20/12/2009
Ravageurs de pâtures : Campagnol terrestre et Campagnol des champs
Périodiquement, les campagnols pullulent et ravagent les prairies et pâturages des plateaux du Jura. En outre, ces rongeurs transmettent un parasite : l'échinocoque alvéolaire. Cet article exploite une plaquette éditée par la FREDON ainsi qu'une série de publications scientifiques qui présentent une étude de la dynamique des populations de campagnols.
Les ravageurs de pâtures de Franche-Comté : le Campagnol terrestre (Arvicola terrestris) et le Campagnol des champs (Arvicola arvalis)
par André Guyard (dernière mise à jour : 26/01/2018)
Le Campagnol terrestre appelé également Rat taupier est un Rongeur de la famille des Muridés (rats, souris) qui prolifère dans les prairies de Franche-Comté entre 400 et 1200 mètres d'altitude.
La période de reproduction s'étend de février à octobre. En nature, la femelle met bas au plus 4 portées par an de 1 à 8 petits (4 en moyenne). À noter également la précocité de la maturité sexuelle, atteinte au bout de 8 à 9 semaines en été.
Dans le département du Doubs, depuis le début des années 70, des vagues de pullulations de campagnols terrestres démarrent à la limite des premier et deuxième plateaux et parcourent le massif du Jura selon un cycle de six ans. Lors de leur passage, la destruction du système racinaire des végétaux et la présence de nombreux tumuli de terre produits lors du creusement des galeries réduisent la qualité et la quantité de fourrage, avec des répercussions économiques considérables dans cette zone de production laitière. Par exemple, en 1998, 120 000 ha de prairies ont été fortement dégradés lors du pic de pullulation, dont la moitié complètement ravagée. La densité de population peut dépasser 1000 individus à l'hectare en cas de pullulation. En 2010, c'est le secteur d'Avoudrey qui est touché avec une densité estimée en 800 et 1000 campagnols à l'ha.
Campagnol terrestre — Réseau de galeries sous la neige
Crêt Monniot janvier 2018 © Rémi Brendel
Campagnol terrestre — Réseau de galeries sous la neige
Crêt Monniot janvier 2018 © Rémi Brendel
Les clichés ci-dessus exposent les dégâts que provoquent les campagnols dans les pâturages avec leurs galeries souterraines en été, mais qui peuvent courir en surface sous la neige.
En outre, non contents de creuser eux-mêmes leurs galeries et construire leurs propres tumuli, les campagnols n'hésitent pas à profiter des réseaux de galeries creusés par les taupes. De sorte que la lutte contre les pullulations de campagnols passe également par la destruction de ces agents constructeurs de galeries.
En Suisse, il y a plusieurs années que les agriculteurs procèdent à des labourages pour ébouler les galeries et décourager campagnols et taupes.
Procéder à l'éboulement des galeries est un procédé préconisé par la Fédération Régionale de Défense contre les organismes nuisibles (FREDON) qui explore des systèmes pour repérer les réseaux souterrains des taupes. Une stratégie consiste en particulier à passer dans les pâtures un rouleau hérissé de petits cylindres qui entraînent l'effondrement des galeries, obligeant ainsi les taupes à les reconstruire et à ériger des taupinières facilement repérables. Le repérage peut se faire à vue ou par voie aérienne : ULM ou drone. Les réseaux ainsi définis sont soumis à un gazage par des sondes qui n'injectent leur produit que quand elles se trouvent en présence de galeries.
Les causes de ces pullulations étaient encore totalement inconnues jusqu'à la fin des années 80. C'est essentiellement au début des années 90 que fut établi le lien entre pullulation et extension des surfaces de prairie au détriment des cultures annuelles, celle-ci entraînant des changements de paysages et de pratiques.
Il apparaît maintenant clairement que de nombreux facteurs (paysages, pratiques, prédateurs...) contribuent à la régulation des populations de campagnols terrestres qui elles-mêmes influent grandement sur le fonctionnement des écosystèmes régionaux. Ce constat impose d'accepter la complexité des phénomènes et de gérer le problème en prenant en compte la multiplicité des facteurs et les attentes diverses des utilisateurs du territoire (agriculteurs, consommateurs, chasseurs, associations de protection de la nature...).
L'examen de l'histogramme ci-dessous montre que les cycles de pullulation qui ont commencé dans les années 1970 sur le second plateau jurassien correspondent à un doublement de la surface des prairies permanentes.
Evolution du pourcentage de prairie permanente
dans le paysage agricole
sur le second plateau jurassien
(d'après P. Giraudoux)
Risque de pullulation du Campagnol des champs
(Microtus arvalis) en fonction de l'accroissement du rapport "surfaces toujours en herbe/surfaces agricoles utiles " Delattre et al., 1992
Ces auteurs mettent en évidence les effets des structures paysagères sur la dynamique des populations de Microtus arvalis : les pullulations sont favorisées en openfield, c'est-à-dire en zones ouvertes, par rapport à un réseau bocager où les pâtures sont segmentées par des haies. À surface toujours en herbe égale, le risque de pullulation est maximal dans des espaces très ouverts et homogènes (openfields) mais considérablement plus faible dans des espaces structurés tels que des mosaïques boisées ou des bocages. Il devient quasiment nul à proximité des villages ou de structures boisées importantes.
Pour Delattre, plusieurs hypothèses, non exclusives les unes des autres, peuvent être proposées pour expliquer ces réponses :
- le degré élevé de communication entre parcelles d'habitats favorables accroît les possibilités de déplacements rapides et, en facilitant la dispersion des individus, augmente les capacités de colonisation ou de recolonisation de parcelles éloignées des foyers de diffusion.
- l'hétérogénéité d'un écosystème, par les nombreuses haies et relais boisés qu'il comporte, facilite les déplacements des prédateurs et répartit, sur l'ensemble des parcelles, la pression de prédation et du parasitisme qui lui est associé. Les haies constituent un biotope essentiel pour les prédateurs de campagnols. Ce sont dans les haies ou les bois voisins que se trouvent les terriers de prédateurs (hermines, belettes, renards). Les haies constituent des perchoirs naturels pour les buses et milans, autres prédateurs de campagnols.
- la diversité des microclimats, créée par un milieu diversifié, joue un rôle favorable dans le maintien d'une plus grande richesse faunistique et accroît l'effet des facteurs de régulation naturelle (notamment le parasitisme et la compétition inter-spécifique).
- DELATTRE P., GIRAUDOUX P. (2009). Le campagnol terrestre - Prévention et contrôle des populations. Éditeur : Quae éditions, Collection : Savoir faire. 263 p.- FREDON Franche-Comté, DRAF Franche-Comté, DIREN Franche-Comté, INRA juin 2006. Plaquette : Le Campagnol terrestre en Franche-Comté, 2000-2006 : de la lutte chimique… à la lutte raisonnée. 36 p. On trouvera dans cette plaquette une bibliographie et la liste des contributeurs.
- MICHELAT D., GIRAUDOUX P. (2006). Synchrony between small mammal population dynamics in marshes and adjacent grass and in a landscape of the jura plateau, France : a ten year investigation. Acta theriologica. 51 (2) : 155-162.
- MIOT S., DELATTRE P. (2010). Les rongeurs en vergers de production biologique : méthodes de lutte préventive et continue. courrier de l'environnement de l'INRA n° 58, 55-68.
Liens utiles :
Site de la FREDON : http://www.campagnols.fr/
Voir également : Le campagnol terrestre prévention et contrôle des populations
Ne pas manquer la vidéo proposée par le Muséum National d'Histoire Naturelle lors du Tour de France 2014
11:40 Publié dans Mammifères, Médecine | Tags : pâture, pâturage, campagnol, campagnol terrestre, rat taupier, nuisible, ravageur, échinoccose, bromadiolone, lutte biologique, lutte chimique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
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