La Bouvière du Doubs
05/02/2010
Rhodeus amarus (Bloch), 1785
Famille des Cyprinidés
par André Guyard
Au cours d'une campagne d'échantillonnages du peuplement ichtyologique du cours inférieur du Doubs entre Voujeaucourt et Crissey (Doubs), nous avons été amenés à étudier les populations de poissons les plus représentatives de ce peuplement, aussi bien dans le cours du Doubs proprement dit que dans la partie du canal du Rhône au Rhin (canal Freycinet) qui le jouxte dans cette partie. Le présent article s'intéresse à la Bouvière dont la répartition est conditionnée par la présence des bivalves qui abritent sa ponte.
La Bouvière est un petit poisson au corps haut et comprimé latéralement. Le dos est gris vert, les flancs sont argentés parcourus d'une bande bleue de la caudale au milieu du flanc, le ventre blanc rosé. Les écailles sont grandes (34 à 38 dans une ligne longitudinale). La ligne latérale est incomplète et n'a que 5 à 6 écailles.
La taille varie de 5 à 8 cm. La Bouvière atteint au maximum un âge de 5 ans.
La Bouvière vit en bancs dans les eaux lentes peuplées de mollusques bivalves (des genres Unio et Anodonta) fréquentant la ceinture végétale des petits lacs et étangs et la zone littorale végétale des cours d'eau à courant lent. La nourriture est surtout végétale.
Le processus de ponte est tout à fait étonnant. En période de fraie (avril-juin), le mâle est teinté de rouge sur la gorge, la poitrine et le ventre et de vert bleu sur le dos. Il se choisit alors un territoire qui contient une moule.
La femelle voit se développer un tube de ponte cutané (ovipositeur) de 6 cm de long qui part de l'ouverture sexuelle. Le mâle conduit la femelle pourvue du plus long tube vers des moules d'eau douce. Ces bivalves se nourrissent du plancton qu'ils filtrent de l'eau qu'ils aspirent ; ils sont à demi enfoncés dans la vase, avec leur coquille ouverte. Au moyen de son ovipositeur, la femelle dépose ses ovules (une quarantaine) dans la cavité palléale du bivalve. Le mâle libère alors sa semence à proximité du mollusque, le siphon inhalant de ce dernier entraîne les spermatozoïdes avec l'eau filtrée. Les ovules sont alors fécondés.
Cette manière de faire est répétée chaque fois par le même couple, ou bien le mâle trouve une autre partenaire pour utiliser le mollusque choisi, qu'il défend toujours énergiquement contre les autres mâles. Une femelle dépose au total 40 à 100 œufs. Ils mesurent environ 3 mm et sont bien protégés dans la moule jusqu'à leur éclosion, 2 à 3 semaines plus tard.
Le jeune poisson quitte son hôte au bout de 2 jours, lorsque la vésicule a disparu. Le bivalve ne semble souffrir en aucune manière lorsqu'il sert d'hôte au jeune. On a observé en aquarium que la livrée de noces du mâle et que le tube de ponte de la femelle ne se développent qu'en présence de bivalves. Sans bivalves, le tube disparaît.
La défense par le mâle, contre les autres mâles, d'un certain territoire, et la parade nuptiale, rappellent le comportement des épinoches, et ont fait l'objet de recherches détaillées en psychologie animale, ceci grâce au fait que la Bouvière est facile à garder en aquarium.
Ce processus de ponte permet aux œufs d'être protégés dans les bivalves durant l'incubation et, en période de sécheresse, les moules sauvent les œufs en s'éloignant des bords.
La Bouvière était signalée au XIXe dans la Seine, la Marne, la Moselle, la Saône (Valenciennes, 1848 ; Gehin, 1868 ; Gensoul, 1908). Elle aurait gagné le bassin de la Loire par le canal du Nivernais (Roy, 1952). Spillmann (1961) et Grégoire (1983) la considérait comme absente au sud d'une ligne allant de la Charente au Massif central.
Des captures ont eu lieu en Camargue en 1980, l'espèce se serait étendue vers le Sud par le Rhône et les canaux de Provence (Kiener, 1985). Son aire de répartition apparaît actuellement comme très fragmentée.
Répartition des populations de la Bouvière dans le Doubs
Comme le montre le graphe précédent, la Bouvière est localisée principalement à Saint-Vit et à Orchamps où les bivalves sont abondants.
Échantillon moyen des populations
de la Bouvière dans le Doubs
Sources :
- Allardi J. & Keith Ph. (1991). - Atlas préliminaire des poissons d'eau douce, 234 p.
- Guyard A. et coll. (1992) - Inventaire du peuplement ichtyologique du cours du Doubs et du canal du Rhône au Rhin entre Voujeaucourt et Crissey. Rapport d'étude pour le compte de la CNR (73 pages + annexes).
- Muus B. J., Dahlstrom P. (1968). - Guide des poissons d'eau douce et pêche, 248 p. Delachaux et Niestlé Ed.
2 commentaires
Bonjour à vous, je me présente succinctement je suis animateur nature. Auriez-vous une photo d'un bouvière pondant dans une anodonte? Le but étant de présenter le poisson et sa symbiose avec la moule d'eau douce.
Cdlt M.BURGAUD
Bonjour,
Pas de photo. Désolé !
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