28/12/2011
Les ocres de Roussillon en Provence
Les ocres de Roussillon en Provence
le Colorado provençal
Les ocres du Luberon fascinent. De Roussillon à Gignac, en passant par Villars, Gargas et Rustrel, les anciennes carrières d'ocre de la vallée d'Apt (Vaucluse) dont l'exploitation est abandonnée depuis près de soixante ans, les flamboyantes couleurs des ocres attirent une foule de touristes et d'artistes.
Situation de Roussillon en Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
Roussillon entre Gordes et Apt
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Le village de Roussillon et le sentier des ocres
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Roussillon en Luberon représente le plus grand gisement d'ocre du monde. Sa célébrité vient de cette terre magique, imprégnée d'oxydes éclatant en des teintes qui parcourent le spectre du violet sombre au jaune dessinant une palette de rouges, de roses et d'oranges. Le sol est rouge flamboyant, par endroit orangé. Parfois il tire sur le jaune ou même le vert et avec le soleil couchant, il vire au violet sombre. Les ocres colorent les paysages du Luberon et également les maisons du village. "Cette colline incandescente est l'endroit le plus difficile à décrire car, pour bien la raconter, il ne faut ni mots ni dessins au trait, mais une palette de peintre" s'enthousiasme Patrick Ollivier-Elliott.
On connaît l'importance de l'ocre pour l'espèce humaine Homo sapiens sapiens. L'ocre est l'objet d'anciennes pratiques en Afrique il y a quelque 300 000 ans. Elle fait l'objet d'un usage cosmétique, marqueur culturel de l'espèce quand l'espèce quitte l'Afrique il y a 60 000 à 70 000 ans. Ce fard rouge représente alors pour les femmes un tabou d'inaccessibilité aux mâles avant le retour de la chasse. C'est également un marqueur de parenté au sein du clan et un signe cosmologique. L'ocre est abondamment utilisée dans l'art pariétal pour les peintures rupestres qui ornent les grottes comme la grotte Chauvet ou la grotte Cosquer et constitue un marqueur de la spiritualité de l'espèce humaine.
L'ocre est redécouverte par les Romains, oubliée jusqu'à la Révolution et ensuite commercialisée pendant un siècle dans le monde entier pour ses propriétés colorantes inaltérables. Pigment naturel, l'ocre fait aujourd’hui un retour en force, redonnant vie à de nombreuses activités, touchant la peinture, la décoration, la poterie et le bâtiment.
Carte géologique du Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
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Légendes de la carte géologique du Luberon
(Document : parc naturel régional du Luberon)
Histoire géologique du Luberon
L’histoire géologique du Luberon explique l'origine et la genèse des ocres de la région. Elle est rythmée par une succession d’événements en particulier le dépôt de sédiments marins, lagunaires ou lacustres : calcaires, marnes, sables… Les fossiles d’animaux et de végétaux retracent l’évolution des climats et des paysages et permettent la datation de ces dépôts. Enfin, failles et plis attestent des fortes tensions et des étirements qu’a subi le territoire.
Cette histoire peut être retracée jusqu’à 160 millions d’années, âge des plus anciennes roches présentes sur le Parc.
De -160 à -100 millions d'années : la mer couvre la région
Depuis 40 millions d'années (-200 Ma) la Provence est recouverte par la mer. Les sédiments marins se transforment en roches, principalement des calcaires et des marnes. Il y a environ 120 millions d’années, dans des eaux chaudes et peu profondes, abondent rudistes, oursins, coraux et algues calcaires. Les roches qui témoignent de cet épisode sont les calcaires blancs, massifs, dits « urgoniens » qui occupent aujourd’hui les monts de Vaucluse, le Petit Luberon, les Calanques de Marseille…
Vers -110 Ma,
par suite de la poussée de la plaque africaine, un mouvement général d'approfondissement se produit en Provence. La région est ennoyée et des argiles grises recouvrent les calcaires urgoniens. Se déposent ensuite des sables, issus de l’érosion des massifs émergés. Dans la mer, ce sable est coloré en vert par un minéral argileux contenant du fer, la glauconie.
-100 millions d'années : les ocres, résultat d'une émersion
Vers -100 Ma, la poussée de la plaque africaine entraîne un épisode de plissement et un lent soulèvement. Une bande de terre émerge entre Massif central et Maures, c'est le « bombement durancien ». Les sables verts subissent une profonde altération sous l'action d'un climat tropical humide. Les sables verts vont donner les sables ocreux du bassin d’Apt.
-50 millions d'années : paysages africains
Dans la région, le climat est très sévère. Règne une savane aride où évolue une faune de mammifères, herbivores et carnivores, dont de nombreux fossiles ont été retrouvés à Saint-Saturnin-lès-Apt.
Il y a environ 40 millions d'années,
une nouvelle phase de plissement, dite « pyrénéo-provençale » se produit. Le Luberon, ainsi que les autres reliefs provençaux d’orientation est-ouest (Ste-Victoire, Ste-Baume, Nerthe, etc.), se mettent en place.
-35 millions d'années : naissance des grands lacs
Des mouvements d’étirement de l'écorce terrestre entraînent la mise en place de grands fossés d'effondrements, en Alsace, en Limagne, en Bresse et dans le Luberon. Limités par des failles, ces fossés vont favoriser l'installation de grands lacs et lagunes où se déposent des marnes, des grès et des calcaires. Ces dépôts sont exceptionnels par leur épaisseur (600 mètres à Apt, 3000 mètres à Manosque) ainsi que par leur richesse en substances utiles qui ont été ou sont encore exploitées: sel, gypse, lignite, soufre, etc.
C’est de cette époque que datent la majorité des sites de la Réserve Naturelle géologique du Luberon.
-20 millions d'années : le retour de la mer au Miocène
Autour de –20 millions d’années, au Miocène, sous un climat chaud, la mer revient sur le territoire. Elle dépose tantôt de la molasse, calcaire riche en débris d’organismes tels que les coquilles St-Jacques, les huîtres…, tantôt des safres, calcaires plus sableux, très sensibles à l’érosion.
La mer miocène balaie le territoire du Luberon à plusieurs reprises pendant près 10 millions d’années. Pendant ce temps, le massif s’élève lentement. À ses pieds, il abrite une faune de savane (gazelles, cerfs, rhinocéros, éléphants, tigres...) dont les fossiles ont été trouvés à Vaugines et à Cucuron.
La formation du Luberon s’achève à –5,8 millions d’années.
De –5,8 à -2 millions d'années : histoire mouvementée de la Durance
À –5,8 Ma, le détroit de Gibraltar se ferme et l’eau de la Méditerranée s’évapore. Le niveau baisse de plus de 1000 mètres ! En réponse à cet événement, les cours d’eau riverains creusent de profond canyons. Il en est ainsi pour la Durance et certains de ses affluents (Régalon, Aigue-Brun, Eze).
La remise en eau du bassin méditerranéen intervient après l’ouverture du détroit de Gibraltar, vers –5,3 Ma. Un bras de mer, appelé ria, occupe le canyon de la Durance et se prolonge dans ses affluents. Au coeur des gorges de Régalon, des sables marins sont encore présents, protégés dans deux grottes.
Progressivement, les rivières occupent à nouveau leur cours. Elles déposent des alluvions et repoussent rapidement le rivage vers aval. De cette reconquête, il reste les cailloutis duranciens dits de Valensole II, à Mirabeau, ainsi que les anciens lits de l’Èze et de l’Aiguebrun.
De -2 millions d'années à nos jours : le Quaternaire
La grande originalité du Quaternaire est la succession de grandes glaciations entrecoupées d'épisodes interglaciaires. Les glaciers sont parvenus jusqu'à Sisteron mais n'ont jamais atteint le Luberon. Toutefois les paysages sont profondément marqués par ces bouleversements climatiques. L'érosion intense a entaillé les reliefs de profonds ravins.
Le sentier des ocres
(Panneau explicatif)
Itinéraire du sentier des ocres
(Panneau explicatif)
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L’ocre est une poudre naturellement jaune qui peut devenir rouge après oxydation. Sa palette varie du jaune pâle au rouge en passant par les orangés. Elle s’extrait par décantation d’un minerai siliceux dont les poussières les plus fines constituent un kaolin (argile), chargé naturellement en oxyde de fer (qui donne la couleur).
L’ocre est un pigment naturel, non toxique pour la peau. L'ocre était autrefois extrait dans de nombreuses régions, et désormais l'ocre est par endroit exploité en France, en Bourgogne et en Provence.
Du point de vue chimique, il s'agit d'oxydes mélangés à de l'argile, du sable, qui s'étirent en des veines sinueuses émergeant dans les collines de Roussillon ou s'enfonçant sous terre autour d'Apt (où on allait les chercher par d'interminables galeries). D'autres manifestations d'érubescences de même genre se retrouvent dans le célèbre Colorado de Rustrel et dans les carrières de Bédoin.
(Panneau explicatif)
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Utilisation des ocres de Roussillon
L'utilisation des ocres remonte à la préhistoire et sert à colorer les premières poteries, à dessiner les premiers graphismes pariétaux, au maquillage ou à l'accomplissement de rites religieux. Avec les Romains, on assiste à une exploitation industrielle, arrêtée avec la chute de l'Empire.
Selon Patrick Ollivier-Elliott, "il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour que Jean-Etienne Astiers redécouvre les vertus des ocres et les fasse connaître aux Marseillais d'abord, puis à la France et à l'Europe entière. Brusquement le sous-sol de Roussillon se perce de galeries comme un terrain de taupinières, des centaines puis un millier d'ouvriers forent, extraient, lavent des milliers de tonnes de couleurs : de 1910 à 1930, les pointes annuelles de production monteront à 35 000 tonnes. Les utilisations sont multiples, d'autant plus inattendues que le colorant, une fois isolé par un procédé qui s'apparente un peu à celui des marais salants, s'avère posséder deux caractéristiques alléchantes : une relative innocuité lui ouvrant la voie des usages alimentaires, et une grande plasticité quand il est mis en pâte aqueuse. Aussi emploie-t-on, durant tout le XIXe siècle et le début du XXe, les ocres dans le chocolat, le rouge à lèvres, le fond de teint, les peintures, mais aussi dans le polissage des surfaces ou le malaxage du caoutchouc."
Si l'exploitation des ocres apporte une certaine richesse, elle génère en contrepartie quelques nuisances qui font grogner les Roussillonnais : les poudres sont légères et portées par les vents qui parcourent la vallée d'Apt les immiscent jusqu'à l'intérieur des habitations.
Un autre danger : les innombrables galeries finissent par miner la région d'autant que le village lui-même a des assises fragiles : la chute d'une partie de la falaise au milieu du XIXe siècle a menacé de faire s'écrouler l'église. Mais ceci ne suffit pas à freiner le développement des ocres, dont l'apogée se situe vers les années 1910, et pour lesquelles on installe spécialement une gare afin d'en faciliter l'expédition hors de la région.
Dès l'entre-deux-guerres, la concurrence des colorants chimiques entraîne une chute de la consommation qui s'écroule après la Deuxième Guerre. Les dernières exploitations vont fermer une à une et, en 1953, l'exploitation de l'ocre roussillonnaise est définitivment arrêtée.
L'ocre sert principalement aujourd’hui à colorer les peintures et les enduits, fabriquer les teintures. Il sert également dans la teinte des émaux, papiers, encres... Il est fortement concurrencé par tous les colorants chimiques utilisés aujourd'hui en peinture, en teinturerie, en cosmétique ainsi que dans l'alimentation.
La végétation des ocres
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(Panneau explicatif, détail)
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Le village de Roussillon en Provence
Roussillon posé sur sa colline d'ocre
Perché au cœur des gisements maintenant en sommeil, Roussillon est avant tout une palette de peintre, un lieu magique, où les combinaisons d'oxydes confèrent à ses ocres une infinie variété de couleurs, que l'on retrouve dans le paysage, sur les façades de ses maisons ou en trompe l'œil sur un portail. Avec une histoire qui plonge ses racines dans un passé millénaire, son charme est essentiellement dans le dédale de ses ruelles et dans ses couleurs. Grâce à sa chaude lumière, même hors saison, c'est un village de douceur de vivre et d'accueil (galeries et artisanat d'art) ; Roussillon est aussi un village gastronomique.
Les maisons de Roussillon empruntent leurs couleurs à leur environnement. Elles sont plus bariolées que nulle part ailleurs en Provence.
Une rue centrale sinueuse conduit au Castrum là où s'élevait autrefois le château médiéval. Les portes et les façades de maisons des XVIIe et XVIIIe siècles agrémentent le parcours.
Les maisons de Roussillon empruntent leurs couleurs à leur environnement
La place de l'église
Quelques friandises qui font le bonheur des dames
Le Conservatoire des Ocres
Située au cœur du massif des ocres, à Roussillon dans le Luberon, en Provence, l’ancienne usine d’ocre Mathieu est un centre sur les matériaux de la couleur.
À l’instar d’un conservatoire de musique, le Conservatoire des ocres est un lieu de pratique, de transmission et de partage des savoir-faire liés à la couleur.
Les 5 hectares du site de lavage des ocres ont gardé tout le caractère de cette industrie, et les 2000 m2 des anciens moulins à ocre abritent aujourd’hui le Conservatoire, lieu de pratique et d’apprentissage de la couleur, ouvert toute l’année aux amateurs comme aux professionnels.
L'ensemble des activités du Conservatoire des ocres permet de découvrir, d’utiliser et d’acquérir les ocres et les matières colorantes et de promouvoir leurs praticiens.
Un Jardin des Teinturiers™ permet de s’initier aux couleurs végétales, dont le Vaucluse fut grand producteur.
Les bâtiments accueillent régulièrement des rencontres qui peuvent également être à l'initiative d’autres organismes liés au sujet des couleurs par location de salles.
Sources :
- Dépliant touristique du village de Roussillon en Provence
- Dépliant touristique du parc naturel régional du Luberon
- Panneaux explicatifs disposés le long du sentier des ocres
- Patrick Ollivier-Elliott (1996) - Luberon, Carnets d'un voyageur attentif, éditions Edisud
10:38 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : ocre, roussillon en provence, provence, luberon | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | |