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22/12/2015

Loups abattus en décembre 2015

Loup - © ARDEA-MARY EVANS-SIPA.jpgDeux loups ont été abattus durant le week-end 12-13 décembre 2015

 

Un loup a été abattu dans la Drôme le 12 décembre et un autre dans les Alpes-Maritimes le lendemain.

CINQ. C'est le nombre de prélèvements encore autorisés pour la période 2015-2016. En effet, actuellement 31 loups (Canis lupus) ont été abattus sur les 36 tirs autorisés par l'arrêté du 30 juin 2015. Une louve a été tuée samedi matin sur la commune de Lus-la-Croix-Haute dans la Drôme, a indiqué samedi soir la préfecture, portant dans un premier temps le décompte à 30 canidés tués en France en 2015. C'est la première fois qu'un loup est prélevé dans ce département, précise la préfecture, confirmant une information du Dauphiné Libéré. Cette femelle a été abattue, dans le cadre d'un arrêté préfectoral de tir de prélèvement lors d'une chasse encadrée par des lieutenants de louveterie. "Depuis le début de l'année 2015 en Drôme, on a relevé 74 attaques du loup pour 291 victimes et 200 disparues", ajoute la préfecture. Cet arrêté concernait précisément les communes de Lus-La Croix-Haute, Treschenu-Creyers et Glandage, représentant à elles seules "plus du tiers de ces attaques" enregistrées ces derniers mois. Puis, selon Nice-Matin, un tir de défense a également conduit à la mort d'un loup sur la commune de Bézaudun dimanche. C'est le douzième animal abattu dans les Alpes-Maritimes. Finalement c'est deux loups qui ont été tués pendant le week-end du 12 décembre.

 

Une réaction : Une lettre pour le Loup

par Frédéric Wolff

Mon frère sauvage, cher loup,

Écrire une lettre au loup. L’idée me poursuit depuis un moment. Comme souvent, j’ai remis à plus tard un premier brouillon maladroit. J’ai attendu. L’actualité finirait bien par revenir vers ce massacre organisé. D’autres sujets ont retenu l’attention des grands médias.

Pendant ce temps, la boucherie continue. Elle n’a jamais cessé. Simplement, on n’en parle plus. Et quand bien même, certains, certaines s’avisent de rompre le silence, leur parole est inaudible. Le bruit ambiant fait diversion. Une aubaine pour la machine et pour ses serviteurs.

Pendant ce temps, la lente agonie du monde progresse. Les empoisonnés, les irradiés, les torturés des ondes électromagnétiques, les assassinés — humains et non-humains — de la bagnole et de la guerre chimique menée dans nos métropoles et dans nos campagnes, les martyres des élevages industriels, les cobayes de laboratoires sacrifiés pour inventer des cosmétiques et des médicaments qui nous intoxiquent…

Et les indésirables. Tous les boucs émissaires sur qui décharger nos haines, tous les fragiles, tous les gêneurs de nos affaires, grandes ou petites, qu’importe. Il faut éradiquer, faire place nette, ne plus voir qu’une tête qui dépasse : l’humain d’abord ! Exterminer, anéantir, massacrer par tous les moyens possibles. L’éléphant, le flamand rose, l’ours, le lynx, le tigre, le vautour, le renard, le blaireau, la taupe, le requin… Et le loup.

Une lettre au loup pour quoi faire ? Pour ne pas renoncer. Pour une parole qui fraternise. Une lettre à tous les loups, à toutes les louves que nous sommes, nous qui avons à cœur la liberté et l’altérité. La voici, donc.

Mon frère sauvage, cher loup,

A nouveau, ça recommence, ça n’a jamais cessé, cette folie qui est la nôtre de nous trouver un mal-aimé quand tout va mal. A nouveau, la meute est lâchée contre toi.

Que va-t-il advenir de toi, de nous, s’il n’y a plus de place pour d’autres semblables que nous ? Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit : d’un semblable à qui nous prenons la vie et c’est une âme de noyé que la nôtre, à l’ombre de laquelle plus rien ne pousse, une âme entrée en agonie, incapable d’aimer vraiment malgré ce qu’elle proclame. Accueillir l’autre, le différent ? Revendiquer le grand partage ? Mensonges, que tout cela.

Ce n’est pas toi qui es de trop, mon loup, c’est nous et notre commerce de tout, nous et notre arrogance à éliminer ce qui gêne un tant soit peu nos caprices d’argent et de frivolité.

S’il fallait choisir, qui de toi ou de nous, devrait mourir de honte et d’indignité, sans l’ombre d’une hésitation, nous serions les premiers sur la liste, très loin devant, nous les êtres de science et de sagesse autoproclamés.

Mais voilà, c’est nous, c’est encore nous qui décrétons qui a sa place et qui ne l’a pas sur la terre, qui doit se soumettre ou périr. Toi, tu refuses de te rendre et c’est cela que nous ne supportons pas : ce qui échappe à notre suffisance. Il n’y a pas plus étranger que toi à nos chaînes, sinon le vent, peut-être. Même blessé, tu seras celui qui ne désarme pas, plutôt mourir. Debout avant toute chose, tu le seras toujours, même mutilé.

Au grand jeu des équivalences, ne te laisse pas prendre, surtout, mon frère sauvage. C’est un piège qui se refermerait sur toi et sur les tiens. Par quoi pourrait-on bien te compenser, demain, si tu finis par disparaître ? Par qui ? Par une réserve où l’on ira barricader les derniers éléphants d’Afrique ? Qu’est-ce qui pourra nous consoler de te perdre ?

J’ai des lambeaux de moi dans toutes les vies indésirables, si tu savais. En moi, il y a un loup perdu dans un monde où n’a de valeur que le commerce des êtres et des choses. Pour tout te dire, je ne suis pas sûr d’avoir envie de vivre très longtemps dans ce monde. De plus en plus, je m’en éloigne comme il s’éloigne de moi et si je dois renaître un jour, mon vœu le plus cher serait d’être des tiens. Mon nom serait-il un premier pas vers ce destin?

Mon loup, s’il te plaît, apprends-moi à rester debout et à ne pas cesser de hurler avec les derniers des tiens. Dis-moi comment me mettre en marche avec les premiers chants d’oiseaux, montre-moi comment mordre s’il le faut. Donne-moi la force, il en faut tant de forces pour tenir dans nos vies et dans le monde. Des forces et des valeurs, je ne parle pas de celles dont on tire un profit quelconque pour ses comptes à la fin du mois ou pour son image. Je pense à ce qui donne un sens à notre commune présence sur la terre, je pense aux limites infranchissables que l’on se fixe, aux devoirs que l’on s’impose. Et au sacré qui réside dans la vie, dans tout ce qui échappe à la marchandise. Ô comme nous en sommes loin.

Nos vies – la tienne, les nôtres – sont une seule et même vie. Les guerriers du vivant d’aujourd’hui seront demain les guerriers d’eux-mêmes. Ils le sont déjà. Ceux qui gênent la marche de nos affaires, c’est l’autre et un jour, l’autre, c’est nous, nous qui tirions à vue hier, nous qui laissions faire sans rien dire.

Si ce monde peut être sauvé, c’est avec toi qu’il le sera, avec toi vivant. La neige où tu cours, les arbres sur qui tu veilles ne nous appartiennent pas, pas plus qu’ils n’appartiennent au vent ou à la pluie. Nos titres de propriété ne sont que des faux en écriture, ils ne pourront rien contre ce qui est plus fort que nous.

Comment nos vies ne seraient-elles pas dévastées alors que le monde est saccagé par tout ce que nous n’avons même pas honte d’appeler nos prouesses ? Ce que nous cessons d’habiter – la terre, nos existences, notre parole –, nous le perdons et, en chemin, nous nous perdons.

Mon frère, mon ami, je marche dans les pas de ta nuit. J’aimerais t’écrire qu’enfin, nous en avons fini de la guerre contre la vie, que l’humain n’est plus le centre de tout, pas plus que la terre n’est le centre de l’univers. Mais nous n’avons rien compris, nous sommes restés à l’âge du nombril autour duquel tout doit tourner, et nous allons ainsi à étendre notre empire, à le nourrir du sang versé par d’autres que nous, tout en proclamant avec des accents philanthropes : L’humain d’abord !

Ici, les dernières feuilles des arbres sont tombées. Tout paraît dépeuplé à présent. Le vent souffle dans les volets, il me semble qu’il porte ta voix, à l’heure des fusils braqués sur toi, ta voix par mille et plus encore. C’est l’hiver et j’ai froid. Je pense à toi, mon loup sauvage. Ne renonce pas, jamais.

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