27/11/2009
Les sources d'Arcier
Les sources d'Arcier
par André Guyard & Michel Cottet
(dernière mise à jour : 19/03/2013)
Situation géographique et cadre géologique
Les sources d’Arcier, spectaculaires émergences karstiques, apparaissent à 275 m d'altitude en bordure de la plaine alluviale du Doubs, au fond d’un court vallon aux parois abruptes, entaillé dans les calcaires du Séquanien supérieur. Ces sources sont situées sur la commune de Vaire-Arcier à proximité du cours du Doubs, en amont de la ville de Besançon., au pied du faisceau bisontin. Elles drainent le plissement formant le relief de Montfaucon, ainsi que le plateau de Saône, vaste zone déprimée occupant le fond d’un synclinal parcouru par des écoulements superficiels se perdant dans les calcaires.
Surplombant immédiatement la zone des griffons, on trouve, vers le Sud, un puissant anticlinal de Jurassique moyen qui chevauche les calcaires du Jurassique supérieur de la source. Ce plissement, le plus méridional du faisceau bisontin, forme le rigoureux relief de Montfaucon qui culmine à 617 m d'altitude. Ensuite, toujours vers le Sud, les calcaires s'abaissent et s'ennoient sous les marnes de l'Oxfordien. Contrastant avec le relief précédent, vient ensuite plus au Sud, le plateau de Saône d'altitude moyenne 400 m ; il correspond à un large synclinal peu marqué limité au Sud par les reliefs de l'accident de Mamirolle. Cette zone constitue un vaste bassin fermé parcouru par des écoulements superficiels qui se perdent dans les calcaires soit du Jurassique supérieur dans le cas du Creux-sous-Roche, exutoire du marais, soit du Jurassique moyen pour le ruisseau de Nancray.
Les sources d’Arcier sont issues de quatre cavités principales connues :
- la Source d'Arcier proprement dite également appelée source du Martinet, ou du Canal de Jules César (développement 285 mètres, dénivellation 5 m). L'entrée de la grotte est impénétrable et fermée d'une grille. Cette source principale a été captée à l’époque romaine (en l’an 170) pour alimenter Besançon en eau.
Le cliché suivant montrent les deux galeries amont de la Source d'Arcier à leur confluence dans la grotte, en basses eaux. Le départ de l'aqueduc actuellement en service se situe à droite de l'image.
Courbe cumulative des débits classés
Hydrogramme de crue
- La Source d'Arcier alimentant la pisciculture en contrebas.
- la source supérieure (fossile) d'Arcier au-dessus de la source passe (développement 45 mètres, dénivellation 4 m) ;
L'exploration spéléologique est stoppée par des trémies (effondrements de la voûte de la galerie principale en amont et en direction des sources Bergeret) ;
- la source Bergeret inférieure (développement 51 mètres, dénivellation 4 m) ;
- la source Bergeret supérieure (développement 40 mètres, dénivellation 2 m).
Situées à 600 mètres des sources d'Arcier, les sources Bergeret sont constituées d'une source permanente, de petites sources latérales impénétrables fonctionnant en crue et d'un orifice supérieur temporaire de crue.
Source Bergeret en basses eaux
(Cliché André Guyard)
Origines de l'alimentation des sources d'Arcier
On sait depuis E. Fournier au début du XXe siècle que les eaux du marais se perdent au Creux sous Roche pour ressortir aux sources d'Arcier.(voir article concernant le Marais de Saône).
Carte des traçages
(document DIREN)
Atlas orogéologique de la région des sources d'Arcier
Rappelons que les colorations à la fluorescéine à partir du Creux sous Roche pratiquées par Fournier (1899) puis par Jeannot (1901-1902) montrent que le cours d'eau emprunte la faille de Mamirolle vers le Nord. Le collecteur souterrain est alimenté ensuite par les eaux collectées du côté de Gennes, avec un parcours marqué en surface par un chapelet de dolines, puis par les eaux de Naisey et (partiellement) de Bouclans, après leur brève réapparition entre Nancray et les pertes du bois de Faule. En novembre 1901, la réapparition a lieu 7 fois sur 12 aux sources d'Arcier dont une seule fois à la source Bergeret et deux fois à la source de la pisciculture.
Les nombreux essais de coloration de 1899 à 1902 avaient abouti à une hypothèse originale sur le devenir des eaux infiltrées au Creux-sous-Roche, hypothèse qui envisageait un drainage à l'étiage vers la source du Maine (au Sud dans la vallée de la Loue) et vers la source d'Arcier au Nord en crue. Au cours des années, les hypothèses ont divergé sur le cheminement exact emprunté par les eaux. Or, deux essais de traçages réalisés en 1985 ont montré qu'en basses eaux, comme en hautes eaux, l'exutoire du Creux-sous-Roche était exclusivement les sources d'Arcier Bergeret. Les résultats des expériences du début du siècle étant incontestables, il faut bien envisager un changement radical des écoulements souterrains dans ce secteur.
D'autres colorations et la structure géologique ont permis de préciser les autres limites du bassin versant dont la surface est estimée à 102 km2. Le module est de 1,58 m3/s.
L'inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage reconnaît différentes sources d'alimentation pour les exurgences d'Arcier. L'actualisation de cet Inventaire des circulations souterraines en 1987 indique que deux colorations sucessives faites en 1984 au Creux sous Roche ont abouti aux sources d'Arcier. (Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté (1987) Annales scientifiques de l'Université de Besançon, Mémoire n°2).
Trois profils géologiques parallèles dans le système aquifère Saône-Arcier
(d'après Dreyfuss et Chauve, 1971)
Source d'Arcier. Étiage du 17/10/1983 au 25/11/1983
Le tableau ci-dessous indique l'origine des eaux exurgeant à Arcier, la date du traçage, la distance à vol d'oiseau jusqu'à Arcier, le temps et la vitesse de réapparition du colorant.
Origine |
Date |
Distance en m |
Temps en h |
Vitesse en m/h |
Entonnoir du Moulin Vieux Nancray |
1893-1894 |
2950 Arcier |
9,5 |
310 |
Creux sous Roche (Saône) Fontaine du Grand Saône |
1901-1902 |
6000 Arcier |
19 à 162 |
315 à 37 |
Creux sous Roche (Saône) Fontaine du Grand Saône |
1901-1902 |
5850 pisciculture |
218 |
27 |
D’autres colorations et l’analyse de la structure géologique ont permis de définir les limites du bassin d’alimentation de la source. Son étendue est de l’ordre de 100 km2 et son débit moyen de 1,6 m3/s.
La définition des périmètres de protection de ce captage a débuté en 1986 ; en raison de la complexité du dossier et des nombreux acteurs associés à cette démarche, le premier rapport n’a pas eu de suite. Il prévoyait la mise en place d’un périmètre rapproché couvrant la totalité du bassin d’alimentation ; si les vitesses de circulations justifiaient ce dimensionnement, son application administrative rencontrait des difficultés insurmontables avec, par exemple, l’inscription aux hypothèques des contraintes pour toutes les parcelles concernées. De plus, ces contraintes ne dépassaient guère le cadre administratif existant.
Les temps de passage pour les traçages depuis les dolines de Gennes et les pertes des ruisseaux de Nancray sont considérablement plus rapides que ceux depuis le Creux sous Roche. Il s'en suit une plus grande vulnérabilité de l'aquifère. Cette constatation a entraîné la suppression de la Step de Nancray avec un transfert de bassin sur le ruisseau du Gour à Bouclans avec la création d'une Step intercommunale. Ainsi les effluents de cette Step se retrouvent dans le Doubs à Laissey par l'intermédiaire du ruisseau le Rougnon.
Diagramme du fonctionnement du
système Marais de Saône-Arcier
(d'après J.-P. Mettetal)
Utilisation de l'eau des sources d'Arcier
Les eaux des sources sont utilisées essentiellement pour l'alimentation de la ville de Besançon. Mais les sources alimentent également des ruisseaux qui vont rejoindre le Doubs tout proche.
Le ruisseau issu des sources Bergeret traverse une propriété avant de rejoindre le ruisseau issu de la pisciculture.
En ce qui concerne les sources d'Arcier proprement dites, des ruines encore visibles témoignent d'une ancienne occupation humaine :
- une forge dotée d'un martinet.
- Au XVe siècle, d'après Jaccottey (Achéologia), est avérée l'existence d'une papeterie au niveau des sources et d'un moulin à quelque deux kilomètres.
- une pisciculture qui a fonctionné de 1945 à 2003. Une étude fondée sur la méthode des indices biotiques (J. Verneaux, I.B.G.N) menée par les étudiants du DESS d'Hydrobiologie de la Faculté des Sciences de Besançon (1995) n'avait pas mis en évidence une pollution due à cette entreprise, ce qui prouvait le bon fonctionnement des installations.
Abandonnées au Ve siècle, les sources sont expropriées par la ville de Besançon en 1839 et un nouvel ouvrage est réalisé (1850-1854) alimentant la station de traitement des eaux de la Malate qui fournit 20 000 m3 d'eau par jour à la ville.
Des épidémies répétées de fièvres typhoïdes rendent indispensable sa stérilisation qui est achevée en 1924.
L'aqueduc romain d'Arcier
La source d'Arcier, spectaculaire résurgence karstique, a été captée à l'époque romaine pour alimenter la ville de Vesontio (Besançon actuel) en eau potable. Des vestiges de cet aqueduc qui amenait l'eau par gravité jusqu'au niveau du square Castan sont encore visibles sur 500 m environ. Une association s'emploie à sa sauvegarde avec l'appui de la ville de Besançon (voir à ce sujet le reportage de France 3-Franche-Comté).
Dressé par le Service Régional d'Archéologie, un état de l'aqueduc d'Arcier permet de retracer les étapes de la construction de la canalisation.
La construction de cet aqueduc est postérieure à l'an 70 après J.-C. comme l'atteste la découverte d'une monnaie du temps de Vespasien (69-79), empereur qui succéda à Néron. On peut donc faire remonter sa construction à l'époque flavienne. La nécessité de cette édification s'imposa vite car, à cette époque, Vesontio, l'antique Besançon, souffrait d'un manque d'eau pour alimenter les fontaines et les thermes de la ville.
L'aqueduc représentait un édifice remarquable qui amenait l'eau d'Arcier par gravité jusqu'au niveau de l'actuel square Castan. La pente générale en était de 21,99 m pour une longueur de 9907 m, soit une inclinaison de 0,22 %. (Archéologia n° 355, avril 1999). Bien qu'ils soient dissimulés par la végétation et les constructions plus récentes, ses vestiges sont encore visibles le long de la vallée du Doubs au niveau de Chalèze et de la Malate.
Exploration des vestiges de l'aqueduc romain
(Cliché Michel Cottet)
Après la Chute de l'Empire romain, l'édifice ne sera plus utilisé et, au cours des siècles, il subit une dégradation progressive. Il aurait pourtant pu être encore fonctionnel puisque, d'après Chifflet, le 9 août 1324, l'un des segments situé à proximité de l'Archevêché, c'est-à-dire au niveau de son arrivée à Besançon, "laissa échapper un torrent qui excita l'admiration générale".
À deux reprises en 1681 puis en 1819, la remise en état est envisagée. Il faut attendre le XIXe siècle avec les archéologues Clerc, Droz puis Castan, pour que l'édifice soit considéré comme digne d'intérêt patrimonial.
Documents photographiques : André Guyard et Michel Cottet
Documentation : Inventaire des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté (1987) - Annales scientifiques de l'Université de Besançon, Mémoire n°2.
18:03 Publié dans Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Tags : source, karst, jura, exsurgence, circulation souterraine, résurgence | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | |
02/10/2009
Source de la Loue et gorges de Nouailles
Le mardi 13 août 1901 à 12 h, une forte odeur d’absinthe est décelée à la source de la Loue et jusqu’à 25 km en aval ; le fils du chimiste Berthelot (Marcellin), en vacances à Mouthiers, envoya pour analyse à son père, un échantillon d’eau de la Loue ; Berthelot conclut à l’origine non naturelle de cette odeur !
Le 31 août 1910, 100 kg de fluorescéine sont déversés dans le Doubs en amont de Maison-du-Bois par E. Fournier. La coloration réapparaît deux jours plus tard à la source de la Loue.
Or, le débit moyen du Doubs est de 5 m3/s ; celui de la Loue à sa source est de 10 m3/s : d'autres cours d’eau souterrains viennent donc alimenter la Loue, en plus des propres pertes du Doubs.
En 1978, 10 kg de fluorescéine sont déversés au gouffre du Gros Foyard par le laboratoire de géologie de Besançon, sous la direction de P. Chauve ; le colorant réapparaît 4 jours après à la source de la Loue.
En décembre 2008, le cabinet Reilé déverse de la fluorescéine dans un réseau souterrain au niveau du Château de Joux au niveau de la Cluse-et-Mijoux : le colorant réapparaît quelques jours plus tard à la source de la Loue (voir article prochain).
Toutes ces expérimentations confirment que la Loue constitue une résurgence du bassin du Doubs dans la région de Pontarlier à 800 m d'altitude.
Hibou Grand Duc
Même le Circaète Jean-le-Blanc s'est récemment montré dans la vallée de la Loue
Les bords du plateau ainsi entamé par la reculée sont couverts d'une forêt sèche.
Polypore bai (Polyporus durus)
sur une souche de la forêt sèche
Le grand Saut
Les organismes tuffigènes (qui engendrent le tuf) sont généralement des Bryophytes (mousses), mais aussi des algues vertes et des cyanobactéries.
L’eau courante traversant l'humus et la végétation devient acide en se chargeant de dioxyde de carbone (CO2). Elle attaque la roche calcaire formée de carbonate de calcium (CaCO3) insoluble) et libère les ions calcium (Ca²+) et hydrogénocarbonate (HCO3-). Ces derniers forment alors l’hydrogénocarbonate de calcium (Ca(HCO3)2 qui est soluble, selon la réaction suivante :
CaCO3+ CO2+ H2O => Ca(HCO3)2
Cette réaction est réversible : de sorte qu'au niveau de la tuffière, sous l’effet de la turbulence de l’eau, une partie du CO2 est libérée, engendrant ainsi la formation de calcaire qui vient se fixer autour des végétaux ainsi pétrifiés.
Ca(HCO3)2=> CaCO3+ CO2+ H2O
Le long de la route, peu avant Mouthier-Hautepierre, une superbe et rare capillaire : la Capillaire de Montpellier, plus connue sous le nom de Cheveu de Vénus, installée dans une fissure suintante de la falaise.
- par la production d'un kirsch, fabriqué de façon artisanale depuis le XVIIe siècle, à partir de la Marsotte, variété de cerise locale ;
- par son couple d'herpétologues célèbres, Césaire (1852-1906) et Marie Phisalix qui ont mis au point un vaccin contre les morsures de vipère ;
- par son église des XIIe et XVIe siècles avec son clocher en tuf et l'architecture de ses vieilles maisons.
15:32 Publié dans Botanique, Géologie-hydrogéologie-Climatologie, Limnologie-hydrobiologie, Ornithologie | Tags : loue, botanique, karst, jura, tuf, résurgence | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |