19/11/2011
Il était des villages
Dans la rubrique : les collègues ont du talent, voilà un poème aux accents pergaudiens traité en fable de La Fontaine et dû au talent de Charles Pellegrinelli.
Il était des villages
Il était des villages, éloignés des circuits
Où un même patronyme, parfois inscrit sur l’huis,
Était peu signifiant pour qui cherchait client,
Et seuls les sobriquets étaient vraiment parlants.
Le village de Blussans abritait les Ravey
Étrappe pour les Godard, Crosey les Cœurdevey.
Les lieux d’habitation précisaient les familles
Le Raymond « des Essarts », du Moulin, dit la Guille.
Un surnom se gardait plusieurs générations
Mais celui de la Guille mérite explication.
Sa famille de meuniers vivait dans un écart
Qu’avait choisi l’aïeul, un sacré débrouillard.
Arsule, on l’appelait, qu’était un chaud lapin.
L’avait une chiée de gnos, au tof, dès le matin.
Son épouse, la Gretchen, enlevée en Bavière
Belle armoire de chêne, fonctionnait à la bière.
De retour du moulin, l’Eugène du puits Fenot
Confia à sa moitié, qu’il avait vu tantôt
Gretchen un peu plus ronde. Il s’était fait traité
De polisson vicieux, de vieux cochon bâté.
On remarqua bientôt, les allées et venues
De Marie, la sage-femme, surnommée guette-au-c…
Excusez le langage, sans fioriture aucune
Si ce n’est du plus cru, dans toute la commune.
C’était là contenu, d’échanges du lavoir,
Où les femmes pouvaient sans risquer l’engueuloir,
Apporter complément aux dires de la voisine
Avec appréciations parfois des plus coquines.
Mais les jours défilaient et le bruit du ruisseau
N’était pas perturbé par les cris d’un puceau.
L’ouverture de la chasse devint sujetpressant
Écartant, pour un temps, des mégères, les cancans.
Au retour d’une battue, nos chasseurs dépités
Juraient les Nom-de-Dieu, mille fois répétés
Car la chienne du Léon se trouvait en chaleur
Et les chiens du canton, à chasser, n’avaient cœur.
Réunis chez l’Adèle, comme le voulait l’usage
Aux murs du vieux café montraient nemrods en rage.
Quand Miraut de ces lieux, trop vieux pour la battue,
Sur le sol usagé, en vain, se frottait l’ cul.
Un restant de crotte, une guille, c’est le nom,
Était resté collé et le rendait grognon,
Mais amusait beaucoup l’bambin de la famille
Qui s’écria bientôt : « elle est tombée la guille »
Juste à ce moment-là, la porte du bistrot
S’ouvrit avec ce cri : « Il est pondu le chiot »
Comment voulez-vous donc ignorer ces deux cris ?
La Guille fut baptisé. Personne n’en fut surpris.
Charles Pellegrinelli, novembre 2011
14:20 Publié dans Art et Nature | Tags : poème, la fontaine, charles pellegrinelli | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |