22/10/2011
Projet de liaison Rhin-Rhône par la Saône et la Moselle
Le projet
Le projet de liaison Rhin-Rhône a pour but de créer une liaison fluviale à grand gabarit entre les vallées de la Saône et de la Moselle. Il devrait permettre le passage de péniches de 4 400 tonnes pour relier le Rhône au Rhin.
Ce projet date déjà de plusieurs décennies : deux variantes avaient été proposées dans les années 1960 :
- l’une passant par le Doubs retenue et abandonnée en 1997, du fait de nombreuses oppositions,
- l’autre passant par la Saône et la Moselle, abandonnée alors du fait des insuffisances de la ressource en eau pour l’alimenter.
C’est cette dernière qui ressurgit cette fois-ci avec la réalisation d’études prospectives. Quatre couloirs de passage sont actuellement à l’étude (carte ci-dessous).
Aspects socio-économiques
Si le projet de liaison à grand gabarit Rhin-Rhône par le Doubs a été abandonné, ce n’est que pour des raisons économiques. Il ne faut pas se laisser abuser par l’illusion cartographique : la voie d’eau n’a jamais été et ne sera jamais la solution pour franchir les montagnes !
Entre Méditerranée et Mer du Nord, il n’y a plus d’industries lourdes intracontinentales, les pondéreux se font rares, les produits doivent circuler rapidement, au coût minimal (les stocks sont sur les camions) et sans rupture de charge (changement de mode de transport). Les inconvénients liés à la nature même de ce mode de transport (sa lenteur, sa fragilité face aux contraintes climatiques, la lourdeur de sa gestion, etc.) expliquent le manque d’entrain de ses utilisateurs potentiels.
Remarques
1) Le grand gabarit de la liaison n’existe pas de facto entre Marseille (13) et St-Jean-de-Losne (21) pour différentes raisons :
- le port de Marseille n’est pas relié au Rhône (tunnel du Rove effondré),
- seuils divers sur le Rhône (Arles) réduisant sa profondeur et sa navigabilité,
- tirant d’air sous les ponts de Lyon insuffisant, imposant un nombre réduit de couches de conteneurs sur les navires (2 au lieu de 3).
2) La démonstration de l’inutilité de ce type de projet a déjà été faite en réel : il s’agit de la liaison inter-bassins entre le Rhin et le Danube. Les trafics y sont faibles et stables, le train opérant beaucoup plus efficacement sur le même axe.
Aspects hydrologiques
S’agissant d’une voie d’eau, il est tout naturel de s’inquiéter de sa faisabilité même, et donc des possibilités de l’alimenter en eau.
➢ Le projet de canal Rhin-Rhône par la Saône et la Moselle avait été abandonné dans les années 60, du fait de la carence en eau. En effet, les périodes d’étiage annuelles s’étendent jusqu’à 96 jours pour la Moselle et 78 pour la Saône. Autant de jours où la navigation ne peut se faire. La rareté globale de l’eau, logique en tête de bassin, et l’importance des étiages obligent ainsi les concepteurs du projet à envisager des réservoirs volumineux (plusieurs dizaines de millions de m3) en amont des bassins versants et des pompages de bief en bief, consommateurs d’énergie.
➢ Le gel de la voie d’eau, encore possible dans les régions en altitude (90 jours de gel dans les Vosges), constituerait une autre raison de sa fermeture à la circulation.
➢ Avec le réchauffement climatique en cours, l’accentuation des phénomènes climatiques extrêmes doit être prise en compte très sérieusement concernant un ouvrage dont le fonctionnement dépend de son alimentation en eau : étiages sévères et crues subites et importantes. Le réchauffement climatique ne devrait qu’accentuer le manque d’eau sur les bassins versants avec comme effets la diminution de la fonctionnalité de la voie d’eau et la fragilisation de ses intérêts économiques.
Aspects environnementaux
- Impacts paysagers
Proportionnels à l’ampleur des travaux de génie civil, ces impacts seront importants sur les hautes vallées, plus resserrées, plus sinueuses. Les cicatrices de ces travaux marqueront à jamais les paysages des hautes vallées de la Saône ou de la Moselle, quels que soient les traitements paysagers ultérieurs. L’impact sur le patrimoine construit serait classé comme « globalement fort » : une vingtaine de zones ou sites classés sont répertoriés. Ce projet constituerait donc une perte importante de patrimoine paysager rural et urbain.
- Impacts physico-chimiques
➢ Concernant les parties de cours d’eau et canaux actuels empruntés par le projet, les travaux et le fonctionnement de la voie d’eau, par l’érosion qui en est issue, remettraient en suspension des sédiments riches en toxiques, métaux lourds particulièrement.
➢ Des contaminations de la ressource en eau potable et des chaînes alimentaires sont donc vraisemblablement à attendre.
- Impacts hydrobiologiques
➢ Un cours d’eau n’est pas seulement constitué de sa partie visible : il est alimenté par tout un bassin versant et est accompagné dans son lit majeur par sa nappe alluviale, ressource majeure en eau potable pour les populations riveraines. Les transferts d’eau entre ces différentes parties, l’intensité des fonctionnements des écosystèmes associés garantissent la pérennité et la qualité des eaux superficielles et profondes.
➢ Dans tous les cas, ce projet aurait des conséquences majeures sur la ressource en eau, qu’il emprunte le cours de la rivière ou soit créé dans son lit majeur* : le canal déroberait plus de 12 m3/s au milieu naturel avec ou sans le développement de réservoirs d’eau en amont.
➢ L’impact serait d’autant plus important qu’il se situe en amont des bassins versants, vers le seuil de partage des eaux. Ces notions écologiques sont largement comprises par les acteurs de l’eau (particulièrement par les Agences de bassin) : elles constituent le fondement de la politique de l’eau et doivent s’imposer dans l’étude de tout projet où l’eau est présente.
➢ Enfin, le réchauffement climatique en cours devrait nous imposer encore plus de prudence dans la réalisation de tels aménagements et dans la prise en compte de leurs effets sur la ressource en eau et les nappes alluviales.
- Impacts directs et indirects sur la biodiversité et les écosystèmes naturels
➢ Qu’elle emprunte le cours d’eau ou son lit majeur, l’infrastructure aurait des effets importants, chimiques ou mécaniques, sur la biodiversité, particulièrement des zones humides. Elle en réduirait de plus les fonctionnalités écologiques et par suite la qualité des aquifères. Ceci constituerait un gaspillage inadmissible de patrimoine naturel. Directs ou indirects, ces effets seraient vraisemblablement renforcés par la récession de la vie sur Terre comme par le réchauffement climatique.
➢ La richesse et l’importance du patrimoine naturel rencontré par le projet sont notables. Val de Saône, Bassigny ou vallée de la Moselle constituent des zones à patrimoine vivant riche et que de nombreuses conventions ou régimes protègent. Les inventaires réalisés présentent :
- 2 à 4 zones Natura 2000 suivant le tracé (dont le Val de Saône),
- 344 zones naturelles d’intérêt faunistiques et floristiques (ZNIEFF) de type I, essentiellement sur la vallée de la Saône et en Haute-Marne (couloir Ouest),
- 39 ZNIEFF de type II, plus précieuses, sur les vallées de la Saône et la Moselle,
- 6 zones d’intérêt communautaire (ZICO),
- 7 zones de protection spéciale (ZPS), dont la vallée de la Saône, le Bassigny, la vallée de la Lanterne ou la basse vallée du Doubs,
- des dizaines de sites sensibles, soumis à des politiques de protection variées par les Conservatoires naturels, entre autres,
- forêts alluviales en Val de Saône, vallées de la Moselle et de la Lanterne, abritant des espèces d’importance patrimoniale, vertébrés (oiseaux ou batraciens) ou invertébrés liées à l’eau représentent des enjeux forts sur lesquels la France s’est engagée devant la communauté internationale. Elles constituent des milliers d’hectares qui seraient fragilisés, voire détruits irrémédiablement, malgré l’application de mesures dites compensatoires et souvent inefficaces.
- Autres effets directs et indirects
➢ On ne s’appesantira pas sur les impacts du chantier, même s’ils déborderont largement la zone d’emprise et resteront pour certains, définitifs.
➢ On peut noter également la réduction de l’attrait des zones traversées en matière touristique.
➢ Enfin, il est vraisemblable que la récession qui s’annonce remette profondément en cause notre rapport au monde et nous oblige à reconsidérer de façon drastique nos besoins et les moyens d’y répondre. Dans ce nouveau contexte, il y a fort à penser que ce projet trouve enfin son issue définitive, c’est-à-dire son abandon pur et simple ! De sorte que les centaines de milliers d’euros déjà dépensés par les collectivités régionales et l’État auront été gaspillés.
Alternatives possibles et nécessaires aux trafics actuels Nord-Sud
Il existe pourtant des alternatives pour améliorer les trafics nord-sud. Dans un premier temps, c’est sur la réduction des trafics que doivent peser les efforts d’aménagement afin de rationaliser les usages de l’énergie comme des ressources naturelles. Néanmoins, pour réaliser les économies d’énergies fossiles (et la réduction des gaz à effet de serre) et pour préserver le patrimoine naturel commun (l’eau entre autres), les réorientations du fret devront se tourner vers le transport ferroviaire. Sous conditions d’en améliorer les performances, technologiques et humaines, le rail constitue un mode de transport fiable en toute saison, rapide, proche des usagers et économe en énergie fossile. De fait, les 4 à 15 millions de tonnes prévues par an par les scénarios de l’étude socio-économique en 2025 pourraient facilement être absorbées par quelques dizaines de trains par jour sur le même axe.
Sources
- Plaquette éditée par un collectif d’associations : Franche-Comté Nature Environnement, Collectif Saône et Doubs vivants / Sundgau vivant, Commission de protection des eaux UFC Que Choisir 21, Mirabel Lorraine Nature Environnement, CAPEN 71, Association Plaine de la Saône avec le soutien des Verts Lorraine. [http://www.cpepesc.org/IMG/pdf/PL_saone_20moselle.pdf]
- Liaison Saône-Moselle. Les premiers résultats de l’étude technique et environnementale. Comité de pilotage du 19 décembre 2007.
- Étude préliminaire socio-économique multimodale sur l’axe Marseille-ports de la mer du Nord et de l’Europe du nord. VNF Direction interrégionale de Nancy, Octobre 2005.
La Présidente du Conseil Régional, Marie-Guite Dufay, qui n’accepte que de payer le minimum du minimum (100 000 € environ) pour avoir un accès au dossier Grand Canal Saône-Moselle, est persuadée que l’abandon de l’itinéraire par la vallée du Doubs est définitif. Les Verts qui n’ignorent pas les efforts pour revenir sur cet engagement déployés par certains parlementaires, tels Francis Grignon au Sénat et Françoise Branget à l’Assemblée Nationale, restent méfiants.
Source : macommune.info
15:25 Publié dans Environnement-Écologie | Tags : grand canal, liaison rhin-rhône, canal à grand gabarit, liaison mer du nord-méditerranée, liaison saône-moselle | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | |