08/03/2013
Retour du Loup dans les Vosges
Retour du Loup dans les Vosges
par André Guyard
(dernière mise à jour : 03/09/2014)
Au cours des dernières décennies, les journaux s'étaient fait l'écho de la possible présence du Loup dans le Massif vosgien, "la Vôge" et dans le sud du Plateau lorrain. En 1977 déjà, les récits sur "la bête des Vosges" étaient rapportés sans que les investigations ne puissent statuer définitivement sur l'identité de l'animal en question.
Le début des années 90 marquait le retour du loup en France par le sud-est avec des observations visuelles dans le Massif du Mercantour, mais aussi la découverte d'une dépouille dans les Hautes-Alpes, correspondant probablement à un loup qui occasionnait des dégâts depuis plusieurs mois. La colonisation était donc déjà en marche, et déjà le Massif vosgien n'était pas en reste puisqu'un loup, de souche italienne, était abattu en novembre 1994 à Senonges, localité située à l'ouest du département des Vosges sur le Plateau lorrain, dans la région de Vittel.
Alors que le Loup a fait sa réapparition dans le massif du Jura (voir Le Loup de retour dans le massif jurassien), il s'est donc à nouveau installé dans les Vosges. Combien d’individus sont aujourd’hui présents ? Le Groupe d’Étude des Mammifères de Lorraine (GEML) et le groupe "massif vosgien" de l’association FERUS concluent à la présence "d’au moins trois loups dans les Vosges, deux à l’Est sur le territoire de La Bresse, et un à l’Ouest sur le secteur de Grand et cela depuis le printemps 2001 si l'on fait état de quelques témoignages, des clichés réalisés par piège photographique et des attaques sur des troupeaux d’ovins dans les Vosges. Des conclusions confirmées par les expertises de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Ainsi, quinze années après le retour du Loup dans le Mercantour, suite au développement de ce processus de colonisation essentiellement axé du sud vers le nord, le loup s'installe en Zone de Présence Permanente (ZPP) dans les Hautes-Vosges dans un secteur de moyenne montagne principalement à cheval sur les départements des Vosges (88), du Haut-Rhin (68), de la Haute-Saône (70) (Cf carte ci-dessous).
Désormais en 2014, la présence du Loup est avéré dans les départements voisins des Vosges, Meuse, Moselle, Haute-Marne…
VOSGES
Année 2011
En avril 2011, au Ventron dans les Vosges, un ou plusieurs prédateurs ont tué 23 moutons, en trois attaques. Sur les lieux, un loup avait été photographié par un appareil photo automatique (voir cliché ci-dessous).
Loup des Vosges (juillet 2011) (Cliché DR)
La photo prise en juillet 2011 montre bien un loup mâle et les agressions de troupeaux se poursuivent. Rien encore cependant permettant de trancher sur le nombre de grands canidés. Selon le GEML et FERUS, la présence d’un nombre important de proies faciles d’accès entraîne un réflexe chez les carnivores de "sur-chasse" ou "over-killing". Le plus important consiste donc à évaluer la quantité de viande consommée et non le nombre d’animaux attaqués. D’après les analyses, elle restait ici assez faible, environ 5 kg en moyenne, soit la ration d’un seul loup.
Loup des Vosges (juillet 2011)
(Cliché DR-Républicain Lorrain)
Désormais, le bilan est le suivant : depuis le début du mois d'avril 2011, des attaques répétées sur troupeaux domestiques sont enregistrées sur huit communes situées en périphérie de la vallée de La Bresse (88). Au total, 15 exploitations différentes sont concernées, pour 136 victimes constatées. La dernière attaque a eu lieu le 05 décembre 2011, sur la commune de Thiéfosse (88), alors que la majorité des autres troupeaux étaient déjà rentrés en bergerie depuis deux mois.
Année 2012
Les premières chutes de neige ont permis de détecter à nouveau la présence de l'espèce : fait nouveau, à au moins trois reprises, des dédoublements de piste sont observés ainsi que des déplacements parallèles qui confirment cette fois la présence de deux individus. Ainsi, le 13 décembre 2011, une piste de loup traverse le versant ouest du massif du Ballon d'Alsace ; le 27 décembre 2011, sur le versant alsacien, des chasseurs de la vallée de Munster (68), découvrent la présence d'une jeune biche consommée en totalité. Les indices relevés sur la carcasse, les empreintes et les pistes suivies sont caractéristiques du loup. Le lendemain matin, une autre piste fraîche retrace le déplacement du loup sur environ huit kilomètres, à proximité de la crête sommitale. Des conditions météo favorables s'installent enfin, avec une stabilité du manteau neigeux, qui permettra de suivre entre le 14 et le 16 janvier 2012, une nouvelle piste située au sud du massif de la forêt du Bonhomme (88). Sur plus de six kilomètres, les empreintes bien marquées mais qui datent probablement de 24 à 48 heures, comportent tous les critères qui correspondent à une piste de deux loups. Après avoir chassé sans succès, dans une zone de régénération forestière dense, les animaux se sont déplacés vers l'est et c'est finalement le manque de neige à basse altitude qui a interrompu le suivi. (A. Laurent / ONCFS Animateur Réseau LL massif vosgien).
Cliché A. Laurent ONCFS 16 janvier 2012
Cette piste de deux loups suivie dans la neige, toujours sur le massif vosgien des traces rectilignes caractéristiques du déplacement lupin contrairement au déplacement en zigzag du chien. Selon le GEML et FERUS, « Lorsque plusieurs loups se déplacent ensemble, chacun met ses pattes dans les empreintes de celui qui le précède, ce qui ne forme qu’une seule piste. De temps à autre, un loup peut quitter cette piste commune, ce qui forme un aiguillage et ainsi renseigner sur la présence de plusieurs individus. D’où la conclusion qu’un deuxième loup, au moins, est arrivé pendant l’hiver, vraisemblablement au cours de décembre. »
Le 21 janvier 2012, une nouvelle attaque aurait eu lieu dans les Vosges à Baudimont sur les hauteurs de Saulxures-sur-Moselotte. Alors que les moutons passent engénéral l'hiver dans les bergeries, certains élevages laissent les ovins vaquer à l’extérieur avec un seul abri pour la nuit. C'est ainsi qu'une brebis gestante aurait été victime de deux loups. En effet, deux traces distinctes ont pu être identifiées dans la neige, preuve irréfutable de la présence de deux canidés. En recoupant ses propres observations et les différents signalements de la présence des grands canidés, un naturaliste passionné : Jean-Luc Valérie, a établi l'aire de répartition des loups dans les Vosges. La zone couvrirait 55 000 ha du col du Bonhomme à Fresse sur Moselle et de la route des Crêtes, côté alsacien jusqu'à Rochesson. (voir l'ouvrage "le Retour du Loup en Lorraine", par Jean-Luc Valérie, Ed. Gérard Louis, octobre 2010 et suivre la progression du Loup en Vosges-Lorraine sur le blog de Jean-Luc Valérie).
Au printemps 2012, ont lieu des attaques sur des troupeaux d’ovins dans le secteur de Grand, toujours dans les Vosges, mais à plus de 100 km de là où les loups avaient été repérés. Pour le GEML, on peut "supposer qu’il s’agit d’un jeune individu encore inexpérimenté dans la chasse, puisque l’over-killing est très fort". Un troisième individu donc, arrivé récemment, "tandis que les agressions toujours recensées dans le secteur de La Bresse font penser que les deux autres individus sont toujours ensemble".
Désormais, on en sûr : l’un des deux loups est une louve : le typage génétique réalisé sur les excréments, poils et urines récoltés sur le terrain identifie une femelle, par ailleurs jamais détectée auparavant dans la base de données nationale de suivi du loup, explique Anthony Kohler de l’association FERUS, qui, avec le Groupe d’étude des mammifères de Lorraine (GEML), se penche sur la réinstallation du grand canidé dans la région.
À l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) dans les Vosges, Benoît Clerc confirme l’information. "En janvier dernier, dans la neige, nous avons eu la certitude qu’un deuxième loup avait rejoint le premier", poursuit le spécialiste de l’ONCFS. Lorsque plusieurs loups se déplacent ensemble, chacun en effet met ses pattes dans les empreintes de celui qui le précède, ce qui ne forme qu’une seule piste. De temps à autre, un animal peut la quitter, ce qui forme alors un aiguillage et renseigne ainsi sur la présence de plusieurs individus. Benoît Clerc indique que c’est sur cette piste qu’ont été prélevés des échantillons d’urine, envoyés dans un laboratoire spécialisé, près de Grenoble, aux fins de séquençage. Cet examen a permis de confirmer non seulement qu’il s’agissait bien d'un loup, mais surtout d’une louve !
Pour FERUS et le GEML, "cela signifie qu’il y a potentiellement un couple dans les Vosges. Mais ne sachant pas si ces loups se sont reproduits, on ne peut pas encore affirmer la présence d’une meute sur le massif, une meute étant constituée d’un couple mature et reproducteur".
Benoît Clerc, à l’ONCFS, estime que c’est aller un peu vite en besogne. "À l’heure actuelle, la seule certitude, c’est qu’en janvier dernier, il y avait bien deux loups, dont une femelle. Rien ne dit qu’ils sont toujours ensemble, faute de nouvelles analyses ou de constatations sur le terrain. Et pour le premier, nous n’avons à ce jour aucune analyse génétique établissant qu’il s’agit d’un mâle. Les prélèvements d’excréments réalisés n’ont pas abouti à un résultat. Le seul indice faisant penser à un mâle, c’est la photo prise au col du Bonhomme en 2011."
Pour FERUS et le GEML, il ne fait aucun doute que "la présence de loups durant deux hivers consécutifs est avérée, permettant de mettre en place une Zone de Présence Permanente". Laquelle devrait entraîner l’activation de plusieurs dispositifs prévus par la réglementation, dont le Réseau loup constitué sur le même modèle que le Réseau lynx, géré par l’ONCFS, avec correspondants formés à la biologie et à l’écologie, mais aussi capables d’identifier les indices de présence de l’animal dans la nature afin de suivre au mieux l’évolution de la population dans le massif", disent les deux associations de protection de la nature, FERUS ayant demandé par ailleurs d’intégrer le Comité départemental loup.
Un des derniers clichés réalisé en juin 2012
à Avranville (88) par un piège photographique,
installé dans le cadre
du dispositif de surveillance déployé
par FONCFS SD88, dans le département des Vosges.
Photo ONCFS SD88 - CROC ©
Les clichés réalisés grâce au suivi par pièges photographiques montraient la présence d'un mâle (observation du pinceau pénien). Il est cependant encore trop tôt pour parler de « meute » dans la mesure où l'on ne sait pas si ces animaux sont tous deux matures. Le suivi estival 2012 sera donc une priorité pour le réseau dans ce massif pour suivie l'éventuelle évolution de cette ZFP en meute ("Quoi de neuf ?" n° 27).
Enfin, l'année 2012 révèle de nouveaux éléments au travers des constats d'attaques et autres indices de présence collectés à l'ouest du département des Vosges (Cf. Carte plus haut). En effet, un nouveau foyer de dommages apparaît au printemps et les attaques se succèdent sur les troupeaux d'ovins dans différentes communes situées à l'ouest de Neufchâteau, à 90 km en ligne droite des Hautes-Vosges. Des échantillons biologiques (excréments, poils) ont été collectés et sont en cours d'analyses. Trois clichés différents, pris à l'aide de pièges photographiques attestent de la présence de Canis lupus sur les communes de Midrevaux (88) et Avranville (88).
La mise en place conjointe de la cellule de veille avec l'ensemble des partenaires, services de l'État, monde agricole et cynégétique, concourt à l'efficacité du dispositif de vigilance qui vise à collecter et à vérifier toutes les informations disponibles en matière de présence du loup.
Hautes-Vosges (83 - 68 - 70) : L'enneigement assez régulier au-dessus de 1000 mètres d'altitude au cours de l'hiver a permis un suivi soutenu. Au total, 16 indices de présence ont été collectés principalement sur les contreforts ouest/sud-ouest, et sur le versant alsacien des Hautes Vosges. Un animal a été suivi durant 27 km, entre les communes de Ventron (88) et Le Bonhomme (68).
C'est en deuxième moitié d'hiver que la présence de deux individus a été documentée sur le sud du massif Vosgien. Plusieurs analyses génétiques confirment la présence de l'espèce en zone limitrophe des trois départements des Vosges, de la Haute-Saône et du Haut-Rhin. Un échantillon d'urine collecté en janvier 2012 a également permis d'individualiser une femelle, en plus donc du mâle mis en évidence par photographie. Par conséquent, les Hautes Vosges sont classées en Zone de Présence Permanente (ZPP).
Aucun relevé de terrain ne fait état de plus de deux animaux détectés ensemble, le statut de ce groupe (meute potentielle ou pas) reste à documenter dans la mesure où ou ne connaît pas l'état des individus détectés en terme de maturité sexuelle.
En conclusion, les deux hivers consécutifs (2010-2011 et 2011-2012) de présence de l'espèce dans les Vosges attestent d'une territorialisation de l'espèce sur ce massif. Les limites de territoire restent cependant encore floues dans la mesure où cette nouvelle ZPP n'est encadrée par aucune autre meute concurrente. Il ne sera donc pas étrange de trouver des indices à distance du cœur connu de cette ZPP, centrée autour des communes de Ventron, Corimont et La Bresse.
Chiens patous vs loups
Jean-Yves Poirot, éleveur de moutons à la Bresse, président du syndicat ovin des Vosges est le porte-parole des agriculteurs des Hautes-Vosges victimes du retour du loup. Son exploitation a subi de nombreuses attaques : l’an dernier, Jean-Yves Poirot s’est fait dévorer trente-neuf bêtes et un poulain. Afin de protéger ses troupeaux, il a donc décidé, comme deux autres éleveurs, de prendre un chien patou. (Est Républicain Lorraine, 31/07/2012)
Au cours de l’automne dernier, il a suivi une formation pour pouvoir s’en occuper. Le chien, ou plutôt la chienne, est arrivée quelques mois plus tard, en mai dernier. Il a fallu débourser 475 € pour l’acheter à un agriculteur du Territoire de Belfort, 80 % du prix est pris en charge par les pouvoirs publics. Et jusqu’à présent l’investissement s’est révélé rentable. Le troupeau de plus d’une centaine de moutons sous la surveillance de son patou n'a subi aucune attaque. En revanche, les trois autres troupeaux de Jean-Yves Poirot ont de nouveau été la cible du loup. L’éleveur a recensé 8 ou 9 attaques depuis le printemps. "Après chaque attaque, j’ai retrouvé le cadavre d’une ou deux bêtes. J’en ai également une vingtaine qui ont disparu", comptabilise l’agriculteur de la Bresse qui n’exclut pas d'acquérir d'autres patous. Sans se faire d’illusion toutefois : "Quand le loup aura proliféré et qu’il y en aura à profusion, les chiens ne suffiront plus. Plus aucun moyen de protection ne sera efficace".
Le bilan en 2013
Trois loups, dont un couple qui a donné naissance l'été 2013 à des louveteaux, ont été identifiés depuis avril 2011 dans le massif forestier des Vosges. Fin août 2013, suite à une opération de comptage de loups « par hurlements », l'Office national de la chasse et de la faune sauvage a confirmé la présence de louveteaux dans le massif. Ces derniers se trouvaient dans la zone de présence permanente des Hautes-Vosges, plus précisément dans le département du Haut-Rhin. C'est donc en toute logique que le préfet a annoncé que quatre traces bien distinctes de loups ont été trouvées ces derniers jours, toujours du côté alsacien, en pleine forêt. Il s'agit certainement du couple et de ses deux louveteaux.
Dans les Vosges, les loups auraient tué 139 ovins en 72 prédations en 2011, puis 80 en 40 attaques l'année suivante. Seuls des tirs de défense ont été autorisés par le préfet en 2013.
Au niveau national, le nouveau "Plan loup" 2013-2017 entré en vigueur au printemps prévoit que 24 loups pourront être prélevés sur une population de 250 animaux.
Voir également dans le même blog, l'article : se protéger des attaques du loup.
Année 2013-2014
MEUSE
24 janvier 2013
Pour certains spécialistes, avec les empreintes relevées le 24 janvier dans la neige, l’animal signe son retour. Le loup serait-il en Meuse ? (Philippe Marque, Est Républicain Meuse)
Jean-Luc Valérie est formel. Les empreintes qu’il a relevées le 24 janvier dernier, dans la neige, sur les hauteurs de Ligny-en-Barrois, sont celles d’un loup : « Je suis parti d’un témoignage d’une personne qui s’entraînait sur ce secteur avec des chiens de traîneau et affirme avoir été suivie par un loup. En remontant les traces de son attelage, je suis tombé sur une piste différente, sur environ 30 mètres. Le reste avait été effacé par le vent. Sur les empreintes, j’ai pu distinguer que les postérieurs étaient posés dans les antérieurs et qu’il y avait une marque tous les 30 centimètres. Pour moi et les spécialistes avec qui j’en ai discuté, il s’agit d’un loup. »
Passionné par l’animal et auteur d’un livre sur la question, ce naturaliste lorrain, qui agit sous un pseudonyme, est très loin de faire l’unanimité. Y compris au sein même de son propre milieu. Son blog et ses jugements souvent qualifiés de « légers et à l’emporte-pièce » agacent.
Une dizaine de témoignages
Face à ces affirmations, l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage), qui n’a pu voir à temps les traces évoquées par le naturaliste, conserve la plus grande prudence : « Nous savons qu’on n’échappera pas au passage du loup dans notre département. Sa présence est avérée à quelques kilomètres de notre territoire, dans l’ouest vosgien. Nous nous sommes formés pour faire face à cela et nous sommes en vigilance. Mais à l’heure actuelle, nous n’avons réalisé aucun constat pouvant conclure à la présence du loup en Meuse », assure Frédéric Rozet, responsable départemental de l’ONCFS.
Depuis la fin de l’année 2011, l’Office a enregistré une dizaine de témoignages d’observations visuelles mais rien de très probant. En mai dernier, l’affaire d’un veau, tué puis dépecé dans un champ, à Contrisson, avait déjà laissé planer un voile de suspicion. Mais là encore, l’ONCFS n’y croit pas : « Cela fait plusieurs années que la présence de bandes de chiens errants sur ce secteur est avérée. Par ailleurs, les spécialistes n’ont pas été missionnés assez tôt pour pouvoir mener des analyses efficaces sur le cadavre. »
À l’heure actuelle, en Lorraine, les sources officielles ne reconnaissent que deux foyers. Le premier se situe dans le massif vosgien où la présence de deux individus a été attestée. Le second dans la plaine vosgienne, non loin de Neufchâteau, où sévirait un seul loup. Alors que ce naturaliste, souvent accusé de brûler les étapes, évalue pour sa part au nombre de six les foyers de loups dans l’Est de la France. Il y ajoute la Meuse, au sud de Bar-le-Duc ; le Haut-Rhin à l’ouest de Mulhouse ; la Haute-Saône au nord de Lure ; et enfin la Haute-Marne, au nord-ouest de Chaumont. Et promet un printemps sanglant dans les élevages lorrains, bourguignons et champenois.
6 mars 2013
Genaro Garcia dit avoir vu le loup en effectuant une promenade en chiens de traîneau au-dessus de Ligny-en-Barrois. (Sébastien GEORGES, Est Républicain Meuse).
La question est tabou dans la Meuse. Les chasseurs n’en parlent pas même si certains affirment l’avoir cherché autant que les sangliers dans les forêts frontalières des Vosges. Selon l’Office national de la chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), il n’y a pas de présence avérée du loup et les faits suspects sont attribués à des chiens errants.
Genaro Garcia a un autre regard. Employé d’une entreprise de Bar-le-Duc, ce père de famille est passionné de nature, de faune et de chiens. Il connaît les animaux de la forêt, aime les observer sans faire une fixation sur le loup malgré les rumeurs.
Le 21 janvier, alors qu’il effectuait une sortie en chiens de traîneau avec son mâle, un malamute et sa femelle, un husky, il affirme avoir vu le loup. Il n’a aucun doute. « Cette année, avec la neige abondante, j’ai pu sortir régulièrement mon traîneau avec mes deux chiens sur le plateau de Ligny-en-Barrois. Je pars seul avec une lampe frontale sur des champs et des chemins forestiers. J’ai un circuit, toujours le même et mes chiens le connaissent par cœur. Les seuls bruits sont le glissement du traîneau, ma respiration et celles de mes chiens. Ce soir-là, en lisière de forêt, j’ai entendu craquer dans le bois. Ma femelle s’est arrêtée aux aguets, dans un comportement inhabituel et mon mâle a voulu repartir. Il avait peur. Cela s’est reproduit plusieurs fois après être reparti. Dans un champ, c’est la glace derrière moi qui a craqué. Je me suis retourné et malgré la portée limitée de la lampe frontale, j’ai pu distinguer un animal qui n’était pas du gibier. »
Genaro Garcia se sent suivi. « Plus loin, quand je me suis mis à courir pour aider mes chiens, j’ai senti que la bête se rapprochait. Mon mâle avait toujours peur et ma chienne très intriguée s’est encore arrêtée en se retournant. Je suis allé au devant et j’ai vu le loup fuir vers la forêt. Nous avons rejoint ma voiture et mes chiens étaient toujours très nerveux. J’ai mis les pleins phares vers la forêt. Un peu plus loin, j’ai vu un loup d’une trentaine de kg avec son nez pointu, sa queue droite, ses yeux brillants faire des allers-retours ».
Le lendemain, Genaro Garcia y est retourné avec plusieurs lampes. Il a fait des photos des traces sans revoir le loup. Sa conviction a été renforcée par la comparaison des traces avec celles laissées par ses chiens. « Plus grosses, plus larges. Nous avons de nouveau senti sa présence quelques jours plus tard dans les bois de Chanteraine. Le loup est dans la Meuse. Ce n’est pas vraiment normal qu’un loup nous suive comme cela, mais ma chienne est allaitante et le loup l’a sans doute senti. Avec la neige, il a aussi peut-être faim. En tout cas, cela fait une drôle d’impression. On se pose des questions et on a un peu peur. J’ai senti le loup dans mon dos et je me sentais impuissant car on ne sait pas comment il va réagir ». Genaro Garcia n’est pas mécontent de sa rencontre fortuite. Il n’en fait pas une fixation et continue à aller en forêt avec ses chiens. Pour courir ou faire du VTT. Avec le secret espoir de croiser à nouveau le loup.
9 décembre 2013
Dans la région de Milly-sur-Bradon, un couple d'automobilistes a cru apercevoir un loup. En fait, le loup en question ne serait qu'un chien-loup. En effet, Pascal Roman raconte qu’un de ses deux chiens-loups tchécoslovaques s’est échappé le dimanche 1er décembre et s’est fait heurter par une voiture.
Au cours de ce mois de décembre, on note en Meuse des cas de brebis égorgées : Montigny-lès-Vaucouleurs, Vouthon-Bas, Vouthon-Haut, Mandres-en-Barrois et Luméville-en-Ornois : la liste des communes meusiennes où des brebis ont été égorgées ces dernières semaines ne cesse de s'allonger. Les experts de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage sont venus examiner les cadavres afin de déterminer l'identité du prédateur. Dans leur rapport, ils mentionnent que le loup n'était pas exclu. Une cellule départementale de veille du loup se réunit le 9 janvier 2014, à la demande de la préfète. Cette instance devrait préfigurer le comité départemental loup, dans le cas où ce dernier s'installerait durablement sur le territoire.
Janvier 2014 : présence d'un couple et de ses deux louveteaux confirmée
La nouvelle a été confirmée vendredi 17 janvier par le préfet des Vosges, Gilbert Payet. À l'occasion de ses vœux à la presse, le représentant de l'État est revenu sur la présence du loup dans le département. La poursuite des travaux sur la mise en place de moyens de protection pour les troupeaux ovins est plus que jamais d'actualité... Un point sera fait en préfecture au début du printemps.
Depuis plusieurs mois, les associations de défense de la nature sont vent debout contre un arrêté émis par la Préfecture des Vosges. Cet arrêté donne l’autorisation à un éleveur de la Bresse d’avoir l’autorisation de tirer sur le loup qui a repris son territoire dans le massif vosgien. Rappelons que le Préfet avait donné l’autorisation le 19 août 2013 à l’éleveur de faire usage d’un fusil à canon lisse pour protéger ses bêtes.
22 avril 2014 (Article de l'Est Républicain)
Bar-le-Duc. Depuis plusieurs mois, les éleveurs ovins du sud du département de la Meuse tendent le dos. En effet, depuis octobre 2013, dans des communes limitrophes avec les Vosges, plusieurs brebis et béliers ont été sauvagement tués par un prédateur.
Au fil de ces derniers jours, dans le monde ovin meusien, la nouvelle s’est progressivement répandue : le loup a été pris en photo. Enfin ! Loin d’être une consolation pour la bonne dizaine d’éleveurs qui a perdu au total près d’une trentaine de bêtes en plusieurs mois, cette photo vient finalement confirmer leurs certitudes de toujours. Tous, sans exception, ont en effet toujours accusé le loup d’être l’auteur des attaques de leurs troupeaux.
Tout a commencé en octobre dernier, à quelques kilomètres à vol d’oiseau de la plaine des Vosges, là où ont eu lieu les premières prédations il y a plusieurs années, un secteur considéré depuis 2012 comme zone de présence permanente du loup. Un animal qui semble ignorer les frontières départementales puisqu’aujourd’hui c’est dans la Meuse qu’il sévit.
Sauf qu’après avoir concentré ses attaques dans l’extrême Sud meusien, l’animal ou ses congénères se sont déplacés vers l’Ouest pour arriver à 20 kilomètres de Bar-le-Duc, la ville préfecture, dans un parc situé à Ville-devant-Belrain et propriété d’un jeune éleveur de Nicey-sur-Aire. Le 1er avril, il a sorti ses 250 brebis et ses béliers, dans la nuit suivante son troupeau était victime d’une première attaque qui a été suivie par deux autres la même semaine. Excédé, il en était arrivé à installer un appareil photo à déclenchement nocturne ainsi qu’un canon effaroucheur. Sans effet, puisque jeudi dernier deux nouvelles bêtes ont été tuées et ce malgré les clôtures électriques mises à sa disposition par la direction départementale des territoires( DDT). « J’ai accepté ces filets à condition qu’ils installent aussi des appareils photos. Mes bêtes étaient parquées la nuit dans cet enclos électrifié, je les ai relâchées jeudi vers 8 h. » Un peu plus d’une heure plus tard, les agents de l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage) sont venus relever les cartes des appareils.
Plus aucun doute
En arrivant dans le champ, ils ont vu le loup en train de dévorer un bélier. Dès lors, la présence du prédateur ne faisait plus aucun doute, d’autant plus que l’appareil des agents de l’ONCFS a pris en photo le fameux loup.
Plus question maintenant d’utiliser la terminologie de « loup non exclu » dans les rapports des experts. Dans un communiqué, la préfecture de la Meuse s’est autorisée à employer le terme de « présence avérée du loup en Meuse. » Au vu des indices relevés sur les ovins tués, la suspicion de la colonisation du département par le loup était de mise depuis le début de l’année. En janvier, la préfète de la Meuse avait réuni une « cellule de veille loup ». Dans le prolongement, une étude sur la vulnérabilité du système pastoral à la prédation du loup en Meuse était lancée, et les conclusions ne sauraient tarder.
Quelles que soient ces conclusions, ce n’est pas encore demain que les chasseurs seront autorisés à tuer l’espèce protégée qu’est le Canis lupus. Il faut en effet deux années de présence avérée du loup dans un département pour qu’un arrêté ministériel soit potentiellement pris et autorise de façon dérogatoire les tirs sur les loups.
D’ici là, les éleveurs ont deux solutions : laisser leurs troupeaux à la bergerie ou utiliser les clôtures électriques mises à leur disposition par la DDT.
Karine Diversay
Téléchargez le communiqué de la préfecture de Meuse
Mai 2014 : Meuse : sans doute deux loups (Est Républicain, 08/05/2014)
Le loup rôde et attaque en Meuse. Face aux inquiétudes, les services de l’État se mobilisent pour lutter : équipements en matériel, enquêtes, indemnisation et tirs d’effarouchement.
Le sujet est ultra-sensible. Les syndicats agricoles dénoncent sa présence et réclament sa mise à mort. La Chambre d’agriculture de la Meuse critique une situation qui n’est « plus supportable par les éleveurs » et demande « une adaptation de la législation ». Depuis la recrudescence d’attaques en avril dans deux secteurs de la Meuse, certains dorment avec leur troupeau et d’autres menacent d’arrêter l’activité ovine. Les politiques s’en mêlent à l’image de Gérard Longuet qui appelle à « trouver les solutions les plus adaptées à notre environnement et à la mission des agriculteurs ».
Depuis le 14 octobre, le loup est officiellement en Meuse. C’est le 21e département français recolonisé depuis 1992, année de sa réapparition en France. « Contrairement à une idée reçue, le loup n’a jamais été réintroduit en France mais il est revenu par l’Italie et ils sont désormais entre 250 à 300 dans notre pays. Depuis les Alpes, ils colonisent le pays en passant d’un massif à l’autre et en trouvant des lieux d’accueil favorables : présence de gibier et proies faciles avec les élevages ovins. Le loup est intelligent et s’adapte. Lorsqu’il ne peut pas s’en prendre à des moutons enfermés ou protégés par des clôtures électriques, il se retourne vers le gibier sauf le sanglier », explique la Direction des Territoires de la Meuse.
Tout laisse à penser que deux loups rôdent en Meuse et multiplient les attaques sur deux zones : celle du Sud meusien (côté Bonnet) non loin des Vosges où le loup sévit aussi et celle de Nicey-sur-Aire où les attaques se sont multipliées (cinq fois chez un même éleveur). « Nous n’avons pour l’heure qu’une seule photo et un prélèvement d’excréments en cours d’analyse. Il est probable que nous ayons affaire à deux animaux. Une attaque à Nicey en avril a été concomitante à une autre à Grand dans les Vosges juste à côté de la Meuse. Celui du Sud semble plus mature car il attaque pour se nourrir. Autour de Nicey, c’est sans doute le fait d’un loup plus jeune puisqu’il y a beaucoup de victimes d’un coup et peu de consommation de viande », observe la DDT de la Meuse qui réfute le terme de meute.
Des tirs d’effarouchement
Les agriculteurs sont sur les dents. La DDT, consciente du traumatisme, rappelle que son « rôle est aussi de défendre l’activité des éleveurs ». Depuis octobre, elle a pris de multiples mesures : fourniture de clôtures électriques et indemnisations pour les attaques avérées par les spécialistes de l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage). En revanche, pas question de faire des battues comme le réclament les syndicats agricoles. « Le loup est une espèce protégée par quatre textes dont trois internationaux. La battue est le dernier recours du plan national loup 2013-2017 ».
Ce plan est le cadre législatif d’intervention face aux loups. Jugé efficace en montagne, il montre ses faiblesses en Meuse car le loup s’installe pour la première fois en plaine où les troupeaux sont éparpillés. « Nous sommes un peu pionniers. Nous discutons avec les ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture de notre situation spécifique ». En Meuse, si les battues ne sont pas autorisées et ne sont pas près de l’être, la préfecture a décidé depuis le 20 avril dans le secteur nord de Nicey-sur-Aire et depuis quelques jours dans le sud, de permettre les tirs d’effarouchement. L’étape suivante si ce n’est pas suffisant sera le tir de riposte. « Chaque nuit, des lieutenants de louveterie surveillent les troupeaux et tirent en l’air lorsque les troupeaux s’agitent où lorsqu’ils voient le loup ce qui est arrivé. L’idée est de l’éloigner des ovins. Pour le moment, c’est plutôt efficace », indiquent les services de l’État. D‘autres mesures respectant le statut d’animal protégé sont envisagées et seront discutées la semaine prochaine lors de rencontre avec les acteurs du dossier et notamment du monde agricole.
Sébastien Georges
Août 2014 (Est Républicain du 3 août 2014)
Le loup frappe encore en Meuse
35 attaques commises par le loup depuis octobre 2013 en Meuse. Les chiffres deviennent catastrophiques. L'hécatombe débutée en avril se poursuit, le loup venant d'attaquer deux nuits de suite sur la commune de Lavallée où jusqu'alors il n'avait encore jamais sévi. La première agression a eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi, faisant cinq nouvelles victimes et trois bêtes blessées. Puis dans la nuit de vendredi à samedi, le loup a tué et blessé à nouveau.
Un nouvel acte qui vient un peu plus accentuer l'exaspération et le découragement des éleveurs qui ont été touchés à plusieurs reprises. Certains se demandent si plusieurs loups ne rodent pas dans le secteur au vu du nombre d'attaques commises ces derniers jours.
D'après l'Est Républicain du 7 août 2014, l'authenticité d'une photo d'un loup prise à 18 h le 26 juillet 2014 près de l'étang de Kœur-la-Petite par une photographe animalière a été mise en doute par Aurélie Schmidt, chargée de mission environnement qui a retrouvé ce même cliché référencé en 2008 sur plusieurs sites allemands et russes.
Cliché Christiane Herké prétendûment pris en Meuse
Septembre 2014 :(Est Républicain du 3 septembre 2014)
Meuse : le loup a encore frappé
Bar-le-Duc. Alors que les lieutenants de louveterie ont été aperçus, dans la nuit du 1er au 2 septembre, dans le secteur de Baudrémont (55), le loup a frappé, la même nuit, à Lavallée (55), dans le pré de Francis Aubry. L'éleveur d'ovins ayant constaté, à 7 h hier matin que sur les onze brebis présentes dans son enclos, une avait été tuée et deux autres gravement blessées. Ces nouvelles victimes de Lavallée montent à plus de 140. le nombre total d'ovins tués, euthanasiés et blessés depuis le début d'année en Meuse.
NDLR : aucune certitude qu'il s'agisse d'un loup !
HAUTE-SAÔNE
En décembre 2011, à quatre jours d’intervalle, un prédateur a tué trois moutons à Beulotte-Saint-Laurent et à La Rosière en Haute-Saône selon un mode d’attaque qui laissait supposer qu'il pouvait s'agir d'un loup. Une crotte et des poils recueillis sur place par des agents de l’ONCFS 70 ont été expédiés aussitôt à un laboratoire d’analyse spécialisé. Les résultats sont revenus récemment et ont confirmé qu'il s'agissait de laissées lupines. Le loup est donc bien passé par là en décembre. Il pourrait s'agir d'un loup erratique séjournant dans les Vosges. Des analyses ADN sont en cours pour tenter de faire parler davantage les excréments découverts dans le secteur des Mille étangs.La présence du Loup est détectée dans ce département dès l'année 2012. Voir l'article de Vosges-matin du 17 mai 2012.
En conséquence, depuis le 7 mai 2012, le département de Haute-Saône a été intégré par arrêté ministériel à l’aire de répartition géographique concernée par le loup, soit douze départements français dont les Vosges. Ludovic Bonnot, patron de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en Haute-Saône, explique : « cet arrêté permet d’abord de mettre en place dans le département une unité d’action » prévue dans le plan loup. Avec sept agents de l’ONCFS nommés correspondants du réseau loup, dont la mission est de récolter le maximum de renseignements sur l’aire de répartition du mammifère. Et aussi de constater, si nécessaire, les dégâts causés par ces grands carnivores afin de mettre en branle les processus d’indemnisation aux éleveurs. « Si la présence du loup devait se développer en Haute-Saône, un volet prévention est prévu », appuie Ludovic Bonnot. Avec des dispositifs comme des aide-bergers, des filets de protection, des systèmes d’effarouchements, et des chiens patous. Ludovic Bonnot se veut rassurant en direction des éleveurs : « Tout est prêt. Le dispositif est en place et est très réactif. Notamment pour les indemnisations. »
L’animal s’est manifesté à nouveau en février 2012 du côté de Vouhenans, avec le prélèvement d’un ovin. À la même époque, des empreintes ont été observées dans le secteur de Plancher-lès-Mines. Ludovic Bonnot souligne : « Un loup peut couvrir 40 km en une nuit. Sa zone d’habitat peut s’étendre de 15 000 à 25 000 ha et bien plus quand une meute existe. » Son passage par la Haute-Saône peut n’être qu’une étape vers d’autres territoires.
Plus récemment, entre le 31 décembre 2013 et le 2 janvier 2014 à Montureux-lès-Baulay et Cendrecout dans la région de Jussey en Haute-Saône, deux troupeaux ont été attaqués : six moutons dévorés, quatre blessés. Selon l'Est Républicain (Éléonore Tournier, Est Républicain, Hte-Saône du 4/01/2014), le loup est évoqué.
L’ONCFS a installé un système photographique sur l’exploitation de Christophe Marion (photo Bruno Grandjean, Est Républicain) et celle de Cendrecourt, à 6 km de là.
En allant voir ses animaux le matin du 1er janvier, Christophe Marion, éleveur ovin à Montureux-lès-Baulay, a découvert trois cadavres de brebis. "En regroupant les bêtes, nous avons découvert que deux autres étaient également blessées", ajoute l’éleveur pour qui le coupable de l’hécatombe ne fait guère de doute : "Vu les blessures au cou, on pense que c’est un loup."
Le 2 janvier, à 6 km de là, à Cendrecourt, un autre éleveur ovin a également découvert trois cadavres de brebis et deux animaux blessés. Comme à Montureux-lès-Baulay, toutes ont été saisies à la gorge. Là encore, le loup est évoqué.
Pour l’instant, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) préfère parler de "grand canidé", sans exclure la possibilité d’un loup. Pour démasquer le prédateur, des techniciens de l’Office ont placé sur les deux exploitations des pièges photographiques, en espérant que le "grand canidé" revienne sur les lieux. Un scénario qui n’est pas impossible selon Thierry Billey, animateur du réseau Férus en Franche-Comté. "Dans les Alpes-Maritimes, on a vu les mêmes troupeaux se faire attaquer plusieurs fois."
À Montureux-lès-Baulay, les techniciens ont relevé des empreintes de pattes de 10 cm sur 8,5 cm. Mais elles seront sans doute insuffisantes pour mettre en cause un quelconque loup. "Il en faudrait plusieurs pour être sûrs car les empreintes de chien et de loup diffèrent très légèrement", explique Ludovic Bonnot, chef du service départemental de l’ONCFS. Le seul moyen de déterminer précisément la nature du prédateur ? "Du poil, des excréments ou une photo".
S’il n’exclut pas la possibilité du loup, Ludovic Bonnot évoque la possibilité de gros chiens : "On a déjà vu des labradors manger d’aussi grosses quantités de viande", assure-t-il avant d’ajouter : "En Haute-Saône, on a connaissance de loups tchèques et de Saarloos. Ce sont des chiens des pays de l’Est croisés avec des loups, qui leur ressemblent énormément physiquement et qui, s’ils sont lâchés, peuvent retrouver leur instinct de prédateurs".
Thierry Billey, de l’association Férus, préfère attendre les conclusions de l’ONCFS. "Une meute installée dans les Hautes-Vosges serait rassemblée actuellement un peu au sud de La Bresse. Si la présence du loup était avérée en Haute-Saône, vu la distance avec les villages où ont eu lieu les attaques, cela me semble un peu loin pour être un des membres de la meute. Ça ressemblerait plus à un individu en dispersion."
MOSELLE
Janvier 2014
Plus de cent ans après sa disparition dans le département, un loup a été repéré fin janvier 2014 en Moselle.D'après Ferus, la première alerte fut donnée par un témoin qui dit l’avoir observé le 26 janvier, à Abreschviller (entre Strasbourg et Nancy, voir la carte ci-dessous). Et seulement 4 jours après, le 30 janvier, l’information est confirmée par une photo qui ne laisse aucun doute. Alors que l’ONCFS avait installé des pièges-photo dans le cadre d’une mission de suivi des populations de lynx, c’est un loup qui est apparu sur l’un des clichés. Cela faisait plus de 100 ans que l’espèce avait disparu du département ! Une nouvelle qui fera la une du Républicain Lorrain et qui sera répercutée par Lor'Actu.fr.
Un loup en Moselle (Photo : DR)
Ce loup a été photographié à Walscheid, un petit village de Moselle, à la limité du département des Vosges et du Bas-Rhin. Plus de 100 ans après son extermination il été photographié à Walscheid dans le Massif du Donon. "Un piège photo installé pour "tracer" le lynx Van Gogh qui vit sur ce Massif et qui n'a pas été vu depuis longtemps a relevé sa discrète présence" a commenté le parc animalier Sainte-Croix de Rhodes qui milite pour la sauvegarde du loup dans la région.
« Le massif est très giboyeux (cerfs, chevreuils) assurant de nombreuses proies à l'animal dont on ignore tout » note le parc animalier où vivent déjà plusieurs loups. Le loup photographié en Moselle se serait déjà attaqué à plusieurs troupeaux. Deux attaques sont déjà listées dans les environs. Une enquête est d’ailleurs ouverte pour déterminer les circonstances de ces attaques.
Les deux villages de Moselle où le loup a été signalé
MARNE (Ajout de mars 2014)
France Nature Environnement fait état de la présence du Loup dans la Marne où un loup aurait été tué fin janvier 2014.
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17/10/2011
Le Loup de retour dans le massif jurassien ?
Le Loup est de retour dans le massif du Jura français. On le signale également dans le Jura genevois, le Jura bernois ainsi que dans les Vosges y compris la région des Mille Étangs en Haute Saône. État des lieux remis constamment à jour (04/06/2013).
17:55 Publié dans Actualité des Sciences, Mammifères | Tags : loup, jura, prédateurs, retour du loup, massif jurassien | Lien permanent | Commentaires (9) | Facebook | | |
Année 2013 : nouveau retour du Loup en Franche-Comté ?
Année 2013 : nouveau retour du Loup en Franche-Comté ?
par André Guyard
(dernière mise à jour : 04/06/2015)
Depuis l'automne 2011, les attaques du Loup avaient cessé dans le Doubs et les recherches d'indices étaient restées infructueuses (voir article précédent).
Le regroupement avec l'animal du Massif vosgien reste possible, mais ne sera sans doute jamais élucidé car aucun typage génétique fiable n'a été possible sur l'animal présent dans le Doubs. Enfin, un piège-photo posé dans le cadre de l'étude de densité du lynx a permis de déceler la présence du loup, au moins de passage, dans la haute chaîne du Jura le 26/03/2012, mais sans récurrence documentée depuis.
Réapparition du loup en Suisse proche (04/06/2013)
Selon une information de l’Agence Télégraphique Suisse, la première agence de presse de la Confédération, un loup aurait tué seize moutons et en aurait blessé cinq autres dans la nuit du 30 au 31 mai 2013 dans la commune de Münster-Geschinen, dans le canton du Valais. Le loup aurait été vu par des témoins et les traces du prédateur auraient été identifiées par le garde-chasse.
L’attaque aurait eu lieu dans le Haut-Valais, dans la vallée de Conches. Un territoire au sein duquel la présence « permanente » du loup avait été confirmée récemment par le service valaisan de la chasse, de la pêche et la faune, après plusieurs observations et découvertes de nombreuses prédations. Selon nos confrères de l’ATS, « l’animal est souvent proche des lieux habités car la couche de neige encore importante sur les coteaux et dans les vallées latérales maintient le gibier sur les bas-coteaux».
Cette attaque est la première enregistrée dans ce canton sur des animaux d’élevage. Alors qu’il a été observé à 22 reprises, le loup s’est à chaque fois éloigné tranquillement sans agressivité. Les autorités suisses conseillent d’ailleurs à la population, en cas de rencontre imprévue, de ne pas s’en approcher volontairement afin qu’il ne s’habitue pas à la présence humaine. Pour l’heure, aucune autorisation de tir n’aurait été décidée.
La présence du loup dans le canton du Valais est avérée depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois puisqu’un spécimen a été identifié en décembre et deux loups ont tué une dizaine d’animaux en juin 2012.
Présence authentifiée à 20 km de Morteau le 3 juin 2013
En revanche, dans le canton de Neuchâtel, il a fait son grand retour. En effet, le service neuchâtelois de la chasse, de la pêche et de la faune a officialisé lundi 3 juin la présence d’un loup dans la vallée de Joux. Le loup avait disparu du canton de Neuchâtel depuis 1845. Même si la Suisse estime qu’une vingtaine de loups seraient actuellement sur son territoire.
Début mai 2013, un chevreuil et un daim d’élevage ont été attaqués sur les hauteurs du Val-de-Travers, entre Couvet et La Brévine, soit à quelques kilomètres de la frontière française.
Les prélèvements de salive ont permis d’identifier un loup de la lignée italienne pour la première fois, dans la partie suisse de l’Arc Jurassien.
Pour anticiper le retour du loup, un Groupe de travail Contact Loup Neuchâtel a été créé, avec des représentants des diverses parties concernées (éleveurs, chasseurs, association de protection de l’environnement…) et s’intéresse principalement à la problématique de la prévention des dégâts. En Franche-Comté, Europe Écologie Les Verts a également composé un groupe de travail regroupant tous les acteurs civils concernés.
Cette présence du loup, de plus en plus proche de la frontière, ne sous-entend pas forcément qu’il va la franchir dans l’immédiat. Mais un loup est capable de parcourir 60 km en une nuit. Et tous les spécialistes s’accordent sur le fait que son retour, à moyen ou long terme, est inévitable en Franche-Comté.
Mercredi 17 juillet 2013 : Le Loup de retour en Franche-Comté ?
Après un long silence, le Loup se serait à nouveau manifesté dans le Jura.
Au début du mois, une attaque s'est produite à Chatelblanc. Puis, un troupeau de brebis a été attaqué le 17 juillet 2013 à Foncine le Haut près des Planches en Montagne dans le Haut-Jura. Dans ce dernier cas, trois brebis ont été tuées, et deux autres blessées. Les faits se sont déroulés dans une pâture située assez loin des habitations.
Le communiqué préfectoral affirme que : "Les conclusions techniques de l’expertise réalisée par les services de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) indiquent qu’il n’est pas à exclure que cette attaque ait été commise par un loup. Un cliché pris dès le lendemain à partir d’un piège photographique installé à proximité du lieu de l’attaque a en effet permis d’identifier un animal en présentant toutes les caractéristiques."
Voir également le reportage de France 3 Franche-Comté du 24/07/2013
Voir également le reportage de France 3 Franche-Comté du 25/07/2013
Haut-Jura : Le loup est-il dans le massif du Risoux ? (05/09/2013)
Un troupeau de moutons a subi plusieurs attaques début septembre 2013 dans le secteur des Rousses. Un éleveur, Xavier Broquet, a perdu 15 brebis sur un cheptel de 400 bêtes. La semaine dernière, son troupeau a été attaqué au lieu-dit Plan Pichon. Le prédateur est revenu au même endroit dans la nuit de lundi à mardi. Selon l'agriculteur, la piste du lynx serait écartée. Les morsures ne correspondent pas. Les services de l'Office National de la Chasse et de la Faune sauvage ont posé des pièges photographiques sans résultat ces derniers jours.
Cette attaque a surpris l'exploitant. Il explique avoir mis en place des enclos électriques de nuit. Malgré la présence d'un chien patou, le troupeau effarouché a forcé les clôtures. Plusieurs bêtes se sont égarées en forêt. D'autres sont rentrées d'elles-mêmes à la bergerie située à plusieurs kilomètres à Trélarce. Xavier Broquet a rapatrié l'ensemble du troupeau sur la station des Rousses. "J'attends la visite des services de l'état cet après-midi, pour voir quelles mesures seront prises" explique t-il.
Les moutons devaient rester tout le mois de septembre en forêt. Ce sera dans deux à trois semaines la période des naissances. "Moi je ne suis pas contre le loup... je sais qu'il est présent, et qu'il sera présent sur le massif" tempère l'éleveur jurassien. Il se demande comment il va pouvoir protéger plus son troupeau.
Ce sont les bénévoles du pôle Grands prédateurs qui se sont mobilisés pour venir en aide à Xavier Broquet, "En cas de besoin, une soixantaine de personnes sont prêtes à venir patrouiller la nuit en binôme pour éviter qu'un loup n'approche les troupeaux" a déclaré Patrice Raydelet, responsable du pôle Grands prédateurs.
Voir également le reportage de France 3 Franche-Comté du 05/09/2013
Des patous contre le lynx et le loup (Est Républicain du 3 octobre 2013)
Le point chaud de l'été, en termes d'attaques de lynx sur les troupeaux de moutons, a été le Revermont. L'animal aurait été aperçu à Mantry et à Gevingey. Mais c'est à Saint-Laurent-la-Roche que sa présence ne fait plus l'ombre d'un doute. Trois attaques ont été recensées en août à quelques jours d'intervalle.
"Nous allons analyser toutes les données que l'on nous a transmises, indique Patrice Raydelet. Nous demandons le maximum de renseignements. Jusqu'à présent, on nous faisait remonter des informations sur une possible présence, mais, en fait, il s'agissait d'observation de blaireaux, de chats sauvages. Aujourd'hui, cela arrive bien moins souvent."
Pour faire face à ces attaques, un éleveur de Saint-Laurent-la-Roche, Laurent Bozon, s'est vu adjoindre Domino, un chien patou multi-troupeau utilisé en cas d'urgence. Il restera jusqu'à la fin de l'année, peut-être même davantage. L'éleveur doit récupérer deux patous de surveillance au départ de Domino. Au total, soixante chiens sont déployés dans le massif du Jura pour protéger les troupeaux. Ils étaient 10, il y a quatre ans.
"Depuis la mise en place de Domino à Saint-Laurent la-Roche, plus aucune attaque n'a été recensée", assure Patrice Raydelet. "Et partout où il y a des chiens, les attaques ont cessé. Cesystème a fait ses preuves. Quand l'éleveur est impliqué, ça se passe bien. Mais on pourrait équiper bien plus de monde. Au moins dix éleveurs par an. Mais la demande n'est pas assez forte et il n'existe pas vraiment de communication autour de ces patous. Mieux vaut anticiper que réagir après une attaque."
Décembre 2013 : après une attaque sur un élevage ovin, la préfecture suspecte la présence d'un loup dans la région de Clerval
La préfecture et l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) suspectent “fortement” la présence d’un loup après un épisode de prédation dans la nuit du 11 au 12 décembre 2013, sur un petit élevage ovin à Saint Georges-Armont, une commune du canton de Clerval dans le département du Doubs.Cette nuit-là, les deux brebis de Christian Drouvot ont été attaquées par un grand canidé. Cet habitant de Saint-Georges-Armont, dans le canton de Clerval, a retrouvé le lendemain matin l’une de ses bêtes morte et à moitié dévorée. L’autre boîtait et avait du sang sur son pelage.
« Je n’ai rien entendu », confie-t-il au téléphone. « Les brebis fuient le danger sans bêler. Ça a été un choc pour moi. » D’après lui, des gens du village auraient vu le prédateur, à plusieurs reprises, errer de nuit parmi les habitations. D’autres l’auraient repéré sur la route de Rang.
Emmanuel Renaud, de l’ONCFS, confirme ces témoignages mais ne peut pour l’instant pas garantir qu’il s’agit bien d’un loup. Dans ce cas, il pourrait s'agir d'un animal jeune adulte en quête de territoires, « le loup étant capable en une nuit, de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres. Nous avons analysé la brebis morte, précise-t-il. Les plaies et les parties qui ont été mangées sont plutôt caractéristiques du mode opératoire du loup. Nous préférons parler de grand canidé jusqu’à ce que les pièges photographiques disposés sur le terrain prennent l’animal en flagrant délit, s’il repasse. »
Les éleveurs ovins et caprins qui pourraient être impactés par la présence du loup dans le canton de Clerval ont été invités, dans la mesure du possible, à regrouper notamment la nuit leur troupeau en bergerie. Dans l’attente de recueil d’indices de la présence du loup, la préfecture a demandé au réseau de correspondants formés au recueil d'indices de présence du loup de renforcer le dispositif qui permet de suivre l’évolution de cette présence potentielle et, le cas échéant, de prendre les mesures adaptées dans le cadre du plan Loup.
Au début de l'année 2014, le préfet réunira le comité départemental de suivi et de gestion des grands prédateurs pour faire le point et engager les mesures adaptées.
Voir également l'article de FranceBleu Besançon.
9 décembre 2013 : "Le loup de Damprichard" (Le Matin, édition du 31/12/2013)
Même si l’hypothèse d’un chien-loup errant subsiste, tout porte à croire que le loup rôde à la frontière franco-suisse dans le secteur de Damprichard - Morteau - Belfays.
"Tous les critères phénotypiques relevés sur la photo sont caractéristiques de l’espèce Canis lupus", écrit Alain Laurent dans son rapport. L’expert français ne détient aucune preuve quant à la présence du loup dans le Jura, mais sa conviction se base sur une photo prise le 9 décembre en bordure de route, à Damprichard : des oreilles à la queue, tout dans la silhouette et le pelage plaide en faveur du prédateur : sa silhouette avec une ligne de dos horizontale, sa tête au masque labial blanc et oreilles peu pointues, son pelage contrasté, avec la partie dorsale gris foncé, flancs plus clairs, dégradé régulier des couleurs et sa queue courte à l'extrémité est noire, portée tombante et en parallèle des membres postérieurs.
Le Loup de Damprichard (Photo DR)
L’animal aurait ensuite été aperçu à Morteau puis, trois jours après la première observation, à Belfays : "Je rentrais chez moi en voiture quand je l’ai aperçu à 21 h 30 au bord de la route. Quelle émotion !" rapporte cette villageoise. Elle rentre chez elle, puis revient sur les lieux avec son ami et un appareil photo. Le loup ne s’était presque pas déplacé. Le cliché – unique – est pris à 22 h 06, juste avant que l’animal ne file à travers champs. "Il ne semblait pas apeuré, mais les traces dans la neige suggère que l’animal était blessé à une patte", précise l’automobiliste. On attribue à ce loup une brebis dévorée. On montre ses traces dans la neige. Mais la preuve irréfutable manque encore. Le dernier loup tué sur le plateau de Maîche l’a été en 1868, au Faux Verger, d’où le scepticisme régnant du côté de Damprichard : "Nous n’avons pas peur du loup", indique l’épouse du maire.
Empreintes du canidé dans la neige. L'animal serait blessé.
(photo DR)
Verdict des poils
Prélevée sur un barbelé et envoyée à un laboratoire de Grenoble, une touffe de poils rendra prochainement son verdict. En attendant, les sceptiques penchent pour un chien-loup de Saarloos ou un chien-loup tchèque, dont il existe des élevages dans la région. Ces races sont plus aptes que les loups à s’aventurer sans crainte dans un village, ou à longer une route, même si trois attaques successives de moutons à Savièse dans le Valais suisse se sont produites parfois à quelques mètres des habitations.
"Sans validation scientifique, une confusion avec un autre canidé est toujours possible", indique le spécialiste suisse Jean-Marc Landry. Mais la présence du loup dans l’arc jurassien lui paraît plausible : "Les voisins de mes parents en auraient aperçu un à La Heutte, au-dessus de Bienne."
Sa progression n’est pas frontale, comme celle du lynx. Mais la présence même rare du Loup en Franche-Comté a convaincu l’inspecteur environnemental Patrick Rebillard. "Les observations et les attaques se multiplient", dit-il.
Janvier 2014 : le Loup entre Dole et Besançon ? (Est Républicain du 18/01/2014)
L'animal solitaire a été surpris dans un champ à Étrepigney, dans le Jura. Cet agriculteur d'Étrepigney village situé entre Dole et Besançon dans le Jura, a cru avoir la berlue, samedi matin en allant labourer. « J'ai vu cette bête qui était couchée dans la paille de maïs, à 20 m de moi. J'ai tout de suite pensé à un loup. Un loup dans la plaine, ça m'a vraiment choqué », raconte-t-il. Alors que l'animal se déplace tranquillement dans le champ, l'agriculteur contacte aussitôt le président des chasseurs de la commune.
« Aux alentours de midi, je croise un forestier. Je l'arrête pour qu'il confirme mon intuition. Accompagnés d'un jeune chasseur, nous repartons sur le tracteur. Sauf qu'en l'espace de 10 minutes, le loup a disparu. Avant de ressurgir au loin, au beau milieu de la plaine. Nous nous approchons à une quarantaine de mètres pour prendre une photo », explique l'agriculteur. Le cliché dans la boîte, le chasseur n'en revient pas : « Je ne m'attendais pas à ça ici ».
L'agriculteur s'est approché à une quarantaine de mètres
pour immortaliser l'animal à l'aide de son smartphone
Le lendemain, un jeune conducteur voit l'animal traverser la route : « Il venait de la côte de Cinq-Sens. Je me suis arrêté, éberlué pour le photographier. Il avait vraiment la démarche d'un félin[1] ». Un autre Jurassien, ayant lui aussi croisé le spécimen, n'en démord pas : « J'ai montré la photo à plusieurs chasseurs, ils me disent tous que c'est un loup ».
À quelques km de là, à Louvatange, une vache a vêlé dans un pré, une quinzaine de jours plus tôt. Son petit a été retrouvé mort. Mais la prudence est de mise : « On va tout mettre sur le dos de ce pauvre loup, mais ça peut être aussi l'œuvre d'un renard. Pour aller à Louvetange, il faudrait que le loup franchisse le Doubs et la Nationale. Même si ce n'est pas impossible, il faut quand même faire attention à ne pas verser dans la psychose », commentent des riverains.
« Si l'animal aperçu est un loup, il a pu quitter ou être contraint de quitter sa meute », explique ce spécialiste de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui ne peut en dire plus sans l'autorisation des services de l'État. Ces derniers n'ont pas souhaité s'exprimer dans l'immédiat. Les loups solitaires sont parfois vraiment isolés mais le plus souvent, ils suivent une meute en quête d'une partenaire pour fonder un nouveau clan. Même s'il choisit l'isolement ou s'y voit contraint, le loup reste en contact avec ses semblables. Il arrive aussi que le prédateur, rendu inconsolable par la mort de sa compagne, s'isole volontairement du clan.
Voir également le reportage de France3 Franche-Comté du 20 janvier 2014.
Janvier 2014 : chasseur « nez à nez avec le loup » (Est Républicain 21-01-2014, Édition du Doubs).
Quelques jours après la photo prise entre Dole et Besançon, nouveau témoignage d'un Jurassien qui affirme avoir vu l'animal de très près.
À 70 ans et au moins quarante ans de pratique, Edmond Bulabois est ce que l'on peut considérer comme un chasseur expérimenté. Pourtant, sa rencontre avec le loup qui semble rôder actuellement dans la forêt domaniale de Chaux ne l'a pas laissé indifférent (notre édition du 18 janvier). « Voir un loup, ce n'est pas commun nous a-t-il confié. J'en ai même rêvé la nuit dernière, je me suis réveillé trois ou quatre fois ! »
Edmond Bulabois faisait partie dimanche matin d'un groupe d'une quinzaine de chasseurs qui ont démarré à 8 h 30 du parking de la salle des fêtes d'Éclans. Cinq chasseurs étaient à la traque avec une dizaine de chiens, dix autres étaient postés comme lui. Alors que vers Étrepigney, l'animal a été vu en plaine, c'est dans la forêt qu'il est cette fois apparu. Notre témoin raconte : « Il marchait dans la forêt à 20 mètres de moi, il rentrait sur le lot numéro 3 de la forêt domaniale. Il s'est figé quand il m'a vu. J'ai bougé les épaules pour voir sa réaction, il a fait un quart de tour et il est parti. J'ai vu un de nos chiens qui était sur ses traces, mais il ne donnait pas (N.D.L.R. : il ne jappait pas) ».
« Pas l'impression d'une bête agressive »
Muni d'une carabine Bauer « point rouge lunette », « Je ne l'ai pas mis au bout (N.D.L.R. : en joue) sinon il n'allait pas loin », dit le chasseur pour signifier que le loup était vraiment tout près. « Je l'ai vu trottiner, je n'ai pas eu l'impression de voir une bête agressive. » On ne tire pas le loup qui est une espèce protégée, le chasseur prône une attitude responsable. « On voit des chevreuils tous les dimanches, on ne tire pas plus, c'est fini, c'est comme ça. » Mais quand le chasseur est rentré retrouver ses collègues, il surveillait quand même ses arrières. « Qui ne parle pas du loup avec une certaine appréhension ? » reconnaît-il. Mais il en est certain, c'est un loup, pas un berger allemand. « J'en ai eu pendant 25 ans, je sais faire la différence ».
Edmond Bulabois aurait cependant bien aimé ne pas être le seul à avoir vu le loup dimanche matin, pour encore plus de crédibilité. « J'ai appelé le technicien de la fédération de chasse. Il m'a dit : tu ne me surprends pas : je l'ai vu mardi à La Bretennière. »
La communication est laissée aux soins de la préfecture, nous a fait savoir le technicien en question. Thierry Humbert, directeur de cabinet, informe que la préfecture « poursuit la recherche d'éléments qui permettront de dire qu'on est bien en présence d'un loup. »
Des pièges photographiques
L'Office national de la chasse et de la faune sauvage va poser des pièges photographiques. « On peut imaginer que l'on a à faire à un animal en transit. Au niveau national, le "plan loup" prévoit la protection de l'espèce en France, mais aussi un suivi scientifique, l'indemnisation d'éventuels dommages, l'accompagnement des éleveurs et des mesures de gestion différenciées. Si nécessaire, des mesures d'effarouchement, puis de tir de défense peuvent être envisagées. « Déroger à l'interdiction de destruction doit rester une exception », rappelle Thierry Humbert.
Serge SPADILIERO
[1] Confondre un canidé avec un félin : on peut mettre en doute les connaissances faunistiques de l'observateur !
10 Février 2014 : un drôle de chien aperçu le long de l'autoroute en Suisse
En prenant au vol un cliché par la fenêtre de la voiture, un automobiliste a eu une surprise en regardant la photo sur son ordinateur : en bas, à gauche, une silhouette d'un canidé qui tentait de franchir la barrière. Était-ce un chien ou un loup ?
Détail de l'animal
Quel est l'animal le plus dangereux pour l'Homme ?
Article de l'Est Républicain du dimanche 7 décembre 2014 :
Loup : « la politique du chiffre » par Lisa LAGRANGE
À la suite des manifestations d'éleveurs demandant une hausse du nombre de tirs de défense, le collectif de défense Cap Loup plaide pour une mise en place sereine et responsable de moyens de sécurisation des troupeaux
Pontarlier. Pour eux, c'est une aberration. En réponse aux récentes manifestations d'éleveurs ovins, notamment dans la semaine dernière, qui demandent une hausse du nombre de prélèvements, Cap Loup, collectif d'associations pour la défense du prédateur, monte au créneau. Il rappelle “les enjeux économiques et patrimoniaux du dossier”, qu'il ne considère pas comme “un fléau” nécessitant “l'exclusion des loups en zones d'élevage”.
Le collectif l'assure : « Oui, le retour du loup est souvent une contrainte nouvelle pour des éleveurs qui doivent réapprendre à travailler en présence de prédateurs naturels Mais les éleveurs peuvent et doivent s'adapter aux enjeux du XXIe siècle de protection du patrimoine naturel de tous les Français ».
Côté Franche-Comté, Thierry Billey, référant du réseau Férus, association nationale de protection et de conservation de l'ours du loup et lynx en France, souligne également les objectifs. « Les éleveurs francs-comtois ne sont pas encore trop touchés. Mais il y a eu des attaques en 2011 à Chapelle-d'Huin, dans le massif du Jura en 2013 et plus récemment à Lons-le-Saunier, ce qui montre que le loup est passé. Et qu'il a une forte probabilité pour que cela recommence, d'où l'intérêt de mettre en place des moyens de protection. » Car les défenseurs du loup sont clairs, les prélèvements, aussi nombreux soient-ils, ne règlent pas le problème. « Le loup se réinstalle. Il est faux de parler de prolifération, mais l'espèce s'étend et reconquiert les territoires où il était historiquement implanté. » Le loup est une espèce protégée, qui compte approximativement quelque 300 spécimens sur le territoire national.
L'exemple suisse
D'ailleurs, la période hivernale devrait faciliter l'affinage du décompte, puisque les traces de sa présence sont plus facilement détectables dans la neige. « Et ce, même si l'hiver, les attaques sont moins fréquentes puisque les moutons ne sont pas en alpage. Cela démontre aussi que le loup se nourrit d'ongulés l'hiver. L'été, c'est plus aisé puisqu'il a des garde-manger faciles d'accès. Pourquoi se donnerait-il la peine de chasser, alors même qu'il en est plus que capable. Encore une fois, il suffirait, pour s'en protéger, de mettre en place des moyens de protection. »
Parmi ceux-ci, le spécialiste préconise des chiens Patou. Mettant en avant l'exemple allemand, qui démontre que, si l'animal est bien élevé, notamment à l'égard des randonneurs qui eux-mêmes doivent éviter des gestes dangereux, les attaques diminuent. « Placer également des ânes ou des lamas avec les moutons, est une bonne solution car ils les détendent. Cela peut sembler étonnant, mais cela fonctionne. Et ne coûte pas très cher. »
En revanche, Thierry Billey dénonce fermement les tirs de prélèvements et les battues, dont le nombre est monté pour 2014 à 36 tirs. « C'est la politique du chiffre. Et après, on fait quoi ? Toujours plus ? Je ne vois pas en quoi effectuer ces tirs au hasard, principalement en Provence Alpes-Côte-d'Azur, peut aider les éleveurs de la Meuse. On fait croire que cela peut régler le problème, mais c'est un non-sens. »
Autre exemple évoqué : celui de la Suisse qui, dans les cantons de Vaud et Fribourg, a obtenu de très bons résultats avec la mise en place de sécurisation de troupeaux. Alors qu'en 2008, 34 moutons ou chèvres ont été victimes du loup, en 2011, seul un mouton a été tué par un lynx dans le Jura vaudois. Dans le canton, 90 % des troupeaux estivaux sont équipés de moyens de protection.
Émission de FR3 Franche-Comté du 4 juin 2015 : La présence confirmée du loup dans le Jura
Le 29 avril 2015, dans les environs de 18h, une femme avait filmé ce qui ressemblait à un loup, dans la périphérie de Saint-Amour. Les autorités compétentes ont confirmé qu'il s'agissait bien d'un loup. Mais depuis plus aucune trace.
L'office national de la faune sauvage a confirmé que l'animal filmé le 29 avril par une automobiliste, présentait toutes les caractéristiques d'un loup. À cette période l'animal se trouvait en périphérie de la commune de Saint-Amour, dans le Jura.
Néanmoins, selon le secrétaire général de la préfecture du département, il n'y a pas eu d'autres signalements du loup et donc il n'y a pas lieu de prendre des mesures.
Concernant le veau attaqué en début de semaine, à Saint-Germain-lès-Arlay, situé à 60 km de Saint-Amour, des analyses sont en cours mais selon les premiers éléments ce ne serait pas l'œuvre d'un loup.
En janvier 2014 un loup était resté un mois dans la forêt de Chaux. Un troupeau avait été attaqué à l'époque.
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Retour du Loup : le point de vue de l'historien
Le Loup : le retour en grâce
d'un roi maudit ?
par Jean-Marc Moriceau
Jean-Marc Moriceau, historien, est spécialiste de l'histoire des campagnes. Professeur à l'université de Caen et président de l'Association d'histoire des sociétés rurales, il conduit actuellement une enquête européenne sur les relations entre l'Homme et le Loup.
Le texte ci-dessous cumule des entretiens avec Jean-Marc Moriceau (Sciences et Avenir n° 774 août 2011 p. 94, propos recueillis par Rachel Mulot et François Folliet et Sciences et Avenir hors série n° 170 avril/mai 2012, pp.60-63, propos recueillis par Andreina de Bei).
Dans ses ouvrages, appuyés sur des sources abondantes et détaillées, Jean-Marc Moriceau a répertorié jusqu'à 4702 attaques de loups sur l'homme en France entre le XVe et le XXe siècle. Cet éclairage comportemental précisément contextualisé a provoqué de vives réactions dans les milieux sensibles au sort du Loup. En effet, Canis lupus, disparu de France autour de 1930, n'a jamais cessé, depuis son retour naturel d'Italie en 1992, d'exciter les passions de ses partisans et détracteurs. Animal protégé internationalement par la Convention de Berne (1979) et en France par un arrêt de 1996, le Loup a progressé dans notre territoire, du Massif Central jusqu'aux Vosges, où la présence d'un deuxième individu a été confirmée cet hiver par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. On en compterait en tout aujourd'hui à peu près deux cents.
Depuis l'Antiquité, et jusqu'à sa protection en France en 1992, l'animal a été perçu comme l'ennemi public n°l. Objet de haine et de fascination, le Loup a subi la fureur des hommes, jusqu'à l'éradication. Le Loup est un révélateur des sociétés.
Le Loup a été construit comme un ennemi public
Le Loup est un animal politique. Il a servi d'épouvantail et d'adversaire aux sociétés humaines depuis le VIe siècle avant notre ère. Nous lui avons mené une véritable guerre, deux mille ans durant. Mais la France est le seul pays où la lutte a pris un tour institutionnel avec la mise en place de la Louveterie, un corps d'agents publics consacré à sa destruction, formellement établi au XIVe siècle. La France étant un État centralisé, ce carnassier servait d'ennemi intérieur en temps de paix : on comptait jusqu'à 20 000 loups à la fin du XVIIIe siècle, s'immisçant jusque dans les villes.
La peur viscérale de cet animal est justifiée
J'ai documenté plus de 3000 attaques sur l'Homme en France entre le XVe et le XXe siècle. Un chiffre non exhaustif... Des réalités effectives ont nourri l'imaginaire du Loup. Jusqu'en 1880 en Dordogne, les attaques ont créé des psychoses collectives, L'animal a disparu dans les années 1930, mais jusqu'en 1940-1950, on savait qu'était le Loup. Cependant, la mémoire s'est effilochée. Une autre image, positive celle-là, est alors venue du Grand Nord canadien, où l'animal n'est pas en concurrence avec l'Homme. Pourtant, des attaques ont encore lieu. Ainsi, en Espagne, quatre enfants ont été tués entre 1962 et 1971. En France, le risque est infinitésimal, mais il n'est pas nul. Certes, les victimes sont peu nombreuses, mais il y a une transgression anthropologique terrible : l'Homme est dévoré vivant.
Que dit l'image du loup de notre société ?
Le Loup est un révélateur du fonctionnement des sociétés et de leur rapport à l'espace. Cet animal intelligent et opportuniste met en lumière les faiblesses de notre organisation. Il est aussi un ferment de division : c'est le seul animal qui ait autant excité les passions économiques, culturelles et politiques. Il éclaire aussi la fragilité de notre occupation de l'espace. Aujourd'hui, nous sommes divisés pour savoir s'il faut le protéger ou le réguler. Depuis son retour naturel en France en 1992, les attaques sur le bétail ont été multipliées par quatre ou cinq. Il est désormais présent dans une douzaine de départements. Notre culture d'élevage extensif et à l'air libre, souvent pour la viande, offre des secteurs très exposés.
J'ai étudié les luttes menées par l'Homme contre le Loup : il s'agissait de tenter de répondre à une question de société actuelle : quelle est la place de l'animal sauvage ? Car elle fait aujourd'hui débat au sein de l'opinion publique, eu raison de l'intérêt suscité par la préservation de la biodiversité et des contradictions qu'elle soulève en termes de développement durable. Les historiens étaient plutôt absents de la discussion.
Que représentait pour l'homme cet animal que l'on a voulu « éradiquer » ?
Au départ, il n'était pas question d'éradiquer le Loup, mais simplement de le repousser hors de la zone d'emprise de l'humain afin de prémunir celui-ci d'un danger. Car, pendant des siècles, l'Homme a été conscient de son impuissance à venir à bout de cet animal. La question de "l'extermination" ne s'est posée qu'au XIXe siècle, quand les moyens techniques et le contexte politique se sont prêtés à une entreprise de cette nature. Le Loup représentait alors essentiellement un concurrent de l'Homme pour l'alimentation, puisqu'il restai! le seul grand prédateur camivore en Europe et ponctionnait régulièrement le bétail en tout genre. Occasionnellement s'ajoutait à cette menace un comportement véritablement dangereux pour les humains, de la part soit de loups enragés s'attaquant à tous les êtres vivants rencontrés sur leur passage, soit de loups prédateurs à comportement anthropophage. Agresseurs de l'Homme, ils transgressaient clairement l'ordre naturel des choses.
Le loup porte une charge symbolique
Une charge récupérée par l'Église. Il faut s'imaginer qu'en France, il y a eu jusqu'à 20 000 loups, largement répandus dans tout le pays. Lorsque se produisaient des attaques sur l'homme - agressions traumatisantes et répétées -, il était très difficile d'identifier les coupables. Dans un pareil contexte, le lien avec les bêtes apocalyptiques décrites par les Écritures, mis en évidence par les sermons des clercs, devenait incontestable : aux yeux de l'Église, ces drames que l'on n'arrivait pas à éviter étaient souvent considérés comme des signes de la colère divine.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le Loup a été l'emblème majeur du "sauvage" s'opposant à la civilisation. Le représentant d'un ordre différent de celui des humains. C'est un animal extrêmement intelligent, résistant, qui s'adapte à tous les environnements, et qui non seulement défiait l'Homme mais parvenait à lui résister, y compris lors de battues organisées. Il a fallu attendre sa quasi-disparition en France pour que, par exemple, une démarche de type naturaliste gagne du terrain, auprès des louvetiers), afin de tenter de juguler l'extinction totale de l'espèce. Ce mouvement a en quelque sorte anticipé le retournement dont fait l'objet de nos jours l'image du loup.
Le Loup a changé d'image en plusieurs étapes. La première, fondamentale, c'est sa disparition physique - définitive après la guerre de 1914 -, qui a entraîné la fin de l'insécurité. Les attaques sur les troupeaux ont cessé, permettant à l'élevage de se reconfigurer géographiquement. Les agressions sur l'Homme, de la part de loups prédateurs jusque vers 1820-1830 et de loups enragés jusque vers 1880, se sont également arrêtées. Dans ces conditions, l'imaginaire négatif traditionnel attaché à l'animal qui n'avait jamais été dompté a commencé à s'effilocher. Par la suite nous sont parvenues d'Amérique du Nord des images de loups habitant d'immenses espaces sauvages, où les rapports avec l'Homme n'avaient pas lieu d'être conflictuels. Ces icônes séduisantes allaient préparer le terrain à une véritable entreprise de "réhabilitation" de l'animal.
Un premier décalage existe entre une opinion publique qui se convertit de plus en plus à l'idée de défendre la biodiversité et des milieux économiques, certes très limités, mais directement concernés par la présence d'un animal qui peut se révéler perturbateur. Cette tension est rendue plus complexe encore par le statut du loup, protégé par des conventions internationales et par la législation européenne, mais dont la présence fait néanmoins l'objet d'aménagements tenant compte indirectement et a posteriori des dégâts qu'il provoque. Le Loup ne peut pas faire bon ménage avec l'élevage. Il ne peut être strictement protégé : dans certaines régions de France, les "dommages collatéraux" que provoque son développement sont modestes, dans d'autres, ils sont beaucoup plus importants. De mon point de vue, il semble intelligent de garder en tête cette différence d'échelle afin d'éviter d'avancer des discours absolutisants.
Relations avec le milieu scientifique, plus précisément avec les biologistes ou les zoologues
Mes rapports avec les biologistes sont bons, après avoir été conflictuels. Le Loup semblait leur appartenir au premier chef ! Il existe une sorte de guerre des territoires qui fait qu'un historien, dès qu'il s'approche du loup, suscite au mieux par son prétendu manque de connaissances le sourire amusé des biologistes. Aujourd'hui, la situation a évolué, même si l'attitude de certains de ces spécialistes me laisse perplexe, notamment lorsqu'ils relativisent la dangerosité du Loup pour l'Homme de peur de compromettre l'opinion favorable du public à son égard. Malgré ces positions à mon sens trop prudentes, des collaborations sérieuses avec des biologistes m'ont permis d'avancer.
Comment peut-on, in fine, cohabiter ?
Selon moi, la cohabitation avec le Loup, extrêmement complexe, est quasiment impossible. Le Loup est un animal sauvage, et son retour naturel en France depuis vingt ans pose de réelles difficultés d'aménagement et de gestion des milieux agropastoraux. À la différence des décideurs et de l'opinion publique, ces derniers subissent au jour le jour les conséquences de sa présence. Je le répète, il nous incombe de faire des choix et d'avoir une vision claire de la question ; une vision qui tienne compte des contraintes posées par une politique de gestion efficace. Je plaide pour l'organisation d'"états généraux du Loup" rassemblant non seulement des scientifiques français et étrangers de différentes disciplines, mais aussi tous les acteurs touchés par la question.
Cohabite-t-on mieux avec lui en Espagne et en Italie ?
Une sensibilité écologiste fait du Loup "un mal français". Cela est faux. En Espagne, il y a du braconnage et des plans d'abattage draconiens. Le pays a obtenu un statut dérogatoire à la convention de Berne qui autorise sa mise à mort au nord du fleuve Duero s'il se révèle gênant.
Notre relation avec les animaux, sauvages et libres par excellence, passe encore par la domination
Il ne faut pas oublier que la planète, depuis quelques millions d'années, et surtout quelques dizaines de milliers, est sous la maîtrise d'une espèce particulière, l'espèce humaine, dont la survie et le développement sont considérés, à tort ou à raison, comme primordiaux. Simplement, depuis plusieurs décennies, nous avons pris conscience de l'existence des autres espèces et de l'obligation de les préserver. L'équilibre est donc perçu différemment.
Que peut apporter l'historien à cette question ?
L'expérience de deux millénaires de lutte : il a été démontré à toutes les périodes de l'histoire que les mesures de compensation et de protection pouvaient réduire les préjudices mais pas éliminer les risques et dommages collatéraux. La chaîne liée à la présence du Loup est bien plus compliquée que "brebis tuée, indemnité et point barre". Il y a le stress des éleveurs et celui des bêtes, qui altère leur production. De même, la concentration et la protection des troupeaux compromettent aussi l'entretien des alpages Si l'on veut favoriser le retour du loup, il faut donc aller bien au-delà du régime indemnitaire.
Que préconisez-vous ?
Que voulons-nous ? Un retour du Loup sur tout le territoire ? Seulement dans certains espaces ? Chaque année, scientifiques, écologistes, chasseurs et bergers devraient se réunir pour assurer une gestion zonale, considérer les risques sans abdiquer le souci de la préservation. Pour cela il faut quitter la vulgate biologique "le Loup n'attaque pas l'Homme". À mon sens, l'animal devrait être protégé non pas sur tout le territoire mais dans certains espaces aménagés. Car nous marchons actuellement sur la tête : un éleveur doit attendre de voir ses bêtes éventrées pour demander l'autorisation de tirer sur tel ou tel animal dérangeant.
Pour en savoir plus :
• Histoire du méchant loup. 3000 attaques sur l'homme en France XVe - XXe siècle, Fayard, 2007.
• L'Homme contre le loup. Une guerre de deux mille ans, Fayard, 2011 479 p. 26 €.
Critique de l'ouvrage de Jean-Marc Moriceau par Roger Mathieu, médecin et naturaliste, "ouvrage qui semble plus relever de la compilation laborieuse que d'une véritable enquête. Le texte intégral de Roger Mathieu est visible sur le forum de discussion de loup.org.
Mise au point sur ce livre par Pierre Jouventin (Ajout janvier 2013)
dans un article publié dans "Pour la Science" de janvier 2013, pp. 42-49 intitulé : La domestication du loup.
Moins dangereux que le chien
Le loup a toujours occupé la première place dans notre imaginaire animalier. Pour autant, les connaissances précises sur ses mœurs dans la nature, pour la plupart acquises par les biologistes nord-américains, datent de moins d'un demi-siècle. Aussi n'est-il pas étonnant que sur un sujet aussi crucial que le danger que cet animal représente pour nous, les avis s'opposent d'une discipline et d'un continent à l'autre. Jean-Marc Moriceau, historien membre de l'Institut universitaire de France, a sous-titré 3 000 attaques sur l'homme en France xve-xxe siècles son livre récent Histoire du méchant loup. Mais en Amérique du Nord, la prime qui avait été promise à celui qui prouverait une attaque sur un humain n'a jamais pu être attribuée… Il est en fait très difficile de distinguer les véritables attaques de celles de loups enragés et de chiens errants, autrement plus communes. Depuis 20 ans que le loup est de retour en France, aucune morsure de loup sur l'homme n'a été signalée, alors que des milliers de personnes mordues par des chiens se présentent chaque année aux services d'urgences ; 33 d'entre elles sont mortes en 20 ans… Comme le requin, le loup a très mauvaise réputation, sans doute parce que les cadavres dévorés à la suite de suicides ou pendant les guerres ont été interprétés comme des victimes d'attaques. En tout cas, aujourd'hui en France, le loup représente un risque statistiquement nul, alors que les morsures de chien constituent un problème de santé publique…
[Pierre Jouventin, écoéthologue et directeur de recherche émérite du cnrs, a dirigé pendant près de 15 ans le Laboratoire cnrs d'écologie de Chizé, dans le département des Deux-Sèvres.]
Plus de renseignements sur le Loup en France :
http://loup.org/spip/IMG/pdf/ddploupsfepm_dec2012.pdf
17:35 Publié dans Actualité des Sciences, Environnement-Écologie, Mammifères | Tags : loup, retour du loup, historien, jean-marc moriceau, sciences et avenir | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
Le loup (le retour) et l'agneau (le départ ?)
Le loup (le retour) et l'agneau (le départ) ?
par Christian Deverre
- INRA-SAD-Avignon, unité d'Écodéveloppement
domaine Saint-Paul, site Agroparc, 84914 Avignon cedex 9
deverre@avignon.inra.fr
Après quelques années de doutes et de controverses sur sa possible réintroduction volontaire, la cause paraît dorénavant entendue : le retour du loup dans le massif alpin est un phénomène naturel. Le suprême prédateur a repris tout seul sa place d'espèce-clé des écosystèmes montagnards. Son retour et son expansion rapide témoignent de la bonne santé retrouvée de la nature dans cette région et sont, dans le même temps, les garants du rétablissement des équilibres entre les composantes de cette nature. Ils assurent la régulation future des fonctionnements écologiques.
Dès lors, pour les amis du loup, les obstacles qui freinent ce sain retour ne peuvent être que traités comme des entraves à cette harmonie naturelle en voie de rétablissement. Et l'hostilité des bergers à la présence du loup, la première et principale manifestation de son refus, ne peut être interprétée que comme la poursuite condamnable de la prétention humaine à remodeler l'univers en artifices productivistes. Les éleveurs montagnards, dont les proches ancêtres sont d'ailleurs responsables de la disparition temporaire de l'animal, sont dorénavant tenus de mieux respecter les fonctionnements écologiques et de s'y adapter s'ils veulent continuer à être tolérés sur des territoires reconquis par la nature.
Cette argumentation, qui renouvelle en la renversant la barrière ontologique édifiée depuis la Genèse entre l'homme et la nature, soulève néanmoins un certain nombre d'interrogations, tenant en particulier à la nature de cette nature que l'on vise à protéger, et dont le retour du loup serait le symbole.
La qualité retrouvée des espaces naturels dans lesquels revient l'animal serait d'abord due à l'allégement de la "pression anthropique", à l'amoindrissement de l'impact des activités humaines sur ces territoires ; bref, elle serait la conséquence bénéfique de la "désertification" rurale, particulièrement sensible dans les régions montagnardes. Cependant, outre le fait que le phénomène de dépeuplement humain a peu à voir avec des lois naturelles et beaucoup plus avec les transformations de la géographie du capital et de la politique agricole, ces " déserts " montagnards sont-ils vraiment l'objet d'un abandon des attentions de la société ? Ne sont-ils pas seulement l'objet d'une transformation de ces attentions ? A côté des stations de ski et des chasses privées, les parcs nationaux, réserves et autres conservatoires naturels ont peu à peu remplacé les finages et communaux villageois, mais ils sont loin d'être des sanctuaires où une nature sans hommes reprendrait seule ses droits. La mise en défens de ces territoires à certaines activités s'est accompagnée de multiples interventions tout aussi humaines depuis les réintroductions de faune " sauvage " jusqu'aux plans de " gestion " de celle-ci, en passant par les suivis floristiques et faunistiques plus ou moins systématiques, les nombreuses réglementations régissant la chasse, la cueillette et la fréquentation des sites et leurs zonages correspondants, tous légitimés par des " listes rouges ", directives et conventions nationales ou internationales. La nature qui s'est épanouie dans ces espaces protégés correspond à un mélange complexe entre des potentialités biologiques liées aux facteurs du milieu et des choix que leurs administrateurs ont fait au nom de la société, en notre nom.
Ce qui est paradoxal dans la situation actuelle, c'est que les administrateurs des choix sociaux de la nature se sont, de manière croissante ces dix dernières années, appuyés sur les activités pastorales pour accompagner les plans de gestion des territoires confiés à leurs soins. Ce sont à des éleveurs, transhumants ou locaux, qu'ont été largement confiées les tâches de maintenir l'ouverture de milieux favorables aux espèces végétales et animales fragiles et menacées par l'extension de la forêt ; c'est à eux que l'on a demandé de contribuer à 1'entretien des alpages et des mosaïques paysagères favorables aux ongulés sauvages comme aux grands rapaces. Au travers d'incitations financières comme les mesures agri-environnementales, les propriétaires de troupeaux domestiques ont été encouragés à reconquérir des espaces embroussaillés, pauvres en biodiversité et menacés par les incendies, et des bergers alimentent les charniers qui facilitent la réintroduction des vautours. Dans l'élaboration des futurs plans de gestion des sites du réseau Natura 2000, l'élevage se voit confier un rôle central dans tout l'arc alpin et en général dans toutes les zones montagnardes où l'on annonce l'inéluctable et prochaine réapparition des loups.
Les menaces que fait peser cette réapparition sur la poursuite sereine des activités pastorales encouragées au titre de la protection des espaces naturels ne plongent-elles pas les naturalistes lycophiles dans le doute ? À moins, mais c'est bien sûr impossible, que certains d'entre eux n'établissent implicitement une hiérarchie dans leurs préférences naturelles, plaçant les grands prédateurs à un rang supérieur à celui de l'Iris nain ou du Gypaète barbu ? Le loup, animal particulièrement adaptable à une grande variété d'habitats, peut subsister dans des zones presque entièrement boisées, pourvu qu'elles accueillent aussi des ongulés, et il ne souffrirait pas spécialement de la disparition des chaînes trophiques liées aux espaces ouverts que les troupeaux domestiques contribuent à conserver. Mais, au regard des connaissances écologiques actuelles en matière de biodiversité et des inventaires internationaux des espèces et habitats protégés, comment la préservation d'un seul animal, certes répertorié dans la Convention de Berne, pourrait-elle se justifier sur ces territoires au détriment sans doute de dizaines d'autres espèces ?
Certes, peu de protecteurs du loup sont prêts à tenir un langage aussi radical. La grande majorité d'entre eux affirme sa volonté de réfléchir aux conditions de la cohabitation entre loups et troupeaux dans les espaces montagnards. Mais leurs propositions pratiques ne concernent que des aménagements des seules pratiques pastorales, rétablissant ainsi le fossé entre la vraie nature, celle sur laquelle on ne peut intervenir sans la dénaturer - ce qui amène à rejeter avec dégoût, par exemple, l'institution de réserves à loups dans certaines zones boisées -, et l'autre, l'anthropique, que l'on peut manipuler à souhait. Gardiennage plus actif, présence d'aides-bergers et de chiens de protection, confinement des troupeaux domestiques la nuit sont ainsi proposés pour limiter les prélèvements des loups. Chacune de ces "solutions" pose, en sus des difficultés économiques de mise en œuvre, de nouveaux problèmes écologiques (dégâts possibles des chiens au " reste " de la faune sauvage, érosion des sols et pollution des eaux causées par la concentration de ruminants confinés dans des parcs...). Et bien sûr, la "part du loup", même réduite, n'est jamais complètement exclue. Ce dernier élément, inéluctable dès lors que l'on se refuse à cantonner les prédateurs, est supposé pouvoir être réglé par le biais d'indemnisations monétaires dont on discute si elles doivent être, comme aujourd'hui, distribuées selon le nombre de têtes prélevées, ou plus globalement forfaitaires, contractuelles. Et là encore, le fossé entre nature sauvage et nature domestique est inlassablement recreusé : la relation proie-prédateur n'est pas traitée dans ce cas selon le modèle écologique de la concentration d'énergie sur une chaîne trophique, avec ses régulations propres, mais sur le mode dichotomique entre l'animal naturel, qui accomplit ses fonctions vitales, et l'animal domestique, ravalé au rang de simple marchandise, nié en tant qu'objet biologique, unité interchangeable avec de la monnaie. La partition s'accentue encore lorsque, alors que l'on affirme que l'unité de base de la vie sociale du loup est la meute, on nie de fait la réciprocité au troupeau domestique en ne prenant pas en compte les effets d'une attaque sur les ruminants témoins survivants, blessures par bousculades, stress, insomnies, avortements.
Faut-il lire au travers de ces quelques remarques et interrogations un nouveau plaidoyer en faveur d'une ruralité archaïque opposée à la réhabilitation de la nature sauvage ? Sans doute, si l'on considère que leur auteur n'est pas insensible à la détresse humaine que provoque l'injonction faite à tout un groupe professionnel, beaucoup plus profondément attaché à ses animaux que les marchandisateurs ne le pensent, de se plier sans réagir aux "lois" d'un animal que, naguère, toute une culture abhorrait. Mais avant tout, mon souci est ici d'appeler à briser les constantes barrières que l'on tend inlassablement à reconstruire entre vraie nature et nature anthropique. C'est au nom de cette barrière que les plus dangereuses prédations humaines ont pu être faites au sein de ce qui n'était considéré que comme un réservoir de ressources plus ou moins illimitées. Mais le renversement complet de la perspective est tout aussi à craindre, celui qui attribue à la nature sauvage muette – et donc à ses porte-parole humains au nom de la connaissance révélée de ses "lois" et de ses impératifs – un poids supérieur à celui des agents humains et de leur nature domestique. Des loups, armés d'exemplaires de la Convention de Berne et dont le régime alimentaire estival est constitué en majorité de brebis ou de veaux, sont-ils vraiment plus sauvages que des herbivores choisissant leur menu entre les dizaines d'espèces d'herbes et d'arbustes que leur offrent les parcours montagnards, que leurs préférences changeantes façonnent année après année ? Le sort des uns et des autres, comme des territoires qu'ils fréquentent, ne peut être que de notre choix, consenti après un débat public sans hiérarchie, et non imposé par une quelconque destinée manifeste reposant sur une douteuse prédominance de la nature naturelle ou humaine. Ces deux natures sont inextricablement mêlées et leur opposition renouvelée ne peut que nous rendre successivement aveugles à nos responsabilités vis-à-vis de leur inéluctable conjonction.
Plus de renseignements sur le Loup en France :
http://loup.org/spip/IMG/pdf/ddploupsfepm_dec2012.pdf
17:00 Publié dans Actualité des Sciences, Environnement-Écologie, Mammifères | Tags : loup, retour du loup, inra | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |