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16/11/2009

L'Escargot (3) : Locomotion

Entre autres particularités, l'Escargot a un mode de locomotion tout particulier :  il se déplace grâce à un unique pied, escaladant n'importe quelle surface et déclivité, et en avançant sans déraper ni rester collé  au substrat : tout ça grâce à la thixotropie de son mucus.


Cepaea_nemoralis08-1.jpg3. La locomotion chez l'Escargot

 

par André Guyard

(suite de l'Escargot 2)

 

 

Comme tous les Gastéropodes, l'Escargot se déplace en glissant sur son pied unique. Très stable sur cet organe, l'animal franchit sans effort apparents tous les obstacles, adhérant aux surfaces quels que soient leur état et leur orientation.

 

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Cepaea nemoralis, l'escargot des jardins

L'Escargot est un Mollusque gastéropode, ce qui signifie littéralement que son tube digestif se situe dans son pied. A-t-il pour autant l'estomac dans les talons car c'est un herbivore très vorace ? Son pied unique est son organe de locomotion.

 

 

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Grâce à son mucus, un escargot adhère à toutes sortes de surfaces. Sur les pentes raides, il se déplace par des contractions successives de son pied, parallèlement à la surface. Se pose un problème : le mucus le colle au substrat. Mais s'il reste collé comment fait-il pour avancer ? Comment faire pour à la fois se tenir accroché à la surface et se propulser ?  Comment avancer sans jamais lever le pied ?

 

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Les ondulations de la semelle du pied de l'escargot sont bien visibles

 

Un second mode de locomotion de l'escargot consiste à faire onduler la sole plantaire (semelle) de l'avant vers l'arrière. Dans ce mécanisme, le mucus est poussé vers l'arrière et, en réaction, l'Escargot avance.

 

escargot-rampant6-1.jpg

 

 

D'autres animaux ont résolu le problème des déplacments sur les murs et au plafond. Par exemple les insectes dont les six pattes, munies de griffes, s'accrochent aux minuscules anfractuosités de toutes les surfaces. Avec une masse comprise entre 10 et 40 grammes, l'escargot ne peut rester au plafond : il est bien trop pesant et n'a pas assez de pattes.

 

Lourd d'une centaine de grammes, le Gecko utilise les forces intermoléculaires de Van der Waals agissant sur une très grande surface de contact. Mais le pied de l'escargot est dépourvu de poils et ne présente pas de microstructures analogues à celles des pattes du Gecko. Et puis, comment soulever sa patte quand on n'en a qu'une ?

 

Un mucus thixotrope

 

Pour adhérer au plafond, l'Escargot sécrète un gel qui agit comme une colle. Le problème est que si cette colle était toujours solide, tout mouvement serait impossible ; et si elle était toujours liquide, l'animal déraperait.

 

L'Escargot s'est donc fait expert en rhéologie, la science de l'écoulement des fluides, en produisant un mucus tout à fait particulier. Au repos, le mucus de l'Escargot est un gel solide. Il contient 96 ou 97 % d'eau et de sels dissous, et 3 à 4 % de longues protéines. Liées les unes aux autres comme des atomes de soufre, ces protéines forment un réseau tridimensionnel élastique. Dix mille fois moins rigide que le caoutchouc, cette gelée n'en forme pas moins une colle solide, qui permet au pied de l'Escargot d'adhérer à n'importe quelle surface.

 

Comment l'Escargot se déplace-t-il sur son mucus ? Il commence à contracter, parallèlement à la surface, l'arrière de son pied pour le faire avancer d'un millimètre environ. Au cours de cette étape et à cet endroit, la couche de mucus, épaisse de 10 à 20 µm, subit deux forces opposées de la part du sol et du pied de l'Escargot. Ces forces de cisaillement excèdent les capacités élastiques du mucus et brisent les liaisons entre les protéines : au lieu de se déformer comme un solide élastique, le mucus se met à s'écouler comme un liquide. C'est ce qui permet au pied de glisser localement. Ce gel thixotropique (qui peut passer de l'état solide à l'état liquide) constitue un matériau surprenant, solide quand il faut adhérer et prendre appui, et liquide lorsqu'il faut avancer.

 

Ensuite, à la façon d'un bourrelet de tapis, la zone de contraction du pied se propage vers l'avant. Sous l'arrière du pied, désormais immobile, les liaisons entre protéines se reforment en moins d'un dixième de seconde et la couche de mucus redevient solide et collante. L'onde de compression se propage vers l'avant et, une fois arrivée à l'avant du pied, l'Escargot déploie ses chairs comprimées : il a alors avancé d'un millimètre. En réalité, le pied de l'Escargot forme 12 à 17 bourrelets qui se propagent simultanément vers l'avant : tandis que le pied glisse sur environ un dixième de sa surface, il garde un appui solide qui lui permet d'adhérer et de ne pas reculer sur les neuf autres dixièmes.

 


 

Faut-il obligatoirement un fluide thixotrope, aux propriétés si particulières, pour se mouvoir sur un pied ? Eh bien non : certains Mollusques marins ne sécrètent pas le même mucus pour adhérer sur les rochers ou se mouvoir, le mucus de locomotion étant beaucoup plus fluide et non thixotrope.

 

En fait, les escargots disposent, pour les supports peu pentus, d'une seconde stratégie pour se déplacer : ils font onduler la surface inférieure de leur pied, les ondulations se déplaçant de l'avant vers l'arrière. Que se passe-t-il dans le mucus entre le support et le pied ? Aux endroits les plus étroits, la pression régnant au sein du liquide est plus élevée qu'aux endroits les plus larges. Il en résulte un écoulement du fluide vers l'arrière et, à cause de la viscosité, le support exerce une force de réaction vers l'avant. Transmise au pied, cette force de réaction fait avancer l'Escargot. C'est par un mécanisme analogue que les Gastéropodes aquatiques se déplacent sous la surface de l'eau, tête en bas, le pied parallèle à l'interface air-eau.

 

Voir la suite l'Escargot 4.

 

Sources bibliographiques


B. Chan, N. J. Balmforth et A. E. Hosoi, Building a better snail : lubrication and adhesive locomotion, Physics of Fluids, vol. 17, n° 11, article 113101, 2005.

 

M. Denny, The rôle of gastropod pedal mucus in locomotion, Nature, vol. 285, pp. 160-161,1980.

 

J.-M. Courty et E. Kierlik, Avancer comme un escargot, Pour la Science, septembre 2008 et www.pourlascience.fr.

 

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Le Temps passe lentement : sculpture de Vladimir Kusc

 

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