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24/11/2011

Le Marais de Saône et les circulations souterraines

 

MaraisSaône_logo .jpgLe Marais de Saône et les circulations souterraines

 

par André Guyard et Michel Cottet

 

Sortant de Besançon, lorsque l'on emprunte la RN 57 en direction de Pontarlier et de la Suisse, la route gravit un relief accusé surplombant la vallée du Doubs à l'est de la ville. C'est le Faisceau bisontin. Après son franchissement on débouche sur un plateau, le plateau de Montrond.

 

En contrebas de la surface peu ondulée et boisée du plateau de ce plateau est dégagée une dépression plane et humide : il s'agit du Marais de Saône. Cette zone humide représente une réserve d'eau alimentant différentes sources situées dans la vallée du Doubs (et naguère, peut-être la vallée de la Loue, voir plus loin).

 

C'est le professeur Eugène Fournier, géologue et hydrologue qui s'est intéressé aux circulations karstiques particulièrement intenses dans la région en particulier à la circulation des eaux autour du Marais de Saône. Après avoir fait l'inventaire et la description des cavités, sources et pertes de la région de Saône, il s'est intéressé à la circulation des eaux souterraines issues du marais et démontré la complexité du réseau souterrain d'écoulement des eaux du marais. Ses travaux effectués au début du XXe siècle  ont été corroborés et complétés depuis par les hydrogéologues de l'Université de Franche-Comté sous la direction du professeur Pierre Chauve.

 

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Vue satellite du Marais de Saône
(Document Google Earth)
 
 
Le Marais de Saône a une importance stratégique pour la ville de Besançon : il constitue une part importante de ses ressources en eau potable à travers ses pertes qui vont alimenter les sources d'Arcier exploitées par la Ville (Voir les deux articles concernant la Source d'Arcier). Le schéma ci-dessous retrace les trois périmètres de protection de la zone.

 

Marais_Saône1.jpg
Périmètre de protection des eaux du Marais de Saône
et principales pertes alimentant le réseau aquifère
(Document Ville de Besançon vue grossie : Marais_Saône.pdf)

 

Périmètres_protection.jpg
Légendes de la figure précédente

 

À la suite d'Eugène Fournier, différentes cavités ont été signalées. Elles ont été répertoriées par Pierre Chauve. L'ensemble de ces cavités débouche sur un réseau d'aquifères qui parcourt le karst sous-jacent. Sur la carte ci-dessous, on voit que le sous-sol est constitué majoritairement par les calcaires faillés du jurassique moyen appartenant au Faisceau bisontin. L'examen des couches sédimentaires montre que l'installation du Marais de Saône s'est faite, en partie au moins, postérieurement aux cailloutis périglaciaires qui le bordent.

 

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Carte géologique du Marais de Saône
 
 
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Légendes de la carte géologique du Marais de Saône
 
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Vue aérienne du Marais de Saône

On aperçoit la "voie romaine"

et les étangs communaux et des chasseurs

(Cliché Michel Cottet, 29 avril 2008)

 

Sur le cliché ci-dessous, on aperçoit à l'arrière-plan le village de la Vèze. À gauche, la piste de l'aérodrome de la Vèze. Au premier plan, la voie ferrée et la RN 57 entaillent le Marais de Saône.

 

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Vue aérienne du Marais de Saône

(Cliché Michel Cottet, 29 avril 2008)

 

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Marais de Saône en hautes eaux estivales
(Cliché Michel Cottet, 10 août 1987)

 

Alimentation du Marais de Saône

 

Le marais est alimenté par différentes sources (Buvette, Neuf Puits, le Fou…) et de ruisseaux : ruisseau du Bief d'Aglans, ruisseau des Grands Terreaux, ruisseau des Alaines, ruisseau du Pontot et… de l'effluent de la station d'épuration.

 

Les Fosses de Saône

 

Il s'agit de plusieurs vastes dolines de forme elliptique cernées de falaises abruptes. Bordées de diaclases, dont la plus spectaculaire, longue d'une cinquantaine de mètres, a été élargie par l'érosion. La grande fosse absorbe plusieurs ruisselets temporaires.

 

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La diaclase voisine des Grandes Fosses en moyennes eaux

(Cliché Michel Cottet, 10 août 1987)

 

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Diaclase latérale des Grandes Fosses à sec

(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)

 
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La Grande Fosse en début de décrue
Le niveau maximal de la crue est marqué par l'argile
recouvrant la végétation

(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)

 

Le Creux sous Roche

 

Situé à une altitude de 367 m, le Creux sous Roche constitue l'exutoire commun du Marais de Saône et peut absorber jusqu'à 10 m3/s. Il s'agit d'un poljé, c'est-à-dire une vaste dépression karstique de forme complexe alimentée par plusieurs ruisseaux. Il se présente comme un entonnoir à fond aplati, des pentes moyennes à douces vers le Nord, l'Ouest et le Sud-Ouest et fermée par des parois rocheuses verticales à l'Est et au Sud-Est. Le Creux sous Roche comporte plusieurs pertes. Il récupère les eaux du ruisseau souterrain issu de l'exurgence de l'Œil de Bœuf, de la Fontaine du Grand Saône, du ruisseau de la Vèze, du ruisseau de la Scierie et du ruisseau des Grands Terreaux.

 

Le cliché ci-dessous montrent les deux ruisseaux du Creux sous Roche en moyennes eaux. Le flux arrivant sur la gauche rassemble le ruisseau des Grands Terreaux et celui de la Vèze qui confluent quelques dizaines de mètres en amont dans la pente ouest de la dépression. Le ruisseau arrivant en face provient quant à lui des sous-écoulements du village de Saône, du sous-écoulement de l'exurgence de l'Œil de Bœuf, de la Fontaine du Grand Saône, avec un regard pénétrable sur le cours souterrain, juste en amont, en paroi est du poljé.

 

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Les deux ruisseaux du Creux sous Roche en moyennes eaux

(Cliché Michel Cottet, 31 mai 2006)

 

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Creux sous Roche en période d'étiage
On distingue au fond la perte des deux ruisseaux
(Cliché André Guyard)
 
 
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Poljé et perte principale du Creux sous Roche
en basses eaux
(Cliché aérien Michel Cottet, 29 avril 2008)

 

Absorbant les eaux de ces ruisseaux en période normale, le poljé sature en période de grandes eaux car les pertes n'ont pas un débit suffisant pour absorber le débit.  Le goulot de la faille de Mamirolle alimente l'ensemble du système, remplit les fosses de Saône et le Creux sous Roche et submerge le Marais qui se transforme alors en un vaste lac qui atteint une profondeur maximale de 17 m durant plusieurs semaines.

 

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Marais de Saône en hautes eaux estivales

(Cliché Michel Cottet, 10 août 2007)

 

Protégés par une grille, deux petits puits artificiels permettent de pénétrer d'une dizaine de mètres dans la diaclase en direction sud. En profondeur, l'accès est limité à 15 mètres par un colmatage de la diaclase.

 

Creux_sous_Roche301.jpg
Creux sous Roche en période d'étiage
On aperçoit sous la falaise les deux puits artificiels
(Cliché André Guyard)

 

Le parcours souterrain des eaux du Creux sous Roche reste inconnu. Sans doute, les eaux empruntent-elles la faille de Mamirolle pour franchir la couche imperméable de l'Oxfordien.  Elles se perdent pour ressortir à Arcier au Nord dans la vallée du Doubs .

 

D'après E. Fournier elles ressortaient également à la fin du XIXe siècle près de Cléron au sud dans la vallée de la Loue (voir plus bas). Comme dans d'autres réseaux de la région, les circulations souterraines se sont probablement modifiées. En effet, de récents traçages pratiqus dans les années quatre-vingt montrent uniquement un transit vers les sources d'Arcier.

 

Diaclase du creux sous Roche

 

Ce petit puits de 5 m de profondeur est sujet à un phénomène curieux. Lorsque les fosses se vident, le  niveau des eaux baisse plus rapidement dans les fosses que dans cet entonnoir et dans cet entonnoir plus rapidement que dans celui du Creux sous Roche.

 

Le cheminement des eaux souterraines du Creux sous Roche

 

À l'aide de colorations à la fluorescéine (1899) à partir du Creux sous Roche, E. Fournier a pu vérifier que la coloration se retrouve à la fois aux sources d'Arcier et le long de la Loue, aux sources du Maine à Scey en Varais, de l'Écoutot et du Moulin des Îles à Cademène en aval de Cléron. D'après Fournier, cette coloration se retrouve presque exclusivement à la Loue en période de basses eaux, alors qu'elle y est imperceptible en hautes eaux, les sources d'Arcier la recevant (presque) totalement, observations corroborées par Jeantot (1901-1902).

 

D'après Fournier, la circulation vers Arcier, emprunte la faille de Mamirolle vers le Nord, passe en dessous de la circulation des eaux souterraines (du moins une partie) qui vont de Mamirolle à Saône. Le collecteur souterrain est alimenté ensuite par les eaux collectées du côté de Gennes, de belles dolines en marquant le parcours, puis par les eaux de Naisey et (partiellement) de Bouclans, après leur brève réapparition entre Nancray et les pertes du bois de Faule.

 

En ce qui concerne la vallée de la Loue, les sources du Moulin des Îles à Cademène, de l'Écoutot et du Maine à Scey-en-Varais reçoivent l'essentiel de leur alimentation des pertes du plateau de Montrond le Château. Suivant la faille de Mamirolle vers le sud, une partie du cours d'eau souterrain issu du Creux sous Roche rejoindrait le collecteur du plateau de Montrond, alimenté avec certitude dès les pertes de la Baraque aux Violons et celles des Cloutiers.

 

Les travaux ultérieurs à Fournier montrent que ces sources sont aussi alimentées par les pertes des plateaux de Valdahon, de Passonfontaine, de Chaux-les-Passavant, voire par celles de la Brême elle-même. Pierre Chauve retient cette hypothèse sans aucune réticence en 1975 dans le Guide géologique du Jura.

 

L'inventaire des circulations souterraines de 1979, qui présente la garantie du Laboratoire de géologie structurale et appliquée de l'Université de Franche-Comté cautionne approximativement les propositions de Fournier. Le Creux sous Roche est alimenté via la fontaine du Grand Saône (les marais mis à part) depuis Mamirolle et Naisey ; il alimente à son tour d'une part les sources d'Arcier, d'autre part les sources du Moulin des Iles, de l'Écoutot et du Maine.

 

En revanche, l'actualisation de cet Inventaire des circulations souterraines en 1987 indique que deux colorations successives faites en 1984 au Creux sous Roche ont abouti aux sources d'Arcier. De manière plus surprenante, il ne signale plus qu'Arcier comme aboutissement des colorations de 1901-1902 par Jeantot, seules celles de Fournier en 1899 confirmant donc la liaison avec la Loue. En conséquence, la carte des écoulements n'indique plus cette liaison qu'en pointillés. Notons en passant que cette carte ignore les liaisons de Mamirolle et de Naisey à la Fontaine du Grand Saône.

 

Enfin, l'Inventaire Spéléologique du Doubs 2 affirme que ces résultats de coloration des sources de la Loue ne doivent pas être retenues, n'ayant jamais été confirmées ultérieurement : le Creux sous Roche alimente exclusivement les sources d'Arcier.

 

Bibliographie consultée

 

Fournier E. : Gouffres, grottes, cours d'eaux souterrains, résurgences etc. du département du Doubs (Besançon, 1919).

 

Fournier E. : Explorations souterraines en Franche-Comté en quatre volumes : les Gouffres (Besançon, 1923), Grottes et rivières souterraines (Besançon, 1923), Les eaux souterraines, sources, résurgences, exsurgences et nappes aquifères (Besançon, 1926).

 

Fournier E. : Phénomènes d'érosion et de corrosion spéciaux aux terrains calcaires et applications scientifiques et pratiques de la spéléologie et de l'hydrologie souterraine (Besançon, 1928).

 

Chauve P. : Jura, Guides géologiques régionaux (Masson, 1975).

 

Chauve P., Peguenet J., Tissot G., Tresse P. : Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté (Université de Besançon, Besançon, 1979).

 

Chauve P., Dubreucq F., Frachon J.C, Gauthier A., Mettetal J.P., Peguenet J. : Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté, mémoire 2 (Annales scientifiques de l'Université de Besançon, Besançon, 1987).

 

Comité départemental de Spéléologie du Doubs : Inventaire spéléologique du Doubs tome 2, Partie Nord-Ouest (Besançon, 1991) ; tome 3, partie centre (Besançon, 1996).

 

B. Hufschmitt. Partiellement édité dans « Saône votre commune », numéros 36, 37, 38.

 

Remerciements au Professeur Pierre Chauve dont les écrits ont fourni une grande partie du texte de cet article.

Remerciements à Michel Cottet, écoguide qui m'a communiqué les documents photographiques et contribué largement à la correction du manuscrit.