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30/11/2014

Mise à jour de la phylogénie des tortues

tortue-200.jpgMise à jour de la phylogénie des tortues

(dernière mise à jour du 28/07/2015)

 

 

Une équipe américaine a publié en novembre 2014 une phylogénie des Tortues (Testudines) en analysant 2381 “ultraconserved elements” (UCE), c’est-à-dire des parties d’ADN très peu divergentes entre espèces, ce qui permet une résolution fiable des relations phylogénétiques entre taxons ayant divergé depuis très longtemps.

 

Les auteurs ont fait un travail de séquençage considérable : 86 millions de bases ont été lues chez 28 taxons ; en moyenne des séquences de plus de 3 millions de bases ont été obtenues pour chaque échantillon avec au final des recouvrements obtenus de 1 718 154 paires de bases (!), qu’ils ont donc pu comparer entre elles. Autant dire que les résultats obtenus sont robustes et très probablement définitifs pour cet ordre !

 

Ce travail a permis de résoudre les relations discutées jusqu’alors de certains groupes comme les Trionychia (tortues à carapace molle), mais aussi de proposer un nouveau groupe, les Emysternia, incluant l’ancêtre commun à Platysternon megacephalum (une espèce asiatique seule représentante vivante de sa famille) et Emys orbicularis. En croisant des données fossiles les auteurs ont pu reconstruire un scénario biogéographique de la mise en place des groupes depuis le morcellement de la Pangée.

 

Phylogénie-des-tortues-450.jpg

 

Pour en savoir plus :

 

Nicholas G. Crawford, James F. Parham, Anna B. Sellas, Brant C. Faircloth, Travis C. Glenn, Theodore J. Papenfuss, James B. Henderson, Madison H. Hansen, W. Brian Simison, A phylogenomic analysis of turtles, Molecular Phylogenetics and Evolution, Available online 4 November 2014, ISSN 1055-7903, http://dx.doi.org/10.1016/j.ympev.2014.10.021.

 

  

L'ancêtre des tortues : un lézard (mise à jour du 28/07/2015)

 

Quelques mois après le précédent article, la découverte d'un fossile en Allemagne venait bouleverser la phylogénie des Chéloniens.

 

Jusqu'à présent, on ignorait à quels reptiles anciens l'ordre des Chéloniens, l'ordre des tortues était apparenté. On situait son origine au Trias (il y a 252 à 201 millions d'années), mais fallait-il relier les tortues aux lézards, aux crocodiles ou aux prédinosaures triassiques ?. Or une espèce fossile de tortue vient d'être découverte qui confirme ce que l'on suspectait déjà : les tortues sont des proches parentes des lézards qui se seraient adaptées à la vie aquatique.

 

Pappochelys rosinae est extraordinaire : « On ne trouve un tel fossile qu'une seule fois dans sa vie, ou pas ! » s'exclame Rainer Schoch du Muséum d'histoire naturelle de Stuttgart, qui partage la découverte avec Hans-Dieter Sues, du Muséum américain d'histoire naturelle, à Washington. Pappochelys est l'un des fossiles que les deux paléontologues ont extraits dans la carrière Schumann à Vellberg, dans le Bade-Wurtemberg. Une fois dégagé de sa gangue d'argilite lacustre (un fond de lac pétrifié), l'un des fossiles s'est révélé être celui, rarissime, d'une tortue (voir le cliché ci-dessous).

 

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Le fossile de Pappochelys rosinae

La flèche indique l'une des côtes renforcées de cette prétortue

 

Comme la strate dont il provient date de 240 millions d'années, il s'agirait du plus ancien fossile de tortue à ce jour. Rainer Schoch et Hans-Dieter Sues viennent de publier la description de la nouvelle espèce et, en l'étudiant, ils ont découvert que ses caractères archaïques en font une forme intermédiaire entre les lézards triassiques et les tortues.

 

La trouvaille est d'un grand intérêt, Aussi l'étude paléontologique publiée par Rainer Schoch et Hans-Dieter Sues sera-t-elle sûrement examinée par les autres spécialistes...

 

Pourquoi pensait-on que les tortues et les lézards triassiques étaient proches ? La découverte en 2011 d'ARN commun aux lézards et aux tortues indiquait une parenté proche. Toutefois, cette donnée et les autres données génétiques ne s'accordaient pas bien à ce que l'on savait du registre fossile.

 

Jusqu'à présent, vieux de 220 millions d'années, le reptile chinois Odontochelys passait pour la plus ancienne tortue : son blindage ventral était complètement ossifié, tandis que son blindage dorsal ne consistait qu'en côtes élargies. On avait aussi remarqué de telles côtes sur Eunotosaurus, un reptile vieux de 260 millions d'années, qui vivait donc à la fin du Permien (298,9 à 252,2 millions d'années). Toutefois, d'après son aspect, on ne pouvait être sûr qu''Eunotosaurus soit bien un ancêtre des Chéloniens. La période d'apparition du plan d'organisation des tortues restait donc difficile à situer dans le temps, et les Chéloniens difficiles à relier aux lézards ou à d'autres groupes.

 

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Place de Pappochelys dans l'arbre phylogénique des Chéloniens

 

Ce trouble est dépassé : Pappochelys suggère que l'évolution de certains lézards a produit les tortues il y a quelque 240 millions d'années ou avant, au Permien peut-être. En effet, Pappochelys ressemble à un lézard (voir en haut à droite), qui serait doté de côtes élargies, mais pas (encore) fusionnées en un blindage ventral ossifié unique comme chez Odontochelys. Par ailleurs, Pappochelys a des dents et son crâne, comme celui des lézards, montre deux fenêtres temporales, au lieu d'avoir le caractère beaucoup plus massif de celuides tortues. Il est donc clair que Pappochelys, et avec elle les tortues, sont ce que les paléontologues nomment des Diapsides (des reptiles à deux fenêtres temporales). Désormais, on peut être certain que les tortues sont issues des lézards, et sont apparentées aussi aux crocodiles (des lézardoïdes) et aux oiseaux.

 

En tout cas, pour les découvreurs de la tortue de Vellberg, « l'âge géologique de Pappochelys correspond exactement à la fenêtre temporelle à laquelle on s'attend pour de telles formes. Notre découverte montre à quoi a ressemblé le blindage ventral des tortues à l'origine, ce qui lui donne sa très grande signification biologique ».

 

Et quel genre d'animal était Pappochelys ? Long d'une vingtaine de centimètres, il ressemblait à un lézard et vivait dans un petit cours d'eau douce. Comme les iguanes marins des Galapagos, il semble qu'il ait volontiers séjourné dans l'eau. Ses côtes renforcées lui permettaient de plonger profondément et peut-être de rester plus longtemps dans l'eau que les autres lézards, par exemple pour y chasser ou y paître. Tout cela suggère que le blindage des tortues, en plus d'être une défense contre les prédateurs, serait une adaptation à la vie aquatique, ce que la tortue chinoise Odontochelys laissait déjà penser.

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Reconstitution de Pappochelys rosinae

 

 

Sources :

Rainer R. Schoch & Hans-Dieter Sues Nature (2015) doi:10.1038/nature14472 publié en ligne le 24 juin 2015.

François Savatier (2015). - La plus vieille tortue est un lézard Pour la Science n° 454 - août 2015. pp 6-7.

 

15/05/2010

La Tortue d'Hermann

 

T.hermanni1_logo.jpgLa Tortue d'Hermann

Testudo hermanni Gmelin, 1789

Famille des Testudinidés

 

par André Guyard

 

Le site de Perge (Antalya Turquie) est célèbre pour ses vestiges romains. En particulier le stadium présente une construction en fer à cheval qui pouvait accueillir 12 000 visiteurs.

 

C'est dans ce stade antique, qu'en mai 2010, j'ai vu courir des tortues (elles sont sportives, ces tortues turques !). Il s'agit en fait de tortues à carapace très bombée et arrondie, s'élargissant légèrement vers l'arrière atteignant 25 cm. Les écailles vertébrales sont étroites, les médianes pratiquement carrées et nettement bombées chez l'adulte. La coloration de la carapace est d'un jaune plus ou moins mêlé de verdâtre ou de brunâtre, avec des zones sombres d'étendue variable. Il s'agit probablement de la Tortue levantine Testudo ibera que l'on peut confondre avec la Tortue d'Hermann, espèce protégée que l'on rencontre en France et qui se fait rare dans les Maures où elle est victime des feux de forêt.

 

On trouvera une description détaillée de la Tortue levantine sur le site Tortues du monde.

 

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Testudo ibera (Tortue levantine)

 

Pour l'instant, intéressons-nous à la Tortue d'Hermann.

 

La Tortue d'Hermann est la seule tortue terrestre de France où elle est présente dans la plaine et le massif des Maures (Var), et en Corse.

 

Elle se présente sous deux sous-espèces :

 

* La sous-espèce occidentale : Testudo hermanni hermanni. C'est la plus petite. Elle mesure de 18 à 20 cm à la taille adulte (le mâle étant légèrement plus petit que la femelle). Les écailles sont jaunes tachées de noir. La queue est plus longue chez le mâle. La Tortue d'Hermann se distingue des autres tortues par les bandes de couleur noire continues sous le plastron. En Europe, elle vit de l'Espagne à l'Italie, en passant par les îles méditerranéennes (Sardaigne, Corse, Baléares). C'est la sous-espèce la plus menacée, et elle est d'ailleurs classée comme « en danger » par l'IUCN.

 

* La sous-espèce orientale : Testudo hermanni boettgeri. Elle est plus grande que la sous-espèce occidentale (sa taille peut atteindre 28 cm, et son poids 3 à 4 Kg). Les bandes sous le plastron sont plus clairsemées. Sa tête va de la couleur marron à noir, avec de fines écailles ainsi que sur les pattes avant munies de 5 griffes. Elle vit en Europe du Sud-Est : Croatie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie, Grèce et Turquie.

 

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Testudo  ibera (Tortue levantine)

 

On peut confondre la Tortue d'Hermann avec la Tortue mauresque (Testudo graeca) et la Tortue levantine (Testudo  ibera). La Tortue d'Hermann se distingue de la Tortue mauresque, par la scission médiane de l'écaille supracaudale, et par le tubercule corné et creusé de sillons qui orne l'extrémité de la queue, particulièrement chez le mâle.

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La pointe de la queue porte une ou deux grandes écailles lisses, et non de nombreuses petites écailles comme chez la Tortue mauresque. La face postérieure du bras ne possède pas d'éperons. Sur la face antérieure des avant-bras, les écailles sont plus petites que chez la Tortue mauresque.

 

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Testudo ibera (Tortue levantine)
 
 

Chez les adultes, la distinction des sexes est facile : le plastron du mâle est concave et sa queue est nettement plus longue que celle de la femelle, qui a le plastron plat. La forme concave du plastron du mâle lui permet de se maintenir sur le dos de la femelle lors de l'accouplement.

 

 

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Anatomie de la Tortue d'Hermann

 

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Squelette de la Tortue d'Hermann
 
1-2 Colonne vertébrale mobile (8 vertèbres cervicales) ; 2-3 Colonne vertébrale fixe (10 vertèbres dorsales et 2 vertèbres sacrées soudées) ; 3-4 Colonne vertébrale mobile (queue = 8 vertèbres caudales) ; 5 Omoplate ; 6 précoracoïde ; 7 coracoïde ; 8 Humérus ; 9 Cubitus ; 10  Radius ; 11 Carpe ; 12 Ceinture perlvienne ; 13 Fémur ; 14 Tibia ; 15 Péroné ; 16 Tarse ; 17 Métatarse ; 18 Orteil.

 

La Tortue d'Hermann peuplait originellement l'est du bassin méditerranéen. Son aire de répartition s'est élargie en quelques endroits, et s'étend des Baléares, de la Sardaigne et de la Corse à l'ouest jusqu'au Danube, en passant par les Balkans. Cette espèce vit également au sud et à l'ouest de l'Italie, et dans le sud de la France ainsi qu'en Sicile. Dans certaines de ces régions, c'est un animal très rare.

 

Espèce peu exigeante, elle peuple dans son aire de répartition les habitats les plus divers. On la trouve dans le maquis, dans les prairies maigres et sur les versants montagneux couverts d'herbe ; aussi bien sur les plateaux que dans les plaines du littoral, dans les forêts claires et dans les dunes envahies de broussailles, mais aussi sur les terres cultivées, à condition qu'elles présentent des murets de pierres, des buissons et des emplacements secs et sablonneux. La Tortue d'Hermann semble avoir trouvé dans les ruines romaines un biotope de choix.

 

La Tortue d'Hermann se nourrit essentiellement de verdure, qu'elle broute à l'aide de sa mâchoire cornée très tranchante. Son intestin renferme des bactéries qui participent à la digestion de cette nourriture riche en cellulose et en fibres, améliorant l'absorption des substances nutritives.

 

Cette alimentation végétale fournit à la tortue l'eau dont elle a besoin. À l'occasion, elle ne dédaigne pas dévorer des coléoptères, des vers, ou même la chair d'un animal mort. Des cas de coprophagie ont également été observés. Pour faciliter la digestion du bol alimentaire, les tortues, comme certains granivores, avalent de petits cailloux, qui aident l'estomac à broyer les plantes.

 

La température idéale supportée se situe entre 20 et 30 °C. Pour l'atteindre, les tortues s'exposent longuement au soleil le matin. Quand leur corps est assez réchauffé, elles commencent à chercher de la nourriture. Les peuplements de tortues ne peuvent se développer que si les températures estivales sont élevées, mais, quand il fait trop chaud, la tortue cesse toute activité pour estiver. Elle s'abrite à l'ombre pendant les grandes chaleurs de midi. Si les hautes températures subsistent, la tortue s'enterre dans le sol, et son métabolisme de base se ralentit tout comme pour l'hibernation. Ses besoins en eau étant largement couverts par la nourriture, elle se rend rarement au bord de l'eau pour boire. Mais, quand la sécheresse estivale persiste, elle aime se désaltérer dans les flaques.

 

À la fin de l'automne, la tortue choisit alors un emplacement abrité où elle s'enterre pour hiverner, mettant toutes ses fonctions vitales au ralenti jusqu'à la belle saison. La température corporelle descend alors aux alentours de 5 °C. L'hibernation dure environ 6 mois et brûle 10 à 40 g de la réserve de graisse d'un animal.

 

Au printemps, la Tortue d'Hermann sort de son abri hivernal et commence par se débarrasser des excréments qu'elle a accumulés pendant l'hiver. Le réveil printanier dépend d'un programme interne, il est peu influencé par les conditions extérieures. La tortue qui s'éveille se met à la recherche de nourriture, broutant les jeunes pousses riches en vitamines et se réchauffe au soleil printanier. La croissance qui en résulte se traduit par une zone d'accroissement claire sur la carapace, mais qui ne peut être prise en considération pour déterminer l'âge puisqu'il peut y avoir plusieurs poussées de croissance par an.

 

Testudo ibera (Tortue levantine)

 

Cette époque de grande activité du printemps est aussi celle des amours. Après la fin de l'hivernage et la première phase d'alimentation intensive, les mâles se mettent à errer à la recherche d'une femelle disposée à s'accoupler. Il n'est pas rare que plusieurs mâles se rencontrent et se combattent. Ils cherchent à se repousser par des chocs violents. Les femelles sont également traitées avec rudesse. Pour immobiliser sa partenaire, le mâle lui donne des coups de carapace, lui mord les pattes et en fait le tour plusieurs fois. L'accouplement est chose difficile : le mâle glisse souvent sur la carapace de sa partenaire. La copulation peut se dérouler quand la femelle s'est suffisamment rétractée dans sa carapace. Le mâle pousse alors, la gueule grande ouverte, d'étranges cris qui ressemblent aux jappements d'un petit chien ou aux plaintes d'un chaton.

 

Quelque temps après la fécondation, la femelle se met à creuser, avec ses membres postérieurs, un trou où elle pond ses œufs. Une jeune femelle ne pond que 1 ou 2 œufs, une femelle plus âgée peut en pondre jusqu'à 10. Avec son plastron et ses pattes arrières, la tortue recouvre sa ponte de terre, nivelant le sol.

 

Les œufs blancs ont une coquille dure et une forme quelque peu allongée. L'éclosion survient après une durée variable selon les conditions, généralement plusieurs mois. Les jeunes tortues qui sortent des œufs ont la carapace arrondie et nettement marquée de dessins. Elles mesurent environ 3,5 cm de longueur.

 

Les toutes jeunes tortues sont la proie de nombreux prédateurs. Une fois adultes, leur carapace les protège assez bien. Parfois, elles sont dévorées par des oiseaux de proie ou des renards, Mais l'ennemi principal des tortues terrestres est l'Homme.

 

Les personnes intéressées par la Tortue d'Hermann pourront consulter avec profit le site Tortue de terre.

 

Sources :

 

Diesener G. & J. Reichhof (1994) - Batraciens et Reptiles. Ed. France Loisirs.