03/10/2009
Courbet et les paysages jurassiens
Courbet et les paysages jurassiens
par André Guyard
Un colloque « Courbet, peinture et politique » qui s'est déroulé du 24 au 26 septembre 2009 à Besançon, a abordé, entre autres, le problème de la relation entre œuvres artistiques et ompréhension de la nature.
De nombreuses œuvres de Gustave Courbet (1819-1877) dépeignent des paysages et scènes de son pays natal. Pour le peintre d’Ornans, « la peinture est un art essentiellement "concret" et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes » (in Manifeste du réalisme).
Enfant de la campagne, il parcourt falaises, grottes, sources, plateaux et vallées, il pêche, il chasse. Et ses tableaux reflètent cette vie quotidienne, avec la nature pour décor. Une nature marquée géologiquement par l’érosion qui façonne des paysages karstiques : gouffres, grottes, résurgences, reculées ; une identité du Jura faite de ruptures et d’eau. Imprégné du paysage, il n’en peint pas la globalité, mais cadre ses tableaux sur des éléments qui lui donnent un sens. S’il ne s’est pas intéressé aux gouffres, il a beaucoup représenté les sources, la source de la Loue, celle du Lison.
Par exemple, l’entrée de la grotte Sarrazine se trouve au pied d’une immense arche de 100 m de haut et 30 m de large. Courbet, pourtant, ne choisit pas de peindre la magnificence du lieu ; il cadre son tableau sur l’entrée de la grotte, décide de la figurer un jour de crue (ce qui arrive deux à quatre fois par an)... Les interprétations psychanalytiques sont nombreuses sur ce sujet ; elles alimentent l’idée que le territoire peint par Courbet est un territoire initiatique.
Le pêcheur présent en bas à droite de la grotte Sarrazine est surprenant. Jamais il n’a été vu de pêcheur à cet endroit : il y a rarement de l’eau et donc aucun poisson. Courbet n’a-t-il pas voulu poser là un élément de son enfance ? Et l’on reviendrait alors au territoire initiatique. En tout cas, un territoire qui fonctionne comme référentiel. Lorsqu’il peint Bonjour Monsieur Courbet, qu’il dit se situer dans l’arrière-pays de Montpellier, on ne peut s’empêcher, si l’on est, comme Pascal Reilé, hydrogéologue, de reconnaître au fond les lignes des falaises du val de Loue... et de transposer la scène sur le plateau de Flagey.
La Franche-Comté de Courbet est très minérale, liée à sa compréhension très fine de la géologie. Alors que les plantes et arbres ne sont pas peints avec toute la rigueur d’un botaniste, il devient naturaliste quand il s’agit de représenter la roche et les sources... Les stratifications sont précises, les différentes formes de calcaires composant la voûte ou le socle des sources sont apparentes. Tous les éléments géologiques sont scrupuleusement respectés. Cette compréhension fine, il la doit sans doute à son amitié avec le géologue Jules Marcou, rencontré durant son enfance.
Jules Marcou (1824-1898) est un géologue autodidacte, un peu iconoclaste, mais qui envisage les massifs montagneux comme des systèmes. Il s’évade d’une géologie purement descriptive des roches pour concevoir une construction dynamique et une structuration des massifs. Marcou initie une géologie fonctionnelle du massif jurassien abordant l’hydrogéologie et l’électromagnétisme. Il transmet à Courbet cette lecture scientifique du paysage. On doit aussi à cette amitié, qui va durer toute leur vie, la conservation de la météorite tombée à Flagey en 1868. Courbet a en effet mandaté un habitant du plateau pour qu’il l’envoie à Marcou afin qu’il l’étudie. Elle est aujourd’hui conservée au Muséum national d’histoire naturelle.
Courbet, peinture et politique
Gustave Courbet est célèbre pour son activisme politique, notamment pendant la Commune. Quels liens relève-t-on entre art et politique dans son œuvre ? Admirateur de Proudhon, qu'il qualifie « d'ami très intime », Courbet se situe-t-il pour autant dans la même pensée philosophique ? Les idées politiques du peintre, démocrate affirmé, sont-elles présentes dans sa peinture ? Sont-elles présentes même en ces paysages peut-être traversés des questions sociales ? Ces questions et d'autres ont été au cœur du colloque « Courbet, peinture et politique », organisé, du 24 au 26 septembre 2009 à Besançon, par le laboratoire de Recherches philosophiques sur les sciences de l'action, la Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement Claude Nicolas Ledoux de l'université de Franche-Comté et le musée des Beaux Arts de Besançon, avec le soutien du conseil général du Doubs. Il s'intègre dans un projet de recherche des philosophes et historiens sur les idées socialistes, républicaines et démocratiques au XIXe siècle et leurs prolongements dans le XXe.
Contact : Hervé Touboul - Laboratoire de Recherches philosophiques sur les sciences de l'action - Université de Franche-Comté -Tél. (0033/0) 3 81 66 54 43 - htouboul@aol.com
Contact : Anne Vignot - Laboratoire Chrono-environnement - Université de Franche-Comté - Tél. (0033/0) 3 8l 66 64 47 47anne.vignot@univ-fcomte.fr
Contact : Pascal Reilé - Cabinet Reilé Pascal - Tél. (0033/0) 3 81 51 89 76 - pascal.reile@eabinetreile.fr
Source : En Direct, le Journal de la Recherche et du transfert de l’Arc Jurassien numéro 225 - juillet-août 2009
06:36 Publié dans Art et Nature | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | |
Commentaires
" décide de la figurer un jour de crue (ce qui arrive deux fois par an)" ... non un petit peu plus souvent quand même !!!
Écrit par : a.l.s | 11/11/2010
Bonjour,
je vous remercie pour ce bel article.
Très enrichissant.
Adrienne
Écrit par : Adrienne | 28/09/2011
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