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25/08/2019

Des chercheurs zurichois font évoluer la méthode Crispr/Cas

crisprcasGénétique - Des chercheurs zurichois

font évoluer la méthode Crispr-Cas

dite des "ciseaux moléculaires"

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KTSDESIGN / SCIENCE PHOTO LIBRARY / KTS / SCIENCE PHOTO LIBRARY / AFP

 

Les généticiens connaissent tous la technique CRISPR-Cas. Cette méthode biotechnologique offre un moyen relativement rapide et facile de manipuler des gènes uniques dans des cellules, ce qui signifie qu'ils peuvent être supprimés, remplacés ou modifiés avec précision. La première publication sur Crispr-Cas remonte à 2012[1]. Depuis, la méthode s'est imposée en recherche biologique fondamentale et dans d'autres domaines, comme la sélection des plantes pour l'agriculture.

 

De plus, ces dernières années, les chercheurs ont également utilisé des technologies basées sur CRISPR-Cas pour augmenter ou diminuer systématiquement l'activité de gènes individuels. Les méthodes correspondantes sont devenues la norme mondiale en très peu de temps, à la fois en recherche biologique fondamentale et dans des domaines appliqués tels que la sélection végétale.

 

Jusqu'à présent, la plupart des chercheurs ne pouvaient modifier qu'un seul gène à la fois en utilisant cette méthode. À l'occasion, ils ont réussi deux ou trois en une fois ; dans un cas particulier, ils ont pu éditer sept gènes simultanément. 

 

Des chercheurs de l’École Polytechnique Fédérale de Zurich ont augmenté les capacités de CRISPR. La technique de ciseaux moléculaires qui permet de modifier des gènes, a été optimisée pour permettre de modifier l’expression de plusieurs gènes en même temps, afin d’étudier des réseaux génétiques complexes. 

 

Aujourd’hui, le professeur Randall Platt et son équipe du département de science et d'ingénierie des biosystèmes de l'ETH Zurich à Bâle ont mis au point un processus qui — comme ils l'ont démontré expérimentalement — peut modifier 25 sites cibles au sein de gènes d'une cellule à la fois. Comme si cela ne suffisait pas, ce nombre peut encore être augmenté pour atteindre des dizaines voire des centaines de gènes, comme le souligne Randall Platt. En tout état de cause, cette méthode offre un potentiel énorme pour la recherche biomédicale et la biotechnologie. "Grâce à ce nouvel outil, nous, ainsi que d'autres scientifiques, pouvons réaliser ce que nous ne pouvions rêver que par le passé."

 

Les gènes, ces bouts d’ADN qui codent pour les protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules, ne travaillent pas seuls. Ils forment des réseaux collaboratifs, où plusieurs gènes s’activent en même temps et travaillent dans un même but. Donc, pour modifier la fonction d’un gène, il ne suffit pas d'en modifier un, il faut modifier tous les gènes de son réseau. C’est dans cette optique que des chercheurs zurichois (Suisse) ont augmenté les capacités de la technique CRISPR. Il est désormais possible de modifier simultanément des dizaines, voire des centaines de gènes dans une cellule.

 

Reprogrammation cellulaire ciblée à grande échelle

 

 Les gènes et les protéines dans les cellules interagissent de différentes manières. Les réseaux résultants comprenant des dizaines de gènes assurent la diversité cellulaire d'un organisme. Par exemple, ils sont responsables de la différenciation des cellules reproductrices, des cellules neuronales et des cellules immunitaires. Crispr/Cas permet de supprimer, remplacer ou modifier certains gènes de manière relativement simple et rapide dans les cellules.  Ainsi, depuis quelques années, les chercheurs peuvent aussi augmenter ou réduire l'activité de certains gènes, a indiqué aujourd’hui l'École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). « Notre méthode nous permet, pour la première fois, de modifier systématiquement des réseaux de gènes entiers en une seule étape », déclare le professeur Platt. 

 

De plus, il ouvre la voie à une programmation cellulaire complexe à grande échelle. Il peut être utilisé pour augmenter l'activité de certains gènes, tout en réduisant celle des autres. La synchronisation de ce changement d'activité peut également être contrôlée avec précision.

 

Cela présente un intérêt pour la recherche fondamentale, par exemple pour déterminer pourquoi différents types de cellules se comportent différemment ou pour étudier des troubles génétiques complexes. Il sera également utile pour la thérapie de remplacement cellulaire, qui consiste à remplacer les cellules endommagées par des cellules saines. Dans ce cas, les chercheurs peuvent utiliser la méthode pour convertir des cellules souches en cellules différenciées, telles que des cellules neuronales ou des cellules bêta produisant de l'insuline, ou inversement, pour produire des cellules souches à partir de cellules cutanées différenciées.

 

Jusqu'ici, les chercheurs ne pouvaient intervenir que sur un gène à la fois par cellule, dans de rares cas sur deux ou trois simultanément, voire sept, le record actuel en la matière. Or certains processus cellulaires et facteurs de risque de maladies impliquent des dizaines de gènes, et la communauté scientifique était à la recherche d'une "mise à niveau" des ciseaux génétiques. C'est ce que propose l'équipe de Randall Platt, du Département des biosystèmes de l'EPFZ à Bâle dans la revue Nature Methods. L'expérience décrit la modification d'une cellule à 25 endroits différents du génome. Selon le professeur Platt, ce nombre peut même être augmenté, à plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de gènes. "Grâce à ce nouvel outil, nous pouvons mettre en pratique ce dont nous ne pouvions auparavant que rêver", dit-il.

 

La double fonction de l'enzyme Cas

 

La méthode CRISPR-Cas nécessite une enzyme appelée Cas et une petite molécule d'ARN. Sa séquence de nucléobases sert « d’étiquette d'adresse », dirigeant l'enzyme avec une précision extrême vers son site d'action désigné sur les chromosomes. Les scientifiques de l'ETH ont créé un plasmide, ou une molécule d'ADN circulaire, qui stocke le schéma directeur de l'enzyme Cas et de nombreuses molécules d'adresse d'ARN, organisées en séquences : autrement dit, une liste d'adresses plus longue. Dans leurs expériences, les chercheurs ont inséré ce plasmide dans des cellules humaines, démontrant ainsi que plusieurs gènes peuvent être modifiés et régulés simultanément.

 

Pour cette nouvelle technique, les scientifiques n’ont pas utilisé l’enzyme Cas9 qui a fait l’objet de la plupart des méthodes CRISPR-Cas à ce jour, mais l’enzyme apparentée Cas12a. Non seulement il peut éditer des gènes, mais il peut également couper la longue « liste d'adresses d'ARN » en  « étiquettes d'adresse » individuelles en même temps. De plus, Cas12a peut gérer des molécules d’adresse d’ARN plus courtes que Cas9. « Plus ces séquences d'adressage sont courtes, plus nous pouvons en adapter de plasmides », explique le professeur Platt.

 

Référence de l’article :

 

 Carlo C. Campa, Niels R. Weisbach, António J. Santinha, Danny Incarnato, Randall J. Platt. Multiplexed genome engineering by Cas12a and CRISPR arrays encoded on single transcripts.

Nature Methods, 2019; DOI: 10.1038 / s41592-019-0508-6 

 

[1]Consulter les différents articles consacrés dans ce blog sur cette technique en tapant "CRISPR" dans la fenêtre "RECHERCHER" en haut à droite sur la page d'accueil.

25/10/2017

Après l'ADN par CRISPR-Cas9, on sait modifier l'ARN grâce à CRISPR-Cas13

Après l'ADN par CRISPR-Cas9, on sait modifier l'ARN grâce à CRISPR-Cas13

 

Par Camille Gaubert le 25.10.2017  (Sciences et Avenir)

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Après l'ADN avec CRISPR-Cas9, c'est l'ARN que les chercheurs savent modifier de façon spécifique grâce à un outil moléculaire basé sur l'enzyme CRISPR-Cas13. C'est le sujet d'une toute nouvelle publication du MIT et du Broad Institute parue mercredi 25 octobre 2017.

On savait déjà modifier l'ADN de façon ciblée, on sait maintenant modifier son produit direct : l'ARN. Le Broad Institute et les scientifiques du MIT de l'équipe de Feng Zheng ont en effet conçu un nouveau système moléculaire pour modifier l'ARN des cellules humaines sans toucher à l'ADN. L'édition de l'ARN, qui peut modifier les produits des gènes sans changer le génome, présente un grand potentiel pour la recherche et la clinique.

2012 : modification de l’ADN par CRISPR-Cas9

L'expression des gènes se fait par une transcription de l'ADN en ARN, qui lui-même est traduit en protéines aux rôles divers. Dans le cas de maladies génétiques, ou pour tester des hypothèses de recherche, il est fondamental pour les chercheurs de pouvoir corriger le gène impliqué ou les produits de ce gène. Deux chercheuses française et américaine avaient ainsi découvert en 2012 l'enzyme d'origine bactérienne CRISPR-Cas9, capable de fixer, couper ou ajouter des gènes, à l'endroit précis de l'ADN que l'on a choisi. Très utilisée depuis dans la recherche, cette découverte avait fait l'effet d'une bombe dans le monde scientifique et valu à leurs auteures de nombreux prix.

2017 : modification de l’ARN à partir de CRISPR-Cas13

Après CRISPR-Cas9, c'est un nouvel outil nommé REPAIR basé sur l'enzyme CRISPR-Cas13 associée à une autre protéine qui secoue aujourd'hui le monde du génie génétique. En effet, REPAIR (pour " RNA Editing for Programmable A to I Replacement ") a la capacité de modifier l'ARN et non l'ADN lui-même. Plusieurs avantages à cette technique la rendent complémentaire de Cas9 :

  • ÉTHIQUE. Transformer l’ARN permet de ne pas altérer l’ADN et donc ne change pas l'intégrité génétique d'un individu. Cela peut avoir son importance pour l'utilisation sur l'humain.

 

  • FLEXIBILITÉ. L’ARN modifié finissant par se dégrader au bout d’un certain temps, les modifications sont temporaires. Ce sera utile pour traiter les maladies causées par des changements transitoires de l'état cellulaire, comme l'inflammation locale.

 

  • PRÉCISION. La précision de REPAIR est telle qu’elle peut modifier des lettres (les nucléosides) de la séquence d’ARN visée (équivalentes des ACTG de l’ADN) et spécifiquement transformer les A en I, une inversion connue pour être à l’origine de diverses maladies génétiques humaines comme la maladie de Parkinson ou l’épilepsie focale. Là où CRISPR-Cas9 avait provoqué des mutations indésirables ("off-target") pour lesquelles des solutions avaient été proposées, REPAIR n'en a engendré que très peu.

 

Un grand potentiel fondamental et clinique

 

Afin de démontrer le potentiel thérapeutique de REPAIR, l'équipe l'a utilisé avec succès pour corriger la mutation pathogène à l'origine de l'anémie de Fanconi qu'ils ont synthétisée puis introduite dans une cellule. Les auteurs travaillent également sur des outils supplémentaires qui permettraient de modifier d'autres nucléosides de l'ARN que les A en I. " Il y a naturellement énormément de diversité dans ces enzymes ", explique le premier co-auteur de l'étude Jonathan Gootenberg, " Nous cherchons toujours à exploiter le pouvoir de la nature pour mener à bien nos projets ". Feng Zhang, le Broad Institute et le MIT prévoient de partager largement le système REPAIR en le rendant disponible gratuitement pour la recherche académique. " REPAIR propose une nouvelle approche pour traiter les maladies génétiques ou imiter les gènes protecteurs, et établit la modification de l'ARN comme un outil utile pour modifier la fonction génétique ", concluent les auteurs.