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07/10/2009

Voie lactée : son recensement est enfin terminé

Voie lactée_logo.jpgVoie lactée : son recensement est enfin terminé

 

par André Guyard

 

Une équipe bisontine a relevé avec succès le dénombrement des étoiles de notre galaxie. Un  exploit salué par la communauté scientifique internationale !

 

 

Terre et voie lactée.jpg

Le Terre et la Voie lactée

 

LA VOIE LACTÉE


La voie lactée est une galaxie spirale géante, comme il en existe des dizaines de milliards dans l'Univers visible, il s'agit d'un vaste disque en rotation, renflé en son centre, composé d'étoiles et de gaz interstellaire. Autour de ce disque, un immense halo, peuplé de très vieilles étoiles, constitue le vestige de la formation de cette vaste agglomération stellaire, voici 13 milliards d'années. La Voie lactée mesure environ 100 000 années-lumière de diamètre. Le système solaire se trouve dans le disque de la Voie lactée, à 28 000 années-lumière du noyau central.

 

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Voie lactée
Le carré jaune indique l'emplacement du soleil
(cliché Hubble)
 
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Schéma de la Voie lactée montrant
ses bras disposés en spirale

 

La Voie lactée est un élément important du "puzzle" cosmologique : comprendre comment elle est apparue, quelques centaines de millions d'années après le big bang et comment elle a évolué, c'est appréhender l'évolution de l'Univers dans son ensemble. Afin d'étudier globalement la Voie lactée, une équipe française a créé un outil unique, fusionnant observations télescopiques et calculs théoriques, le "modèle standard".

C'est le plus formidable recensement céleste jamais réalisé par des astronomes. Entrepris par une équipe de l'observatoire de Besançon voici un quart de siècle, il livre aujourd'hui un résultat vertigineux : la première estimation précise de la population stellaire de notre galaxie, la Voie lactée...

À l'origine de ce projet unique, entamé en 1985, les astronomes français Annie Robin et Michel Crézé, rejoints au tournant du millénaire par Céline Reylé et Mathias Schultheis. Le résultat ? 140 milliards d'étoiles, plus ou moins dix milliards. Une première : jusqu'ici, les populations stellaires de la Voie lactée n'étaient que grossièrement estimées. Désormais, l'équipe d'Annie Robin peut discriminer avec précision les différentes populations et générations d'étoiles naines, géantes, jeunes, vieilles, etc.

 

UNE TÂCHE HERCULÉENNE

Si ce dénombrement a attendu aussi longtemps pour être délivré, c'est que le recensement de la Voie lactée était une tâche herculéenne. D'abord, parce que le système solaire où nous habitons se trouve plongé au sein même de ce vaste disque stellaire, renflé en son centre. Or, il est malaisé d'étudier un système depuis l'intérieur, surtout qu'une grande partie de la Galaxie nous est masquée par l'accumulation de gaz et de poussières interstellaires présents dans son disque, qui agissent comme un brouillard dense et impénétrable !

Ensuite, les dimensions de notre galaxie sont telles que même avec le télescope spatial Hubble ou les télescopes géants terrestres, il est impossible de détecter tous les astres qui la composent... Ainsi, notre image de la Voie lactée restait-elle très parcellaire. Pour preuve, le plus grand catalogue astronomique actuel, le catalogue USNO-B1.0, dressé en un demi-siècle d'observation continue par les grands observatoires du monde ne contient "que".... un milliard d'astres, soit moins de 1 % du chiffre annoncé par le groupe de Besançon !

Mais l'équipe d'Annie Robin, directeur de recherche au CNRS, a trouvé une solution aussi efficace qu'élégante pour contourner ces obstacles: mixer observations et calcul statistique. "Nous utilisons les observations astronomiques, menées sur des champs limités du ciel, dont nous projetons ensuite les propriétés sur l'ensemble de la Galaxie ", explique-t-elle. Ou comment les parties révèlent in fine le tout ! En effet, la Voie lactée, que l'on peut assimiler à un disque en rotation, est un astre symétrique, homogène, dont la forme et la dynamique sont gouvernées par son seul champ de gravitation.

 

Voie lactée21.jpg
Voie lactée montrant deux bras disposés en spirale
(cliché Hubble)
 
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La voie lactée et ses bras spirales
(Benjamin, vue d'artiste)
 
IMAGES ET CALCULS THÉORIQUES
 
Dès lors, les "sondages profonds", ces images électroniques prises avec un très long temps de pose dans des régions soigneusement choisies de la Voie lactée, permettent, lorsqu'ils sont intégrés au calcul théorique, de dessiner le profil exact de notre gigantesque agglomération stellaire. Annie Robin poursuit: "À l'observatoire de Besançon, afin de mieux comprendre l'origine, l'évolution et la structure de la Voie lactée, nous avons créé l'équipe Galaxie. Notre groupe développe un modèle numérique de Voie lactée, à partir des observations réelles et des modèles de populations stellaires." Un travail de bénédictin, en constant renouvellement depuis vingt-cinq ans, qui a permis en 2003 la publication par Annie Robin, Cécile Reylé et leurs collaborateurs d'un "modèle standard" de notre galaxie, dit aussi "modèle de Besançon", actuellement unique au monde et auquel se réfèrent désormais tous les chercheurs qui étudient la Voie lactée. Concrètement, l'équipe a mis en ligne son modèle sous forme de programme interactif. Les astronomes professionnels peuvent étudier la Voie lactée en lançant ce programme après avoir préalablement choisi les paramètres stellaires qui les intéressent.

Le portrait brossé de la Voie lactée par le modèle de Besançon a apporté son lot de surprises, à commencer par le nombre d'astres recensés : "En fait, nous nous attendions à plus d'étoiles : la plupart des astronomes estimaient le nombre total d'étoiles entre 200 et 400 milliards... alors qu'il n'y en a que 140 milliards", souligne Céline Reylé. Ensuite, ce que révèle le modèle, c'est un extraordinaire déséquilibre entre les populations d'étoiles. Les petites étoiles de faible masse sont très largement majoritaires. Près de 60 % d'entre elles sont des naines rouges, cent à dix mille fois moins lumineuses que le Soleil. Par contraste, la population d'étoiles supergéantes, plus de vingt fois plus massives que le Soleil, est étonnamment restreinte, puisqu'elles représentent moins de 0,00001 % du total, soit quelques milliers d'astres !

Et le Soleil ? Celui-ci est souvent considéré, dans la littérature scientifique, comme une "étoile moyenne". En fait, il n'en est rien : le pourcentage des étoiles de masses comprises entre un demi et deux soleils est inférieur à seulement 15 % ! Quant aux étoiles rigoureusement semblables au Soleil, c'est-à-dire présentant la même masse, la même taille et le même éclat, elles ne sont "que" 2,4 milliards, ce qui ne représente que 1,7 % de la population galactique.

Un résultat vertigineux : 140 milliards d'étoiles, plus ou moins 10 milliards !

Tout compte fait, la Voie lactée n'accueille que cent milliards de véritables étoiles, à savoir des astres qui tirent leur énergie d'une réaction thermonucléaire. Les quarante milliards d'astres restants sont des "étoiles ratées" ou des vestiges d'étoiles mortes, pour la plupart invisibles car brillant d'un éclat extrêmement faible...

UN MODÈLE NUMÉRIQUE...

En tête arrivent les naines brunes : une population énorme (environ 30 milliards, soit 21 %) mais connue et étudiée depuis une quinzaine d'années seulement. Il s'agit d'étoiles trop peu massives pour que s'enclenchent en leur cœur des réactions nucléaires. Seule la pression gazeuse, qui les chauffe, les fait briller.

Puis viennent les naines blanches un peu plus de dix milliards d'individus, soit 7 % qui sont en fait les cœurs mis à nu d'anciennes supergéantes disparues après leur explosion.

Restent les étoiles à neutrons et les trous noirs, impression- nants vestiges des plus massives des supergéantes : les étoiles à neutrons ne sont que des blocs hyperdenses de particules, dont la taille ne dépasse pas... 20 km ! Il en existe un milliard environ dans la Galaxie, soit 0,7 %. Quant aux trous noirs, dont la masse, proche de celle du Soleil, est condensée dans le volume... d'une particule élémentaire, ils sont eux aussi environ un milliard |0,7 %) dans la Voie lactée.
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Diagramme comparatif entre le résultat des observations
(en haut)
et le modèle galactique de Besançon (en bas)
 
Ainsi, le modèle de Besançon permet d'abord d'avoir une image "instantanée" de l'ensemble dynamique, en évolution permanente, que constitue notre galaxie, mais aussi, selon Céline Reylé "d'étudier l'évolution des étoiles de la Voie lactée au fil du temps, depuis sa formation, voici environ 13 milliards d'années, jusqu'à aujourd'hui". Le nombre de paramètres à prendre en compte est étourdissant, depuis la vitesse de rotation des étoiles jusqu'à leur âge, en passant par leur masse, leur composition chimique, leur espérance de vie... Sans oublier la structure de la Galaxie et la densité de matière. En effet, plus on se rapproche du centre galactique, plus le nombre d'étoiles augmente. Dans la banlieue de la Voie lactée où nous nous trouvons, un cube de dix années-lumière d'arête ne contient qu'une ou deux étoiles. Dans le bulbe central, le même cube contient plusieurs dizaines d'étoiles. Et, dans le noyau, ce sont des dizaines de milliers d'étoiles qui s'agglutinent dans un tel volume !

À tous ces paramètres, il faut ajouter une inconnue... de taille, la fameuse matière noire, une matière invisible, transparente, indétectable et de nature mystérieuse, qui baignerait en théorie la Galaxie comme, d'ailleurs, toutes les galaxies de l'Univers. "La masse totale de la Voie lactée incluant la matière noire, atteint mille milliards de fois la masse du Soleil. En revanche, lorsque l'on prend en compte seulement les corps visibles — étoiles, nuages interstellaires, etc. —, la masse de la Voie lactée atteint seulement 50 milliards de masses solaires", explique Céline Reylé. "On a longtemps cherché à expliquer cette énorme masse de matière invisible par la présence dans la Galaxie d'astres indétectables, comme les naines brunes. Mais les observations ont permis d'éliminer cette hypothèse. Aujourd'hui, les physiciens cherchent l'explication à cette énigme du côté des particules exotiques, qui n'interagissent pratiquement pas avec la matière normale."

... ADOPTÉ PAR LES SCIENTIFIQUES

Le "modèle standard" de l'observatoire de Besançon est si précis et efficace dans sa capacité à corréler observation et théorie qu'il a été adopté par les astronomes européens engagés dans le projet de futur satellite astronomique Gaia. Il s'agit d'un télescope spatial de l'Agence spatiale européenne qui doit s'envoler de Kourou fin 2012.
Pendant cinq ans, ce satellite de 500 millions d'euros scannera le ciel entier près d'une cinquantaine de fois, afin de dresser la carte de la Galaxie avec une extrême précision. Sa gigantesque caméra CCD d'un milliard de pixels enregistrera les caractéristiques complètes d'un milliard d'étoiles de la Voie lactée, avec une précision mille fois supérieure à celle des mesures actuelles ! Un bond de géant dans notre connaissance de la Galaxie, mais pas seulement : le télescope de Gaia sera assez puissant pour lier dans un même système de référence spatial la Voie lactée et les autres galaxies, une première dans l'histoire de l'astronomie et la promesse d'une meilleure compréhension de l'évolution de l'Univers. Cela dit, les astronomes n'imaginent pas un atlas complet de la Voie lactée. Techniquement, l'analyse de ses 140 milliards d'étoiles ne sera peut-être jamais possible et, de toute façon, le modèle réel ressemblerait probablement trait pour trait... à son clone numérique.
 
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Le futur satellite Gaia
(Benjamin, vue d'artiste)
 

voie lactée,bras spiraux

© ESA, Gaia, DPAC La première carte de la voie lactée vue par Gaia

 

Sources :

 

 — Article de Isabelle Brunnarius sur France 3 Franche-Comté

 
— Magazine Science & Vie, août 2009, n° 1103, p. 104-109.
Voir également dans ce même blog : la Voie lactée étend ses bras.

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