26/06/2014
Quand Thise était ville d’eaux…
Quand Thise était ville d’eaux…
(Dernière mise à jour : 28/06/2014)
Au début du XXe siècle, le village de Thise exploitait une source d’eau minérale
par André Guyard, Claude Proudhon & Jacques Bonet
Thise a connu une certaine célébrité dans la première moitié du XXe siècle grâce à l'exploitation d'une source d'eau minérale commercialisée en bouteilles de verre dont la forme caractéristique évoque irrésistiblement le Quart Perrier.En réalité, il ne s’agissait pas à proprement parler d’une source, mais d’un puits de captage dans la nappe phréatique après un sondage réalisé en février 1910. La structure d’exploitation de l’eau a été bâtie à l’aplomb même du puits. Et cet atelier existe toujours : il s’agit de la maison Seiler, un bâtiment situé juste avant le passage à niveau au NE du chemin départemental D. 481 qui conduit vers le CD. 683.
Vue satellite Spot
« Un sondage — écrivait le Professeur Fournier en 1919 — a permis de capter une nappe d’eau ferrugineuse, carbonatée, légèrement radioactive, (source Marguerite) qui, grâce à la zone de protection créée, est d’une grande pureté bactériologique et constitue une eau de table excellente ». L’eau est déclarée d’utilité publique en tant qu’eau ferrugineuse. D’où vient le fer : l’oolithe ferrugineuse de l’Aalénien n’est pas loin dont le minerai a été exploité au XIXe siècle dans la vallée du Doubs, notamment à Deluz et à Laissey. Dans cette dernière bourgade subsiste encore une entreprise de fabrication d’outillage métallique, connue longtemps sous le nom des Établissements Bost.
Les couches ferrugineuses ne sont pas loin. Document BRGM
Est créée la SOCIÉTÉ ANONYME DES EAUX DE SOURCES NATURELLES ET MINÉRALES DE FRANCHE-COMTÉ qui se rend acquéreur du domaine de la source Marguerite : une propriété de 3 ha. Cette société confie à Joseph Beuque un terrassier thisien le soin de construire un puits pour atteindre la nappe. L’eau est pompée par un simple tuyau qui descend dans le puits. Construit sur le puits même, un bâtiment est édifié en pierres et moellons qui comprend de grandes salles de puisage, d’embouteillage, d’emballage avec des caves en sous-sol.
Le lancement de la production est soutenu par la publicité. En témoigne un encart publicitaire paru dans la Dépêche Républicaine du 4 mai 1912. L’eau de la source thisienne est promue au noble rang d’Eau Pure et Naturelle ! Elle est vendue en pharmacie, et il y a même un dépôt à Besançon et un autre à Paris !
La Société fait fabriquer des bouteilles de différentes capacités : un quart, un demi et un litre. La bouteille de la Source Marguerite présentait un goulot élancé et un profil ventru.
Le ventre de la bouteille annonce
Au début de l’exploitation, elle était munie d’une simple étiquette en papier. Puis apparurent six modèles de bouteilles en verre, les premières, ventrues, portent l’indication THISE LEZ ROCHE fondue à même le corps. Cette forme caractéristique des bouteilles est, semble-t-il, un héritage de la Source Marguerite à la Source Perrier.
Pierre Seiler trouve encore des bouteilles dans son jardin
Pour en avoir le cœur net, Claude Proudhon, un enseignant retraité qui se voue à l’histoire locale a écrit à la Source Perrier. Malheureusement, sa missive est restée sans réponse.
Louis Barbier né en 1910 et qui a habité avec ses parents dans la maisonnette du Chemin de Fer gardant le passage à niveau, juste à proximité du captage, avait gardé un souvenir précis des activités de l’atelier. L’eau était filtrée puis embouteillée automatiquement. Une énorme citerne qui existe encore construite sous la toiture recueillait les eaux de pluie qui servaient au lavage des bouteilles… et peut-être à diluer l’eau ferrugineuse. Le lavage et l’embouteillage étaient assurés par des ouvrières. Il existait à Thise depuis 1890-91 un atelier de fabrication de capsules métalliques et les bouteilles étaient encapsulées à la façon des bouteilles Perrier.
Carte postale de la collection Claude Proudhon
Masqué en partie par des modifications de la construction, le quai d’embarquement n'est plus visible aujourd’hui. Mais la Source Marguerite ne livre pas ses clients. Contrairement aux maisons concurrentes, comme Gangloff ou Barchel, les cafetiers viennent se fournir sur place.
(Cliché Pierre Seiler)
Une affiche publicitaire orne encore les murs de l’atelier même de la source. Mais son ancienneté a rendu son support papier très friable. De toute façon, on ne peut plus la voir en entier car les aménagements ultérieurs des locaux la masquent en partie. Claude Proudhon s’est efforcé de la reconstituer en partant des différents éléments qui la constituaient.
Pancarte reconstituée par les soins de Claude Proudhon
La durée de la société étant fixée à 9 années, l’exploitation de la source d’eau minérale s’est arrêtée au cours de la décennie 1930. La situation en contrebas du village faisait dire aux mauvaises langues que la source provenait du cimetière et, en plus, l’eau ferrugineuse tachait le linge !
En 1936, l’établissement est transformé en café. M. Boffy, le nouveau propriétaire modifie l’atelier pour en faire une grande salle qui subsiste encore quelques années dans le style du café champêtre : le Café des Amis.
La maison actuelle est la propriété de la famille Seiler qui conserve précieusement quelques échantillons de bouteilles et retrouve régulièrement dans le jardin des morceaux de verre datant de l’époque glorieuse de la Source Marguerite.
"Source" bibliographique
MASSON H., PERRIN G. & PROUDHON C., Thise, d’hier à aujourd’hui, Empreinte Ed. 320 p. 2002.
Remerciements à Pierre Seiler qui nous a généreusement ouvert sa maison et à Claude Proudhon qui nous a confié ses dossiers bien documentés.
13:45 Publié dans Environnement-Écologie, Géologie-hydrogéologie-Climatologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
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