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22/06/2010

Le Kawa Ijen, un volcan de Java (Indonésie)

Le Kawa Ijen est un volcan dont le cratère est occupé par un lac acide. Il se caractérise par une exploitation à dos d'homme d'une solfatare qui produit du soufre.


 

Kawah-Ijen_31-LOGO.jpgLe Kawa Ijen, un volcan de Java (Indonésie)

 

par André Guyard

 

Généralités

 

Lors d'un voyage en Indonésie en octobre 2010, alors que le Merapi s'excitait au centre de l'île de Java faisant de nombreuses victimes asphyxiées par le panache volcanique, j'ai eu l'occasion de visiter le Kawa Ijen. Un accident m'ayant privé de mon appareil photo, j'ai dû emprunter  clichés et vidéo à mes compagnons de voyage. Qu'ils en soient remerciés.

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L'éruption du Merapi d'octobre 2010

 

Appartenant à la ceinture de feu du Pacifique, le complexe  volcanique du Kawa Ijen se situe à l'est du centre volcanique de l'île de Java, près de la ville de Banyuwangi. Ce complexe abrite une vaste caldeira de 14-16 km de diamètre qui comporte un grand nombre d'édifices volcaniques dont les Kawa Ijen et Raung sont les plus actifs. La marge nord de la caldeira apparaît comme un escarpement typique de caldeira avec une pente raide et des élévations intérieures allant de 850 à 1559 m. La partie la plus basse de la caldeira (près du village de Blawan) a une altitude de 850 m, ce qui suggère que la profondeur maximale de la caldeira est d'environ 700 m.

 

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Situation géographique du Kawah Ijen

 

Le Kawah Ijen est classé parmi les volcans gris en raison de ses éruptions majoritairement explosives avec un indice d'explosivité volcanique de 1 à 2 ainsi que des roches émises, des basaltes et des dacites, relativement riches en silice (46 à 63%) et à teneur variable en potassium.

 

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Le complexe Kawa Ijen se situe non loin de Bali

 

Son cratère abrite un lac ovale d'un kilomètre de longueur et de 600 m de largeur. Sa couleur turquoise est due à l'extrême acidité de ses eaux, ce qui lui vaut d'être considéré comme le lac le plus acide du monde avec un pH avoisinant 0,2.

 

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Le lac acide de cratère

(cliché Réjane Hoeuillard)


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Bathymétrie du lac

 

À proximité des berges de ce lac se trouve une solfatare produisant de grandes quantités de minerai de soufre qui se cristallise en concrétions après avoir été émis sous forme de vapeurs. Ces vapeurs, dont la composition chimique est caractéristique des volcans de subduction, sont émises à une température d'environ 200°C et sont principalement composées de dioxyde de soufre (SO2), de sulfure d'hydrogène (H2S), de vapeur d'eau ainsi que d'acide chlorhydrique bien qu'en moindre proportion ce qui leur donne une teinte jaunâtre. Sortant de terre à l'état gazeux, le soufre se refroidit et passe à l'état liquide avant de se cristalliser rapidement en formant des concrétions dont la couleur va du jaune canari à l'orangé. Exploité par des habitants de la caldeira de l'Ijen, la production de ce minerai de soufre est facilitée grâce à la canalisation des vapeurs, ce qui permet une cristallisation plus rapide et plus abondante.

 

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Écoulement du soufre au niveau de la solfatare


La photo ci-dessous représente les détails saisissants, étrangement anatomiques, des formations de soufre provenant de la solfatare du Kawah Ijen. Le soufre est rouge en son état liquide et jaune en son état solide.

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Cliché Michel et Anne-Marie Detay

 

L'origine de cette solfatare s'explique par l'eau du lac acide qui s'infiltre dans le volcan, se réchauffe au contact du magma au point de se vaporiser, de se charger en éléments minéraux pour enfin remonter vers la surface en formant des panaches jaunâtres de vapeur d'eau chargée en éléments minéraux.

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Fonctionnement de la solfatare

 

Des débordements sporadiques dus à l'activité phréatique, centrée dans le lac, ont constitué la principale menace dans la période récente, avec les dangers potentiels d'émission de lahars.

La nature acide de l'eau génère également des problèmes environnementaux. En 1921, un barrage a été construit par les Néerlandais pour réguler le niveau d'eau, mais l'eau s'infiltre à travers le plancher de la caldeira pour former le cours supérieur d'une rivière acide longue de 40 km. Après un premier tronçon de l'intérieur de la caldeira, ce cours a taillé une brèche dans la couronne de la caldeira et atteint la plaine alluviale habitée et cultivée avant de se jeter dans la mer de Java.

Dans ce domaine, la quasi-totalité des eaux du fleuve acide est utilisé pour l'irrigation des plantations de café qui couvrent une grande partie de la région montagneuse au sein de la caldeira.

Le lac du cratère et ses environs constituent un magnifique parc naturel  présentant tout un ensemble de sources chaudes et de cascades dégringolant du versant de la caldeira.

 

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Lac et solfatare

(cliché Réjane Hoeuillard)

 

Histoire géologique


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Genèse de la caldeira Ijen d'après Van Bemmelen (1941) et de Sitorius (1990)


Époque pré-caldeira (fig. A et B)


On suppose que l'activité pré-caldeira a commencé vers 300 000 ans, formant probablement un grand stratovolcan unique (Vieux Ijen) d'une altitude estimée à 3500 m. Les laves et les éléments pyroclastiques de ces dépôts en discordance recouvrent les calcaires du Miocène.

La formation de la caldeira est associée à l'éruption d'un volume important (~ 80 km3) de dépôts de coulées pyroclastiques, qui atteignent une épaisseur de 100-150 m et sont les plus répandus dans le nord de la paroi du complexe. L'effondrement s'est produit vers 50 000 ans si l'on en croit une datation K-Ar (50 ± 20ka) d'une coulée de lave du Mont Blau considérée comme la plus ancienne unité de post-caldeira. C'est à cette époque que le lac s'est formé dans le fond de la caldeira. Les sédiments lacustres comprenant des schistes, du sable et dépôts de chenaux fluviaux affleurent dans la zone nord, près de Blawan.

 

Époque post-caldeira (fig. C à F)


Une activité phréatomagmatique, nappe phréatique, strombolienne et pliniennes) a produit les cônes de la couronne de la caldeira qui sont généralement des édifices composites, et les cônes intérieurs, qui sont principalement construit par les cendres. Ces volcans les plus jeunes ont produit des cônes de cendres et de scories, des coulées de lave, des coulées pyroclastiques et des dépôts de surtension et de matériel d'avalanche de débris qui couvrent maintenant le flux caldeira. La datation au radiocarbone des dépôts pyroclastiques (Sitorius, 1990) ont donné des âges de > 45.000 BP (Jampit), 37.900 ± 1850 (Suket), 29.800 ± 700 (Ringgih), 24.400 ± 460 (Pawenen Vieux), 21.100 ± 310 (Malang) et 2590 ± 60 (Ijen).

 

Les laves de l'Ijen ont une composition qui montre une grande variation de la teneur en silice (46-63 % en poids) passant du basalte à la dacite. Les basaltes ont un taux K moyen à élevé, alors que la plupart des andésites se situent dans le domaine des taux-K élevés.

 

Les produits d'âge pré-caldeira et caldeira montrent une grande dispersion. La composition des laves des volcans centraux de la post-caldeira est plus cohérente.

 

Plagioclase, orthopyroxène, clinopyroxène et oxydes de Fe-Ti apparaissent communément sous la forme de phénocristaux, tandis que l'olivine est relativement limitée à mafiques post-caldeira. En revanche la biotite ne se rencontre pas dans le dôme de lave du Glaman.

 

Risques volcaniques

 

On distingue trois types de zones à risque :

 

  • Une zone qui peut être frappée par des coulées de lave, des coulées pyroclastiques, des lahars éruptifs, des bombes volcaniques et l'émission de gaz toxiques et qui couvre 65 000 km2.

Cette zone concerne les terrains de basse altitude dans la caldeira et la vallée du fleuve Banyuputih vers la côte, et héberge une population d'environ 12 000 âmes (1985). Cette zone d'alerte menacée par des éjectats couvre une zone d'un diamètre de 8 km autour du cratère.

 

  • Un deuxième domaine d'alerte concerné par le risque de lahars en cas de pluie est défini par les vallées fluviales à l'intérieur de la caldeira ainsi que sur les flancs nord-est. Les zones couvrent 68,5 km2 et une population d'accueil de 73 000 âmes réparties dans 68 villages (1985).

 

  • La troisième menace plus modérée consiste en des éruptions phréatiques au niveau du lac qui surviennent parfois dans la région du cratère.

 

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Zones menacées par les lahars, les coulées pyroclastiques,

les laves et les éjectats aériens

 

Exploitation de la solfatare

 

Le minerai de soufre de la solfatare du Kawah Ijen est exploité depuis plusieurs décennies par des villageois de la caldeira de l'Ijen.

 

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La coulée de soufre est dirigée vers des tuyaux

(Cliché Alain Issock)


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Ensemble de tuyaux récoltant le soufre

(Cliché Alain Issock)


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Le soufre est débité en blocs

(Cliché Alain Issock)

 

Afin d'optimiser la récolte de ce minerai, un système de tuyaux métalliques a été installé à la sortie des principales bouches. Les vapeurs sont alors refroidies plus rapidement et la concentration élevée en minéraux accélère leur cristallisation, augmentant par là-même le rendement de cette industrie.

 

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Les blocs sont chargés dans des paniers

(Cliché Alain Issock)


Ce métier n'est pas sans danger pour les mineurs car outre l'effort physique à fournir principalement représenté par la marche en altitude et le portage du minerai, la cohabitation durant des heures avec des composés chimiques est néfaste pour la santé : l'évaporation du lac acide tout proche et les vapeurs dégagées par la solfatare sont hautement chargées en acide chlorhydrique, acide sulfurique, dioxyde de soufre, etc., qui attaquent les muqueuses, les yeux et la peau.

 

Le minerai est exploité à coup de barre à mine sous la forme de blocs de plusieurs dizaines de kilogrammes chacun qu'ils installent dans des paniers. Après avoir gravi la paroi abrupte de la caldeira, ils redescendent leur récolte à jusqu'à un entrepôt d'où des camions convoient le minerai jusqu'à une usine.

 

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Les paniers sont hissés hors du cratère

(Cliché Alain Issock)


Les forçats du soufre sortant de la bouche des enfers

(Vidéo Évelyne Guyenet)


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La pesée (Cliché Alain Issock)


Le minerai sera descendu à dos d'homme jusqu'à un entrepôt où une nouvelle pesée aura lieu puis transporté à l'usine de traitement par camions.

 

Remerciements à la revue GÉO pour la publication de clichés d'un de ses photographes Alain Issock.

 

Voir également : les porteurs de soufre (Vu du ciel, France 3).

 

Sources :

 

Van Bemmelen, R.W., 1941. The Ijen Volcans. VSI Report.

Van Padang, N.M., 1951. Catalogue of the active volcanoes of the world including solfatara fields. Part 1, Indonesia. Inter.Volcanol. Assn. Napoli, Italy.

Van Padang N. M., 1983. - History of the volcanology in the former Netherlands East Indies.  Scripta Geol. 71.

 

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