L’Université de Franche-Comté et la fédération de pêche du Doubs au chevet de la Loue
20/07/2012
L’Université de Franche-Comté
et la fédération de pêche du Doubs
au chevet de la Loue
(18/07/2012)
Classée comme l'une des plus belles rivières d'Europe pour la pêche à la mouche, la Loue se fraie dans le massif du Jura une reculée creusant d'abruptes falaises calcaires, au pied desquelles moucheurs locaux et touristes aiment venir titiller la truite et l'ombre.
"La vallée a connu un tourisme de masse lié à la pêche à la mouche, avec des personnes qui avaient les moyens et venaient de toute l'Europe. Mais depuis le début des années 2000, les pêcheurs fuient cette rivière dans un état lamentable, où ils voient les poissons mourir", constate Alexandre Cheval, garde-pêche dans la Vallée de la Loue. "Aujourd'hui, ils préfèrent aller en Slovénie ou en Roumanie sur des cours d'eau comparables à la Loue il y a 30 ans", ajoute-t-il. Le nombre des cartes de pêche enregistrées par la fédération sur le secteur de la Loue est passé de 2000 il y a dix ans à près 400 l'année dernière.
Mais depuis 1973 "la population piscicole a diminué de 70 à 80% sur certains secteurs de la Loue" qui s'écoule d'Ouhans dans le Doubs à Parcey dans le Jura, affirme Thomas Groubatch, chargé de mission à la Fédération de pêche du Doubs. Néanmoins, il pense qu'il "reste quelques secteurs refuges, mais ils sont rares. Il faut agir vite pendant que ces zones existent encore".
Des polluants d'origines diverses (population humaine, agriculture ou industrie), ainsi que l'aménagement des rivières (seuils et barrages) sont notamment mis en cause.
"Ce n'est pas une pollution ponctuelle, mais chronique. La rivière se dégrade de plus en plus et les milieux naturels ont de plus en plus de mal à supporter la pollution. La situation est plus qu'alarmante", s'inquiète Alexandre Cheval, qui redoute qu'un "point de non-retour" ait été atteint.
Pour lutter contre cette pollution, les services de l'État ont engagé une série d'actions comme le renforcement des règles d'épandage du lisier, l'installation de passes à poissons ou un effort de sensibilisation des industriels.
La Loue va être auscultée sous toutes les coutures. Les chercheurs du Laboratoire de Chrono-environnement viennent de commencer leurs travaux. Annoncée depuis au moins un an, cette vaste étude prévue sur cinq ans a enfin commencé dernièrement. D'après François Degiorgi, l’un des coordinateurs de cette étude, “Il s’agit d’un travail pluridisciplinaire qui porte aussi bien sur le bassin versant que sur la rivière. L’objectif est de localiser les causes du mauvais état de la Loue puis de chercher à les relier à une spacialisation des effets dans la rivière”.
Pendant une première phase de trois ans, une quinzaine de chercheurs va travailler sur le terrain pour cette étude. Une équipe pluridisciplinaire formée de chimistes, biologistes, géologues, pédologues. La plupart d’entre eux sont rattachés au laboratoire de chrono-environnement mais le laboratoire de géographie Théma, le Muséum d’Histoire naturelle de Besançon, l’Université de Neuchâtel, le laboratoire d’analyses de Poligny prêteront également main-forte à l’équipe.
Déjà des universitaires ont prélevé des larves et des insectes adultes au bord de la Loue pour pouvoir évaluer la qualité du milieu de façon beaucoup plus précise que les indicateurs utilisés habituellement pour classer les rivières.
Autre partenaire de taille, la Fédération de Pêche du Doubs. Dès lundi, une soixantaine de pêcheurs est mobilisée chaque jour de la semaine pour réaliser des pêches électriques afin d’effectuer de nouveaux inventaires piscicoles sur au moins huit stations de la Loue. Toutes les associations de pêche de la vallée, les fédérations de pêche des départements de Bourgogne et de Franche-Comté, le département de l’Ain ainsi que des bénévoles sont mobilisés la semaine prochaine.
Tout les amoureux de la Loue ont encore en tête les images des relevés piscicoles effectués, eux aussi à grand renfort de moyens et de médias par l’Onema en 2010. Alors, pourquoi recommencer et ne vaudrait-il pas commencer à agir concrètement pour diminuer les sources de pollution ?
« Pour que les politiques se bougent encore plus, il faut des preuves sur les origines de la pollution, explique Alexandre Cheval, garde pêche de la fédération du Doubs, cette étude va permettre d’affiner le tir, il nous faut des connaissances les plus fines possibles pour réajuster le tir. En 2010, l’Onema n’avait travaillé que sur quatre stations ».
Les politiques se sont déjà bougés en finançant cette étude qui coûte 360 000 euros pour la première phase. Environ 80% de cette somme est prise en charge par l’Agence de l’Eau, le conseil général du Doubs et le conseil régional de Franche-Comté ; le reste étant financé par l’Université de Franche-Comté.
De nombreuses études ont été réalisées ces vingt dernières années, pas forcément coordonnées. Tout l’enjeu de ce travail va être de savoir capitaliser les résultats déjà publiés et surtout d’identifier beaucoup plus précisément l’impact des activités humaines sur le bassin versant de la Loue. En 2015, la directive européenne sur l’eau devra être renouvelée. Les premiers résultats de cette étude sur la Loue pourraient bien être examinés de près. De ses malheurs, la Loue pourrait ainsi en tirer un petit bénéfice. La rivière, connue dans toute l’Europe par les pêcheurs à la mouche, pourrait se faire aussi une réputation auprès des milieux scientifiques en étant devenue un véritable laboratoire à ciel ouvert.
En Franche-Comté, le Doubs franco-suisse, dont la Loue est à la fois un affluent et une résurgence, le Dessoubre et le Cusancin sont confrontés à un même problème de pollution et de mortalité piscicole.
Isabelle Brunarius
(France 3 Franche-Comté)
Source :
Blog.france3.fr/vallee-de-la-loue
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