Coraux des Antilles (8)
17/07/2010
Différents types de récifs coralliens. Morphologie et genèse des récifs coralliens des Antilles
Coraux et milieu récifal de la Province Caraïbe
Chapitre VIII : Morphologie et genèse des récifs coralliens des Antilles
par André Guyard
(suite du chapitre VII : croissance du récif)
1. Origine des récifs coralliens
Après l'extinction qui a marqué la fin de l'ère primaire, il y a 252,6 millions d'années, les récifs à animaux pluricellulaires ont mis moins de deux millions d'années pour réapparaître et se diversifier. Jusqu'à présent, on pensait que ce temps de récupération avait été d'une dizaine de millions d'années. Il s'agit donc d'une réapparition rapide des récifs après la plus grande extinction de tous les temps récemment mise en évidence par une équipe internationale. Une équipe internationale menée par quatre chercheurs français du laboratoire Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne) et du Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS Lyon). Publication le 1er octobre 2011 dans la revue Nature Geoscience.
Les récifs coralliens modernes sont en général construits sur des récifs coralliens fossiles eux-mêmes édifiés sur un soubassement volcanique appartenant à l'arc antillais. Certains récifs modernes, en particulier les récifs frangeants, sont directement bâtis sur le support éruptif.
D'après Glynn (1973), les caractères spécifiques des récifs coralliens des Antilles par rapport aux récifs indo-pacifiques sont les suivants.
1. Variété spécifique plus réduite. Goreau & Wells (1962) ont décrits 62 espèces de Scléractiniaires à la Jamaïque dont 48 espèces hermatypiques distribuées dans 25 genres et 14 espèces ahermatypiques distribuées dans 11 genres. Dans l'ensemble de la Caraïbe, on est susceptible de rencontrer environ 80 espèces alors qu'on en dénombre 350 dans la Province Indo-pacifique.
2. Récifs frangeants relativement plus nombreux.
3. Importance plus grande des Algues calcaires dans la construction récifale.
4. Structures récifales modernes plus massives (plus de 10 mètres d'épaisseur).
5. Récifs construits le long du plateau continental et des corniches insulaires. Les atolls sont peu nombreux et atypiques.
6. Extension jusqu'à 70 mètres de profondeur. C'est la présence en abondance d'autres formes constructrices : Algues corallines, Foraminifères, Éponges (en particulier Sclérosponges), Hydrocoralliaires, Mollusques Vermétidés, qui contribue à cimenter le récif et explique sa grande épaisseur, sa solidité et sa stabilité apparente en tant qu'écosystème.
Bien qu'ils soient construits à partir d'une faune relativement homogène, la structure des récifs coralliens varie en fonction de leur âge.
2. Différents types de récifs coralliens
Classiquement, on distingue trois types récifaux auxquels on peut ajouter un quatrième type que l'on rencontre en Caraïbe (Guilcher, 1988).
2.1. Récifs frangeants
Les récifs frangeants se rencontrent autour de chaque île antillaise sur un soubassement volcanique. Par définition, un récif frangeant borde la côte. En raison des Alizés qui soufflent constamment d'est en ouest, on distingue classiquement la côte au vent (côte est) exposée à l'alizé et la côte sous le vent (côte ouest) protégée des vents dominants. Parfois comme à St Vincent ou à la Barbade, la trop grande turbidité des eaux de la côte au vent ne permet pas l'installation de récifs actifs (Lewis, 1960 ; Adams, 1968) et la zone de récifs frangeants se localise sur la côte sous le vent.
De nombreux récifs frangeants se poursuivent en récifs-barrières car ils s'éloignent de la côte de plusieurs kilomètres et délimitent des lagons dont la profondeur peut atteindre 10 mètres (côte de Floride et des Bahamas, Grand Cul-de-Sac Marin et rade de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, baies du Robert, du François, du Vauclin, cayes des Salines en Martinique.
Les récifs-barrières déterminent entre eux et la côte un lagon large parfois de quelques dizaines de kilomètres dans le Pacifique. Les récifs-barrières dignes de ce nom dans les Antilles sont ceux des côtes du Belize qui s'étendent sur plus de 200 km et ménagent un lagon dont la profondeur dépasse 20 m (Matthews, 1966 ; Wantland, 1967) et celui du nord de Providencia Island dans les Antilles du sud-ouest qui atteint 10 km de large.
Du côté terrestre, le lagon peut être bordé de plages ou de mangroves
Cliché DR
2.3. Atolls
Les atolls affectent une forme annulaire avec un lagon central. Ce sont des îles basses ayant toujours une partie émergée à marée basse et exclusivement formés de débris d'organismes à l'exclusion de toute roche éruptive. Ils se sont formés autour d'un volcan de point chaud devenu inactif et qui s'enfonce progressivement dans la mer.
Un atoll polynésien. Au centre du lagon, l'ancien volcan de point chaud autour duquel s'est construit l'atoll
Vue aérienne de Reitoru, petit atoll sans passe des Tuamotou
cliché© Antoine
L'atoll de Tenaroa. Le volcan s'est enfoncé dans la mer
Cliché DR
Un magnifique atoll : Bora bora (Polynésie française)
Cliché DR
Les atolls typiques sont rarissimes aux Antilles. Bryan (1953) en a recensé une dizaine. Ils sont formés d'une série d'îlets disposés en couronne et cernant un lagon central circulaire comme par exemple Alacraan Reef, Albuquerque cays, etc…
2.4. Récifs profonds (bank reefs)
Ce sont des formations exclusivement coralliennes surmontées d'une épaisseur d'eau d'au moins 20 mètres. Sur les cartes marines, ces formations sont désignées par "bancs" ou "eaux décolorées". On les repère bien en avion à cause de leur couleur vert clair. Ces récifs ne montrent aucune direction de développement privilégiée et ne présentent évidemment aucun lagon. Ils se rencontrent principalement au large du Yucatán mais les plongeurs martiniquais aiment à visiter les cayes profondes jouxtant la côte caraïbe de Case-Pilote au Prêcheur.
3. Genèse des récifs coralliens
Les Coraux ne pouvant vivre en eau claire qu'entre 0 et 70 m de profondeur dans les cas les plus favorables, comment se fait-il que l'épaisseur du soubassement fossile des récifs actuels puisse largement dépasser cette limite de 70 mètres (438 m à Mururoa, 1300 m à Bikini) ?
On explique de façon classique la genèse des formations récifales en invoquant des alternances émersion-immersion dues à des variations du niveau de la mer (théorie de Darwin). Une immersion progressive permet au récif dont la partie active apicale doit demeurer proche de la surface de s'accroître en épaisseur et de s'éloigner de la côte en récif-barrière. Une émersion entraîne l'apparition d'îles hautes et le développement de récifs-frangeants.
La figure ci-dessus montre trois stades successifs de la formation de récif en fonction de la montée du niveau de la mer par rapport au socle volcanique. 1. Récif frangeant. 2. récif-barrière. 3. atoll.
Au cours des temps géologiques, les avancées de la mer (transgressions) et ses reculs (régressions) traduisent l'existence de mouvements verticaux de la surface de l'eau par rapport au fond sous-marin.
Les variations du niveau de la mer peuvent être générales à l'échelle de la planète : on parle alors de mouvements eustatisques. Ainsi, la fonte des calottes glaciaires entraînerait une montée générale du niveau des eaux (théorie de Daly).
Les variations du niveau de la mer peuvent être localisées à une région donnée. L'affaissement progressif de la croûte terrestre (subsidence) sous un bassin marin entraînera une montée apparente du niveau de la mer dans ce bassin.
Dans la Province Caraïbe, les formations coralliennes fossiles datent en général du Tertiaire. Au Crétacé supérieur, les climats étaient beaucoup plus chauds qu'actuellement, la température du bassin arctique était de 14°C en surface. À l'Oligocène débute un refroidissement général et continu. Les formations récifales n'en continuent pas moins à prospérer dans les zones tropicales. Cependant les quatre glaciations du Quaternaire, si elles ont peu d'influence sur la croissance des Coraux tropicaux vont entraîner des variations principales et secondaires du niveau marin qui seront capitales pour les complexes récifaux. Or l'eustatisme ne peut à lui seul expliquer l'origine des récifs-barrières et atolls car les amplitudes maximales des variations de niveau de la mer pendant et entre les glaciations n'ont pu dépasser 150 à 200 mètres. Il faut donc faire intervenir les phénomènes de subsidence pour expliquer les épaisseurs coralliennes supérieures à 200 mètres.
Dans la Caraïbe, si l'on ne tient pas compte des phénomènes de subsidence qui se superposent à l'eustatisme et compliquent le processus, on peut brièvement résumer l'histoire d'une formation corallienne depuis le Quaternaire de la façon suivante.
Le niveau marin a atteint sa hauteur maximale au cours de l'avant-dernière interglaciation (Mindel-Riss) il y a 500 000 ans, à la cote + 20 m. À cette époque, notre édifice se présente comme un récif submergé. Avec la troisième glaciation Riss), le niveau de la mer baisse et le récif émerge en île haute. Au cours de la dernière interglaciation (Riss-Würm), il y a 200 000 ans, le niveau remonte, atteint le sommet de l'île puis le dépasse pour atteindre sa cote maximale à + 7 m (- 100 000 ans). On a affaire alors à un récif immergé dont la croissance en hauteur contrebalance la montée du niveau des eaux, de sorte que la profondeur du récif se maintient à - 7 m. Enfin la dernière glaciation (Würm) entraînant une baisse générale du niveau de la mer d'une centaine de mètres, le récif alors émergé devient momentanément atoll puis île haute émergée de plusieurs dizaines de mètres pendant près de 90 000 ans. Il y a 15 000 ans, le retrait des glaces provoque à nouveau une hausse du niveau des eaux, niveau qui atteint la cote - 7 m (- 6 à - 8000 ans) puis + 3 m (- 5000 ans), les Coraux se maintenant toujours au voisinage de la surface de la mer. Le refroidissement amorcé il y a 4000 ans entraîne avec la formation de la banquise arctique un abaissement de l'ordre de 3 m, ce qui nous amène au niveau actuel. Ainsi, pendant près de 500 000 ans, les édifices coralliens sont passés par les phases suivantes : immersion-émersion-immersion-émersion-immersion-émersion, chaque phase émergée étant synonyme d'île haute, chaque phase immergée de récif immergé et à chaque passage de l'un à l'autre se situe une phase atoll ou récif-barrière. La figure 45 explique la formation des édifices coralliens : récif immergé, récif frangeant, récif-barrière, atoll d'après la théorie de Darwin ne faisant intervenir que la subsidence. En fait comme nous l'avons vu, subsidence et eustatisme interviennent tous deux pour expliquer les changements du niveau de la mer.
4. Zonation récifale
Les types récifaux sont définis d'après leur morphologie qui s'explique d'après leur mode de formation. La zonation dans un édifice corallien est déterminée par la morphologie et la répartition des espèces constituant la biocénose, caractères eux-mêmes induits par les paramètres de l'environnement. En règle générale, la zonation des récifs caraïbes dépend de leur exposition aux alizés. De sorte qu'on distinguera les récifs de la côte au vent qui subissent l'assaut des vagues et les récifs de la côte sous le vent qui se développent en mode plus calme.
4.1. Récifs de la côte au vent (mode battu)
Ces édifices sont fortement exposés et développent quatre zones principales du large vers la côte :
- le front récifal ou tombant récifal ;
- le platier récifal au vent qui est un récif frangeant compact cimenté par des Coraux encroûtants comme Millepora et des Algues calcaires. Pour cette raison, on l'appelle crête algale ;
- le lagon avec des formations récifales éparses (pinacles) et un herbier. Cette zone manque dans le cas de récifs frangeants ;
- le platier récifal sous le vent. Cette zone accède à la terre ferme et est souvent remplacée par la mangrove.
a. Le front récifal
Il s'étend depuis l'arête au vent du platier jusqu'à la limite inférieure de croissance du récif ( vers - 70 m). Ce talus abrupt est caractérisé par une faune très abondante où Logan (1969) a reconnu cinq biocénoses stratifiées selon la profondeur (tableau 4).
Biocénoses |
Profondeur en m |
Espèces dominantes |
Formes dominantes |
1. Acropora palmata |
0-10 |
A. palmata ; Millepora sp. Palythoa mamillosa (Zoanthaire) Porolithon sp (Algue) |
ramifiées hémisphériques encroûtantes |
2. Diploria-Montastrea-Porites |
5-25 |
Diploria sp. ; Montastrea sp. Porites astreoides |
hémisphériques encroûtantes |
3. Agaricia-Montastrea |
25-35 |
A. agaricites ; Montastrea sp. Solenastrea sp. |
encroûtantes |
4. Gypsina-Lithothamnium |
15-60 |
Gypsina plana (Foraminifère encroûtant) Lithothamnium sp. (Algue) |
encroûtantes |
5. Lithophyllum-Lithosporella |
20-60 |
Lithophyllum sp. (Algue) Lithosporella sp. (Algue) |
encroûtantes |
Tableau I : zonation du talus prérécifal (d'après Logan, 1969)
Dans les eaux peu profondes, Acropora palmata et A. cervicornis sont abondants, mais les deux espèces décroissent rapidement en dessous de 15 m (Goreau, 1959). Montastrea, Porites et Siderastrea sont également des Coraux communs qui prédominent en-dessous de 25 m. La forme des colonies est massive en surface, hémisphérique ou foliacée à profondeur moyenne et encroûtante à grande profondeur. Au-dessous de 15 mètres, le récif tend à être moins compact et est formé de têtes individualisées pouvant atteindre des tailles considérables.
La partie superficielle du récif, zone de prédilection pour A. palmata, présente des contreforts séparés par des canyons pouvant atteindre 5 m de profondeur. Ce relief particulier (structure dite "en peigne") semble dû, soit à une érosion superficielle, soit à une croissance différentielle de Montastrea annularis dont le squelette sert de support aux colonies d'A. palmata (Goreau, 1959).
La zone prérécifale est tournée vers le large. Non loin du talus prérécifal rôdent les grands prédateurs : Barracudas, Tazars et Requins. Sur le récif lui-même, outre les espèces de base de chaque biocénose (tableau 4), se balancent les éventails des Gorgones (Gorgonia ventalina, Pseudopterogorgia sp.) qui se répartissent tout le long du talus (fig. 48). Près de la surface, dans les abris sous-roche de la zone à A. palmata, s'épanouissent des Anémones et des Éponges multicolores. Des Poissons-Chirurgiens (Acanthuridae), des Balistes (Balistidae) et des "Cabrits" (Monacanthidae) nagent librement dans l'eau claire. Dans les anfractuosités des canyons abondent les Labres, les Blennies et les Gobies qui se collent à la roche. Les ravins abritent des quantités de Mollusques : Turbos, Burgots, Cyprées, Lamellibranches taraudant la roche et une multitude de Crustacés : Crabes, Bernard-l'ermite et Crevettes.
b. Le platier récifal au vent (récif frangeant)
La bordure externe du platier, formée d'un récif compact, constitue la partie la plus superficielle de l'ensemble récifal (entre 10 cm et 1 m de profondeur). L'association Millepora alcicornis et M. complanata (Hydrocoralliaires) avec les Coraux mous Palythoa, Zoanthus (Zoanthaires) et des Algues rouges encroûtantes est caractéristique de cette zone.
Les Coraux vivant dans ce secteur sont exposés à l'action brutale des vagues et à une émersion parfois totale. Ils réagissent en fabriquant des colonnes rigides et en sécrétant du mucus. Outre les Millepora caractéristiques de la zone, on peut citer parmi les espèces résistant le mieux à ces conditions : Agaricia agaricites, Siderastrea radians, S. siderea, Porites porites, P. astreoides, Diploria clivosa, D. strigosa, Acropora palmata et Montastrea annularis. Les sommets des Coraux massifs et hémisphériques comme Diploria ou Siderastrea sont souvent morts et érodés au centre. D'autres organismes comme l'Algue verte calcifiée Halimeda et des Vermetidae (Mollusques Gastéropodes) sont abondants dans la bordure à Millepora et forment un bourrelet appelé crête algale.
La partie interne du platier récifale, plus profonde (1 à 2 m), est recouverte de graviers et de sables. Les têtes de Siderastrea et Porites sont localement proéminentes. Dans les platiers plus profonds, Montastrea, Diploria et Acropora cervicornis peuvent être présents. Des Phanérogames marines (Thalassia, Halodule et Syringodium), des Algues vertes telles Halimeda et des Algues brunes (Sargasses) non calcaires peuvent recouvrir de larges aires récifales.
Cette zone est le lieu de prédilection des Poissons-Perroquets (Scaridae) mangeurs de Coraux et d'algues. De nombreux Oursins blancs y prolifèrent en compagnie des Mollusques et des Crustacés déjà rencontrés dans les canyons. Tout un peuple de Vers grouille dans les sédiments déposés sur le platier.
c. Le lagon
La plupart du temps, dans les récifs-barrières, la transition entre platier au vent et lagon est graduelle. Mais parfois elle est abrupte, passant d'une profondeur de 1 à 2 mètres sur le platier à 10-15 mètres dans le lagon sur une distance horizontale de 20-50 mètres.
Sur les pentes du lagon, à l'abri des fortes vagues, les Coraux arborescents prennent un grand développement : c'est le cas d'Acropora cervicornis et de Porites porites.
Dans le lagon, selon la nature du fond, on rencontre différentes associations biocénotiques.
- Si les eaux sont calmes et le substrat mou, s'installent de véritables prairies sous-marines formées principalement de Thalassia (Phanérogame). Des Tortues viennent s'y nourrir en compagnie de Poissons herbivores. L'herbier s'agrémente de Coraux comme Oculina diffusa, Cladocora arbuscula, Porites porites, P. divaricata et Manicina areolata. Le sédiment est parcouru par des Holothuries et hanté par d'impressionnants Poissons serpentiformes (Ophichtidae) ou des Requins débonnaires (Ginglistoma cirratum).
- Si le substrat est plus ferme, peuvent s'installer des Madrépores plus importants : Montastrea cavernosa, Diploria spp., Agaricia agaricites, Porites astreoides, P. furcata, Siderastrea siderea, S. radians et Favia fragum. Dans les eaux du lagon, ces Coraux contribuent à la formation de petites têtes récifales ou pinacles qui s'élèvent couronnées de Gorgones et de Zoanthaires. Parfois la croissance des pinacles est plus accentuée à la périphérie notamment du côté au vent et il se forme une crête pourvue d'espèces résistant à une action modérée des vagues comme Acropora palmata, Diploria strigosa, D. labyrinthiformis, Agaricia agaricites, Porites astreoides, Montastrea annularis et Colpophyllia natans. Cette crête annulaire cerne une dépression centrale pratiquement dépourvue de Coraux vivants mais contenant en général des Algues calcaires (Halimeda et Amphiroa) ainsi que des Thalassia.
Les pinacles coralliens sont le gîte de prédilection d'une multitude de Poissons : Holocentridae (Soldats) (fig. 50), Serranidae (en particulier des Mérous), Lutjanidae (Sorbes qui se dissimulent dans les anfractuosités et Vivaneaux), Priacanthidae (Juifs ou Soleils), Pomadasyidae (Gorettes) qui se déplacent en bancs compacts, Sparidae (Sargues et Pagres), Pomacentridae (Demoiselles dont le Sergent-major, Abudefduf saxatilis), Chaetodontidae (Poissons-Papillons aux couleurs éblouissantes), Labridae (Vieilles). Tout cette foule de Poissons virevolte dans un chatoiement de couleurs sur fond de Coraux et d'algues encroûtantes multicolores, troué çà et là du panache d'une Serpule jaune citron ou des bras graciles d'une Comatule orangée ou noire. Partout s'entrecroisent les piquants des redoutables Oursins noirs, Diadema antillarum.
FIGURE 50
FIGURE 51
Entre les pinacles, le sédiment est enrichi de débris de squelettes coralliens. Une faune interstitielle de Foraminifères, d'Ostracodes, de Polychètes et Gastéropodes et de Lamellibranches fouisseurs y exploite la matière organique. Se rencontrent des Lambis (Strombus spp.), de nombreux Oursins irréguliers, Clypeaster ou Mellita (Oursin dollar) et des Coraux non fixés, simplement déposés sur le sable (Manicina). Des Poissons plats (Bothidae et Pleuronectidae), des Raies à aiguillon (Dasyatidae) et des Torpilles (Torpedinidae) se plaquent sur le sable ou s'y dissimulent. D'énormes Holothuries tracent dans le sédiment de longues pistes entrecroisées.
FIGURE 52
d. Le platier récifal sous le vent
Dans les petites Antilles, la majorité des récifs sous le vent du lagon sont formés de la coalescence de pinacles. Les genres dominants sont les mêmes que ceux trouvés dans le platier au vent, mais en général, Millepora spp. et Acropora palmata ne sont pas aussi abondants. Parfois le récif s'installe directement sur le substrat volcanique. Dans ce cas, le platier prolonge la côte rocheuse et participe à la zonation intertidale.
Le platier récifal sous le vent du lagon est un récif frangeant dont la surface est morcelée en une multitude de petites cuvettes où vit une foule d'organismes animaux et végétaux. À marée haute, ces dépressions sont en communication les unes avec les autres et de nombreuses espèces les fréquentent en simples visiteurs. Les parois des cuvettes sont perforées par des Oursins rouges (Echinometra).Les fragments de corail tombés au fond de ces petites mares abritent une faune sciaphile : Ophiures aux longs bras, Gastéropodes, Éponges, Ascidies, Planaires, Polychètes perforants, tubicoles ou errants et même une petite Murène, Echidna catenata. De délicats Bryozoaires et Hydraires habitent les excavations des parois et sont broûtés par des Gastéropodes Nudibranches (Limaces de mer) aux branchies dorsales minutieusement enluminées de motifs précieux. Sur la roche émergée, courent des Crabes carrés (Grapsidae). De nombreux coquillages : Nérites, Bigorneaux, Fissurelles, Patelles et Pourpres peuplent cette zone en compagnie d'Oursins-baguettes (Cidaridae). On trouvera une description plus détaillée de ce biotope dans l'ouvrage de Renoux-Meunier & Renoux (1975).
e. La Mangrove
Il est fréquent qu'un cortège continu de cayes fournisse une zone lagunaire à sédimentation fine où s'installe la Mangrove (fig. 53). Dans ces conditions, venant du large, on observe la succession suivante : barre corallienne, lagon avec végétation de Thalassia et d'Halimeda puis mangrove. Les caractéristiques de la mangrove de Guadeloupe décrites par Demagny (1974) ont fait l'objet d'une étude approfondie dans le cadre d'une action concertée de la D.G.R.S.T. en 1975-1982.
FIGURE 53
4.2. Récifs de la côte sous le vent (mode calme)
Les récifs de la côte sous le vent des petites Antilles sont plus faiblement développés que ceux de la côte au vent. Cela est dû entre autres à l'importance réduite de la corniche insulaire du côté caraïbe. Les Coraux de mode battu tels Acropora palmata sont virtuellement absents de la biocénose. En revanche, Montastrea annularis ou Porites porites sont les espèces dominantes. Millepora alcicornis est présent partout. Les Porites ramifiés (en particulier P. furcata), peuvent former de grandes étendues parfois de plusieurs centaines de m2. Dans un tel biotope, la densité des populations, la biomasse et la diversité spécifique sont très importantes (tableau 5) en particulier pour les Algues benthiques, Homotrema (Foraminifère), Crustacés, Mollusques et Échinodermes.
Groupe faunistique |
Nombre |
Nombre |
Biomasse (mg) |
Protéines (mg)
|
|
|
d'espèces |
d'individus |
poids sec |
Toutes espèces |
animaux filtreurs |
Algues molles benthiques |
12 |
- |
1022,1 |
32,5 |
- |
Foraminifères (Homotrema rubrum) |
1 |
13700 |
135,6 |
1,8 |
1,8 |
Spongiaires |
5 |
plusieurs |
11,8 |
5,8 |
5,8 |
Scléractiniaires (Porites furcata vivant) |
1 |
colonies |
12022,8 |
285,5 |
285,5 |
Zoanthidae (Zoanthus sociatus) |
1 |
2 colonies |
1,1 |
0,4 |
- |
Polychètes |
27 |
23160 |
6,7 |
3,2 |
0,1 |
Sipunculidés |
3 |
20 |
0,9 |
0,7 |
- |
Crustacés |
32 |
2668 |
40,3 |
14,9 |
0,6 |
Mollusques |
25 |
137 |
59,4 |
10,0 |
4,5 |
Échinodermes |
20 |
2002 |
263,3 |
52,6 |
- |
Poissons |
9 |
15 |
6,1 |
3,6 |
1,8 |
Total |
136 |
41702 |
13569,6 |
411,0 |
300,1 |
Tableau II : variété spécifique, abondance et biomasse des principaux macrobiontes dans 1 m2 de récif à Porites (d'après Glynn, 1973)
4.3. Cas particulier des Coraux récifaux de profondeur
Les eaux caraïbes étant particulièrement claires, on rencontre des Coraux jusqu'à des profondeurs de l'ordre de -70 mètres. Les formations récifales entre - 30 et - 70 m sont moins importantes en raison du faible taux de calcification, de la flore algale corallienne réduite et de l'intense activité des Éponges perforantes. Pour profiter au maximum du faible taux d'illumination, les colonies adoptent des formes aplaties. La fixation au substrat est faible mais l'incrustation des formes sessiles est plus grande.
Entre - 20 et - 30 m, Montastrea annularis est dominant. Cette profondeur varie selon la pente. Ainsi M. annularis dominant jusqu'à - 40 m à Pigeon (Guadeloupe) où la pente est forte, n'est plus l'espèce prépondérante dès - 30 m à Ste Luce (Martinique). À ces profondeurs, M. annularis est accompagné par M. cavernosa, Madracis spp., Stephanocoenia spp., Scolymia lacera et Helioseris cucullata.
Entre - 30 et 60 m, les Agaricia (surtout A. lamarcki) prédominent : il s'agit d'espèces sciaphiles. Montastrea cavernosa peut descendre jusqu'à - 90 m en compagnie de Gorgones de grande taille et d'Antipathaires (Corail noir).
Ainsi, les récifs coralliens des Antilles, s'ils montrent une homogénéité remarquable dans le peuplement de Madrépores, n'en constituent pas moins des milieux extrêmement riches en espèces animales. Dans ce chapitre, nous avons tenté de décrire les différentes biocénoses qui pouvaient se rencontrer en fonction d'une zonation grossière. Dans le chapitre qui suit, nous allons essayer de montrer, par quelques exemples, les interrelations qui s'établissent entre les différentes espèces et aboutissent à un ensemble relativement équilibré : l'écosystème récifal.
La suite : Biocénoses récifales.
Sources :
Guyard A. (1979). Coraux des Antilles. Le corail et son environnement. 113 p. 30 diapositives. CDDP Guadeloupe Ed.
Zlatarski V. N., Martinez Estatella N. (1982) Les Scléractiniaires de Cuba. 472 p. Acad. bulg. Sci. Ed.
L'auteur remercie chaleureusement les personnes qui ont participé à l'illustration de cet article par leurs clichés sous-marins, notamment Jean-Pierre Pointier et Edmond Civoniak.
2 commentaires
Il n'est pas scientifique ....
André GUYARD? ayant enseigné à l'UAG?
Si oui...c'est un clin d'oeil d'une ancienne étudiante et Collègue actuellement Professeur de Chimie à l'UAG.
Bien cordialement,
Jacqueline ABAUL
Bonjour,
Bien sûr que c'est lui. Et il a gardé la nostalgie des Antilles où il a passé la meilleure partie de sa vie.
Il se rappelle très bien de Jacqueline.
Si vous les voyez, saluez de ma part Sonia et Paul Bourgeois. Il serait bon qu'ils me transmettent leur adresse e-mail car je n'ai pas pu les contacter l'année dernière lors de leur séjour à Besançon.
André Guyard
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