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29/11/2015

Abattage des bouquetins du Bargy

Bouquetinlogo.jpgL'abattage des bouquetins arrêtera-t-il la brucellose ?

 

Le 8 octobre 2015, le préfet de Haute-Savoie a lancé une opération d'abattage massif des bouquetins du Bargy. En réponse à ce massacre programmé, une pétition a circulé sur Internet demandant l'arrêt immédiat de cette opération contre-productive. Cette pétition s'appuyait sur des arguments écologiques irréfutables.

 

On a eu l'exemple de l'abattage des renards français lors d'une menace de l'extension de la rage, à la fin du XXe siècle. À la suite du vide causée par la disparition des renards dans l'Est de la France, cette mesure avait déclenché un afflux de renards contaminés provenant de l'Europe centrale. Les autorités suisses, plus astucieuses, avaient résolu le problème en vaccinant les renards indigènes par un vaccin dans des appâts répandus par hélicoptères, attitude imitée ensuite par la France.

 

Dans le magazine "Sciences et Avenir" n° 825 de novembre 2015, Morgane Kercoat revient sur cette information. Depuis plusieurs d'années, politiques et agriculteurs d'un côté, associations de protection des animaux de l'autre, s'affrontent sur la question de l'abattage des bouquetins du massif du Bargy en Haute-Savoie atteints par la brucellose, une maladie infectieuse. Un problème d'autant plus épineux que l'espèce, emblématique de la montagne, est protégée.

 

Cette maladie est provoquée par une bactérie du genre Brucella. Bien connue dans le milieu de l'élevage, elle frappe d'abord les animaux domestiques, en particulier les bovins. Un passage à la faune sauvage (bouquetins, chamois...) est possible, sans que l'on sache véritablement comment. L'homme peut aussi être infecté — en consommant des produits laitiers non pasteurisés en particulier — comme en témoignent deux cas recensés en France depuis 2012. Le premier symptôme est une fièvre, suivie de douleurs articulaires et musculaires. Potentiellement mortelle, la brucellose est bien soignée par un traitement antibiotique, à condition d'être diagnostiquée à temps.

 

Un arrêté préfectoral publié le 16 septembre 2015 a donc autorisé un abattage partiel des bouquetins vivant dans le massif du Bargy pour tenter de stopper la contagion. Seule une soixantaine d'animaux identifiés comme sains devraient en réchapper. Initialement, la préfecture voulait autoriser un abattage total, mais l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) s'y est opposée en juillet dernier, jugeant la solution irréaliste et contre-productive avec un risque de dissémination d'individus survivants malades.

 

Le gros problème, c'est qu'on ignore le nombre exact de bouquetins qui vivent sur le massif, la population ayant été estimée en 2014 entre 275 et 352 individus. Personne ne peut donc dire donc combien il conviendrait de tuer d'animaux pour en laisser 60 vivants... En 2013, lors d'une précédente autorisation d'abattage, les chasseurs avaient estimé avoir abattu 80 % des bouquetins, mais un décompte après l'opération avait donné le même résultat qu'avant l'abattage... Pour Dominique Gauthier, vétérinaire naturaliste et directeur du Laboratoire départemental vétérinaire et d'hygiène alimentaire des Hautes-Alpes, « soit le troupeau avait d'abord été mal comptabilisé, soit des bouquetins des troupeaux voisins sont venus combler le vide créé par l'abattage. Depuis un demi-siècle, la méthode d'abattage sur la faune sauvage a toujours échoué. »

 

Désorganisation sociale et diffusion de l'épidémie

 

Elle n'a pas non plus prouvé son efficacité pour éradiquer la brucellose ! Au contraire. En 2013, la part d'individus contaminés chez les bouquetins ayant échappé à l'abattage est passée de moins de 10 % à plus de 50 % ! L'opération a en effet eu lieu juste avant le rut annuel. « Sans les vieux mâles dont beaucoup ont été tués, il y a eu une désorganisation sociale et une absence de hiérarchie, explique Dominique Gauthier. Des jeunes mâles, qui n'auraient pas pu le faire habituellement, ont eu accès aux vieilles femelles pour la reproduction et se sont contaminés. » Selon l'avis de l'Anses, le stress important induit par ce désordre a pu contribuer à fragiliser les jeunes femelles, les rendant plus sensibles à l'infection. Quand l'opération en cours sera terminée, il est certain que quelques bouquetins, peut-être malades, auront survécu. Stressés et désorganisés, ces animaux pourraient aller contaminer les troupeaux voisins, comme celui de la chaîne des Aravis.

 

C'est pourquoi, loin de régler le problème de la brucellose, l'abattage pourrait au contraire accélérer la diffusion de l'épidémie.