dominique Delfino : "À l'image du Doubs" Ces quelques exemplaires sont disponibles au prix de 35 euros (hors frais d'envoi) à l'adresse ci-dessous :
Michel COTTET
éco-interprète
4, rue de la source
25640 Pouligney
03 81 55 56 27
09 71 21 05 47
12:06 Publié dans Actualité des Sciences, Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Ornithologie | Tags : livres scientifiques, franche-comté, michel cottet, dominique delfino, doubs, jura | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
04/09/2012
Gaz de schiste : avis de Corinne Lepage
Gaz de schiste :
"ce que vous affirmez est un
tissu de contre vérités"
Voici la teneur intégrale de la lettre :
"Vous contestez tout d'abord le fait que cette exploitation ne puisse pas se faire sans dégâts considérables sur l'environnement et la santé, et que les produits chimiques puissent se retrouver dans les nappes. Il s'agit pourtant d'une double réalité qui n'est pas uniquement fondée, comme vous le suggérez, sur le film Gasland. Le rapport publié en juin 2011[1] à la demande de la commission de l'Environnement du Parlement européen est sans concession. Il met en lumière les risques liés à la fracturation hydraulique en se référant notamment à des impacts majeurs de polluants atmosphériques, la contamination des eaux, les substances toxiques utilisées, le nombre non négligeable d'accidents aux États-Unis, la contamination des nappes par le méthane, le risque d'explosion de bâtiments, l'impact sur le paysage et les risques pour la santé humaine liés aux produits chimiques et radioactifs. Robert B. Jackson, de l'Université Duke aux États-Unis, a mis en évidence des niveaux élevés de méthane dans l'eau récoltée près des forages gaziers[2], ainsi que des substances chimiques toxiques pour l'environnement. De son côté, Paulina Jaramillo, chercheur du Département d'ingénierie et de politique publique à l'université Carnegie Mellon University et le WWF établissent que le fracking augmente les gaz à effet de serre, comme le CO2."
"Plus récemment, nous avons auditionné au Parlement européen des universitaires américains et des représentants d'associations qui, documents et prélèvements à l'appui, nous ont démontré la réalité des ravages des gaz de schiste sur la vie de nombreux américains. Votre contestation est d'autant plus mal venue que le contre film Truthland produit par vos collègues de l'Independant Petroleum Association of America est bien peu crédible. Surtout, le rapport d'experts censé rétablir la vérité, préparé par l'Energy Institute de l'université du Texas, et présenté en février dernier lors du congrès annuel de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) a été décrédibilisé en raison d'un conflit d'intérêt non rendu public[3]. Une ONG a révélé que le premier auteur du rapport et directeur adjoint de l'Energy Institute était aussi membre du conseil de direction et actionnaire d'une société de forage spécialisée dans le gaz de roche, lien qui n'était pas signalé dans le rapport. Bien au contraire, le document était présenté comme "indépendant de l'industrie de l'énergie" et en outre, il était affirmé qu'il avait été "revu par les pairs", ce qui était faux. De plus, les ONG ont démontré le caractère erroné ou obsolète des chiffres cités, et une présentation tronquée s'agissant des contaminations constatées. Selon l'ONG à l'origine de ces révélations, le rapport « ignore plusieurs cas de contaminations provoqués par des aspects de l'extraction distincts de la fracturation de la roche. Le rapport lui-même soulève plus d'une vingtaine de problèmes environnementaux liés à l'extraction du gaz de schiste, largement absents du communiqué de presse » annonçant le rapport. Votre lettre ouverte est dans la même veine."
Vos arguments sont plus mal fondés les uns que les autres et se heurtent aux faits.
- "Vous prétendez que les experts français sauraient réaliser des forages dans des conditions de parfaite sécurité, ce que ne sauraient pas faire les Américains « avec des pratiques non respectueuses des règles de l'art ». C'est une double plaisanterie. On voit mal en quoi les entreprises américaines, qui ont obtenu seules ou en binôme les autorisations d'explorer en France, procèderaient différemment en France qu'aux Etats-Unis. D'autant plus que l'étude du Parlement européen précitée apporte la preuve de la vacuité de l'argument. Il souligne que les mêmes conséquences ont été observées en Europe, en particulier en Allemagne avec une contamination au benzène et au mercure. Quant aux tremblements de terre, ils se sont produits au Royaume Uni en 2011, et l'expérience a été stoppée. De plus, comment comprendre l'argument qui prétend que les 6000 puits réalisés en France n'auraient donné lieu qu'à 2 pollutions mineures. Benoitement, n'étions-nous pas persuadés que la fracturation hydraulique était interdite pour rechercher le gaz de schiste en France ? Quels sont donc ces 6000 puits qui établiraient l'absence de risques de cette technologie appliquée aux gaz de schistes ?"
- "Vous prétendez que l'eau nécessaire pour les opérations de fracturation n'est utilisée qu'une fois, soit 10 000 M3 nécessaires, soit encore le dixième de ce qu'utilise un terrain de golf, sauf que le rapport du Parlement européen précise que la demande peut aller jusqu'à 45 000 M3, et que les nouveaux projets de la seule année 2010 représente 17 Mds de M3, contre 50 Mds pour tous les autres usages de l'eau. En outre, l'eau du golf retourne à la nappe ; celle utilisée pour la fracturation est très polluée et donc inutilisable sauf pour de nouvelles fracturations…"
- "Vous vous offusquez que l'on puisse parler de mitage de l'espace, au motif que la situation juridique liée à la propriété du sous-sol diffère en France et aux Etats-Unis. C'est exact, mais vous oubliez de rappeler qu'en contrepartie la France ne dispose pas de grandes étendues désertiques inhabitées. Les conséquences de la multiplication des puits seraient donc tragiques pour nos paysages et nos sites parfois exceptionnels, et souvent protégés."
- "L'argument le plus malhonnête de votre lettre ouverte est celui de l'absence de toute toxicité des produits utilisés, lesquels seraient « des produits courants d'usage ménager, cosmétique ou alimentaire (comme le guar qui est avec le sable le principal additif à l'eau de fracturation) ». La vérité sur la planète terre est toute autre. Sur les 260 substances connues utilisées pour la fracturation, qui ne sont d'ailleurs pas totalement rendues publiques, 58 sont toxiques, mutagènes, carcinogènes et/ou allergènes. Pour être plus précise, 6 figurent sur la liste des substances prioritaires dans le cadre du règlement REACH, qui doivent requérir une attention immédiate, une est bioaccumulative et toxique, 2 (naphtalène et benzène) figurent sur la liste des 33 substances prioritaires, sont toxiques pour les organismes aquatiques, 38 sont toxiques pour la santé humaine, 6 sont carcinogènes connues, 6 carcinogènes suspectées, mutagènes et 5 reprotoxiques. Avoir l'outrecuidance de parler de « position idéologique sans fondement technique » à propos de ces produits dépasse l'entendement !"
"La position idéologique est précisément du côté des foreurs. L'ultra libéralisme et la foi absolue dans la technologie, qui trouvera toutes les solutions- mais qui dans la vraie vie, évidemment ne peut pas les trouver- sont une idéologie. De la même manière, le refus d'admettre la réalité du changement climatique et son origine anthropique et le financement par le lobby pétrolier des « marchands de doute » participent d'une idéologie. L'importance du sujet mérite un autre comportement. Certes, notre sous-sol recèle peut être du gaz de schiste assurant quelques mois, voire quelques années de consommation. Certes, l'économie américaine profite d'une énergie bon marché grâce à cette exploitation dont le coût réel est assumé par les victimes d'aujourd'hui, et celles encore plus nombreuses de demain. Le moratoire décrété par plusieurs Etats témoigne des réactions des citoyens américains face à un lobby d'une puissance fantastique, qui a su obtenir le refus américain d'entrer dans le processus de Kyoto."
"En Europe, nous devons exiger une analyse complète coût-avantage avant toute décision. Cette analyse passe par une analyse de cycle de vie et une connaissance très approfondie des risques réels. En Allemagne, le Parlement de la Rhénanie du Nord-Westphalie a appelé à un moratoire jusqu'à ce que l'impact de tels procédés soit connu, et la France a voté l'interdiction du recours à la fracturation hydraulique. La question se pose aussi en termes d'impact sur le changement climatique à court terme (émissions de méthane et de CO2 due à la méthode), mais aussi à moyen et long terme en raison du retard pris pour sortir de la société du pétrole, retard qui pourrait être suicidaire."
"Certes, une partie du monde économique européen et français fantasme sur une croissance tirée par l'exploitation des gaz de schiste. Un tel choix serait dramatiquement court-termiste. Même en admettant qu'il accorde quelques mois, voire quelques années d'énergie bon marché, les coûts externes immenses pour la santé et l'environnement supportés par tous, le retard dans l'émergence d'une industrie puissante et leader dans les énergies renouvelables de toutes natures, la destruction irréversible de nos territoires densifiés pour les uns, protégés pour les autres, feraient perdre à l'économie européenne un temps précieux et constitueraient une régression massive de toutes les politiques engagées depuis 30 ans."
Corinne Lepage
11:54 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Pollution | Tags : gaz de schiste, corinne lepage, pollution, contamination des nappes phréatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
31/07/2012
Charles Beauquier, l'homme qui protégeait la nature
Charles Beauquier,
l'homme qui protégeait la nature
Loi Beauquier : la protection des paysages
· L’homme politique
"Oublié de la République" selon Jean-Louis Debré, Charles Beauquier compte parmi les hommes politiques français ayant exercé une certaine influence sous la IIIe République. Il est successivement sous-préfet de Pontarlier (1870 à 1871), entre au Conseil général du Doubs en 1871 et devient conseiller municipal de Besançon en 1873. Le 25 avril 1880, il est élu député du Doubs et occupa cette fonction jusqu’en 1914.
· L’homme de culture
Diplômé de l’École de Droit à Paris et de l’École des Chartes en 1857, son attention se porte d’abord sur la critique musicale et les traditions populaires. Parallèlement à sa carrière politique, il s’adonne au journalisme en fondant des journaux comme Le Doubs (1868) ou La Fraternité (1875). Il est également rédacteur en chef, à Besançon, du Républicain de l’Est (1871). Homme de culture et d’héritage, ethnologue avant l’heure, on lui doit de nombreux ouvrages sur la musique et sur le patrimoine et le folklore comtois, qui font encore autorité. Engagé pour la préservation de la nature, il est l’un des fondateurs de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France. Porteur d’un nouveau rapport au paysage, cet engagement donne lieu à la loi du 21 avril 1906, première loi de protection de l’environnement, dite loi Beauquier.
· L’élaboration de la loi Beauquier
De 1901 à 1906 Marqué par la notion de pittoresque, le XIXe siècle considère le paysage comme patrimoine culturel relevant d’intérêts artistiques, géologiques ou historiques. Dans un contexte de progrès scientifiques et industriels, Charles Beauquier propose le 23 mars 1901 à la Chambre des députés une première proposition de loi "ayant pour objet la protection des sites pittoresques". Opposant farouche à l’industrialisation, Beauquier accuse l’État de "laisser commettre des actes de vandalismes dans nos musées naturels, dans cette splendide collection de sites pittoresques que renferme la France ! Étrange contradiction ! L’État veillera avec un soin religieux sur un tableau de maître qui représentera un paysage et il en laissera détruire, sans s’émouvoir, le magnifique et irréparable original !".
Parallèlement à cette proposition de loi, son confrère Louis Dubuisson, député du Finistère, présente le 17 mai 1901 un autre projet de loi sur le même thème.
Le 5 février 1903, Beauquier et de nombreux députés, tels que Ferdinand Buisson, Jaurès, Georges Leygues, Poincaré, Marcel Sembat, proposent une deuxième loi beaucoup plus courte. Malgré la création de la Société pour la protection des paysages de France en 1901, la deuxième révolution industrielle s’oppose plus que jamais à la préservation de la beauté des paysages. À ce titre, Beauquier attire l’attention de la Chambre des députés sur l’urgence d’une législation "car dans toutes les parties de la France on arrache des arbres, on brise des rochers, on capte des torrents, on couvre les campagnes d’affiches et de réclames et l’on saccage des sites merveilleux, consacrés par l’admiration des poètes, des artistes et des foules".
Il faut attendre 1906 pour que le texte soit adopté par la Chambre des députés. Le débat du 27 mars 1906 au Sénat permet au rapporteur, Maurice Faure, d’attribuer la paternité de la loi à Charles Beauquier et à Louis Dubuisson. D’après lui, il donne une résonance patriotique marquée à cette loi, qui a pour but de "protéger ces richesses vraiment nationales contre l’effet destructeur du temps et contre le vandalisme des hommes, peut-être plus destructeur encore". L’alignement est marqué sur la législation en matière de monuments historiques, sauf sur l’aspect financier : "Il n’est prévu, au point de vue financier, aucune participation de l’État. Notre loi est très franchement décentralisatrice".
La loi de protection des paysages est définitivement adoptée le 21 avril 1906, décidant de la création "d’une commission des sites et monuments naturels de caractère artistique" dans chaque département. La commission se chargera de dresser "une liste des propriétés foncières dans la conservation peut avoir, au point de vue artistique ou pittoresque, un intérêt général" ; le classement n’est décidé que si le propriétaire donne son accord. Le Doubs est, semble-t-il, l’un des premiers départements à l’avoir mise en œuvre, en 1912.
Les premiers classements dans le Doubs
(Source : Archives départementales du Doubs, 4T 51 et 52.)
La commission des sites se réunit pour la première fois dès le 12 décembre 1906. Charles Beauquier assiste à ses séances de travail jusqu’à son décès en 1916.
Sur la base d’une liste établie dès 1906 par l’ingénieur ordinaire des Ponts-et-Chaussées, les sites suivants, essentiellement des grottes, glacières, cascades ou sources, sont classés en 1912.
Le 2 mai 1912 :
- Source du Lison, creux Billard et grotte Sarrazine (Nans-sous-Sainte-Anne) ;
- Pont du Diable (Sainte-Anne et Crouzet-Migette) ;
- grottes d’Osselle (Rozet-Fluans) ;
- grottes de Plaisirfontaine (Bonnevaux) ;
- cascades du Bout-du-Monde (Beure) ;
- sources d’Arcier, propriété de la Ville de Besançon.
Le 23 mai 1912 :
- pont Sarrazin de Vandoncourt ;
- ruisseau et vallée de Fontaine-Ronde à Touillon-et-Loutelet, Montperreux et Les Hôpitaux-Vieux ;
- grottes et château de la Roche à Saint-Hippolyte ;
- rocher dit « Dames des Entreportes » à Pierrefontaine ;
- théâtre romain de Mandeure ;
- saut du Doubs et col des Roches à Lac-ou-Villers [Villers-le-Lac] ;
- cascades du Doubs à Fourcatier-et-Maison-Neuve ;
- gorges du Remonot à Les Combes ;
- grottes de Chenecey-Buillon ;
- glacière de Chaux-lès-Passavant ;
- grottes de la Baume à Bournois.
Au cours de l'année 2012, une série de manifestations a salué sa mémoire.
09:03 Publié dans Actualité des Sciences, Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Nature & philosophie | Tags : charles beauquier, protection de la nature, protection des paysages, sites classés, sites protégés, sites protégés de franche-comté | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
20/07/2012
L’Université de Franche-Comté et la fédération de pêche du Doubs au chevet de la Loue
L’Université de Franche-Comté
et la fédération de pêche du Doubs
au chevet de la Loue
(18/07/2012)
Classée comme l'une des plus belles rivières d'Europe pour la pêche à la mouche, la Loue se fraie dans le massif du Jura une reculée creusant d'abruptes falaises calcaires, au pied desquelles moucheurs locaux et touristes aiment venir titiller la truite et l'ombre.
"La vallée a connu un tourisme de masse lié à la pêche à la mouche, avec des personnes qui avaient les moyens et venaient de toute l'Europe. Mais depuis le début des années 2000, les pêcheurs fuient cette rivière dans un état lamentable, où ils voient les poissons mourir", constate Alexandre Cheval, garde-pêche dans la Vallée de la Loue. "Aujourd'hui, ils préfèrent aller en Slovénie ou en Roumanie sur des cours d'eau comparables à la Loue il y a 30 ans", ajoute-t-il. Le nombre des cartes de pêche enregistrées par la fédération sur le secteur de la Loue est passé de 2000 il y a dix ans à près 400 l'année dernière.
Mais depuis 1973 "la population piscicole a diminué de 70 à 80% sur certains secteurs de la Loue" qui s'écoule d'Ouhans dans le Doubs à Parcey dans le Jura, affirme Thomas Groubatch, chargé de mission à la Fédération de pêche du Doubs. Néanmoins, il pense qu'il "reste quelques secteurs refuges, mais ils sont rares. Il faut agir vite pendant que ces zones existent encore".
Des polluants d'origines diverses (population humaine, agriculture ou industrie), ainsi que l'aménagement des rivières (seuils et barrages) sont notamment mis en cause.
"Ce n'est pas une pollution ponctuelle, mais chronique. La rivière se dégrade de plus en plus et les milieux naturels ont de plus en plus de mal à supporter la pollution. La situation est plus qu'alarmante", s'inquiète Alexandre Cheval, qui redoute qu'un "point de non-retour" ait été atteint.
Pour lutter contre cette pollution, les services de l'État ont engagé une série d'actions comme le renforcement des règles d'épandage du lisier, l'installation de passes à poissons ou un effort de sensibilisation des industriels.
La Loue va être auscultée sous toutes les coutures. Les chercheurs du Laboratoire de Chrono-environnement viennent de commencer leurs travaux. Annoncée depuis au moins un an, cette vaste étude prévue sur cinq ans a enfin commencé dernièrement. D'après François Degiorgi, l’un des coordinateurs de cette étude, “Il s’agit d’un travail pluridisciplinaire qui porte aussi bien sur le bassin versant que sur la rivière. L’objectif est de localiser les causes du mauvais état de la Loue puis de chercher à les relier à une spacialisation des effets dans la rivière”.
Pendant une première phase de trois ans, une quinzaine de chercheurs va travailler sur le terrain pour cette étude. Une équipe pluridisciplinaire formée de chimistes, biologistes, géologues, pédologues. La plupart d’entre eux sont rattachés au laboratoire de chrono-environnement mais le laboratoire de géographie Théma, le Muséum d’Histoire naturelle de Besançon, l’Université de Neuchâtel, le laboratoire d’analyses de Poligny prêteront également main-forte à l’équipe.
Déjà des universitaires ont prélevé des larves et des insectes adultes au bord de la Loue pour pouvoir évaluer la qualité du milieu de façon beaucoup plus précise que les indicateurs utilisés habituellement pour classer les rivières.
Autre partenaire de taille, la Fédération de Pêche du Doubs. Dès lundi, une soixantaine de pêcheurs est mobilisée chaque jour de la semaine pour réaliser des pêches électriques afin d’effectuer de nouveaux inventaires piscicoles sur au moins huit stations de la Loue. Toutes les associations de pêche de la vallée, les fédérations de pêche des départements de Bourgogne et de Franche-Comté, le département de l’Ain ainsi que des bénévoles sont mobilisés la semaine prochaine.
Tout les amoureux de la Loue ont encore en tête les images des relevés piscicoles effectués, eux aussi à grand renfort de moyens et de médias par l’Onema en 2010. Alors, pourquoi recommencer et ne vaudrait-il pas commencer à agir concrètement pour diminuer les sources de pollution ?
« Pour que les politiques se bougent encore plus, il faut des preuves sur les origines de la pollution, explique Alexandre Cheval, garde pêche de la fédération du Doubs, cette étude va permettre d’affiner le tir, il nous faut des connaissances les plus fines possibles pour réajuster le tir. En 2010, l’Onema n’avait travaillé que sur quatre stations ».
Les politiques se sont déjà bougés en finançant cette étude qui coûte 360 000 euros pour la première phase. Environ 80% de cette somme est prise en charge par l’Agence de l’Eau, le conseil général du Doubs et le conseil régional de Franche-Comté ; le reste étant financé par l’Université de Franche-Comté.
De nombreuses études ont été réalisées ces vingt dernières années, pas forcément coordonnées. Tout l’enjeu de ce travail va être de savoir capitaliser les résultats déjà publiés et surtout d’identifier beaucoup plus précisément l’impact des activités humaines sur le bassin versant de la Loue. En 2015, la directive européenne sur l’eau devra être renouvelée. Les premiers résultats de cette étude sur la Loue pourraient bien être examinés de près. De ses malheurs, la Loue pourrait ainsi en tirer un petit bénéfice. La rivière, connue dans toute l’Europe par les pêcheurs à la mouche, pourrait se faire aussi une réputation auprès des milieux scientifiques en étant devenue un véritable laboratoire à ciel ouvert.
En Franche-Comté, le Doubs franco-suisse, dont la Loue est à la fois un affluent et une résurgence, le Dessoubre et le Cusancin sont confrontés à un même problème de pollution et de mortalité piscicole.
Isabelle Brunarius
(France 3 Franche-Comté)
Source :
Blog.france3.fr/vallee-de-la-loue
Voir également dans ce même blog :
- Ces Saprolegnia qui parasitent les poissons
- La santé du Doubs mise à prix
- Mortalité des poissons dans le Doubs
- l'alerte lancée par Pascal P.
- Menaces sur le Doubs franco-suisse
- Proliférations algales dans la Haute vallée du Doubs
- Prolifération de Cyanobactéries dans la Loue
- Pathologie des poissons d'eau douce
14:53 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Limnologie-hydrobiologie, Nature et santé, Poissons, Pollution | Tags : poissons, maladies, saprolegnia parasitica, pathologie des poissons, doubs, loue, dessoubre, saprolegnia, état sanitaire, faune halieutique, doubs franco-suisse, montbéliard | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
08/06/2012
Squelettes d'ours préhistoriques dans une grotte du Doubs
Squelettes d'ours préhistoriques
dans une grotte du Doubs
Trois squelettes d'ours bruns préhistoriques ont été découverts dans une grotte du Haut-Doubs dans le gouffre de la Nisotte, sur le premier plateau du Jura à L'Hôpital-du-Grosbois (Doubs).
Une découverte importante qui a été faite en mai 2010 par les spéléologues de l'Association Spéléologique du Canton de Rougemont. Ces ossements d'ours dateraient d'au minimum 5 000 ans. (Voir la vidéo du reportage de France3 Franche-Comté de l'époque. Durée : 42 s)
Dans l'une des salles de cette cavité, les spéléologues ont trouvé un squelette complet d'une femelle très âgée, de nombreux éléments crâniens d'un sujet de sexe indéterminé pour l'instant, ainsi qu'un squelette d'un ourson d'un an, datant du Quaternaire. Cette découverte exceptionnelle confirme que la Franche-Comté est une région importante pour la paléontologie du Quaternaire et pour les Ursidés de cette époque.
La grotte de la Nisotte, dont l'entrée était effondrée, est composée une galerie étroite et sèche de six mètres de long qui débouche sur une succession de deux puits. La première salle aisément accessible aboutit par le second puits de 15 m dans une salle large de 6 mètres, longue de 30 et haute de 15 qui contenait les ossements des trois ours, d'un chien ou loup et d'un chat sauvage. Dans une autre salle ont été retrouvés quelques restes récents d'oiseaux et de reptiles. La grotte de la Nisotte se révèle donc avoir fonctionné comme piège naturel pour tous ces vertébrés.
Deux ans après la découverte et l'entrée de la grotte refermée, l'aventure est révélée au public. Ce délai a été observé pour éviter les pillages et pour permettre aux spécialistes de travailler en toute sérénité.
Aujourd'hui, l'heure est à la remontée des ossements à la surface pour être étudiés. C'est pourquoi ce vendredi 6 juin 2012, une expédition organisée par les membres du club spéléo de Rougemont accompagnés de chercheurs du CNRS et du personnel du Service Régional d'Archéologie (SRA) de Franche-Comté est descendue dans le gouffre de la Nisotte suivie par une équipe de France3-Franche-Comté. Parmi les scientifiques : MM. Argant, paléontologue au CNRS (Aix en Provence), Lampéa, responsable du programme "Oursalpes" chargé de l'étude des ossements d'ours retrouvés dans les Alpes et le Jura, Griggo archéozoologue spécialisé dans l'étude des os et Mme Jacqueline Argant palynologue pour l'étude des pollens de la flore fossile.
Des ossements appartenant à une bonne dizaine d'espèces dont 4 ours bruns (Ursus arctos), un loup (Canis lupus), un chat forestier (Felis sylvestris), un squelette de serpent (espèce non déterminée) ainsi que d'autres ossements non déterminés, ont été extrait du gouffre de la Nisotte et confiés à Alain Argant pour être étudiés dans un laboratoire du centre paléontologique de l'ARPA de Saône-et-Loire.
L'identification du sexe du crâne ci-dessus a été confirmée par la découverte le 6 juin de l'os pénien, en fouillant soigneusement le substrat couvert de stalagmites.
Voir la vidéo du reportage de France3-Franche-Comté (Durée : 2 min, après la pub).
14:21 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : gouffre de la risotte, ours préhistorique, ours brun, spéléologie, paléontologie, jura, doubs, l'hôpital du grosbois | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
14/04/2012
Le nucléaire vu par notre minuscule souverain
Le nucléaire vu par notre minuscule souverain... Édifiant !
(Mise à jour du 13/03/2014)
Rappelons à M. Sarkozy que l'Alsace est un fossé d'effondrement entre les Vosges et la Forêt Noire. Manifestement, notre président en sursis n'a jamais entendu parler des deux séismes de magnitude 7,5 et 9 qui ont détruit la région de Bâle le 18 octobre 1356 !
Canard Enchaîné (12/04/2012)
Remarques : le 18 octobre 1356, deux séismes de magnitudes estimées par le site du BRGM à 9 et 7,5 ont affecté la région bâloise à proximité de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin).
En ce qui concerne cette centrale de Fessenheim, la plus vieille du parc français, il s'agit du séisme de référence. Sa magnitude (1) a été estimée à partir des registres notariaux et des annales religieuses. En fait, les avis divergent : EDF évalue sa magnitude à 6,1 ; l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à 6,8 ; et une étude suisse de 2009 à 7,1, ce qui est 30 fois plus violent que l'estimation de l'exploitant !
EDF a beau ajouter une marge de sûreté d'un demi-degré de magnitude au séisme historique de référence, la centrale de Fessenheim n'a pas été construite pour lui résister...
(1) Rappelons que la magnitude est l'énergie libérée par un séisme, indépendamment des dégâts provoqués. Elle est définie par une échelle logarithmique, où chaque unité ajoutée correspond à une multiplication par 32 de l'énergie libérée. Ainsi, un séisme de magnitude 9 libère, non pas 3 fois plus, mais 1 milliard 74 millions de fois plus d'énergie qu'un séisme de magnitude 3.
Mars 2014 : Un accident nucléaire grave est France est maintenant officiellement reconnu comme une possibilité à laquelle il faut se préparer : c’est le sens du "Plan national de réponse ’Accident radiologique ou nucléaire majeur’ " publié le 3 février par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité intérieure.
On est surpris que la nouvelle ait suscité peu d’échos. Mais c’est ainsi.
Ce plan, qui décline sur cent-dix-huit pages et huit scénarios la conduite à tenir en cas d’accident grave, est une nouvelle étape dans la lente reconnaissance de la vraisemblance du pire.
Tchernobyl, en 1986, n’avait pas fait broncher la nomenklatura nucléariste.
Les choses ont commencé à changer à la suite de la submersion partielle de la centrale du Blayais (Gironde), fin 1999 : la France était alors passée à deux doigts d’une catastrophe nucléaire...
Pour en savoir plus, voir l'article de Mediapart.
07:44 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Pollution, Volcanologie-Sismologie | Tags : sarkozy, nucléaire, fessenheim, sismicité, alsace, tremblements de terre, bâle | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
22/03/2012
Séismes provoqués par les activités humaines
Séismes provoqués par les activités humaines
par Boris Bellanger (Science & Vie 2009)
L'Homme responsable de séismes ? Barrages, mines, forages, géothermie agressent la croûte terrestre engendrant parfois des réactions dévastatrices. Toutes ces installations peuvent déclencher des tremblements de terre. À Bâle (Suisse) en décembre 2006 une mine de charbon dans l'Utah (États-Unis) en août 2007, et un autre dans la région de Sarrebruck (Allemagne) en février 2008 ont enfanté une série de séismes. Sans oublier le dévastateur tremblement de terre survenu au Sichuan en Chine le 12 mai 2008, que certains scientifiques audacieux relient aujourd'hui à la présence du barrage voisin de Zipingpu.
Barrage de Zipingpu © Creatio
Depuis des décennies, plusieurs observations ont interpellé les scientifiques qui sont à l'écoute des soubresauts de notre planète. "Le soupçon d'influence naît lorsqu'il y a coïncidence dans le temps et dans l'espace entre le tremblement de terre et la mise en activité d'une installation, par exemple lors de la mise en eau d'un barrage, explique Jean-Robert Grasso, du Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique de l'université Joseph-Fourier (Grenoble), un des rares Français à se pencher sur ce sujet. "Si l'on observe un événement sismique, on s'interroge, mais lorsque c'est une série d'événements qui se produit à un endroit précis, notre certitude augmente."
Pour pouvoir incriminer une ingérence humaine dans la tectonique de la planète, il est nécessaire de connaître précisément l'activité sismique de la région avant la mise en service des installations incriminées. En France, l'historique des secousses ressenties par la population est parfaitement documenté sur les cinq derniers siècles. Ce qui a permis notamment à Jean-Robert Grasso de démontrer de manière flagrante, dès les années 1980, que les séismes enregistrés dans la région de Pau, dont certains de magnitude 4, étaient dus à l'exploitation de l'immense gisement de gaz naturel de Lacq par Elf Aquitaine. Le bassin sédimentaire aquitain était en effet connu jusque-là pour être le plus calme de France au niveau sismique. "Les tremblements de terre apparus dix ans après les premiers pompages à Lacq, en 1969, et qui perdurent depuis, ont donc été facilement repérés", explique Pascal Bernard, sismologue à l'Institut de physique du globe de Paris.
Un autre exemple ? Dans le nord-est des États-Unis, l'exploitation de mines profondes, de vastes carrières à ciel ouvert et de puits d'injection de fluide en profondeur est, d'après les chercheurs, directement à l'origine d'un séisme sur trois enregistrés depuis les années 1980 dans cette région normalement peu active d'un point de vue géologique ! Et ce n'est pas une particularité locale, comme le démontrent les travaux de Christian Kiose, géologue à l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'université Columbia (New York).
Dans une tentative de recensement publiée en août 2007, ce scientifique a dénombré plus de 200 endroits dans le monde pour lesquels l'action humaine a été reconnue comme responsable du déclenchement de séismes. Sa conclusion ? "Si l'on regarde la distribution des séismes déclenchés par l'Homme à l'échelle du globe, il apparaît que la majorité d'entre eux est située dans les régions continentales stables, pour lesquelles le niveau de sismicité naturelle est historiquement bas."
Il est évident que la coïncidence entre un séisme et la mise en exploitation d'un champ pétrolier ou d'un barrage est plus aisée à démontrer si la région n'est pas secouée en permanence. Un principe qui est d'ailleurs aussi valable lorsque l'on cherche à détecter les séismes produits par les essais nucléaires souterrains, comme celui réalisé en octobre 2006 par la Corée du Nord, et qui a déclenché une secousse de magnitude 4,2. Mais au-delà de cette meilleure capacité de détection, il existe des raisons purement géologiques à cette répartition. De fait, le risque de générer des tremblements de terre est plus important dans les régions continentales "calmes" parce que, contrairement aux endroits très actifs du globe, ce sont surtout les premiers kilomètres de la croûte terrestre, près de la surface, qui voient naître les séismes naturels. Or "ces zones sismogènes sont à portée des perturbations générées par l'activité humaine, donc plus facilement déstabilisées par elles", conclut Art McGarr, du Bureau de surveillance géologique des États-Unis (USGS). Un point déterminant lorsqu'il s'agit de démontrer, arguments mécaniques à l'appui, le lien entre séisme et activités humaines. Et qui permet de verser au dossier des preuves plus percutantes qu'une simple coïncidence, notamment dans les cas délicats pour lesquels il s'est passé plusieurs années entre le début de l'exploitation et la survenue d'un séisme majeur.
À la base clé l'argumentation des chercheurs, une théorie de mécanique des roches dite de Mohr-Coulomb, vieille de plus de cent ans et qui a fait ses preuves pour évaluer la résistance d'un matériau à la contrainte. Élaborée à partir d'expériences en laboratoire sur des cylindres de roches soumis à de fortes pressions ou tractions, cette théorie permet de décrire la façon dont une faille (une zone de fracture naturellement présente dans la croûte terrestre) s'approche ou s'éloigne de la rupture en fonction des contraintes physiques auxquelles elle est soumise. Les principales contraintes antagonistes étant, d'une part, la force verticale exercée par la masse des roches au-dessus de la faille et, d'autre part, les forces horizontales de compression ou d'extension liées aux mouvements des plaques tectoniques. Les roches réagissent à ces pressions en se déformant de façon élastique jusqu'au moment où, ces contraintes dépassant la capacité de résistance de la faille, celle-ci joue et libère l'énergie qu'elle a emmagasinée : c'est le séisme.
En accumulant des masses impressionnantes d'eau derrière un barrage, ou en extrayant des millions de tonnes de minerai ou d'hydrocarbures du sous-sol, l'activité humaine pèse sur la croûte terrestre ou, au contraire, la soulage d'un poids. Ce faisant, elle modifie les contraintes auxquelles sont déjà soumises naturellement les failles et, en venant s'ajouter aux forces tectoniques, peut faciliter leur rupture. Autrement dit, "un séisme déclenché par l'Homme est avant tout un phénomène naturel, la responsabilité de l'Homme se limitant à son déclenchement", précise Leonardo Seeber, spécialiste de la sismicité induite par les activités humaines au Lannont-Doherty. Le travail des scientifiques consiste donc à démontrer que le changement de contrainte imposé par l'Homme sur la faille arrive dans la bonne direction, au bon moment, et avec suffisamment d'intensité pour précipiter un tremblement de terre.
UNE PETITE PERTURBATION SUFFIT À DÉCLENCHER UN SÉISME
Ce qui ressort de l'analyse des nombreux cas recensés est très étonnant : l'Homme n'a pas besoin de perturber fortement le système naturel pour réactiver une faille. "Si la faille est sur le point de rompre, il peut suffire d'un changement de contrainte en profondeur, au niveau de la faille, d'un dixième de bar (c'est-à-dire équivalent à un dixième de la pression atmosphé- rique) pour déclencher la rupture", explique Pascal Bernard. L'homme peut ainsi précipiter l'apparition d'un séisme de la même façon qu'une mouche se posant sur un château de carte en équilibre précaire sera à même, malgré sa légèreté, de le faire s'écrouler. C'est ainsi qu'il aurait déclenché un tremblement de terre à Newcastle, en Australie, en 1989. Mais il n'y a pas que ces failles au bord de la rupture qui soient concernées, car les perturbations induites par l'homme, lorsqu'il injecte de l'eau sous pression, peuvent être de l'ordre de la dizaine de bars. Ce qui correspond justement à ce dont une faille a besoin en moyenne pour se recharger.
"Des failles en milieu de cycle peuvent donc très bien être déclenchées par l'Homme, pour peu qu'elles soient très proches du lieu de l'installation", précise Pascal Bernard. Si l'Homme n'a qu'une pichenette à donner pour réveiller une faille endormie, il est donc à même de rivaliser avec les forces mises en œuvre par notre planète...
Ainsi, les activités humaines ont la capacité bien embarrassante de précipiter le déclenchement d'un séisme. Reste à savoir combien de temps l'Homme a fait "gagner" à la faille. Si on s'intéresse aux régions où la vitesse à laquelle la faille se rapproche du point de rupture est élevée, comme aux limites des plaques tectoniques (Ceinture de feu du Pacifique ou chaîne himalayenne, par exemple), la perturbation humaine va rapprocher la survenue du séisme de quelques années seulement. "Mais si l'on considère les zones où les failles se chargent extrêmement lentement, comme au milieu d'une plaque tectonique [telles que l'Afrique du Sud, l'Australie ou l'Europe du Nord...], l'anticipation peut être de mille ans ou de dizaines de milliers d'années ! précise Leonardo Seeber. Dans ce cas, on peut considérer que ce séisme ne serait jamais arrivé sans l'intervention de l'Homme." Face à cette situation dérangeante, une question se pose donc : connaissant les perturbations que l'être humain génère, peut-on prédire la date d'un tremblement de terre ? Malheureusement pas... "Qu'il soit naturel ou déclenché par l'homme, un séisme est impossible à prévoir, constate Jean-Robert Grasso. Pour la simple raison que l'état des contraintes dans la croûte terrestre n'est pas connu et n'est pas directement accessible à l'observation." C'est d'ailleurs un défi que tentent de relever les géologues américains depuis 2004 avec l'Observatoire de la faille de San Andréas (Safod).
CAS DES BARRAGES
Le barrage Hoover, situé à la frontière entre l'Arizona et le Nevada, a été, en 1945, le premier pointé du doigt pour avoir déclenché un séisme, dix ans plus tôt.
Au cours des années 1960, quatre séismes majeurs, de magnitude supérieure à 6, ont été enregistrés et, après coup, associés à des barrages : celui de Hsinfengkiang en Chine (1962), celui de Kariba en Zambie (1963), celui de Kremasta en Grèce (1967) et celui de Koyna en Inde (1967). Ce dernier barrage constitue un cas d'école, car il est lié au séisme le plus violent (magnitude 6,3) et le plus meurtrier (200 morts). Depuis sa mise en place, en 1962, la zone est le siège d'incessantes secousses : 170 séismes de magnitude supérieure à 4, dont 19 de magnitude supérieure à 5, y ont été mesurés ! Aujourd'hui, une centaine de barrages dans le monde sont reliés à des tremblements de terre, selon le recensement effectué par Harsh Gupta, spécialiste mondial de la sismicité induite par les barrages et membre de l'institut national de recherches géophysiques (Hyderabad, Inde). Parmi ces installations, dix ont déclenché des séismes de magnitudes comprises entre 5 et 5,9 et 28 autres, des séismes de magnitudes de 4 à 4,9.
En octobre 2008, la Commission internationale des grands barrages (Paris), qui représente les constructeurs, a également publié un rapport consacré à ce phénomène. Ses auteurs estiment que 1 % des grands barrages dont la retenue d'eau dépasse 100 m de haut soit six ouvrages, sont associés à des séismes de magnitude supérieure à 5,7. Une part qualifiée de "non négligeable" dans le rapport, qui rappelle cependant que "la mise en eau d'un barrage ne peut déclencher une activité sismique qu'en conjonction avec des conditions tectoniques préexistantes favorables". Lesquelles ? Comme c'est presque toujours le cas en matière de séismes déclenchés par l'homme, l'existence, à l'aplomb de l'ouvrage, de failles prêtes à rompre. Failles que le barrage, et plus spécifiquement son lac de retenue, titillent de deux façons. La première est liée aux immenses quantités d'eau stockées qui pèsent sur le sol, augmentant, même faiblement, la contrainte verticale sur la faille. La seconde repose sur l'infiltration lente d'eau en profondeur qui va lubrifier la faille, et lui permettre de glisser plus facilement. L'existence de ces deux mécanismes explique pourquoi certains séismes apparaissent rapidement après la mise en eau du barrage tandis que d'autres, mettant en jeu des failles plus profondes, se manifestent des années après. Ainsi, le barrage d'Assouan, en Égypte, a-t-il été associé à un séisme de magnitude 5,3 survenu en novembre 1981; dix-sept ans après sa mise en eau. La multiplication des cas de sismicité induite par les barrages a aussi permis de montrer que la hauteur d'eau dans le barrage, ainsi que la vitesse à laquelle le lac de retenue est rempli ou vidé, influe significativement sur la survenue de tremblements de terre.
Pour une poignée de sismologues, le séisme du Sichuan a été déclenché par le barrage de Zipingpu. Si la thèse était confirmée, l'impact destructeur de l'Homme sur la planète devrait être reconsidéré… pour éviter le pire.
Plus de 88 000 morts ou disparus, près de 400 000 blessés, 5 millions de bâtiments détruits : le tremblement de terre qui a secoué la province du Sichuan (centre-ouest de la Chine) le 12 mai 2008 est l'un des plus dévastateurs enregistrés au cours des dernières décennies. Le tremblement de terre du Sichuan pourrait tout aussi bien devenir le symbole du potentiel destructeur de l'activité humaine ! Car, moins d'un an après sa survenue, une poignée de scientifiques n'hésitent pas à voir la marque de l'homme derrière ce séisme meurtrier...
L'accusé ? L'imposant barrage de Zipingpu, construit sur la rivière Min, et mis en eau en décembre 2004. Haut de 156 mètres, il peut retenir plus d'un milliard de mètres cubes d'eau. Il a surtout la particularité d'être installé à 500 mètres seulement du système de failles qui a joué lors du tremblement de terre et à quelques kilomètres de l'épicentre de la secousse principale de magnitude 7,9.
À la suite de Fan Xiao, ingénieur en chef du Bureau de géologie et de minéralogie du Sichuan, à Chengdu, qui a en effet émis publiquement l'hypothèse que le séisme ne soit en fait qu'un exemple supplémentaire, le plus spectaculaire jamais observé, de sismicité induite par les barrages de nombreux scientifiques ont pointé un doigt accusateur vers le barrage.
CAS DES MINES
Plus de 6 milliards de tonnes de charbon, 1,6 milliard de tonnes de minerai de fer, 190 millions de tonnes de minerai d'aluminium, voici ce que l'homme extrait chaque année, entre autres matières premières, du sous-sol de la Terre. Une exploitation qui perturbe l'équilibre des forces dans la croûte terrestre et s'accompagne d'une intense activité sismique. Celle-ci, observée dès le début du XXe siècle dans les mines de charbon d'Allemagne et dans les mines d'or d'Afrique du Sud, est aujourd'hui constatée aux quatre coins du monde. Les séismes sont classés par les géophysiciens en deux catégories, selon qu'ils prennent naissance près de la mine ou à plusieurs kilomètres en dessous. Dans le premier cas, qui concerne surtout les mines profondes, c'est le vide laissé par l'extraction du minerai qui entraîne localement un déséquilibre des contraintes auxquelles sont soumises les roches.
Lorsque la pression exercée par les terrains adjacents ou surplombant la galerie dépasse la résistance de la roche, murs ou toits des galeries cèdent, produisant une onde sismique. Cette perturbation peut aussi faire jouer des failles à quelques dizaines ou centaines de mètres du front de mine. Ce premier type de sismicité s'observe en particulier dans les mines d'or d'Afrique du Sud, qui peuvent atteindre 4 km de profondeur. "Sur les 1000 séismes de magnitude supérieure à 2 enregistrés chaque année dans le pays, 900 sont directement liés aux exploitations minières", estime Kaymona Durrheim, du conseil pour la recherche scientifique et industrielle d'Afrique du Sud. Généralement, ce type de séismes ne dépasse pas la magnitude 5, hormis quelques événements exceptionnels comme celui de Volkershausen (Allemagne), où la rupture en série de 3 200 piliers de soutien dans une mine de potasse a engendré une secousse de magnitude 5,4 en 1989. En second lieu, les mines peuvent, à l'instar des barrages, avoir un effet à grande distance sur des failles prêtes à rompre : la soustraction d'une importante masse près de la surface va réduire la contrainte verticale sur la faille en profondeur, et la faire bouger. Christian Klose, de l'université Columbia, a par exemple démontré, en 2006, qu'on pouvait attribuer à l'exploitation d'une mine de charbon la responsabilité du tremblement de terre de magnitude 5,6 qui a secoué Newcastle (Australie) le 28 décembre 1989, faisant 13 morts et 3,5 milliards de dollars de dégâts.
Le géophysicien a calculé que l'extraction de 500 millions de tonnes de charbon entre 1801 et 1989, qui a aussi nécessité le pompage de 3 milliards de tonnes d'eau, a généré un changement de contrainte à 10 km de profondeur. Un allégement d'à peine 0,1 bar, mais suffisant pour précipiter la rupture d'une faille, Hormis ce cas, Christian KIose recense une vingtaine de mines dans le monde associées à des séismes de magnitude supérieure à 5. Et précise : "Le nombre de séismes induits par les mines a fortement augmenté au cours du XXe siècle. Ce qui s'explique par la hausse de la productivité des mines et de la profondeur à laquelle on les exploite". Un phénomène qui n'est pas près de s'achever...
CAS DES FORAGES
C'est le gisement de Goose Creek, au Texas, qui est le premier associé à un séisme, en 1925. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de champs d'hydrocarbures sont concernés dans le monde. "Chaque fois qu'on exploite des gisements un tant soit peu profonds, on sait qu'on va déclencher des séismes", déclare Jean-Robert Grasso, de l'université Joseph-Fourier (Grenoble). La raison ? La roche-réservoir se comporte comme une éponge : quand on pompe le pétrole, le gaz et l'eau qu'elle renferme dans ses pores, elle se contracte et le couches qui l'encadrent doivent faire face à ce changement de volume. Quand le gisement est superficiel, les terrains, plutôt meubles à cet endroit, réagissent en se déformant graduellement, sans secousses. Mais dès que l'on dépasse quelques kilomètres de profondeur, les terrains sont plus rétifs à la déformation et finissent par céder le long de failles préexistantes, déclenchant des séismes. C'est ce qui se passe par exemple à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, mais aussi dans le nord des Pays-Bas. Là, l'exploitation des champs de gaz naturel de Groningue a brisé le calme d'une zone jusqu'ici classée comme asismique... Entre 1986 et 2008, plus de 500 séismes de magnitude comprise entre 0,5 et 3,5 ont été dénombrés à proximité des sites d'extraction.
"A partir de l'analyse statistique de ce catalogue de séismes, il faut s'attendre au maximum à un séisme de magnitude 3,9 dans la zone", estime Bernard Dost, de l'Institut royal de météorologie des Pays-Bas qui surveille la zone. Une magnitude modérée si on la compare avec celle de 6,5 enregistrée en 1983 sous le gisement de pétrole de Coalinga, en Californie. Ou encore avec l'immense gisement de Gazii, en Ouzbékistan, à l'aplomb duquel trois tremblements de terre de magnitude supérieure à 7 ont été mesurés, en avril et mai 1976 et en mars 1984. Un cas de sismicité induite qui reste cependant encore très débattu, compte tenu de l'ampleur des secousses et de la profondeur à laquelle elles ont été déclenchées. Les forages pétroliers peuvent, outre les tremblements de terre, donner naissance à des volcans de boue. À l'image de celui qui sévit sur l'île de Java (Indonésie) depuis le 28 mai 2006 et qui déverse quotidiennement plus de 150 000 m3 de vase jaillissant de poches souterraines. Près de 40 000 personnes ont déjà dû abandonner leur logement. Et la situation ne s'améliore pas : comme pour les séismes, l'homme n'a toujours pas réussi à contenir ce qu'il a engendré.
Des capteurs ont été placés dans des forages à 3 km sous la surface pour mesurer les propriétés des roches et leur état de stress à cette profondeur.
Un terrain d'expérimentation inédit qui ne permet pas encore de dire quand la faille va se réveiller... Inutile donc d'espérer maîtriser les sautes d'humeur de la Terre suscitées par nos gratouillements. "On ne pourra jamais dire à coup sûr que si on construit dans une zone de failles, ça va casser, résume Jean-Robert Grasso. Mais il convient d'être alerté sur l'état de précarité de la croûte terrestre, qui est un système très hétérogène constitué de régions prêtes à ompre et d'autres, non. " Et les scientifiques ne sont toujours pas en mesure de dire lesquelles vont rompre...
CAS DE LA GÉOTHERMIE PROFONDE
La géothermie profonde fait appel à la technique de fracturation hydraulique, qui consiste là injecter des fluides sous pression afin de fissurer la roche en sous-sol.
Forer un puits de 5000 m de profondeur et y injecter de l'eau sous très haute pression : voilà comment les ingénieurs transforment un massif granitique d'une température de près de 200°C en échangeur de chaleur naturel. Cette technique de géothermie profonde est appliquée dans une poignée de sites expérimentaux et s'accompagne de son lot de séismes : les pressions d'injection, d'une centaine de bars, ayant justement pour but de faire rejouer d'anciennes fractures afin de faciliter, dans un second temps, la remontée d'une eau réchauffée. Le projet de géothermie profonde près de Bâle, en Suisse, en a fait les frais : il a été arrêté après avoir engendré trois tremblements de terre de magnitude supérieure à 3 de décembre 2006 à janvier 2007. Des secousses sans conséquences, mais qui ont ravivé le spectre du séisme ayant rasé Bâte en 1356.
À 200 km de là, le site pilote français de Soultz-sous-Forêts, dans le Bas-Rhin, connaît aussi des pics de sismicité lors des tests de stimulation hydraulique. En juillet 2000,7500 séismes de magnitude supérieure à 0,2, dont une centaine supérieure à 2, ont ainsi été générés. En mai 2003, 4000 secousses ont été enregistrées, dont une de magnitude 2,9 qui a surpris les sismologues. "Cette année-là, nous avons non seulement induit des microséismes, mais aussi déclenché une petite crise sismique sur une faille passant à proximité du puits d'injection", explique Louis Dorbath, de l'Observatoire des sciences de la Terre à Strasbourg. Deux autres projets de géothermie profonde ont déclenché des tremblements lors d'opérations de stimulation hydraulique : un de magnitude 3,1 à Rosemanowes en Angleterre, et un de magnitude 3,7 à Copper Basin, en Australie. En outre, la géothermie s'accompagne parfois de mouvements de sol "au ralenti"! Comme à Staufen (Allemagne), où un forage a transpercé en 2008 une nappe d'eau souterraine. Depuis, les sols de la ville gonflent et se soulèvent...
CAS DES GAZ DE SCHISTE
Comme la géothermie profonde, la technique d'extraction des gaz de schiste fait appel à la technique de fracturation hydraulique qui pourrait être la cause de tremblements de terre. En effet, les cas de séismes possiblement associés à cette pratique se sont multipliés, particulièrement aux États-Unis, qui connaissent une ruée vers ces gaz non conventionnels.
Dernier exemple en date : un tremblement de terre de magnitude 4 a surpris les habitants de la ville de Youngstown, dans l'Ohio, le 31 décembre 201l. Annoncé par une dizaine d'autres de moindre ampleur au cours des mois précédents, ce séisme pourrait avoir été provoqué par un puits mis en service fin 2010, et dans lequel ont été injectées des tonnes d'eaux usées ayant servi à la fracturation hydraulique. Selon John Armbruster, de l'université Columbia (New York), "le séisme du 31 décembre a eu lieu à environ 1 km du fond du puits d'injection". Fin novembre, ce géologue avait installé quatre sismographes sur le site pour cerner l'origine de ces séismes survenus dans une zone historiquement inactive. La proximité entre le puits et la secousse est pour le moins troublante... Mais prouver le lien de cause à effet reste cependant délicat.
Un rapport du Bureau géologique américain, publié en août 2011, qui analysait cinquante séismes enregistrés dans une exploitation de gaz de schiste en Oklahoma, concluait ainsi : "La forte corrélation spatiale et temporelle suggère que ces séismes ont pu être déclenchés par l'activité de fracturation hydraulique, mais il est impossible de dire avec un haut degré de certitude si c'est le cas ou non." La société qui exploite le puits d'injection de Youngstown nie d'ailleurs toute implication. Au contraire de la compagnie Cuadrilla Resources qui a admis, en novembre dernier, être probablement à l'origine de deux séismes survenus en Angleterre, au mois d'avril et au mois de mai 2011.
Pour en savoir plus :
Bellanger B. (2009). – Quand l'homme fait trembler la terre Science & Vie avril 2009, n° 1099, pp. 44-59
10:10 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : séisme, séisme provoqué par l'homme, barrages, forages profonds, activités minières, géothermie profonde, gaz de schiste | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
29/12/2011
Géologie de la région de Thise
Géologie de la région de Thise
par Patrick Rolin
Maître de Conférences à l'Université de France-Comté
La commune de Thise s'étend en partie sur le plateau de Chailluz-Thise et d'autre part, sur la plaine alluviale du Doubs.
La majeure partie du plateau de Chailluz-Thise est occupé par la forêt. Ce plateau est constitué de terrains du Jurassique moyen (Dogger), très faiblement inclinés (de 3°) vers la vallée du Doubs. Vers le nord-ouest, il se raccorde à la colline du Fort de la Dame-Blanche qui forme un large anticlinal (pli en forme de voûte) culminant à 619 m au Fort de la Dame-Blanche et dont le flanc septentrional est vigoureusement érodé par des ravins dominant de 300 à 400 m la plaine alluviale de l'Ognon (voir plus bas colonne lithostratigraphique du faisceau bisontin). Cet anticlinal est percé dans son axe par une combe bordée de crêts, dont le plus marqué dans le paysage, et surtout le plus élevé, est celui du Fort de la Dame-Blanche. Au sud-est, le plateau de Chailluz s'abaisse par deux gradins presque tabulaires, limités par deux escarpements de failles d'une vingtaine de mètres de hauteur (escarpements nord-est—sud-est de Thise et du Trébignon), avant de s'ennoyer sous les alluvions de la plaine alluviale du Doubs.
(Document LGV modifié. Pour agrandir, cliquer sur le document)
Le Doubs qui coule à des altitudes comprises entre 250 et 220 m entaille profondément en rive gauche les reliefs du faisceau bisontin qui culminent au fort de Montfaucon (620 m) et qui sont formés de terrains datant du Jurassique inférieur au Jurassique supérieur, plissés et faillés (voir carte géologique ci-dessous). La rivière décrit néanmoins de nombreux méandres, dont l'histoire complexe est soulignée par des cluses correspondant à d'anciens cours abandonnés.
La plaine alluviale du Doubs, très large entre Thise et Chalezeule, est donc dominée en rive gauche par les pentes raides des collines de Montfaucon. En aval de Chalezeule, cette plaine devient très étroite, et s'encaisse entre les collines de Montfaucon et le plateau des Clairs-Soleils.
Le remplissage alluvial des vallées de l'Ognon et du Doubs est marqué par des terrasses étagées de 5 m à 20 de mètres, voire emboîtées, bien visibles dans le paysage. Ces terrasses, plus ou moins érodées pour les plus hautes, marquent les différentes étapes de remblaiement et de creusement des vallées par les rivières. Notons que les terrasses les plus hautes et donc les plus anciennes de la vallée du Doubs sont des lambeaux de la plaine alluviale du Paléo-Rhin qui s'écoulait, il y a un à deux millions d'années vers le sud pour rejoindre le Rhône, avant d'être dévié vers la Mer du Nord ; c'est le Paléo-Rhin qui a façonné l'essentiel de l'actuelle vallée du Doubs (voir plus bas).
Carte de la région Palente-Thise © Patrick Rolin
(Pour agrandir, cliquer sur le document)
Nature et légende des différentes strates sédimentaires
Fz. Basse terrasse actuelle. Elle est bien développée dans la vallée du Doubs (plaine de Thise) où elle est essentiellement calcaire. Les quelques torrents temporaires dont les cônes de déjection atteignent les rives du Doubs (Montfaucon) déposent surtout des matériaux argileux provenantdes marnes liasiques.
Fy. Moyenne terrasse. Les alluvions de la moyenne terrasse dépassent de peu (moins de 10 à 15 m) les plaines de débordement.
Fx. Haute terrasse. Dans la vallée du Doubs, des placages souvent riches en graviers siliceux sont localisés à Chalèze (+ 50 m).
j8. Kimméridgien (60 à 70 m). Ayant fourni de très rares exemplaires d'Aspidoceras lallierianum, le Kimméridgien peut être subdivisé en deux ensembles qui, pour des raisons graphiques, n'ont pas été séparés sur la carte :
b) Le Kimméridgien supérieur (30 m) (Virgulien des auteurs) formé d'une alternance de marnes et de calcaires à pâte fine ou lumachelliques en petits bancs et débutant par un niveau riche en glauconie. Exogyra Virgula est le fossile dominant ; d'autres Lamellibranches et des Brachiopodes lui sont associés.
a) Le Kimméridgien inférieur (Ptérocérien des auteurs), essentiellement constitué de calcaires compacts, débute lui aussi par un niveau glauconieux, un peu plus marneux. Les fossiles y sont surtout abondants à la base, et constituent une faune classique : Pterocera oceani, Ceromya excentrica, Pholadomyes, Trichites (= fragments de Pinnigera). Exogyra bruntrutana, Terebratula subsella, etc.
j7. Séquanien (85 à 90 m). Le Séquanien est constitué de deux séries calcaires, séparées par des marnes à niveau gréseux et plaquettes de calcaires :
c) Le Séquanien supérieur est formé de calcaires variés, le plus souvent sublithographiques et graveleux, cryptocristallins ou à pâte fine et oolithiques.
b) Les marnes, souvent difficiles à observer, mais formant une combe, sont parfois coupées de plaquettes calcaires couvertes d'Astartes (Astartien des auteurs), de petits Gastéropodes ou d'Exogyres. Leur faune caractéristique consiste en une associationd'Exogyra nana et d'articlesd'Apiocrinus meriani, accompagnés de quelques Zeilleria egena.
a) Dans le Séquanien inférieur dominent des calcaires sublithographiques assez bien lités. Dans le faisceau bisontin, des oogones de Characées ont été trouvés au sommet des calcaires (la Vèze). Un banc remarquable, à débit prismatique, constitue un excellent repère local dans la série du flanc SE de l'anticlinal de la Citadelle. Aucune Ammonite n'a été signalée sur l'ensemble de la feuille ; en revanche, des Pseudocyclamines sont fréquentes dans tout le Séquanien.
j6. Rauracien (40 à 45 m). Il s'agit du faciès coralligène de l'Argovien terminal, que l'on peut subdiviser en deux parties de puissance à peu près égale :
b) au sommet, un ensemble de calcaires oolithiques ou pisolithiques, avec nombreux débris de fossiles plus ou moins roulés (Nérinées, Diceras, radioles de Cidaris) ;
a) à la base, des dépôts récifaux à Polypiers et Solénopores, avec des articles d'Apiocrinus, des tests de radioles de Cidaris, des Térébratules, etc.
j5. Argovien sensu stricto (40 à 50 m). Marneux à la base, l'Argovien comprend ensuite les couches dites à Pholadomya exaltata : ce sont des marno-calcaires bien stratifiés, parfois feuilletés, dans lesquels s'intercalent des bancs de 15 à 30 cm, plus compacts, renfermant des chailles et des fossiles silicifiés (Rhynchonella thurmanni, Terebratula galienei, Millericrinus, Serpules, Collyrites bicordatus). Le sommet de l'Argovien devient de plus en plus calcaire et renferme quelques Polypiers et des fossiles silicifiés (Apiocrinus, radioles de Cidaris, etc.) apparaissant en blanc sur le fond grisâtre de la roche.
j4. Oxfordien (30 à 45 m). L'Oxfordien présente son faciès classique de marnes bleues à Ammonites pyriteuses (Creniceras renggeri, Cardioceras cordatum, Perisphinctes perarmatum, etc. associés à Pentacrinus pentagonalis, Hybolites hastatus, petits Brachiopodes et Lamellibranches). Autrefois exploitées pour la fabrication de tuiles, ces marnes ont souvent glissé ou sont recouvertes d'éboulis, mais donnent des dépressions caractéristiques (combes).
j3b. Le Callovien supérieur (2 à 5 m), présente un faciès différent. On peut distinguer :
b) au sommet, des marnes jaunes ou noires sableuses renfermant de nombreuses Ammonites caractéristiques des zones à Quenstedtoceras lamberti et Peltoceras athleta : Qu. praelamberti, Peltoceras athleta, de grandes Collotia, Kosmoceras spinosum, de nombreux Hecticoceras ;
a) à la base, un calcaire argileux à oolithes ferrugineuses (0,90 cm à quelques cm) riche en Erymnoceras coronatum, Reineckeidae et Kosmoceratidae, reposant sur la surface rubéfiée et taraudée de la Dalle nacrée.
j3a. Dalle nacrée (Callovien inférieur)
Il s'agit de calcaires assez différents l'un de l'autre, mais qui ont été groupés dans les régions à tectonique complexe sous la notation j3-2.
La Dalle nacrée (j3a) représente le Callovien inférieur ainsi qu'en témoignent de très rares exemplaires de Macrocephalites : c'est un calcaire à oolithes et entroques, auquel des stratifications entrecroisées et de nombreuses interruptions de sédimentation (surfaces corrodées et perforées, Huîtres plates, galets plats provenant de la reprise du dépôt consolidé) donnent son aspect caractéristique en dalles ("laves" des habitants). Son épaisseur varie de 6 à 15m environ sur la feuille.
j2. Bathonien
Bien que la Dalle nacrée repose le plus souvent sur une surface perforée et rubéfiée tranchant sur les calcaires sous-jacents, on observe localement près de Besançon, entre les deux formations, quelques mètres au plus de marnes ayant une disposition lenticulaire, que leur faune (Oboyothyris obovata et autres Brachiopodes) permet de dater du Bathonien supérieur et que l'on désigne sous le nom de Marnes de Champforgeron (j2M).
Les calcaires notés j2 sont connus sous les noms de Calcaires de la Citadelle. Ce sont des calcaires compacts, massifs, le plus souvent sublithographiques mais aussi graveleux, surtout à leur base et à leur sommet, ils ont 60 à 70 m d'épaisseur. La microfaune (Trocholines, Valvulinidés, Miliolidés) y est assez fréquente, mais Rhynchonella decorata, pratiquement seul macrofossile de ces couches, est peu abondant et surtout très localisé (la Citadelle, carrière près des Rancenières).
J1b. Bajocien supérieur = Grande oolithe (55-60 m). Les Calcaires de Tarragnoz, de Marcou, ou Grande oolithe de nombreux auteurs, constituent un ensemble assez homogène, bien lité, à stratifications entrecroisées; le plus souvent bicolore, la Grande oolithe a été exploitée comme pierre de construction à Besançon. L'ensemble est considéré comme représentant le Bajocien supérieur (zones à G. garanti et P. parkinsoni, Parkinsonia sp. citées à la Citadelle et aux Graviers Blancs). Il n'est pas impossible que les niveaux les plus élevés, souvent plus clairs, soient équivalents de l'Oolithe blanche de Bourgogne et correspondent à la base du Bathonien.
J1a. Partie inférieure du Bajocien. Le Bajocien inférieur et moyen est souvent subdivisé dans le Jura en :
— « calcaire bioclastique à Polypiers » au sommet ;
— « calcaire bioclastique à entroques » à la base.
En fait, si la moitié inférieure de l'ensemble est toujours représentée par des calcaires à entroques, dont le ciment est assez ferrugineux, il est difficile par contre de suivre sur le terrain le niveau supérieur. Celui-ci présente en effet de très nombreuses variations de faciès assez souvent les calcaires à entroques s'y poursuivent, passant parfois (Citadelle de Besançon) à une oolithe grossière.
Des intercalations marneuses apparaissent parfois (Montfaucon) séparant des bancs de calcaires gris renfermant surtout des Pectinidés ou de petits Brachiopodes. Des Polypiers sont présents de façon sporadique (Auxon-Dessus, Buzy, Chapelle-des-Buis) et des Ammonites (Sonninia sowerbyi à Montfaucon)
I6b Aalénien supérieur.
Niveaux non marneux peu épais et difficiles à séparer des calcaires à entroques, l'Aalénien calcaire est formé de calcaires roux, oolithiques ferrugineux ou à entroques, renfermant des lumachelles à petits Pecten (P. pumilus) tandis que les bancs de la base, très sableux, renferment des Pleydellia.
I6-5. Aalénien marneux et Toarcien (60 à 70 m).
Cet ensemble essentiellement marneux et foncé comprend de haut en bas :
e) des marnes sableuses,
d) des marnes micacées à Pleydellia aalensis,
c) des couches riches en petits Lamellibranches et Gastéropodes (Leda rostralis, Nucula hammeri, Trochus subduplicatus, Littorina capitanea) avec des Dumortieria, Hammatoceras insigne, et à la base des Ammonites pyriteuses : Grammoceras fal/aciosum, Polyplectus discoides...,
b) des marnes à petits nodules rouille, à Hildoceras bifrons et Coeloceras crassum,
a) les « Schistes à Posidonomyes» ou «Schistes carton» renfermant des matières organiques (20 m environ); constituant parfois un léger ressaut sur les pentes marneuses, ils représentent le Toarcien inférieur (H. serpentinum).
I4-3. Pliensbachien (40 à 50 m). Bien que cette série à dominance marneuse puisse être détaillée dans divers affleurements, elle a été cartographiée dans son ensemble et même parfois réunie au Lias supérieur sous la notation 16-3.
Les principaux niveaux sont les suivants :
d) Couches à Pleuroceras spinatum, 10 à 15 m, formées de marnes micacées, sableuses renfermant des bancs de calcaires argilo-sableux cloisonnés (septaria) et des nodules («miches»).
c) Couches à Amaltheus margaritatus, 20 à 30 m, formées de marnes grises plastiques, renfermant Am. margaritatus et à la base, dans un niveau noduleux Am. stokesi (Miserey).
b) Banc calcaire bleu riche en Bélemnites, à Prodactylioceras davoei au sommet, et des marnes à Waldheimia numismalis à la base.
a) Lotharingien. Sont rattachés à cet étage quelques bancs calcaires et une dizaine de mètres de marnes.
I3-2. Sinémurien et Hettangien ;
I1. Rhétien. Le Sinémurien et l'Hettangien constituent le Calcaire à Gryphées (8 à 10 m) renfermant à la base des Schlotheimia et, dans la partie supérieure, de nombreuses Gryphaea arcuata, Arietites bucklandi, Agassiceras scipionianum et Microderoras birchi.
Le Rhétien (15 à 20 m) est formé d'une alternance de marnes schistoïdes noires et de grès plus ou moins argileux renfermant à la partie supérieure un bone-bed d'écailles et de dents de Poissons et quelques lumachelles à Avicula contorta, Cytherea rhaetica... Dans le faisceau bisontin, l'ensemble a été groupé sous la notation I3-1.
t9. Keuper supérieur (45 m).
Il s'agit de deux ensembles d'argiles bariolées, dont les teintes dominantes sont le rouge lie-de-vin et le vert, séparés par 5 m de grès, puis de dolomie (Dolomie de deux mètres des auteurs). Le niveau argileux inférieur est parfois gypsifère. Le Keuper moyen n'affleure généralement pas, mais le gypse interstratifié dans des argiles bariolées ou noires, sous un important banc dolomitique (Dolomie moellon) a été exploité en plusieurs points et notamment aux environs de Beure.
Commentaires
Les couches géologiques les plus anciennes que l'on trouve à l'affleurement sur le plateau de Chailluz sont des calcaires du Bajocien (178-170 millions d'années, voir ci-dessous colonne lithostratigraphique) qui forment le substratum de la forêt de Chailluz entre les Grandes Baraques et le crêt de la Dame-Blanche. Ces calcaires, épais d'une centaine de mètres de puissance, se débitent en bancs d'épaisseur pluri décimétriques.
La partie inférieure du Bajocien est essentiellement constituée de calcaires coquilliers, qui sont d'anciens sables consolidés formés d'une accumulation de fragments de coquilles, brisées par les vagues.
La partie supérieure du Bajocien comprend des calcaires oolithiques, qui sont également d'anciens sables constitués de minuscules billes calcaires de 1 à 1,5 mm de diamètre, cimentées entre elles : les oolithes, formées en milieu marin peu profond et très agité.
Du fait de leur bonne qualité technique et surtout leur bonne résistance au gel, ces calcaires oolithiques du Bajocien supérieur ont été exploités, dans les nombreuses anciennes carrières des Torcols et des Dessus de Chailluz, comme pierre de taille pour la construction de Besançon.
Le calcaire du Bajocien est surmonté d'une couche de 40 à 50 m d'épaisseur, du calcaire du Bathonien (170-158 millions d'années) d'une texture fine sublithographique (microcristalline), qui constitue la grande partie du substratum de la forêt de Chailluz (Grange Brochet, Fontaine Agathe, Fontaine des Acacias), et de Palente village jusqu'au lycée Pergaud. Ce calcaire fin, sans stratification bien nette, très pauvre en organismes, provient de la solidification d'une ancienne boue calcaire. Cette roche est très gélive et se découpe fréquemment en petits parallélépipèdes. Très sensible à la dissolution par l'eau, elle est responsable du paysage karstique (lapiaz et dolines) que l'on observe dans la forêt de Chailluz.
Au-dessus du Bathonien, le calcaire du Callovien (158-154 millions d'années) est peu épais (15 à 20 m). Il s'agit d'un calcaire coquillier et oolithique, similaire à celui du Bajocien, qui se débite en dalles fines de 3 à 10 cm d'épaisseur. Pour cette raison, ces dalles ont été employées dans le passé pour la couverture de maisons sous le nom de laves. Ce sont sur ces calcaires que sont construits les quartiers des Quatre-vents et des Orchamps et de la place des Tilleuls ; ils sont rarement visibles.
Le calcaire du Callovien est recouvert par des argiles callovo-oxfordiennes qui étaient bien visibles lors des travaux de l'échangeur de Palente (2008). Elles forment le substratum du quartier des Vernois et de la zone des Marnières vers le centre commercial de Chalezeule. Ces 40 m d'argiles ont été déposés entre 154 et 150 millions d'années au Callovien supérieur et à l'Oxfordien (s. str.). Ce sont des argiles bleu noir, pyriteuses, abritant une faune pélagique abondante (organismes flottants ou nageants : ammonites et bélemnites), et qui renferment parfois des débris de bois flottés. Ces argiles sont d'anciennes boues argileuses et faiblement carbonatées accumulées dans une mer peu profonde (moins de 30 m de fond). Dans cette mer, la faune pélagique était chassée par des dinosaures marins carnassiers, comme le plésiosaure dont un exemplaire a été retrouvé dans les argiles excavées pour la construction de l'échangeur de Palente. (voir l'article : le Plésiosaure de Palente). Des îles émergeaient, couvertes de végétaux, dont les débris ont donné les bois flottés.
Ces argiles grises du Callovo-Oxfordien sont propices à la fabrication de tuiles et elles ont été exploitées dans des carrières au pied du Fort-Benoît pour alimenter les tuileries du Vernois et de Palente.
Les argiles callovo-oxfordiennes sont surmontées par une formation marno-calcaire argovienne (150-147 millions d'années), que l'on ne trouve que sur les hauteurs des Clairs-Soleils. Cette formation comprend à la base une alternance de bancs de calcaires crayeux renferment de gros silex gris noirâtres et de lits marneux de couleur gris beige ; elle comprend au sommet des bancs calcaires très riches en restes d'organismes silicifiés : coquilles, tiges de crinoïdes, tests d'oursins, coraux…
Les dépôts marins les plus récents sont les formations du Rauracien et du Séquanien, préservées par l'érosion sur la colline de Bregille. Ces terrains apparaissent également dans le substratum de la vallée de l'Ognon, et se retrouvent dans des écailles tectoniques sous le chevauchement des Avants-Monts (voir carte et coupe géologiques).
La formation calcaire du Rauracien (147-144 millions d'années), épaisse de 30 à 40 m, est constituée de faciès très variés qui se succèdent dans le temps :
- à la base des calcaires coquilliers jaunâtres, à coquilles non silicifiées ;
- puis des calcaires oolithiques ;
- et enfin, au sommet, un calcaire oolithique à oncolithes ovoïdes plurimillimétriques. (Ces oncolithes sont des encroûtement algaires centimétriques de forme ovoïdes centimétriques développés autour de débris de coquilles).
La formation calcaire du Séquanien affleure sur la colline de Bregille. Elle comprend des calcaires sublithographiques très gélifs, à stratifications planes parallèles, renfermant des oncolithes et des tapis algaires découpées parfois par des fentes de dessiccation. Elle traduit un milieu de dépôt proche de l'émersion et calme. Ces calcaires du Séquanien représentent les terrains les plus jeunes appartenant aux plateaux de Chailluz.
Argiles callovo-oxfordiennes, marnes argoviennes et calcaires du jurassique supérieur (voir colonne stratigraphique) recouvraient jadis tout le plateau de Chailluz-Thise. Ces formations géologiques ont été décapées par l'érosion, mais préservées dans la colline de Clairs Soleils, qui consitue ainsi une butte témoin. Les marnes argoviennes sont particulières car elles renferment de gros silex, bruns ou gris noirâtres, communément appelés "chailles". L'érosion les a dégagés des marnes, et les cours d'eau les ont transportés et accumulés par places sur le plateau de Chailluz, où ils constituent des épandages importants.
Au cœur du pli de la Dame-Blanche profondément érodé, apparaissent des dépôts du Lias et du Trias, plus anciens que ceux qui constituent le substratum du plateau de Chailluz.
En descendant le crêt de la Dame-Blanche par l'ancien chemin de Tallenay à Bonnay, on rencontre :
- des calcaires oolithiques roux et ferrugineux de l'Aalénien (181-178 millions d'années) qui jalonnent plus ou moins le crêt de la Dame-Blanche ;
- puis, plus d'une centaine de mètres d'argiles marneuses grises du Lias (204-181 millions d'années) dans les pentes aux pieds du crêt. Ces argiles affleurent mal car elles sont plus ou moins masquées par les éboulis de pente provenant des éboulements des falaises de la Dame-Blanche. Ces argiles se sont déposées dans un milieu calme d'une vasière argilo-marneuse, probablement peu profonde.
Au fond de la combe, en plusieurs endroits apparaissent des argiles rouges et vertes du Trias supérieur (230-204 millions d'années épaisses d'une centaine de mètres), qui sont les plus anciens terrains à l'affleurement de la région. Ces argiles renferment des niveaux de gypse et de sel, ce sel ayant été exploité à Miserey-Salines et à Châtillon le Duc). Le Trias salifère s'est déposé en climat tropical sec, dans une vasière très peu profonde et souvent asséchée (similaire aux chotts tunisiens actuels), marqué par une très forte évaporation de l'eau de mer.
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Ces argiles du Trias supérieur sont les terrains les plus anciens connus dans la région. Elles reposent dans les Avants-Monts sur des calcaires du Jurassique supérieur (rauraciens et séquaniens), connus à l'affleurement, et surtout recoupés par un forage pétrolier réalisé près de l'ancienne ferme de la Baume. Cette anomalie de superposition des terrains s'explique par l'existence d'un important chevauchement (faille plate) qui met en superposition anormale les argiles du Trias supérieur sur les calcaires du Jurassique supérieur (voir coupe géologique).
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Ce chevauchement décolle le Trias supérieur et les terrains du Jurassique et les fait glisser sur un substratum constitué d'un socle métamorphique et granitique hercynien recouvert de grès et de calcaires du Trias inférieur et moyen (245-230 millions d'années).
Ce chevauchement recoupe également une importante faille profonde verticale, plus ancienne que lui, de direction NE-SW que l'on situe approximativement à l'aplomb de l'A36. C'est la faille dite de l'Ognon. Cette faille, qui est une ancienne faille hercynienne, ferait remonter le socle et le Trias inférieur-moyen sous la forêt de Chailluz par, rapport aux terrains du Jurassique supérieur présents dans la vallée de l'Ognon (voir coupe géologique ci-dessus).
Pour résumer, l'histoire géologique de cette région débute au Primaire par la formation d'une ancienne montagne, la Chaîne hercynienne. Cette chaîne a été usée et rabotée à la fin du Primaire (avant 245 millions d'années) par l'érosion pour former le substratum (le socle) des dépôts du Secondaire.
Une mer a recouvert ce socle au Secondaire. Comme le montre la nature des sédiments marins décrits plus haut déposés dans une mer chaude, tropicale et surtout peu profonde (10 à 50 m), il s'agissait d'une mer peu profonde et parsemée de récifs formant des atolls et lagons, un peu comme dans les Bahamas actuelles. La mer s'est retirée de la région à la fin du Jurassique vers 130 millions d'années, et n'y est revenue que brièvement au cours du Crétacé (mais les dépôts du Jurassique supérieur et du Crétacé sont érodés et absents dans le secteur Thise-Palente).
À la fin du Tertiaire (vers 7 à 2 millions d'années), les poussées tectoniques induites par la formation des Alpes désolidarisent les terrains du Secondaire du socle hercynien.
Les terrains secondaires vont glisser au niveau des argiles du Keuper, le long du chevauchement des Avants-Monts, et surtout vont se plisser dans les Avants-Monts dans les secteurs de la Dame Blanche , de Bregille et former l'anticlinal de la Citadelle de Besançon et l'anticlinal et le chevauchement de Montfaucon.
En revanche, les terrains du secteur de Palente-Thise et la forêt de Chailluz échappent au plissement et restent presque tabulaires formant un plateau stable horizontal ou très légèrement basculé vers le Doubs. Mais ce plateau a été disloqué par des failles verticales apparaissant notamment entre Palente et Thise. Un ensemble complexe de failles affecte ainsi la commune. Ces accidents tectoniques s'impriment dans le paysage par de brutales différences du relief dénonçant les cassures du sous-sol sous-jacentes. C'est le cas de l'escarpement de faille qui marque la Côte des Buis et le coteau du Fronchot qui domine le Sourbier ainsi que de l'escarpement de faille du Trébignon (voir carte ci-dessous).
Principales failles dans la région de Thise © Patrick Rolin
Les poussées tectoniques sont toujours actives dans la région qui connaît une activité sismique notable. Cette activité est attestée par le souvenir du dernier séisme du 23 février 2004 (épicentre au sud de Roulans), et surtout par la base de données SisFrance qui répertorie 115 séismes historiques ressentis dans la région bisontine. Le séisme de Thise du 30 octobre 1928 (voir Sismologie dans la région de Thise), de magnitude 5,2 était l'un des plus forts. Il a causé à Thise des dommages prononcés, notamment l'effondrement de cheminées et l'écroulement de pans de murs.
Pour se limiter à la géologie de la seule agglomération thisienne, le village est situé sur la rive droite du Doubs où le lit majeur du Doubs s'élargit une large plaine alluviale occupée par l'aérodrome. Cette plaine est dominée d'ouest en est par les reliefs des Buis, du Fronchot et des Vaux encerclant le village. L'ensemble de ces zones est essentiellement constitué par des terrains calcaires ou calcaires-marneux du jurassique moyen (Séquanien, Argovien, Rauracien) qui forment l'ossature des collines. Les argiles callovo-oxfordiennes bien visibles au niveau de la zone des Marnières vers le centre commercial de Chalezeule tracent dans Thise une étroite bande de marne bleue formant le substratum des terrains entre Z.I. et les Andiers ainsi que celui du village historique (le Paret, l'église, Champenâtre, le Sourbier) et qui se prolonge vers l'est en direction de Beaupré.
Carte géologique du secteur de Thise
1. Source du Paret 2. Source du Trébignon © Patrick Rolin
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L'Ognon et le Rhin qui coulaient depuis plusieurs millions d'années dans la région vont s'encaisser dans les formations secondaires pendant le soulèvement induit par le plissement des couches lors de la formation du Jura. Il y a environ deux millions d'années, le Rhin, dévié vers la mer du Nord lors de l'effondrement du graben alsacien a abandonné sa vallée occupée ensuite par le Doubs, l'un de ses anciens affluents. Il a laissé des terrasses étagées, les plus anciennes n'ayant aucun rapport avec le Doubs.
Circulations d'eaux souterraines dans la région de Thise
document cabinet Reilé
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Des circulations d'eau souterraines sont responsables d'une karstification importante des calcaires bajociens et bathoniens, et de la formation d'environ 1000 dolines qui parsèment le plateau de la forêt de Chailluz et la forêt des Vaux. Une vue aérienne de la forêt ne permet pas d'apercevoir ces dolines en raison de la végétation. Pourtant, il existe une technique de télédétection qui permet de s'affranchir de la présence des arbres. Il s'agit du Lidar (Light Détection and Ranging) constitue cette technique qui permet de modéliser la topographie du sol et qui a permis la mise en place du projet Lieppec (Lidar pour l'Étude des Paysages Passés et Contemporains) soutenu par la Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement de l'Université de Franche-Comté.
De quoi s'agit-il ? Le Lidar fournit un nuage de points en trois dimensions au niveau du sol. L'image traitée accuse des différences de reliefs inférieures à 20 cm : document ci-dessous.
Forêts de Chailluz et des Vaux ponctuées de dolines
(SIG & DAO C. Fruchart 2011 - LIEPPEC,
MSHE CN Ledoux, Univ. Franche-Comté)
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Sources :
- documents originaux établis par Patrick Rolin.
- carte géologique de la région de Besançon.
- En Direct, Revue de l'Arc jurassien mai 2010 n° 230 p. 22-23.
15:50 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : géologie, jura, franche-comté, jurassique, thise, faisceau bisontin, avants monts jurassiens, doubs, patrick rolin | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
28/12/2011
Les ocres de Roussillon en Provence
Les ocres de Roussillon en Provence
le Colorado provençal
Les ocres du Luberon fascinent. De Roussillon à Gignac, en passant par Villars, Gargas et Rustrel, les anciennes carrières d'ocre de la vallée d'Apt (Vaucluse) dont l'exploitation est abandonnée depuis près de soixante ans, les flamboyantes couleurs des ocres attirent une foule de touristes et d'artistes.
Situation de Roussillon en Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
Roussillon entre Gordes et Apt
(Cliquer sur la carte pour l'agrandir)
Le village de Roussillon et le sentier des ocres
(Cliquer sur la carte pour l'agrandir)
Roussillon en Luberon représente le plus grand gisement d'ocre du monde. Sa célébrité vient de cette terre magique, imprégnée d'oxydes éclatant en des teintes qui parcourent le spectre du violet sombre au jaune dessinant une palette de rouges, de roses et d'oranges. Le sol est rouge flamboyant, par endroit orangé. Parfois il tire sur le jaune ou même le vert et avec le soleil couchant, il vire au violet sombre. Les ocres colorent les paysages du Luberon et également les maisons du village. "Cette colline incandescente est l'endroit le plus difficile à décrire car, pour bien la raconter, il ne faut ni mots ni dessins au trait, mais une palette de peintre" s'enthousiasme Patrick Ollivier-Elliott.
On connaît l'importance de l'ocre pour l'espèce humaine Homo sapiens sapiens. L'ocre est l'objet d'anciennes pratiques en Afrique il y a quelque 300 000 ans. Elle fait l'objet d'un usage cosmétique, marqueur culturel de l'espèce quand l'espèce quitte l'Afrique il y a 60 000 à 70 000 ans. Ce fard rouge représente alors pour les femmes un tabou d'inaccessibilité aux mâles avant le retour de la chasse. C'est également un marqueur de parenté au sein du clan et un signe cosmologique. L'ocre est abondamment utilisée dans l'art pariétal pour les peintures rupestres qui ornent les grottes comme la grotte Chauvet ou la grotte Cosquer et constitue un marqueur de la spiritualité de l'espèce humaine.
L'ocre est redécouverte par les Romains, oubliée jusqu'à la Révolution et ensuite commercialisée pendant un siècle dans le monde entier pour ses propriétés colorantes inaltérables. Pigment naturel, l'ocre fait aujourd’hui un retour en force, redonnant vie à de nombreuses activités, touchant la peinture, la décoration, la poterie et le bâtiment.
Carte géologique du Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
(cliquer sur la carte pour l'agrandir)
Légendes de la carte géologique du Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
Histoire géologique du Luberon
L’histoire géologique du Luberon explique l'origine et la genèse des ocres de la région. Elle est rythmée par une succession d’événements en particulier le dépôt de sédiments marins, lagunaires ou lacustres : calcaires, marnes, sables… Les fossiles d’animaux et de végétaux retracent l’évolution des climats et des paysages et permettent la datation de ces dépôts. Enfin, failles et plis attestent des fortes tensions et des étirements qu’a subi le territoire.
Cette histoire peut être retracée jusqu’à 160 millions d’années, âge des plus anciennes roches présentes sur le Parc.
De -160 à -100 millions d'années : la mer couvre la région
Depuis 40 millions d'années (-200 Ma) la Provence est recouverte par la mer. Les sédiments marins se transforment en roches, principalement des calcaires et des marnes. Il y a environ 120 millions d’années, dans des eaux chaudes et peu profondes, abondent rudistes, oursins, coraux et algues calcaires. Les roches qui témoignent de cet épisode sont les calcaires blancs, massifs, dits « urgoniens » qui occupent aujourd’hui les monts de Vaucluse, le Petit Luberon, les Calanques de Marseille…
Vers -110 Ma,
par suite de la poussée de la plaque africaine, un mouvement général d'approfondissement se produit en Provence. La région est ennoyée et des argiles grises recouvrent les calcaires urgoniens. Se déposent ensuite des sables, issus de l’érosion des massifs émergés. Dans la mer, ce sable est coloré en vert par un minéral argileux contenant du fer, la glauconie.
-100 millions d'années : les ocres, résultat d'une émersion
Vers -100 Ma, la poussée de la plaque africaine entraîne un épisode de plissement et un lent soulèvement. Une bande de terre émerge entre Massif central et Maures, c'est le « bombement durancien ». Les sables verts subissent une profonde altération sous l'action d'un climat tropical humide. Les sables verts vont donner les sables ocreux du bassin d’Apt.
-50 millions d'années : paysages africains
Dans la région, le climat est très sévère. Règne une savane aride où évolue une faune de mammifères, herbivores et carnivores, dont de nombreux fossiles ont été retrouvés à Saint-Saturnin-lès-Apt.
Il y a environ 40 millions d'années,
une nouvelle phase de plissement, dite « pyrénéo-provençale » se produit. Le Luberon, ainsi que les autres reliefs provençaux d’orientation est-ouest (Ste-Victoire, Ste-Baume, Nerthe, etc.), se mettent en place.
-35 millions d'années : naissance des grands lacs
Des mouvements d’étirement de l'écorce terrestre entraînent la mise en place de grands fossés d'effondrements, en Alsace, en Limagne, en Bresse et dans le Luberon. Limités par des failles, ces fossés vont favoriser l'installation de grands lacs et lagunes où se déposent des marnes, des grès et des calcaires. Ces dépôts sont exceptionnels par leur épaisseur (600 mètres à Apt, 3000 mètres à Manosque) ainsi que par leur richesse en substances utiles qui ont été ou sont encore exploitées: sel, gypse, lignite, soufre, etc.
C’est de cette époque que datent la majorité des sites de la Réserve Naturelle géologique du Luberon.
-20 millions d'années : le retour de la mer au Miocène
Autour de –20 millions d’années, au Miocène, sous un climat chaud, la mer revient sur le territoire. Elle dépose tantôt de la molasse, calcaire riche en débris d’organismes tels que les coquilles St-Jacques, les huîtres…, tantôt des safres, calcaires plus sableux, très sensibles à l’érosion.
La mer miocène balaie le territoire du Luberon à plusieurs reprises pendant près 10 millions d’années. Pendant ce temps, le massif s’élève lentement. À ses pieds, il abrite une faune de savane (gazelles, cerfs, rhinocéros, éléphants, tigres...) dont les fossiles ont été trouvés à Vaugines et à Cucuron.
La formation du Luberon s’achève à –5,8 millions d’années.
De –5,8 à -2 millions d'années : histoire mouvementée de la Durance
À –5,8 Ma, le détroit de Gibraltar se ferme et l’eau de la Méditerranée s’évapore. Le niveau baisse de plus de 1000 mètres ! En réponse à cet événement, les cours d’eau riverains creusent de profond canyons. Il en est ainsi pour la Durance et certains de ses affluents (Régalon, Aigue-Brun, Eze).
La remise en eau du bassin méditerranéen intervient après l’ouverture du détroit de Gibraltar, vers –5,3 Ma. Un bras de mer, appelé ria, occupe le canyon de la Durance et se prolonge dans ses affluents. Au coeur des gorges de Régalon, des sables marins sont encore présents, protégés dans deux grottes.
Progressivement, les rivières occupent à nouveau leur cours. Elles déposent des alluvions et repoussent rapidement le rivage vers aval. De cette reconquête, il reste les cailloutis duranciens dits de Valensole II, à Mirabeau, ainsi que les anciens lits de l’Èze et de l’Aiguebrun.
De -2 millions d'années à nos jours : le Quaternaire
La grande originalité du Quaternaire est la succession de grandes glaciations entrecoupées d'épisodes interglaciaires. Les glaciers sont parvenus jusqu'à Sisteron mais n'ont jamais atteint le Luberon. Toutefois les paysages sont profondément marqués par ces bouleversements climatiques. L'érosion intense a entaillé les reliefs de profonds ravins.
Le sentier des ocres
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Itinéraire du sentier des ocres
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L’ocre est une poudre naturellement jaune qui peut devenir rouge après oxydation. Sa palette varie du jaune pâle au rouge en passant par les orangés. Elle s’extrait par décantation d’un minerai siliceux dont les poussières les plus fines constituent un kaolin (argile), chargé naturellement en oxyde de fer (qui donne la couleur).
L’ocre est un pigment naturel, non toxique pour la peau. L'ocre était autrefois extrait dans de nombreuses régions, et désormais l'ocre est par endroit exploité en France, en Bourgogne et en Provence.
Du point de vue chimique, il s'agit d'oxydes mélangés à de l'argile, du sable, qui s'étirent en des veines sinueuses émergeant dans les collines de Roussillon ou s'enfonçant sous terre autour d'Apt (où on allait les chercher par d'interminables galeries). D'autres manifestations d'érubescences de même genre se retrouvent dans le célèbre Colorado de Rustrel et dans les carrières de Bédoin.
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Utilisation des ocres de Roussillon
L'utilisation des ocres remonte à la préhistoire et sert à colorer les premières poteries, à dessiner les premiers graphismes pariétaux, au maquillage ou à l'accomplissement de rites religieux. Avec les Romains, on assiste à une exploitation industrielle, arrêtée avec la chute de l'Empire.
Selon Patrick Ollivier-Elliott, "il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour que Jean-Etienne Astiers redécouvre les vertus des ocres et les fasse connaître aux Marseillais d'abord, puis à la France et à l'Europe entière. Brusquement le sous-sol de Roussillon se perce de galeries comme un terrain de taupinières, des centaines puis un millier d'ouvriers forent, extraient, lavent des milliers de tonnes de couleurs : de 1910 à 1930, les pointes annuelles de production monteront à 35 000 tonnes. Les utilisations sont multiples, d'autant plus inattendues que le colorant, une fois isolé par un procédé qui s'apparente un peu à celui des marais salants, s'avère posséder deux caractéristiques alléchantes : une relative innocuité lui ouvrant la voie des usages alimentaires, et une grande plasticité quand il est mis en pâte aqueuse. Aussi emploie-t-on, durant tout le XIXe siècle et le début du XXe, les ocres dans le chocolat, le rouge à lèvres, le fond de teint, les peintures, mais aussi dans le polissage des surfaces ou le malaxage du caoutchouc."
Si l'exploitation des ocres apporte une certaine richesse, elle génère en contrepartie quelques nuisances qui font grogner les Roussillonnais : les poudres sont légères et portées par les vents qui parcourent la vallée d'Apt les immiscent jusqu'à l'intérieur des habitations.
Un autre danger : les innombrables galeries finissent par miner la région d'autant que le village lui-même a des assises fragiles : la chute d'une partie de la falaise au milieu du XIXe siècle a menacé de faire s'écrouler l'église. Mais ceci ne suffit pas à freiner le développement des ocres, dont l'apogée se situe vers les années 1910, et pour lesquelles on installe spécialement une gare afin d'en faciliter l'expédition hors de la région.
Dès l'entre-deux-guerres, la concurrence des colorants chimiques entraîne une chute de la consommation qui s'écroule après la Deuxième Guerre. Les dernières exploitations vont fermer une à une et, en 1953, l'exploitation de l'ocre roussillonnaise est définitivment arrêtée.
L'ocre sert principalement aujourd’hui à colorer les peintures et les enduits, fabriquer les teintures. Il sert également dans la teinte des émaux, papiers, encres... Il est fortement concurrencé par tous les colorants chimiques utilisés aujourd'hui en peinture, en teinturerie, en cosmétique ainsi que dans l'alimentation.
La végétation des ocres
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Le village de Roussillon en Provence
Roussillon posé sur sa colline d'ocre
Perché au cœur des gisements maintenant en sommeil, Roussillon est avant tout une palette de peintre, un lieu magique, où les combinaisons d'oxydes confèrent à ses ocres une infinie variété de couleurs, que l'on retrouve dans le paysage, sur les façades de ses maisons ou en trompe l'œil sur un portail. Avec une histoire qui plonge ses racines dans un passé millénaire, son charme est essentiellement dans le dédale de ses ruelles et dans ses couleurs. Grâce à sa chaude lumière, même hors saison, c'est un village de douceur de vivre et d'accueil (galeries et artisanat d'art) ; Roussillon est aussi un village gastronomique.
Les maisons de Roussillon empruntent leurs couleurs à leur environnement. Elles sont plus bariolées que nulle part ailleurs en Provence.
Une rue centrale sinueuse conduit au Castrum là où s'élevait autrefois le château médiéval. Les portes et les façades de maisons des XVIIe et XVIIIe siècles agrémentent le parcours.
Les maisons de Roussillon empruntent leurs couleurs à leur environnement
La place de l'église
Quelques friandises qui font le bonheur des dames
Le Conservatoire des Ocres
Située au cœur du massif des ocres, à Roussillon dans le Luberon, en Provence, l’ancienne usine d’ocre Mathieu est un centre sur les matériaux de la couleur.
À l’instar d’un conservatoire de musique, le Conservatoire des ocres est un lieu de pratique, de transmission et de partage des savoir-faire liés à la couleur.
Les 5 hectares du site de lavage des ocres ont gardé tout le caractère de cette industrie, et les 2000 m2 des anciens moulins à ocre abritent aujourd’hui le Conservatoire, lieu de pratique et d’apprentissage de la couleur, ouvert toute l’année aux amateurs comme aux professionnels.
L'ensemble des activités du Conservatoire des ocres permet de découvrir, d’utiliser et d’acquérir les ocres et les matières colorantes et de promouvoir leurs praticiens.
Un Jardin des Teinturiers™ permet de s’initier aux couleurs végétales, dont le Vaucluse fut grand producteur.
Les bâtiments accueillent régulièrement des rencontres qui peuvent également être à l'initiative d’autres organismes liés au sujet des couleurs par location de salles.
Sources :
- Dépliant touristique du village de Roussillon en Provence
- Dépliant touristique du parc naturel régional du Luberon
- Panneaux explicatifs disposés le long du sentier des ocres
- Patrick Ollivier-Elliott (1996) - Luberon, Carnets d'un voyageur attentif, éditions Edisud
10:38 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : ocre, roussillon en provence, provence, luberon | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | |
24/11/2011
Le Marais de Saône et les circulations souterraines
Le Marais de Saône et les circulations souterraines
par André Guyard et Michel Cottet
Sortant de Besançon, lorsque l'on emprunte la RN 57 en direction de Pontarlier et de la Suisse, la route gravit un relief accusé surplombant la vallée du Doubs à l'est de la ville. C'est le Faisceau bisontin. Après son franchissement on débouche sur un plateau, le plateau de Montrond.
En contrebas de la surface peu ondulée et boisée du plateau de ce plateau est dégagée une dépression plane et humide : il s'agit du Marais de Saône. Cette zone humide représente une réserve d'eau alimentant différentes sources situées dans la vallée du Doubs (et naguère, peut-être la vallée de la Loue, voir plus loin).
C'est le professeur Eugène Fournier, géologue et hydrologue qui s'est intéressé aux circulations karstiques particulièrement intenses dans la région en particulier à la circulation des eaux autour du Marais de Saône. Après avoir fait l'inventaire et la description des cavités, sources et pertes de la région de Saône, il s'est intéressé à la circulation des eaux souterraines issues du marais et démontré la complexité du réseau souterrain d'écoulement des eaux du marais. Ses travaux effectués au début du XXe siècle ont été corroborés et complétés depuis par les hydrogéologues de l'Université de Franche-Comté sous la direction du professeur Pierre Chauve.
À la suite d'Eugène Fournier, différentes cavités ont été signalées. Elles ont été répertoriées par Pierre Chauve. L'ensemble de ces cavités débouche sur un réseau d'aquifères qui parcourt le karst sous-jacent. Sur la carte ci-dessous, on voit que le sous-sol est constitué majoritairement par les calcaires faillés du jurassique moyen appartenant au Faisceau bisontin. L'examen des couches sédimentaires montre que l'installation du Marais de Saône s'est faite, en partie au moins, postérieurement aux cailloutis périglaciaires qui le bordent.
Vue aérienne du Marais de Saône
On aperçoit la "voie romaine"
et les étangs communaux et des chasseurs
(Cliché Michel Cottet, 29 avril 2008)
Sur le cliché ci-dessous, on aperçoit à l'arrière-plan le village de la Vèze. À gauche, la piste de l'aérodrome de la Vèze. Au premier plan, la voie ferrée et la RN 57 entaillent le Marais de Saône.
Vue aérienne du Marais de Saône
(Cliché Michel Cottet, 29 avril 2008)
Alimentation du Marais de Saône
Le marais est alimenté par différentes sources (Buvette, Neuf Puits, le Fou…) et de ruisseaux : ruisseau du Bief d'Aglans, ruisseau des Grands Terreaux, ruisseau des Alaines, ruisseau du Pontot et… de l'effluent de la station d'épuration.
Les Fosses de Saône
Il s'agit de plusieurs vastes dolines de forme elliptique cernées de falaises abruptes. Bordées de diaclases, dont la plus spectaculaire, longue d'une cinquantaine de mètres, a été élargie par l'érosion. La grande fosse absorbe plusieurs ruisselets temporaires.
La diaclase voisine des Grandes Fosses en moyennes eaux
(Cliché Michel Cottet, 10 août 1987)
Diaclase latérale des Grandes Fosses à sec
(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)
(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)
Le Creux sous Roche
Situé à une altitude de 367 m, le Creux sous Roche constitue l'exutoire commun du Marais de Saône et peut absorber jusqu'à 10 m3/s. Il s'agit d'un poljé, c'est-à-dire une vaste dépression karstique de forme complexe alimentée par plusieurs ruisseaux. Il se présente comme un entonnoir à fond aplati, des pentes moyennes à douces vers le Nord, l'Ouest et le Sud-Ouest et fermée par des parois rocheuses verticales à l'Est et au Sud-Est. Le Creux sous Roche comporte plusieurs pertes. Il récupère les eaux du ruisseau souterrain issu de l'exurgence de l'Œil de Bœuf, de la Fontaine du Grand Saône, du ruisseau de la Vèze, du ruisseau de la Scierie et du ruisseau des Grands Terreaux.
Le cliché ci-dessous montrent les deux ruisseaux du Creux sous Roche en moyennes eaux. Le flux arrivant sur la gauche rassemble le ruisseau des Grands Terreaux et celui de la Vèze qui confluent quelques dizaines de mètres en amont dans la pente ouest de la dépression. Le ruisseau arrivant en face provient quant à lui des sous-écoulements du village de Saône, du sous-écoulement de l'exurgence de l'Œil de Bœuf, de la Fontaine du Grand Saône, avec un regard pénétrable sur le cours souterrain, juste en amont, en paroi est du poljé.
(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)
Absorbant les eaux de ces ruisseaux en période normale, le poljé sature en période de grandes eaux car les pertes n'ont pas un débit suffisant pour absorber le débit. Le goulot de la faille de Mamirolle alimente l'ensemble du système, remplit les fosses de Saône et le Creux sous Roche et submerge le Marais qui se transforme alors en un vaste lac qui atteint une profondeur maximale de 17 m durant plusieurs semaines.
Marais de Saône en hautes eaux estivales
(Cliché Michel Cottet, 10 août 2007)
Protégés par une grille, deux petits puits artificiels permettent de pénétrer d'une dizaine de mètres dans la diaclase en direction sud. En profondeur, l'accès est limité à 15 mètres par un colmatage de la diaclase.
Le parcours souterrain des eaux du Creux sous Roche reste inconnu. Sans doute, les eaux empruntent-elles la faille de Mamirolle pour franchir la couche imperméable de l'Oxfordien. Elles se perdent pour ressortir à Arcier au Nord dans la vallée du Doubs .
D'après E. Fournier elles ressortaient également à la fin du XIXe siècle près de Cléron au sud dans la vallée de la Loue (voir plus bas). Comme dans d'autres réseaux de la région, les circulations souterraines se sont probablement modifiées. En effet, de récents traçages pratiqus dans les années quatre-vingt montrent uniquement un transit vers les sources d'Arcier.
Diaclase du creux sous Roche
Ce petit puits de 5 m de profondeur est sujet à un phénomène curieux. Lorsque les fosses se vident, le niveau des eaux baisse plus rapidement dans les fosses que dans cet entonnoir et dans cet entonnoir plus rapidement que dans celui du Creux sous Roche.
Le cheminement des eaux souterraines du Creux sous Roche
À l'aide de colorations à la fluorescéine (1899) à partir du Creux sous Roche, E. Fournier a pu vérifier que la coloration se retrouve à la fois aux sources d'Arcier et le long de la Loue, aux sources du Maine à Scey en Varais, de l'Écoutot et du Moulin des Îles à Cademène en aval de Cléron. D'après Fournier, cette coloration se retrouve presque exclusivement à la Loue en période de basses eaux, alors qu'elle y est imperceptible en hautes eaux, les sources d'Arcier la recevant (presque) totalement, observations corroborées par Jeantot (1901-1902).
D'après Fournier, la circulation vers Arcier, emprunte la faille de Mamirolle vers le Nord, passe en dessous de la circulation des eaux souterraines (du moins une partie) qui vont de Mamirolle à Saône. Le collecteur souterrain est alimenté ensuite par les eaux collectées du côté de Gennes, de belles dolines en marquant le parcours, puis par les eaux de Naisey et (partiellement) de Bouclans, après leur brève réapparition entre Nancray et les pertes du bois de Faule.
En ce qui concerne la vallée de la Loue, les sources du Moulin des Îles à Cademène, de l'Écoutot et du Maine à Scey-en-Varais reçoivent l'essentiel de leur alimentation des pertes du plateau de Montrond le Château. Suivant la faille de Mamirolle vers le sud, une partie du cours d'eau souterrain issu du Creux sous Roche rejoindrait le collecteur du plateau de Montrond, alimenté avec certitude dès les pertes de la Baraque aux Violons et celles des Cloutiers.
Les travaux ultérieurs à Fournier montrent que ces sources sont aussi alimentées par les pertes des plateaux de Valdahon, de Passonfontaine, de Chaux-les-Passavant, voire par celles de la Brême elle-même. Pierre Chauve retient cette hypothèse sans aucune réticence en 1975 dans le Guide géologique du Jura.
L'inventaire des circulations souterraines de 1979, qui présente la garantie du Laboratoire de géologie structurale et appliquée de l'Université de Franche-Comté cautionne approximativement les propositions de Fournier. Le Creux sous Roche est alimenté via la fontaine du Grand Saône (les marais mis à part) depuis Mamirolle et Naisey ; il alimente à son tour d'une part les sources d'Arcier, d'autre part les sources du Moulin des Iles, de l'Écoutot et du Maine.
En revanche, l'actualisation de cet Inventaire des circulations souterraines en 1987 indique que deux colorations successives faites en 1984 au Creux sous Roche ont abouti aux sources d'Arcier. De manière plus surprenante, il ne signale plus qu'Arcier comme aboutissement des colorations de 1901-1902 par Jeantot, seules celles de Fournier en 1899 confirmant donc la liaison avec la Loue. En conséquence, la carte des écoulements n'indique plus cette liaison qu'en pointillés. Notons en passant que cette carte ignore les liaisons de Mamirolle et de Naisey à la Fontaine du Grand Saône.
Enfin, l'Inventaire Spéléologique du Doubs 2 affirme que ces résultats de coloration des sources de la Loue ne doivent pas être retenues, n'ayant jamais été confirmées ultérieurement : le Creux sous Roche alimente exclusivement les sources d'Arcier.
Bibliographie consultée
Fournier E. : Gouffres, grottes, cours d'eaux souterrains, résurgences etc. du département du Doubs (Besançon, 1919).
Fournier E. : Explorations souterraines en Franche-Comté en quatre volumes : les Gouffres (Besançon, 1923), Grottes et rivières souterraines (Besançon, 1923), Les eaux souterraines, sources, résurgences, exsurgences et nappes aquifères (Besançon, 1926).
Fournier E. : Phénomènes d'érosion et de corrosion spéciaux aux terrains calcaires et applications scientifiques et pratiques de la spéléologie et de l'hydrologie souterraine (Besançon, 1928).
Chauve P. : Jura, Guides géologiques régionaux (Masson, 1975).
Chauve P., Peguenet J., Tissot G., Tresse P. : Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté (Université de Besançon, Besançon, 1979).
Chauve P., Dubreucq F., Frachon J.C, Gauthier A., Mettetal J.P., Peguenet J. : Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté, mémoire 2 (Annales scientifiques de l'Université de Besançon, Besançon, 1987).
Comité départemental de Spéléologie du Doubs : Inventaire spéléologique du Doubs tome 2, Partie Nord-Ouest (Besançon, 1991) ; tome 3, partie centre (Besançon, 1996).
B. Hufschmitt. Partiellement édité dans « Saône votre commune », numéros 36, 37, 38.
Remerciements au Professeur Pierre Chauve dont les écrits ont fourni une grande partie du texte de cet article.
Remerciements à Michel Cottet, écoguide qui m'a communiqué les documents photographiques et contribué largement à la correction du manuscrit.
08:39 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : hydrogéologie, ressource en eau, karst | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
31/03/2011
Gaz de schiste : un avenir à préciser
Gaz de schiste : un avenir à préciser
(dernier ajout : le 31 juillet 2016)
par Bernard Tardieu [1]
(Pour la Science n° 404, juin 2011 pp 18-19)
Les réserves de gaz de roche sont importantes et suscitent des espoirs. Peut-on les exploiter sans nuire à l'environnement ? La question reste ouverte.
Depuis cinq ans, la production de gaz de roche [des schistes argileux] aux États-Unis a crû rapidement. Elle représente aujourd'hui 54 pour cent de la production de gaz et 17 pour cent de la consommation énergétique totale de ce pays. Les réserves estimées y correspondent à 110 ans de consommation. Les États-Unis ont ainsi réduit leurs importations de gaz naturel liquéfié. Cela fait partie de leur stratégie énergétique : compte tenu de la tension sur les marchés d'énergie primaire et de la fin d'une domination totale reposant sur leur puissance militaire et économique, il est vital pour les États-Unis de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis du reste de la planète et d'améliorer leurs positions de négociation sur le marché mondial de l'énergie. Le développement volontariste du gaz de schiste a permis d'obtenir des prix bas et compétitifs sur le marché américain. Cela s'est-il fait au prix d'une dégradation inacceptable de l'environnement ? Le film Gosland, largement diffusé, tend à le montrer : nappes phréatiques polluées, robinets qui crachent du gaz, paysages dégradés...
Quels que soient les intérêts défendus par ce film inquiétant, les questions qu'il pose ne peuvent rester sans réponses. De façon évidente, on constate des atteintes graves à l'environnement.
Ces pollutions résultent-elles de comportements industriels inacceptables et délictueux ? Et surtout, peut-on les éviter ?
L'exploitation des gaz de schiste repose sur le fait que des couches d'argilite situées à grande profondeur (1500 à 3 000 mètres) peuvent contenir du méthane, gaz issu de la transformation des matières organiques emprisonnées lors du dépôt sédimentaire. L'argilite étant une roche très étanche, le méthane y reste piégé.
Pour libérer le gaz, il faut rendre l'argilite poreuse. Pour ce faire, on injecte une grande quantité d'eau à haute pression, supérieure à la résistance de la roche. De nombreuses fissures se développent alors à proximité du forage, le gaz s'échappe et est collecté. Pour que les fissures ne se referment pas dès que la pression de l'eau baisse, on injecte du sable fin ou de minibilles de céramique en même temps que l'eau. Leur présence dans les fissures empêche cellesci de se refermer, de sorte que le gaz continue de s'échapper. Les foreurs injectent aussi différents produits chimiques [acides, fluidifiants, etc.] pour obtenir une fissuration plus efficace. Les produits chimiques que l'on ajoute à l'eau constituent manifestement un problème.
Les forages à grande profondeur, classiques, peuvent être parfaitement étanches et traverser les nappes phréatiques sans les perturber. On peut contrôler ces forages, déceler leurs points faibles et les réparer à l'aide de techniques variées et éprouvées. Un puits qui fuit est un puits mal fait et mal contrôlé !
Généralement, arrivé dans la couche d'argilite, le forage est coudé, avec une courbure compatible avec la souplesse des tubes, et est prolongé horizontalement jusqu'à plusieurs centaines de mètres. La technique des forages horizontaux est utilisée pour explorer et exploiter une vaste zone à partir d'un site unique, par exemple une plateforme d'exploitation du pétrole dans le cas de l'offshore profond.
En résumé, on peut et on doit garantir l'intégrité des puits. On peut limiter l'emprise au sol grâce aux forages horizontaux et préserver les paysages. Reste la question de l'eau chargée de ses additifs. Les sables et billes de céramique introduits avec l'eau, inertes, ne posent pas de difficulté. En revanche, l'eau qui contient divers additifs constitue le problème principal.
Aux États-Unis, la Chambre des représentants a émis en avril 2011 un rapport intitulé Chemicals used in hydraulic fracturing. Selon ce texte, les 14 principales compagnies du secteur ont, entre 2005 et 2009, utilisé 2 500 produits contenant 750 composants chimiques. Plus de 650 de ces produits contiennent des composants connus pour leur effet cancérigène, selon les critères américains appliqués à l'eau potable [le Safe Drinking Water Act], ou sont des polluants atmosphériques... Peut-on se passer de ces produits, utilisés sans discernement ? La question est à ce jour sans réponse convaincante.
La France aura peut-être besoin des gaz de schiste. Elle importe 98 pour cent de son gaz. La dépendance de notre pays est donc élevée. Le prix du gaz payé par le consommateur dépend de contrats à long terme indexés sur le prix du pétrole, lui-même élevé. En outre, notre consommation de gaz va croître. Ainsi, le réseau électrique français RTE prévoit l'installation d'une puissance de 4,8 gigawatts [l'équivalent de trois centrales EPR] dans les prochaines années sous forme de turbines à gaz à cycle combiné. Et des centrales à gaz classiques auront à compenser les irrégularités de l'éolien et du solaire.
Alors même que l'énergie nucléaire est fragilisée par l'accident de Fukushima, notre pays peut-il renoncer à la recherche de ressources énergétiques sur son sol ? Notre avenir énergétique est précaire et la précaution voudrait que l'on analyse toutes les ressources potentielles. Le contraire serait inconséquent et imprudent. Les gaz de roche constituent, au moins pour certains pays, une ressource future. Mais il faut d'abord savoir comment se passer des produits chimiques qui polluent à long terme l'eau et les sols.
[1] Bernard Tardieu est membre de l'Académie des technologies et y préside la commission Énergie et changement climatique.
Ajout du 3 septembre 2014 (Science & Vie n° 1164, septembre 2014, p. 26) : Les puits de gaz de schiste font bien trembler la terre
Le débat est tranché. Les séismes en Oklahoma (États-Unis) sont bien provoqués par l'injection, dans des puits d'évacuation, d'eaux usées engendrées par des exploitations telles que celle du gaz de schiste.
C'est ce qu'a prouvé l'équipe de Kathleen Keranen, de l'université Cornell. Depuis dix ans, de nouvelles méthodes d'exploitation, comme les forages horizontaux, produisent des quantités considérables d'eaux usées dont on se débarrasse sons terre, en les injectant dans des puits profonds de 2 ou 3 km. Résultat : la pression monte dans le sous-sol. C'est ce phénomène que les géologues viennent de relier aux séismes.
Ils ont montré que quatre des puits les plus utilisés en Oklahoma sont responsables de 20 % des séismes qui se produisent jusqu'à 30 km alentour, avec des épicentres jusqu'à 5 km de profondeur. Ce qui expliquerait pourquoi cette région est bien plus souvent secouée par les tremblements de terre depuis 2009. Une conclusion inquiétante, car les terrains où la pression monte à cause de l'injection d'eau ne cessent de s'étendre, augmentant ainsi le risque d'atteindre une grosse faille susceptible de produire un séisme majeur.
Le gaz de schiste fait trembler la terre (ajout du 31 juillet 2016. (Sciences et Avenir Août 2016, p. 34)
Considérée comme une opportunité économique majeure pour les États-Unis, l'exploitation du gaz de schiste, qui a démarré en 2008, n'est pas sans conséquence pour la planète. La fracturation hydraulique qui consiste à briser la roche pour y injecter de l'eau afin de pousser le gaz vers le puits d'extraction provoque une multitude de tremblements de terre et pollue fortement l'atmosphère. L'Institut américain des études géologiques enregistre ainsi des séismes allant jusqu'à 5,6 sur l'échelle de Richter dans des régions autrefois stables comme l'Oklahoma, le Kansas ou le Texas. Par ailleurs, des chercheurs ont quantifié d'énormes fuites de méthane et d'éthane provenant des zones de forage, qui ont été mesurées jusqu'aux sommets suisses ! Selon leurs calculs, les émissions de méthane — un gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2 — seraient passées de 20 millions de tonnes en 2008 à 35 millions de tonnes en 2014.
Voir également l'article du Monde diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/ROBIN/49528
Voir aussi Le fantôme du gaz de schiste européen
Également à regarder une émission de France télévision de 52 minutes : la tentation du schiste.
12:04 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Pollution | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
27/01/2011
Fuite sur le réseau d'assainissement de la commune de Thise
Une fuite sur le réseau d'assainissement de la commune de Thise contamine le ruisseau voisin et menace une ressource en eau potable de la Ville de Besançon
18:59 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Pollution | Tags : pollution, assainissement, thise, station de pompage, station d'épuration | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | | |
Pollution de Thise : la solution
Une seule demi-journée a suffi pour déboucher la conduite des eaux usées de la commune de Thise, mettre fin à la pollution du ruisseau voisin et lever le risque de contamination des puits d'eau potable de la Ville de Besançon.
18:58 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Pollution | Tags : pollution, assainissement, thise, station de pompage, station d'épuration | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | | |
04/10/2010
Le glacier Perito Moreno gagne du terrain
Le paradoxe du Perito Moreno
par André Guyard
En dépit du réchauffement climatique, le glacier Perito Moreno gagne du terrain. Comment expliquer ce paradoxe ?
D’après un rapport publié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et le Service de Surveillance Mondial des Glaciers, le taux de fonte moyen des glaciers montagneux du monde a doublé depuis l’année 2000.
Cette fonte des glaciers menace de tarir des sources d’eau douce dont dépendent l'approvisionnement humain pour l'agriculture, la boisson, ainsi que les ressources pour l’hydroélectricité. Finalement cet afflux d'eau risque d'accroître considérablement le niveau des mers.
Situation géographique du glacier Perito Moreno
(Google Maps)
Vue satellite du glacier (Google Maps)
Le glacier vient buter sur la péninsule
située de l'autre côté du lac
Le front du Perito Moreno barre
l'un des bras du Lago Argentina
Alors que la plupart des glaciers du monde fondent peu à peu à cause de l’augmentation des températures moyennes mondiales, les scientifiques affirment que l’ice-field[1] du Perito Moreno, appelé aussi le Géant Blanc, gagne du terrain. Long de 30 kilomètres, il avance de deux à trois mètres par jour, malgré le réchauffement climatique général qui affecte la planète, y compris cette région froide de la Patagonie. De même, 13 % des glaciers continentaux de l'Antarctique sont stables ou gagnent un peu de terrain ainsi que la glace de mer (la banquise).
Le glacier bute contre la rive opposée du bras lacustre
Le Perito Moreno est l’un des plus grands glaciers d’Amérique du Sud. Il doit sa célébrité grâce à son accessibilité par bateau aux touristes, malgré sa localisation à environ 3000 kilomètres de Buenos Aires. Il faut dire que le spectacle en vaut la chandelle. Le glacier déverse d’immenses blocs de glace de couleur bleue dans le Lago Argentino. De par sa configuration, le front du glacier barre le lac et vient buter sur la péninsule située de l'autre côté du lac (voir la carte ci-dessus). Le niveau de l'eau du bras amont est plus élevé que dans la partie aval. L'eau se fraie un chemin dans la glace et creuse un tunnel que l'on aperçoit sur le cliché ci-dessous. Cette arche va se développer progressivement jusqu'à son effondrement total toujours très spectaculaire. Voir clichés ci-dessous :
On aperçoit l'arche à l'extrémité droite du glacier
La voûte de l'arche s'écroule petit à petit
Panneau explicatif de l'évolution de l'arche
jusqu'à son écroulement
Cette avancée du Perito Moreno contredit apparemment la thèse du réchauffement climatique. Ce phénomène constituait l'un des arguments phares des climato-sceptiques : pourquoi la banquise antarctique ainsi que les glaciers de Patagonie se développeraient-ils alors que l'atmosphère se réchauffe ?
Martin Stuefer, un expert patagonien de l’Université Fairbanks (Alaska) avait déjà subodoré une explication : les précipitations dans la région ont augmenté, parallèlement aux changements climatiques mondiaux, Combinées avec des vents forts et froids en Patagonie, les chutes de neige ont augmenté considérablement et ont ainsi contribué à renforcer le glacier.
Récemment, Jiping Liu et Judith Curry, de la School of Earth and Atmospheric Sciences de l'université de Géorgie (États-Unis) complètent récemment l'explication : c'est bien parce que l'atmosphère se réchauffe que les précipitations neigeuses sont plus abondantes.
Sous les latitudes moyennes de l'hémisphère Sud, les températures croissantes provoquent une augmentation de l'évaporation et donc la formation de nuages plus nombreux qui vont porter cette humidité sur l'Antarctique et l'extrémité sud de l'Amérique du Sud où elle retombe sous forme de neige.
Une couche de neige plus épaisse a deux effets : elle réfléchit mieux le rayonnement solaire (phénomène de l'albédo) donc elle abaisse la température des glaciers patagons et la banquise des eaux plus chaudes de l'océan.
Jiping Liu et Judith Curry prévoient que la couverture neigeuse devrait se résorber au cours du siècle. L'accroissement des températures pourrait en effet transformer la neige en pluie et supprimant ainsi sa protection à la glace.
Une glace bleutée irréelle
[1] Rappelons qu'un ice-field est une zone de moins de 50 000 km² de glace, que l’on trouve souvent dans les climats les plus froids et les altitudes les plus hautes du monde, où il y a des précipitations suffisantes. C’est une zone extensive de glaciers reliés entre eux. Les ice-fields sont plus grands que les glaciers de montagne mais plus petits que les calottes glaciaires.
Photographies : Marcel Hoeuillard (janvier 2010)
Sources :
www.eas_gatech.edu/files/jiping_pnas.pdf
Chauveau L. (2010) Le mystère de l'Antarctique résolu. Sciences et Avenir, n° 761, oct. 2010
16:12 Publié dans Actualité des Sciences, Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : glaciers, réchauffement climatique, banquise, perito moreno, argentine, patagonie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
03/07/2010
Structure du globe terrestre
Structure du globe terrestre
par André Guyard et Serge Warin
(dernière mise à jour du 12 février 2018)
Ajout du 12 février 2018
L'article principal est consacré à la structure du globe terrestre. Mais avant de plonger dans les profondeurs de la terre, on peut jeter un coup d'œil sur l'atmosphère, cette couche gazeuse qui nimbe le globe terrestre proprement dit.Cette couche gazeuse est subdivisée en plusieurs enveloppes qu'on classe en partant du sol :
— de 0 à 12 km : la troposphère ;
— de 12 à 50 km : la stratosphère ;
— de 50 à 80 km : la mésosphère ;
— 80 à 600 km : la thermosphère ;
— plus de 600 km : l'exosphère.
Stratification de l'atmosphère terrestre
Cet article s'articule après celui qui présente les techniques d'exploration des profondeurs de la terre. Il sert de préambule à une série de sept articles concernant les volcans de l'Arc antillais, en présentant quelques généralités sur la structure du globe terrestre.
L'existence du volcanisme s'explique par la structure du globe terrestre et dans le cadre de la théorie de la tectonique des plaques.
On trouvera sur le web de bonnes animations vidéo sur la structure interne de la Terre et sur la tectonique des plaques et, publié par notre-planète.info un document récent sur la structure de la Terre (ajout du 30 janvier 2017).
Ajout du 10/09/2016: La subduction contrôle la distribution et la fragmentation des plaques tectoniques terrestres par Claire Mallard,, Nicolas Coltice, Maria Seton, R. Dietmar Müller & Paul J. Tackley
La croûte terrestre est morcelée en un ensemble de grandes et de petites plaques. Cette structure serait le fruit de l'interaction entre les mouvements convectifs du manteau et la résistance de la croûte.
La croûte terrestre est un puzzle de 53 pièces, les plaques tectoniques. Ces pièces se classent en deux catégories, les petites et les grandes. Ces dernières sont seulement au nombre de sept, correspondant à l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Eurasie, le Pacifique, l'Australie et l'Antarctique. Ensemble, ces grandes plaques couvrent 94 % de la surface du globe. Entre ces grandes plaques, on trouve 46 petites plaques complémentaires. Pourquoi une telle répartition et quels mécanismes ont conduit à ce découpage ?
Claire Mallard, du Laboratoire de géologie de Lyon, et ses collègues ont réalisé des simulations numériques de Terres fictives en 3D pour comprendre comment la croûte se découpe.
La surface de la Terre est en perpétuel mouvement. Cette idée fut avancée pour la première fois par Alfred Wegener au début du XXe siècle, mais la communauté des géophysiciens mit des décennies à accepter sa théorie de la dérive des continents.
Dans les années 1950-1960, la théorie a été reformulée en termes de tectonique des plaques : la lithosphère — la croûte et la partie supérieure du manteau terrestre — se compose de plaques qui se forment au niveau des dorsales océaniques et disparaissent en s'enfonçant dans le manteau dans les zones de subduction. On peut reconstituer le mouvement des plaques grâce aux anomalies magnétiques enregistrées dans la croûte océanique. Mais celle-ci a une courte durée de vie, si bien qu'il est difficile de reconstruire l'histoire géologique au-delà de 100 millions d'années et d'en déduire les mécanismes sous-jacents.
Les simulations des planètes Terre fictives tridimensionnelles effectuées par l'équipe de Claire Mallard incluent une description des mouvements de convection dans le manteau. Ces calculs prennent en compte de nombreux paramètres, tels que la viscosité et la plasticité du manteau.
Les chercheurs ont retrouvé dans leurs simulations une répartition entre grandes et petites plaques équivalente à celle constatée. Cela confirme que la répartition des plaques tectoniques est liée aux interactions entre la convection mantellique et la lithosphère. En particulier, les chercheurs ont montré que les dimensions des cellules de convection sont comparables à la taille des grandes plaques et que les petites plaques se forment préférentiellement près des zones de subduction, là où les plaques, en s'enfonçant dans le manteau, subissent de fortes contraintes.
Jusqu'à présent, les reconstructions de l'histoire géologique étaient fondées sur des approches statistiques. Elles suggéraient que la lithosphère était principalement composée de grandes plaques, il y a 200 millions d'années. Les plaques se seraient morcelées par la suite. D'autres chercheurs pensaient qu'il devait y avoir plus de zones de subduction dans le passé avec davantage de petites plaques, mais sans pouvoir le prouver.
Cette nouvelle étude appuie cette seconde hypothèse et montre que la répartition entre petites et grandes plaques est restée assez stable sur plusieurs centaines de millions d'années. Les précédents modèles surestimaient, pour le passé, le nombre de grandes plaques au détriment des petites.
C. Mallard et al. (2016) — Nature, vol. 535, pp. 140-143, 2016
Structure en oignon du globe terrestre
Grâce à l'étude de la propagation des ondes sismiques à travers la planète on a pu démontrer que la Terre a une structure en oignon, les couches concentriques étant composées de différents matériaux.
LA CROÛTE (jusqu'à 35 km de profondeur ; 1% du volume de la terre)
Les continents en partie immergés sous les océans, sont constitués de diverses roches relativement légères, dont l'âge atteint plusieurs milliards d'années. Ils flottent ainsi sur le manteau plus dense. La croûte océanique, formée de roches basaltiques, est un peu plus dense. Elle se forme à partir de matériau du manteau qui émerge au niveau des dorsales sous-marines et qui finit par y retourner en coulant après 100 millions d'années en moyenne.
LE MANTEAU (de 35 à 2900 km ; 83% du volume de la terre)
Sous la croûte terrestre se trouve le manteau, masse de roches maintenues sous très haute pression (le magma). Cette masse subit des mouvements de convection. La convection dans le manteau de composition dominée par les silicates est le moteur du volcanisme et de la tectonique des plaques. La chaleur interne est en partie le résidu de la formation planétaire, et en partie produite par la radioactivité du manteau. Le manteau chauffé par le bas, subit des mouvements de convection : la matière froide descend et la matière chaude monte. De sorte que les bords des plaques tectoniques plus froids, vont plonger sous les autres, entraînant activement les plaques et les écartant au niveau des dorsales, constituant ainsi le moteur de la tectonique des plaques. Contrairement à l'idée reçue, ce n'est pas la dorsale qui écarte les plaques. À ce niveau, une simple remontée passive de magma chaud se produit pour combler le vide causé par l'écartement des plaques.
À environ 1500 km de la surface du sol, il y aurait une couche rigide au sein du manteau terrestre. Sa composition est la même que celle du manteau, mais sa viscosité est cent à mille fois supérieure. Cette couche permet d'expliquer pourquoi dans les zones de subduction, là où une plaque tectonique s'enfonce dans le manteau (1), ses fragments ne peuvent aller au-delà de 1500 km (2) : ils butent contre cette région visqueuse, ce qui provoque des tensions et des ruptures et donne naissance à des séismes à foyer profond. C'est la première fois qu'on trouve une explication à ce phénomène. Source : Hauke Marquardt, Université de Bayreuth, Allemagne.
D'après Michel Detay, l'idée que la matière constituant le manteau terrestre (les 2 885 kilomètres séparant la croûte du noyau de la Terre) est en fusion est fausse. Nous ne marchons pas sur un océan de magma, et il n'y a pas de « feu central », car les roches qui constituent le manteau sont à l'état solide. Étant donné l'augmentation de la pression et de la température avec la profondeur, la fusion, même partielle, des roches du manteau — des péridotites, formées de silicates de fer (10 %) et de magnésium (90 %) — est impossible.
Pour autant, une énorme masse d'eau, estimée à l'équivalent de deux à trois hydrosphères, soit deux ou trois fois 1021 kilogrammes – est dissoute dans le manteau. Cette eau s'y trouve soit sous sa forme moléculaire habituelle (H2O), soit sous la forme d'ions hydroxyles (OH–) attachés aux silicates des roches.
Ainsi, l'eau peut faire partie de la formule chimique de certains minéraux, où l'ion OH– est intégré dans la structure cristalline. C'est le cas dans les amphiboles, la lawsonite, la chlorite, etc. Ces deux derniers minéraux contiennent ainsi 14 % d'eau. La présence de cette eau et des gaz dissous dans le magma va jouer un rôle considérable dans le style éruptif des volcans (voir article suivant).
Variation de la température
dans le manteau avec la profondeur
(d'après Thomas, 2010)
On sait maintenant que la vitesse avec laquelle une plaque tectonique plonge sous une autre est proportionnelle à la largeur de cette plaque. Cette relation a été découverte par Woutter Schellart de la Monash University (Melbourne, Australie) à l'aide d'un modèle numérique reproduisant en 3D des zones de subduction. Elle permet de comprendre par exemple pourquoi la plaque de Farallon, qui plongeait sous l'Amérique du Sud à une vitesse de 10 cm par an il y a 50 millions d'années, ne s'enfonce plus que de 2 cm par an aujourd'hui. Car, dans le même temps, la zone de subduction qui s'étendait sur 14 000 km du nord au sud, s'est réduite à 1400 km. La relation mise en évidence par Woutter Schellart modifie ainsi la vision classique de la tectonique des plaques selon laquelle le déplacement des plaques est le reflet en surface des mouvements de matière au sein du manteau terrestre. Cette nouvelle étude révèle qu'en fait la plaque elle-même exerce un contrôle sur sa propre dynamique (Science & Vie, n° 1120, janvier 2011).
La convection dans le manteau
(d'après Thomas, 2010)
Au niveau de la dorsale médio-atlantique, se produit un mouvement ascendant de magma sous forme d'éruptions généralement sous-marines. Ce magma est principalement constitué de silicium, d'oxygène et de magnésium (bridgmanite). Ces roches nouvelles se déforment au cours des temps géologiques en produisant des courants de convection qui animent le manteau tout entier. Cette convection qui transporte la chaleur interne de la Terre est le moteur de la dérive des continents. Elles alimentent constamment la croûte en formant une sorte de tapis roulant divergeant de part et d'autre de la dorsale et qui repousse les plaques océaniques américaines vers l'Ouest et les plaques océaniques euroasiatique et africaine vers l'Est.
En fait, ce sont les anomalies de certaines roches qui rendent possible les mouvements de convection du manteau. Pour que l'immense manteau terrestre, fait entièrement de roches, se déplace de quelques centimètres par an (entre 2 et 9 cm) et permette le mouvement des plaques tectoniques, il faut impérativement qu'il existe de microscopiques aspérités entre les millions de grains composant les roches (image ci-dessous). C'est la surprenante conclusion d'une équipe conjointe de plusieurs universités françaises (Lille-I, Nancy, Metz, Montpellier), publiée dans la revue Nature en avril 2014.
Les aspérités entre les grains composant l'olivine donnent des propriétés de plasticité au manteau.
Cette « plasticité » du manteau était à ce jour une énigme. En effet, les propriétés physiques du minéral le plus abondant dans le manteau, l'olivine, empêchent théoriquement ces mouvements. Sa structure, très régulière et très ordonnée, est incompatible avec l'idée selon laquelle un matériau doit avoir des défauts (se traduisant par des faiblesses mécaniques) pour que son comportement soit plastique. Mais les scientifiques ont observé pour la première fois des défauts au niveau des joints de grains du minéral, appelés « désinclinaisons ». Et lorsqu'ils les ont intégrés dans la modélisation mathématique du comportement de la roche, ils ont conclu que ces défauts sont capables à eux seuls d'expliquer les mouvements dans le manteau.
Dynamique de la dorsale médio-atlantique
(d'après Briais et all 2010)
LE MANTEAU SUPÉRIEUR (35 à 660 km ; 27% du volume de la terre)
À mesure que les pressions et les températures augmentent avec la profondeur, les éléments constitutifs du manteau s'arrangent en différentes structures cristallines (les minéraux) qui forment des couches distinctes. Trois minéraux, - l'olivine, la spinelle modifiée et la spinelle – donnent aux couches du manteau supérieur leur nom respectif.
LE MANTEAU INFÉRIEUR (660 à 2900 km ; 56% du volume de la terre)
Il est formé de deux couches : la pérovskite et la postpérovskite.
Couche de pérovskite. Le minéral qui domine cette couche (70% de la masse) est un silicate de magnésium appartenant à une famille de structures cristallines nommées pérovskites ou "(Mg,Fe)SiO3-pérovskite". C'est le matériau le plus abondant sur terre (38% de la masse du manteau et 70% de la masse du manteau inférieur) et connu depuis 2014 sous le nom de bridgmanite en hommage au minéralogiste Bridgmann. Existant à plus de 660 km de profondeur et sous des pressions énormes de l'ordre de 230 000 bars, la bridgmanite est inaccessible aux forages et hautement instable sous les conditions naturelles de surface. Ses propriétés physico-chimiques due à sa structure en feuillets déterminent une grande partie de la dynamique planétaire : les mouvements de convection qui la traversent sont à l'origine de la tectonique des plaques.
Couche de postpérovskite. Dans les conditions de pression et de température régnant dans les 300 derniers kilomètres du manteau avant le noyau, la pérovskite (1) se transforme en une nouvelle structure : la postpérovskite dont la structure cristalline est encore plus dense que celle de la pérovskite de 1 à 1,5 %.
(1) La pérovskite intéresse beaucoup les chercheurs en photovoltaïque. Il semble que l'avenir du solaire passera par la pérovskite. Ce minéral cristallin n'a révélé ses vertus énergétiques qu'en 2012. Mais depuis, il révolutionne le secteur. Ce matériau absorbe en effet la lumière dix fois mieux que le silicium qui équipe 85 % des panneaux solaires.
Son rendement énergétique, de 19 % en laboratoire, talonne son concurrent (à 26 %), mais il serait cinq fois moins cher à produire. Ce matériau devrait s'imposer dans le secteur des énergies renouvelables d'ici à la fin de la décennie. Et permettre d'accélérer la transition énergétique.
LE NOYAU (2900 à 6400 km ; 16% du volume de la terre)
Le noyau de la Terre est principalement composé de fer, liquide dans le noyau externe et solide dans le noyau interne (la graine, 0,5% du volume de la terre). Comme dans le manteau, la convection brasse le noyau externe, mais en raison de la densité beaucoup plus élevée du noyau, il y a très peu de mélange avec le manteau. Une couche plus dense s'intercale entre la base du manteau liquide et la graine. On pense que c'est la convection dans le noyau externe de fer liquide qui engendre le champ magnétique terrestre, lequel contribue à protéger la vie des rayons cosmiques et du vent solaire.
On peut se demander pourquoi la graine dont la température dépasse les 6000°C présente une structure solide. Ce phénomène est dû à la structure hexagonale compacte de ses molécules de fer comme l'ont démontré des géophysiciens suédois en 2017.
Mais quel est le processus qui explique le champ magnétique terrestre ? (Science & Vie, n° 1171, avril 2015 p. 26)
Longtemps on n'a pu expliquer ce phénomène. Et c'est tout récemment (2014) qu'une équipe américaine a proposé une hypothèse : en fait, le champ magnétique terrestre naîtrait des chocs d'électrons.
Si les physiciens ne parvenaient pas à reproduire la naissance du champ magnétique de la Terre, c'est parce qu'ils avaient sous-estimé la violence des chocs entre électrons. Ronald Cohen et son équipe de la Carnegie Institution de Washington (États-Unis) ont modélisé le comportement du fer à haute température au niveau atomique et se sont aperçus que les électrons ne cessent de s'éjecter les uns les autres, s'opposant à la formation d'un courant électrique... Dans le noyau terrestre, les électrons du fer fondu ralentissent ainsi les transferts de chaleur et provoquent la formation de mouvements de convection : des courants ascendants et descendants qui donnent naissance à un champ magnétique. Jusque-là, les modèles qui ne tenaient compte que des vibrations des atomes et des interactions moyennes des électrons ne parvenaient pas à former le moindre tourbillon de métal... et par conséquent, pas la moindre ligne de champ magnétique.
En fait, le fer du noyau remonterait dans le manteau comme semblent l'avoir montré (Nature, année 2012) par des expériences de laboratoire deux géophysiciens de l'université Yale (États-Unis). Ils ont réussi à montrer que la couche D" (prononcez « D seconde ») qui sépare, à 2900 km sous nos pieds, le manteau terrestre solide du noyau liquide et dont l'épaisseur serait inférieure à 200 km, ne serait pas totalement étanche : elle présenterait des remontées du noyau, des « blob » de fer liquide qui viendraient pénétrer les interstices de la roche sur 50 à 100 km.
Ces intrusions de fer pourraient jouer un rôle important dans les variations du champ magnétique terrestre. En effet, la présence de fer - métal conducteur d'électricité - influe sur la conductivité électrique du noyau, et ce sont les courants électriques du noyau qui alimentent et entretiennent le champ magnétique (voir plus haut l'ajout de mars 2015).
Pour parvenir à ce résultat rapporté par la revue Sciences et Avenir n° 792 (février 2013), les géophysiciens ont pris un cristal analogue à ceux que l'on suppose abondants dans le manteau de la Terre, à base de silicates de magnésium et de fer. Ils l'ont soumis à la pression et à la température qui règnent au niveau de la couche D" (135 gigapascals. Soit 1 350 000 fois la pression atmosphérique, et plus de 3200°C). Au bout de quelques minutes, les géophysiciens ont constaté la présence de bulles de fer liquides dans la roche solide (en médaillon). Les chercheurs supposent qu'il se passe la même chose à grande échelle dans la couche D".
Mouvements de convection au sein du globe terrestre
(d'après D. Sasselov & D. Valencia, Pour la Science, oct. 2010)
Chose étonnante, dans toutes ces sphères emboîtées et concentriques, la graine présente une structure asymétrique qu'on appelle la translation de la graine. Les couches superficielles de ses hémisphères "Ouest" (par convention sous l'Amérique) et "Est" (par convention sous l'Asie) n'ont pas les mêmes propriétés sismiques : les ondes sont plus lentes et moins atténuées à l'Ouest. Marc Monnereau & all. (Science, en ligne, 15 avril 2010) ont montré que cette dissymétrie était due à une différence de taille des cristaux de fer formant la graine, elle-même expliquée par un "vent de matière" orienté d'Ouest en Est.
L'hémisphère Ouest, froid et dense, décale vers lui le centre de masse de la graine. De ce fait, la rotation de celle-ci est décalée par rapport à son centre géométrique, et ses frontières Est et Ouest se décalent par rapport à la région sphérique (en pointillé sur la figure) où, étant donné la température et la pression, le fer est solide. Il en résulte une cristallisation du fer à l'Ouest, une fusion à l'Est et un déplacement progressif des couches de fer de l'Ouest vers l'Est. À mesure de ce déplacement, les cristaux de fer croissent en "absorbant" leurs voisins, pour atteindre une taille de cinq à dix kilomètres au niveau de la frontière Est. Arrivé à cette frontière, le fer fond et retourne au noyau liquide. Ainsi, la graine se renouvelle en continu. Reste à expliquer pourquoi l'hémisphère Ouest est froid et dense. Et à trancher avec d'autres modèles qui expliquent la dissymétrie des propriétés sismiques par un couplage thermique entre la graine et le manteau via le noyau liquide, ou par une interaction avec le champ magnétique de la Terre.
Ainsi, alors que son âge dépasse les 4,5 milliards d'années, la Terre renouvellerait son cœur en à peine 100 millions d'années.
La théorie de la translation de la graine expliquerait l'existence de la couche dense entre graine et base du noyau liquide, l'anisotropie élastique démontrée par le fait que les ondes sismiques voyagent plus vite dans la direction nord-sud que dans la direction ouest-est ainsi que l'asymétrie hémisphérique entre l'ouest et l'est. (voir également Science & Vie, nov. 2010).
En outre, la graine tourne à vitesse variable, de sorte que les battements du cœur de la Terre ne sont pas réguliers (Science & Vie, juillet 2013, p. 30).
Depuis les années 1990, les sismologues soupçonnent la "graine" de tourner sur elle-même plus vite que le reste du globe. Mais sans parvenir à s'accorder sur sa vitesse de rotation. Et pour cause : Hrvoje Tkalcic (université de Canberra, Australie) a découvert que cette vitesse n'est pas constante !
Pour l'affirmer, il a analysé des doublets de séismes, ces tremblements de terre "jumeaux" qui se produisent à des semaines ou des années d'intervalle, générant des ondes sismiques qui empruntennt le le même chemin au sein du globe. En étudiant les infimes différences de temps de parcours des ondes qui ont traversé la graine, le géophysicien en a conclu que la vitesse de rotation varie au cours du temps. Elle a accéléré dans les années 1970, ralenti dans les années 1980, puis repris da la vitesse dans les années 1990 et 2000.
La graine solide de la Terre tourne autour de son centre de masse (0), décalé par rapport à son centre géométrique (C). De ce fait, elle se décale par rapport au domaine où le fer devrait être solide (en pointillés). Cela crée une cristallisation à l'Ouest et une fusion à l'Est, et un flux de matière vers l'Est. Les couleurs représentent l'âge des couches (Pour la Science, n° 392, juin 2010).
La rotation du noyau terrestre enfin comprise ? (Pour la Science, n° 434, décembre 2013)
La Terre tourne sur elle-même vers l'Est en quasiment 24 heures. Il n'en va pas de même de son noyau. Le noyau interne (la graine), en fer solide, tourne dans le même sens, mais plus vite. Le noyau externe, constitué de fer liquide, tourne pour sa part en sens inverse, vers l'Ouest ! Philip Livermore, de l'Université de Leeds, en Grande-Bretagne, et ses collègues ont montré que ces mouvements du noyau sont liés et contrôlés par le champ magnétique terrestre.
La circulation du fer dans le noyau liquide engendre, par effet dynamo, le champ magnétique terrestre (de l'ordre de 10-4 tesla à la surface de la planète). Les géophysiciens ont observé depuis longtemps que ce champ se décale vers l'Ouest, ce qui suggère que le noyau liquide est animé d'un mouvement similaire. En outre, l'analyse de l'aimantation rémanente des roches montre que sur les 3 000 dernières années, le champ magnétique s'est déplacé vers l'Ouest à une vitesse variable, mais aussi vers l'Est. Rappelons qu'en se refroidissant après avoir été chauffées, certaines roches enregistrent l'orientation du moment magnétique : c'est l'aimantation rémanente.
L'étude des ondes sismiques qui se propagent dans tout le globe terrestre a par ailleurs révélé que le noyau interne (la graine) tourne vers l'Est et devance en moyenne le mouvement de la surface de la planète de quelques degrés par an.
P. Livermore et ses collègues se sont intéressés à l'interaction des composantes du noyau et du champ magnétique. Ils ont mis au point une simulation en trois dimensions du centre de la planète qui permet d'étudier des scénarios où la viscosité du fer liquide (qui n'est pas précisément connue) est 100 fois inférieure à celle des simulations précédentes. Cette viscosité joue un rôle crucial dans la dynamique du fluide ferreux et, par conséquent, sur l'effet dynamo et la structure du champ magnétique.
Avec leur simulation, les géologues ont ainsi mis en évidence que, dans des régimes de faible viscosité, certains couples de forces deviennent importants. Ces couples d'axe Nord-Sud agissent, les uns sur la partie la plus externe du noyau liquide, les autres dans le noyau solide. Ils ont la même intensité, mais des sens opposés. De quoi expliquer les mouvements opposés des noyaux interne et externe ?
P. W. Livermore et al., PNAS, en ligne, 16 septembre 2013
Ajout du 5 juin 2016 : Le noyau de la terre est plus jeune que sa surface (Sciences et Avenir n° 832, juin 2016, p. 56.)
En appliquant la relativité générale à l'intérieur de la Terre, une équipe danoise a conclut que son cœur serait plus jeune que sa surface de deux ans et demi. Une conclusion publiée dans l'édition de mai 2016 de l'European Journal of Physics. Mais comment imaginer que l'intérieur de la Terre se soit formé quelque temps après la croûte, sur laquelle nous marchons ?
Ce paradoxe s'explique par la théorie de la relativité générale qui veut qu'à proximité d'une masse très dense comme la graine de la Terre, le temps s'écoule plus lentement. Il s'agit en fait d'un paradoxe connu de longue date. Richard Feynman — lauréat du prix Nobel de physique en 1965 et décédé en 1988 —, l'enseignait déjà. Mais Feynman avait estimé la différence d'âge entre superficie et profondeur à un jour ou deux. Le calcul de l'équipe danoise montre un écart bien plus important. En fait, ce paradoxe ne remet aucunement en question les connaissances des géophysiciens sur la formation de la Terre, une planète dont l'âge est estimé aujourd'hui à 4,56 milliards d'années, et qui a grossi progressivement par accrétion — c'est-à-dire grâce à l'agglomération de grains de matière. Mais en revanche, si l'on tient compte des conséquences étonnantes de la relativité générale d'Einstein, il faut considérer que la masse modifie l'espace et le temps.
La densité des roches s'accroît avec la profondeur
À proximité d'une masse importante comme un astre dense, l'espace se courbe, un peu comme si, en deux dimensions, un tissu élastique se tend sous le poids d'une boule de métal. Quant au temps, il s'écoule plus lentement. Or, les géophysiciens ne cessent d'améliorer leur modèle de l'intérieur de la Terre. Ils savent que la densité des roches augmente avec la profondeur. La matière y présente un arrangement compact que l'on ne rencontre pas en surface. Ainsi, la graine, cette sphère centrale très dense de 1200 km de rayon, développe un champ de gravité important. Près de la graine, le temps devrait donc s'écouler plus lentement. La relativité générale n'ayant jamais été prise en défaut, si une horloge était placée à la profondeur de la graine, elle marquerait moins de secondes au cours du même laps de temps qu'une horloge placée à la surface. Et c'est ainsi que l'on parvient à estimer l'intérieur de la Terre plus jeune que sa surface. Même si en pratique, deux ans et demi ne sont pas significatif par rapport à l'âge de la planète.
Quant à l'écart entre ce qu'enseignait Richard Feynman et ce qu'ont découvert les Danois, il s'explique par le fait que ces derniers ont rigoureusement utilisé le dernier modèle de l'intérieur de la Terre où la densité de matière n'est pas homogène à une même profondeur.
Il y a de la vie dans les profondeurs (Sciences et Avenir, août 2016, p. 33)
Des chercheurs français et italiens ont mis en évidence pour la première fois, en 2012, l'existence d'une vie intra-terrestre le long de la ride médio-atlantique : ces roches de la croûte terrestre se sont révélé abriter une vie diverse et active, qui pourrait bien représenter l'habitat microbien le plus important de notre planète ! La lithosphère, poreuse et fracturée, est affectée par d'intenses circulations hydrothermales, soit un environnement semblable à celui de notre Terre il y a plus de 3,8 milliards d'années. Les bactéries pourraient être des descendants des premières formes de vie terrestre.
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Roches volcaniques de l'Arc antillais
Roches volcaniques dans l'Arc antillais
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La Soufrière de Guadeloupe
La Soufrière de Guadeloupe avant, pendant et après l'éruption phréatique de 1976
10:26 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : arc antillais, volcanisme, éruption volcanique, éruption phréatique, soufrière de guadeloupe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
La Soufrière de Guadeloupe : séismes 1975-1977
Séismes associés à l'éruption phréatique de la Soufrière de Guadeloupe de 1976
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01/07/2010
La Montagne Pelée (Martinique)
La Montagne Pelée (Martinique) et l'éruption catastrophique de 1902
11:38 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : volcanisme, arc antillais, martinique, montagne pelée | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
28/06/2010
La Soufrière de Saint-Vincent
La Soufrière de Saint-Vincent et l'éruption de 1979
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Soufrière à Sainte-Lucie
Manifestations volcaniques de Sainte-Lucie et de la Dominique
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25/06/2010
La Soufrière de Montserrat
La Soufrière de Monserrat et les éruptions successives de 1995 à 2010
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24/06/2010
Islande : geysers et autres manifestations volcaniques
Geysers, fumerolles, solfatares, hordinos et mares de boue d'Islande
par André Guyard
(dernière mise à jour : 20 novembre 2015)
En juillet 2008, un groupe de randonneurs appartenant à l'USN Sports Loisirs a parcouru les paysages désolés de l'Islande à la découverte de phénomènes volcaniques actifs.
Le groupe va découvrir un univers de glace, d'eau et de feu.
Orgues basaltiques
Cliché Orsolya & Erlend Haarberg
Mais comment se forment les orgues basaltiques ?
Il s'agit, bien sûr, d'une conséquence du refroidissement d'anciennes coulées de lave. En 2015, Martin Hofmann, de l'université technique de Dresde, en Allemagne, et ses collègues ont modélisé la formation de tels motifs hexagonaux qu'on appelle orgues basaltiques.
Lorsque de la lave se refroidit ou lorsque de la boue sèche, la partie supérieure se contracte et se fissure, ce qui libère de l'énergie liée à la tension mécanique. Ces failles sont disposées, a priori, de façon aléatoire. Cependant, comme elles libèrent surtout la tension perpendiculaire à leur direction, elles se connectent en général à angle droit : on parle de jonction T.
Dans des milieux qui sont asséchés ou gelés périodiquement, on observe que les jonctions T se déforment et se déplacent, ce qui les transforme en jonctions Y aux angles de 120°. Les motifs hexagonaux en résultent.
Dans le basalte, des jonctions T se forment en surface, mais la transition entre jonctions T et Y se produit en profondeur, alors que les fractures se propagent dans la lave se refroidissant.
Martin Hofmann et ses collègues ont calculé l'énergie libérée lorsqu'une fracture se propage. Ils ont supposé que la forme des jonctions pouvait changer. Ils montrent ainsi que si la jonction se déforme de T vers Y, l'énergie libérée augmente de 7%. La tension dans le basalte est ainsi mieux dissipée et la configuration plus stable. Des simulations numériques ont confirmé les résultats des chercheurs.
Phys. Rev. Lett., vol. 115, 154301, 2015
Parmi les différentes manifestations volcaniques rencontrées : fumerolles, solfatares, sources chaudes, hordinos, mares de boue, etc. les plus spectaculaires sont certainement le fait des geysers.
Qu'est-ce qu'un geyser ?
Un geyser est une source qui jaillit par intermittence en projetant de l'eau chaude et de la vapeur à haute température. Le terme geyser provient de Geysir, le nom du plus célèbre geyser islandais, dont l'étymologie est liée au verbe islandais gjósa (en français jaillir).
Or le grand geyser de Geysir ne fonctionne plus de façon naturelle. Seuls des visiteurs illustres ont droit à sa manifestation dopée par l'usage de détergents précipités dans le conduit. Mais les touristes ordinaires peuvent admirer son voisin le Strokkur qui se manifeste toutes les 8-10 min.
Comment ça marche ?
L'activité des geysers, comme celle de toutes les sources chaudes, est liée à une infiltration d'eau en profondeur.
Dans les régions volcaniques, l'eau est chauffée au contact des roches, elles-mêmes chauffées par le magma en fusion.
Dans les régions non volcaniques, l'eau est chauffée par l'action du gradient géothermique, la température et la pression augmentant avec la profondeur.
Par convection, l'eau chauffée et mise sous pression rejaillit alors vers la surface. Les geysers diffèrent des simples sources chaudes par la structure géologique souterraine. L'orifice de surface est généralement étroit communiquant par des conduits étroits et résistants qui mènent à d'imposants réservoirs d'eau souterrains.
L'eau de surface s'infiltre par gravité dans le réservoir du geyser où elle s'accumule et monte dans le conduit. La pression dépend de la longueur de la cheminée. Plus la pression est grande, plus la température d'ébullition est élevée. L'eau du conduit va faire pression sur l'eau du réservoir et augmentera la température d'ébullition. Au bout d'un certain temps, la poche magmatique sera portée à une température suffisante pour entraîner la vaporisation d'une partie de l'eau et créant ainsi une bulle de vapeur. Cette bulle emprunte la seule issue qui lui est offerte : la cheminée où elle s'engouffre, refoulant vers le haut l'eau du conduit qui n'exercera plus de pression sur l'eau du réservoir. Cette dernière va entrer en ébullition et pousser toute l'eau du geyser à l'extérieur.
La bulle est prête à éclater
Le Strokkur en pleine action
En fait, il existe deux types de geysers. Le geyser dit « fontaine » est terminé par un cône étroit, avec un conduit très fin. Lorsqu'une éruption se produit et qu'une colonne d'eau jaillit, elle est en fait expulsée par la pression due à l'étroitesse du conduit. C'est le cas par exemple d'Old Faithful à Yellostone.
L'autre type de geyser est le geyser dit « gazeux ». Il s'agit généralement d'une source chaude qui, lorsque du gaz est expulsé, fait remonter les bulles d'eau qui explosent au contact de la surface et qui créent une large colonne d'eau, souvent de courte durée. C'est le cas du Strokkur que nous avons pu observer ici.
Fumerolles et solfatares
Les fumerolles sont des émanations de gaz, en particulier de la vapeur d'eau ou de dioxyde de carbone qui s'échappent de crevasses ou de cavités d'origine volcanique.
Les solfatares sont des fumerolles rejetant du soufre.
Mares de boues
Une mare de boue est un type de source d'eau chaude ou de fumerolle, brassant des sédiments (argile d'origine volcanique, oxyde de fer, soufre...) à sa surface, et caractérisée par de perpétuelles remontées de bulles de gaz à sa surface.
Mofettes
Les mofettes sont de petites émanations de dioxyde de carbone qui s'échappent de fissures et des trous d'origine volcaniques d'où s'échappe du gaz carbonique. Parfois, les mofettes brassent des sédiments à leur surface.
Hornitos
Les hornitos sont des cônes volcaniques de dégazage, créés lors de retombées de fragments de laves incandescents entre eux.
Ces différents phénomènes sont visibles sur la vidéo ci-dessous :
Phénomènes volcaniques
Les Islandais ont su profiter de toute cette chaleur interne et exploitent cette source d'énergie pour procurer aux habitants de l'eau chaude, alimenter des serres avec production de fleurs, de légumes et de fruits. Eh, oui ! il pousse des bananiers en Islande. D'une façon plus importante, la géothermie permet la génération d'électricité pour les industries métallurgiques et la consommation domestique.
Centrale géothermique du volcan Krafla
(© Schutterstock/Darren Baker)
L'Islande est située à l'extrémité nord de la dorsale médio-atlantique qui court sur 15 000 km au milieu du plancher de l'océan Atlantique et dont l'île constitue la seule partie émergée. Le long des dorsales océaniques, deux plaques tectoniques s'écartent et le manteau terrestre sous-jacent va se figer pour former une jeune croûte océanique, la lithosphère. La dorsale médio-atlantique forme ainsi une chaîne continue de volcans sous-marins émettant une lave visqueuse (plus riche en silice) de type andésite. Ainsi l'Islande est déchirée par la séparation des deux plaques : la plaque nord-américaine qui s'éloigne vers l'ouest et la plaque eurasienne qui s'éloigne vers l'est à la vitesse de 2 cm par an.
À ce phénomène de l'écartement des deux plaques océaniques, un point chaud s'y superpose.
Un point chaud est marqué par la remontée d'un panache volcanique issu de la base du manteau inférieur, c'est-à-dire à près de 2900 km. La lave des volcans de point chaud est très fluide et formée de basalte (pauvre en silice). Ces points chauds sont fixes et indépendants du mouvement des plaques. Et, au fur et à mesure de l'avancée de la plaque tectonique océanique, celle-ci est perforée par un nouveau volcan à l'aplomb du panache volcanique.
L'Islande résulte ainsi de la superposition de ces laves andésitiques ou basaltiques. Pas moins de 130 volcans coexistent en Islande, dont certains sont recouverrts par des glaciers (volcans sous-glaciaires).
13:48 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : geyser, islande, volcanisme, solfatares, hordinos, orgues basaltiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
23/06/2010
Éruption du volcan islandais Eyjafjöll
Éruption du volcan islandais Eyjafjöll
par André Guyard
(dernière mise à jour 23/08/2014)
L'Islande est située au milieu de l'Atlantique sur la dorsale médio-océanique, à la divergence des plaques tectoniques océaniques eurasiatique et américaine. Cette situation exceptionnelle en fait l'une des régions tectoniques les plus actives du monde avec 130 volcans et 600 sources d'eaux chaudes ! L'île se situe aussi au niveau d'un point chaud qui émerge entre deux plaques tectoniques. Ainsi, elle se trouve soumise à deux influences volcaniques superposées. (voir dans ce même blog : Islande, geysers et autres manifestations volcaniques.)
Qu'est-ce qu'un point chaud ? Il s'agit d'une anomalie thermique située dans les profondeurs du manteau terrestre, qui fait remonter du magma en surface. C'est ce qu'on appelle le panache profond dans le cas de l'Islande de 2900 km et qui remonte en surface déchirant la croûte terrestre. L'originalité du cas islandais, c'est que cette déchirure se produit justement là où les deux plaques nord-américaine et eurasiatique s'écartent au niveau de la dorsale médio-atlantique.
En juillet 2008, j'ai eu l'occasion d'arpenter ce beau pays avec les randonneurs de l'US Novillars : voir Islande, geysers et autres manifestations volcaniques dans ce même blog.
Profitant de la présence de ce chauffage central naturel, l'Islande exploite ses ressources géothermiques pour produire son électricité et alimenter son réseau de chaleur. Mais le volcanisme a souvent un revers : une nouvelle éruption fissurale à proximité du glacier Eyjafjallajökull inquiète les volcanologues.
(cliché Google Earth)
Le volcan islandais Eyjafjöll (ou Eyafjalla) situé dans le sud de l'île, à seulement 160 km au sud-est de la capitale Reykjavik est un strato-volcan composé d'un empilement d'une alternance de couches de cendres, de lave et de roches éjectées par les éruptions antérieures. Il est entré en éruption dans la nuit du samedi 20 mars 2010. Recouvert par une calotte glaciaire : l'Eyjafjallajökull, ce volcan culmine à 1 666 mètres d'altitude. Au cours des 1100 dernières années, le volcan ne s'est réveillé que trois fois, la dernière éruption de l'Eyjafjöll remontant à 1821. Elle avait alors duré plus d'un an.
Précédée par toute une série de secousses sismiques sous le glacier Eyjafjallajökull, (près de 3000 entre le 3 et le 5 mars), la première phase éruptive fut effusive avec une lave de basalte à olivine d'origine profonde (25 km). Après un arrêt temporaire de la migration du magma vers 6 à 8 km de profondeur, le magma a émergé par une dizaine de fontaines de lave de style hawaïen, d'une hauteur d'une centaine de mètres, le long d'une fissure latérale au col de Fimmvördu.
Le volcan est entré le 14 avril dans une deuxième phase explosive caractérisée cette fois par un magma acide, de type trachyandésitique résultant d'un mélange de basalte à olivine et de dacites plus superficielles. Ce mélange serait ensuite remonté dans le cratère historique de l'Eyjafjöll. Le contact de la lave à plus de 1000 °C et de la glace a provoqué des explosions et l'émission jusquà 11 000 m d'altitude d'immenses volutes de vapeur d'eau et de gaz chargés de poussières magmatiques. qu'on appelle téphras. C'est la confluence de deux anticyclones, l'un positionné entre Terre Neuve et l'Islande et l'autre localisé sur l'Europe occidentale qui a entraîné lles masses d'air dans le sens des aiguilles d'une montre. Poussé par ces vents, le panache s'est dirigé vers l'Europe.
Le caractère explosif d'un volcan est lié au dégazage et à la viscosité du magma trachyandésitique. Quand le magma monte dans le cheminée du volcan, le mélange de gaz et de magma se dilate, ce qui accélère son ascension, accroît la pression jusqu'à faire passer l'éruption en régime explosif. Dans le cas de l'Eyjafjöll, les explosions sont dues à la fois à la nature acide du magma que la présence de silice rend visqueux et au contact magma-glace.
Schéma de l'éruption d'un volcan sous-glaciaire
Le samedi 17 avril 2010 , l'instrument ALI du satellite EO-1 a pris une image infrarouge du glacier islandais Eyjafjallajökull qui cache le volcan (image ci-dessus). Un léger nuage surmonte le glacier.
Les cendres émises se mêlent à la vapeur d'eau
Soumise à une pluie de cendres et de bombes,
la surface du glacier a changé de couleur
Afin de protéger les populations, 600 personnes demeurant entre la localité agricole de Hvolsvollur et le village de pêcheurs de Vik ont été évacuées hâtivement.
Quelques villages sont menacés
Les risques encourus sont multiples :
* projections de cendres et de lave pouvant affecter notamment le transport aérien (voir plus bas),
* émanations gazeuses mortelles (notamment pour le bétail),
* inondations brutales et importantes, conséquence de la fonte du glacier qui recouvre le volcan.
Ce dernier risque, de loin le plus inquiétant, est un lahar ou jökulhlaup en islandais, ce qui signifie "course de glacier". La fonte du glacier sous l'effet de la chaleur engendre une coulée de matériaux volcaniques (débris, boue). On parle alors de lahars syno-éruptifs appelés aussi lahars primaires ou lahars chauds. On se rappelle que la formation d'un lahar suite à l'éruption du volcan Nevado del Ruiz en 1985 dans la Cordillère des Andes avait entraîné la mort de 25 000 personnes. C'est pourquoi, un état d'urgence a été déclaré dans la zone, même si aucun blessé ou dégât n'est à déplorer.
Le nuage de cendres
Photos du volcan Eyjafjöll prise le samedi 17 avril 2010
En haut, une photo en infrarouge.
En bas, une photo du volcan tel qu'il est visible depuis le ciel.
(Crédit photo : © Nasa)
On distingue sur ces clichés le nuage de cendres, au centre, la neige des glaciers (en blanc en bas et en violet en haut) ainsi que les dépôts de cendres, visibles en gris en haut. Ces cendres sont chargées électriquement, ce qui entraînent la formation de nombreux éclairs au-dessus du volcan.
Mais ce qui inquiète les Européens, c'est ce nuage de cendres volcaniques, poussé par les vents d'Ouest qui se répand sur l'Europe entraînant la suspension des vols à partir et en direction de nombreux aéroports.
Le réveil du volcan Katla suscite l'inquiétude
Pour le moment, les volcanologues sont prudents car cette petite éruption fissurale, qui ne montre aucun signe d'affaiblissement, pourrait déclencher celle du volcan voisin, le Katla. Dix fois plus important que l'Eyjafjöll, il a la réputation d'être un des volcans les plus dangereux d'Islande. Caché sous le glacier Myrdalsjökull dans le Sud de l'île, le Katla est entré pour la dernière fois en éruption en 1918. Une éruption du volcan Katla et le contact du magma avec la glace déclencherait une éruption explosive qui émettrait un énorme nuage de cendres et surtout une débâcle glaciaire, c'est-à-dire un gigantesque lahar. Ce déferlement d'eau, de glace et de boue représente un risque majeur car une population relativement dense vit à ses pieds.
Comment les cendres volcaniques menacent les aéronefs
Parce que les nuages de cendres sont secs, ils sont invisibles sur les radars météorologiques.
Pour comprendre le risque, rappelons-nous de la mésaventure d'un Boeing 747 de la British Airways survenue le 24 juin 1982. Le Boeing 747 avait décollé de Londres pour Auckland (Nouvelle-Zélande). L'équipage ignorait que le volcan Mount Galunggung à l'ouest de Java (Indonésie) était entré en éruption et crachait des cendres à son altitude de vol.
Quelque part au sud de Java à 1 h 40, heure locale, l'équipage remarqua que le verre des fenêtres du poste de pilotage devenait brillant, phénomène aussitôt suivi par une lueur au niveau des moteurs et une odeur de gaz sulfureux envahissant la cabine. En quelques minutes, les quatre moteurs furent coupés et le jumbo-jet dut parcourir en planeur 11 kilomètres au-dessus de l'océan. À l'altitude de 4 kilomètres, cependant, certains des moteurs purent être remis en marche et l'avion atterrit en toute sécurité à Jakarta.
Comme nous l'avons dit plus haut, les cendres volcaniques ou téphras se composent de particules de roche pulvérisée vitreuse de diamètre inférieur à 2 millimètres et extrêmement corrosives. Quand un avion vole en altitude à sa vitesse de croisière, les fenêtres du poste de pilotage subissent un jet de téphras, obscurcissant la vue des pilotes. Les moteurs aspirent la poussière qui fond dans la chambre de combustion et ce magma se dépose sur les aubes de turbine bloquant ainsi le flux d'air du moteur, s'immisçant également dans les tubulures. Heureusement quand le magma se refroidit et se solidifie alors que l'avion plonge en planeur, il arrive qu'il se détache et permette un redémarrage du moteur.
En outre, le nuage chargé de cendres est appauvri en oxygène. Si un aéronef le traverse, la combustion du kérosène s'en trouve gênée et le rendement des réacteurs minoré pouvant aller jusqu'à l'extinction.
En ce qui concerne le Eyjafjöll, tant que le risque lié au nuage de cendres volcaniques a subsisté, les transports aériens de l'Europe du Nord, y compris la moitié nord de la France et la Suisse ont été suspendus.
Remarque (11/06/2011) : une décision justifiée par des études en laboratoire
En fait, la décision de bloquer au sol les avions pendant l'éruption du volcan islandais était la bonne, affirme le département de chimie de l'université de Copenhague (Danemark). Les cendres émises pouvaient bel et bien perturber les moteurs, selon les essais réalisés en laboratoire.
Une étude publiée dans les Pnas a montré que les cendres de l'Eyjafjoll étaient abrasives et le sont restées durant plusieurs semaines. D'une taille variant d'une dizaine de nanomètres au millimètre près du volcan, les particules, associées à de la vapeur d'eau, étaient composées d'andésite, de cristaux de plagioclases (silicates), de pyroxènes et d'olivine. Les risques pour les avions étaient multiples : abrasion du pare-brise, vitrification sur certaines parties des réacteurs.
Les chercheurs annoncent par ailleurs dans les Pnas avoir mis au point une méthode pour déterminer en 24 heures la dangerosité des cendres.
Remarque (24/05/2011) : Peut-on protéger les avions des cendres volcaniques ?
L'éruption de l'Eyjafjöll, en avril 2010, a projeté dans l'atmosphère une grande quantité de cendres, ce qui a paralysé le trafic aérien en Europe. Un peu plus d'un an après, un autre volcan sous-glaciaire islandais, le Grimsvötn, est entré en éruption projetant également un panache de cendres qui a atteint 20.000 mètres de hauteur le samedi 21 mai 2011, premier jour de l'éruption.
En quelques, jour, le panache de cendres dégagé par le Grimsvötn s'est réduit aux alentours de 2000 mètres de hauteur et l'éruption pourrait prendre fin avant la fin du mois de mai.
Le trafic aérien a été perturbé en Islande et dans les Îles britanniques.
Le risque couru par les aéronefs est dû au fait que les cendres sont susceptibles de fondre dans les réacteurs des avions, et dégradent les céramiques isolantes.
La céramique utilisée en aéronautique est composée d'un mélange d'oxydes de zirconium (ZrO2) et d'yttrium (Y2O3) ; elle isole le réacteur des pièces situées à proximité. Sa structure poreuse la rend flexible : elle peut se déformer sans se rompre lors des changements de température.
Nitin Padture, de l'Université de l'Ohio et ses collègues américains et russes ont étudié son comportement quand elle est chauffée à 1200 °C en présence des cendres, riches en silice, prélevées sur l'Eyjafjöll. Ils ont montré que les cendres fondent et constituent une phase vitreuse peu visqueuse qui pénètre dans les pores. En refroidissant, la silice durcit, diminuant la flexibilité de la céramique, qui risque de se détacher du réacteur. Les chercheurs ont mis au point une nouvelle céramique d'oxyde de zirconium et de gadolinium (Gd2Zr2O7), imperméable aux cendres fondues dès que son épaisseur est supérieure à dix micromètres. À haute température, cette céramique réagit partiellement avec les cendres et forme de petits cristaux qui colmatent l'entrée des pores. Ainsi, la silice vitreuse ne pénètre plus profondément dans la céramique, et le matériau conserve à peu près sa structure et ses propriétés isolantes.
Ces nouveaux matériaux doivent encore subir des tests pour que l'on sache s'ils conservent leurs propriétés après plusieurs cycles d'élévation de la température. Les avions devraient pouvoir alors voler à travers des nuages de cendres volcaniques.
Source : J. Drexler et al., Advanced Materials, en ligne, 8 avril 2011
Le système AVOID (6 novembre 2013)
Grâce à ce système mis au point par des chercheurs norvégiens, les avions ne seront plus bloqués par les volcans. Pour éviter que les avions restent cloués au sol par les panaches de cendres, des chercheurs norvégiens associés à une compagnie aérienne ont développé le système AVOID. Ce système va permettre aux avions de déceler ces infimes particules à une centaine de kilomètres de distance. Assez loin pour pouvoir adapter leur plan de vol ! Son efficacité a été testée avec succès en octobre 2013. Ce dispositif exploite la loi de Planck, qui lie la température d'un corps à son rayonnement : un nuage de cendres étant plus chaud qu'un cumulonimbus, par exemple, il n'émet pas les mêmes ondes, ce qui permet de le repérer. Captées à l'aide de deux caméras thermiques à infrarouge fixées sur l'avion, les données sont transmises en temps réel à l'ordinateur de bord ainsi qu'au centre de contrôle aérien. Des cartes de dispersion des cendres sont ainsi établies. Encore au stade de développement, le système intéresse déjà de nombreuses compagnies aériennes. Easy Jet envisage de l'intégrer dès 2015 sur une dizaine d'appareils.
Surveillance des panaches de cendres volcaniques (octobre 2011)
L'éruption de l'Eyjafjoll a entraîné une longue et très coûteuse fermeture de l'espace aérien. Pour éviter que cette situation de crise ne se reproduise, experts, chercheurs et météorologues des VAAC (Volcanic Ashes Advisory Centers) unissent désormais davantage leurs efforts et leurs moyens pour prédire l'avancée des panaches de cendres. En combinant étude directe et détection par satellites, photomètres et lidars (télédétection par laser), parfois transformés pour l'occasion, ils cumulent des informations sur la composition, l'altitude ou la densité des cendres et obtiennent en quelques heures des cartes prévisionnelles fiables du trajet de ces nuages afin de renseigner au plus vite les compagnies aériennes. Un travail qui reste cependant difficile compte tenu des incertitudes naturelles (caprices du volcan, conditions météorologiques, etc.) mais aussi en raison de l'absence d'un réseau d'observation européen spécifique.
1. Par une étude directe
Échantillonnage des cendres au sol ou dans le nuage, par avion (ATR 42 M55 Geophysica) pour connaître leurs propriétés microphysiques (granulométrie, forme...) et leur composition chimique.
2. Au sol
Surveillance de l'atmosphère via des réseaux de radars, lidars, interféromètres, photomètres... Ces derniers mesurent l'intensité de la lumière qui leur parvient du Soleil, plus basse en présence de cendres, permettant d'évaluer l'épaisseur du nuage. Ces mesures sont rendues difficiles en présence de pollution.
3. Par satellites
Utilisation de radiomètres, interféromètres, lidars, etc., embarqués dans des satellites d'observation de l'atmosphère (Parasol, Calipso, Météosat, Envisat, Metop, Terra, Aqua...) pour déterminer la surface, l'altitude, l'épaisseur du nuage et certaines de ses caractéristiques.
4. Par avion
16 avril 2010 : le CEA à Saclay détecte des cendres de l'Eyjafjoll au nord de la France puis à 6 km au-dessus de Paris. Afin de pouvoir renseigner les compagnies aériennes, il embarque un lidar dans un avion Falcon 20 de l'unité Satire (CNRS, Cnes, Météo-France). Cet appareil, aussi utilisé au sol ou par satellite, émet un faisceau laser vers l'atmosphère et analyse la lumière qui lui revient. En dépolarisant cette lumière, les cendres signent leur présence dans l'atmophère.
Source : Marion Sabourdy, Sciences et Avenir, n° 776, octobre 2011, p. 16-17.
Destin des cendres
Que vont devenir ces cendres ? Soumises aux pluies et aux vents, elles ont rejoint les couches basses de la troposphère et se sont fondus dans la masse des polluants urbains et industriels.
À la suite de l'éruption de l'Eyjafjöll, un groupe de travail international dirigé par l'Autorité de l'Aviation Civile (CAA) du Royaume-Uni a défini trois zones pour le trafic aérien.
- Zone 1, moins de 0,2 mg de cendres par m3 d'aire : aucune restriction de vol.
- Zone 2, concentration comprise entre 0,2 et 2 mg par m3 d'air : les vols sont possibles, mais les contrôles de maintenance et d'inspection des appareils sont renforcés.
- Zone 3 : concentration supérieure à 2 m par m3 d'air : les vols sont interdits.
Selon la météo, des vols de durée limitée peuvent cependant être autorisés jusqu'à 4 mg par la CAA.
Comment la vie peut reprendre le dessus
Ce problème rejoint celui des biotopes soumis aux incendies. Après incendie ou éruption volcanique, la biodiversité se recompose grâce aux espèces opportunistes. Sur la terre carbonisée, les quelques espèces survivantes, mais surtout celles qui vivaient en lisière profitent de la situation pour recoloniser le milieu. Et cela rapidement. L'ampleur et la rapidité de la recolonisation dépendent de l'intensité de la brûlure, du lieu et du moment de la catastrophe, ainsi que des espèces présentes sur et autour du site anéanti.
Sur le lieu-même de la catastrophe, la nature transforme un sol devenu invivable en un support capable à nouveau d'accueillir la vie en quelques années et la recolonisation s'enclenche avec la dispersion de nouvelles espèces venues de l'extérieur. Ce processus dépend tout de même de certaines conditions. Le lieu de la zone à recoloniser et sa distance par rapport aux différentes populations sources susceptibles de le conquérir sont deux éléments primordiaux. Plus il est aisé et rapide de coloniser un territoire, plus le nombre d'espèces qui l'envahiront sera important.
Un bel exemple de cette recolonisation est donné par l'île Surtsey apparue au sud-ouest de l'Islande entre 1963 et 1967.
Sur cette île volcanique sortie stérile de l'océan, entre 1963 et 1967, seules les graines capables d'être transportées par les flots ou par les vents parvinrent à s'installer. Puis des oiseaux nichèrent sur l'île et apportèrent avec eux quantités de nouvelles espèces végétales mais aussi animales. Quarante-cinq ans plus tard, on compte 91 espèces d'oiseaux, 354 espèces d'invertébrés et 69 espèces de plantes !
C'est probablement au mont Saint-Helens, dans le Nord-Ouest des États-Unis, que ces processus ont été les plus étudiés. Aujourd'hui, une forêt de conifères entoure les pieds de ce jeune volcan et sur ses flancs s'étalent des prairies vertes. Pourtant, en mai 1980, l'éruption du volcan transforma plus de 500 km2 de vie exubérante en un désert de cendre et de désolation.
"Au mont Saint-Helens, la recolonisation de la vie a surpris tout le monde par sa vitesse et par ses mécanismes", confie Virginia Dale, qui fait partie des premiers écologues américains à s'être rendus sur place, puis à effectuer un suivi de la nature autour du volcan.
Un des résultats les plus étonnants de ce suivi a révélé l'importance des espèces survivantes. De fait, malgré les coulées de lave et les tonnes de poussières ardentes, des poches de vie ont survécu dans certains endroits, autorisant la mise en route de la première phase de la recolonisation via l'expansion d'espèces existantes. Un phénomène que l'on retrouve dans la plupart des incendies et des éruptions volcaniques, mais de façon plus ou moins marquée.
Chez les végétaux, les graines les plus légères et les spores de fougères ou de mousses débarquées par le vent représentaient les premiers colons, Les graines ont aussi été transportées par les animaux. C'est ainsi qu'en l'espace de neuf ans, la végétation autour de ce jeune volcan recouvrait déjà environ 10 % des territoires qu'elle occupait autrefois. Aujourd'hui, les chercheurs estiment qu'elle recouvre environ 80 % des zones, avec toutefois de grandes disparités selon les endroits.
Pour le mont Saint-Helens, on peut dire que la nature établie autour du volcan a eu de la chance ce 18 mai 1980 : il restait une couverture neigeuse suffisamment importante pour protéger quelques espèces des éjections incandescentes. Et ces endroits furent ensuite de véritables îlots de végétation d'où la nature puisa la force de reconquérir le terrain perdu.
Par ailleurs, certains animaux migrateurs n'étaient pas sur les lieux au moment de l'éruption, comme les saumons dont certains sont revenus l'été suivant. Tandis que d'autres animaux étaient encore bien enfouis dans leur terrier, notamment les rongeurs. Sur les 32 espèces de petits mammifères connus pour vivre autour du volcan, 14 ont ainsi survécu. De même que plusieurs végétaux dont la germination n'avait pas encore eu lieu, comme les lupins. Ces pionnières végétales ont joué un rôle déterminant car elles ont l'avantage de fixer et retenir l'azote, ce qui permet de fertiliser les sols. Et donc de faciliter l'installation d'autres plantes.
De fait, l'état du sol à la suite d'une catastrophe de ce type constitue un des freins majeurs au retour des végétaux. Après avoir grillé à plus de 300 °C, les cellules des organismes du sol et des végétaux sont détruites, les nutriments brûlés. Et la terre devient stérile. Elle ne retrouvera sa capacité d'accueil que grâce aux apports des zones voisines moins touchées. Les plantes survivantes jouent ici un rôle clé en fournissant une matière organique capable d'accueillir d'autres espèces.
Toutefois, les plantes survivantes ne sont pas les seules à restaurer la fertilité des terres brûlées. Les nuages de cendre alimentent aussi le sol en minéraux, ainsi que les pluies, les fientes d'oiseaux ou encore le bois mort. Enfin, les "pluies d'insectes" ont également un rôle important, dans des proportions plus ou moins grandes selon la richesse et la distance de la source d'insectes. Durant l'été, de nombreux juvéniles d'insectes et d'araignées se disséminent par la voie des airs. C'est l'essaimage aérien. Sur chaque hectare autour du volcan, environ 90 kg d'insectes sont ainsi déposés durant les quatre mois d'été, d'après les estimations des scientifiques ! Or en plus d'apporter la vie et d'amorcer une chaîne alimentaire, ces insectes dont beaucoup meurent rapidement, alimentent également le sol en matière organique (matière carbonée issue des êtres vivants et composée essentiellement de carbone et d'eau mais aussi d'oxygène, d'hydrogène, d'azote, de phosphore, etc.).
Quelques photos magnifiques sur l'éruption
Voir également : les volcans d'Islande (Vu du Ciel France 3)
Ajout du 23/08/2014
Été 2014 : le Bardarbunga, situé sous le plus grand glacier d'Islande et dont l'altitude dépasse 2 000 mètres, est entré en activité le samedi 16 août. voir l'article : un volcan islandais menaçant
Sources bibliographiques :
Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand
Detay M. (2010) - L'Eyjafjöll, radiographie d'un volcan qui a du panache. Pour la Science, n° 392 - juin 2010, 70-76.
Incendies : la biodiversité se recompose avec opportunisme. Science & Vie, n° 1114, juillet 2010. pp 58-61.
19:50 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : islande, volcan, éruption volcanique, eyjafjöll | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | | |
22/06/2010
Le Kawa Ijen, un volcan de Java (Indonésie)
Le Kawa Ijen est un volcan dont le cratère est occupé par un lac acide. Il se caractérise par une exploitation à dos d'homme d'une solfatare qui produit du soufre.
14:46 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Limnologie-hydrobiologie, Volcanologie-Sismologie | Tags : kawah ijen, indonésie, java, volcanologie, ceinture de feu du pacifique, soufre, exo-ploitation du soufre | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |