Besançon Le Doubs – Inventaire ichtyologique 1988 Besançon
22/08/2018
Le Doubs
Inventaire ichtyologique 1988
du secteur autour de Besançon
par Jean Verneaux, André Guyard, Jean-Pierre Grandmottet
et 12 étudiants du D.E.S.S. "Eaux continentales"
Le Professeur Jean Verneaux qui dirigeait le le D.E.S.S "Eaux continentales" de l'Université de Franche-Comté est malheureusement décédé après une carrière scientifique bien remplie.
En hommage à ce spécialiste qui a consacré de nombreuses années au domaine des eaux fluviales et lacustres de Franche-Comté, vous trouverez ci-dessous un extrait d'un document qui faisait l'inventaire du peuplement en poissons de la zone péri-bisontine dans l'année 1988. N'oubliez pas de cliquer sur "lire la suite". En fouillant dans ce blog, vous trouverez également toutes une série d'articles concernant les peuplements en poissons du Doubs.
Professeur André Guyard
Le Doubs
Inventaire ichtyologique 1988
du secteur autour de Besançon
par Jean Verneaux, André Guyard, Jean-Pierre Grandmottet
et 12 étudiants du D.E.S.S. "Eaux continentales"
INTRODUCTION
Entre le 28 juillet et le 3 août 1988, quatre secteurs ont fait l'objet d'une double prospection : pêche électrique en faciès lotique (zones de courant) et tendue de filets maillants en faciès lentique ou lénitique (zones calmes). Il s'agit (figure 1) de :
— dans la boucle bisontine, l'aval du barrage de Seuley et du pont de Vaire (D 245) à l'amont de Besançon,
— l'aval du barrage de Micaud, du canal du Moulin Saint-Paul et de l'aval de la Passerelle Denfert-Rochereau (actuellement pont Robert Schwint),
— l'aval du barrage de Casamène et du pourtour de l'île située en face de "VERMIRON", entre Velotte et Beure,
— à l'aval de l'agglomération bisontine, l'aval du barrage d'Avanne et du pont d'Avanne-Aveney (D 367).
Fig. 1 : localisation des stations d'inventaire
E : Prospection par pêche électrique ; F prospection par filets
MATÉRIEL ET MÉTHODE
La répartition des espèces de poissons susceptibles de peupler un secteur de cours d'eau n'est pas aléatoire : elle est étroitement liée à la mosaïque d'habitats et l'on peut considérer que le courant est, parmi les différents facteurs responsables de cette répartition, le plus discriminant à l'échelle d'un secteur de cours d'eau.
Tout inventaire pisciaire doit donc reposer sur une prospection simultanée du faciès lotique, abritant principalement, dans des conditions normales, des espèces rhéophiles et du faciès lénitique peuplé d'espèces lénitophiles.
Dans le cas des grands cours d'eau de plaine, l'échantillonnage de ces deux faciès nécessite généralement deux techniques différentes :
— La pêche électrique pour le faciès lotique. Pratiquée le plus communément à pied, elle est efficace pour des hauteurs d'eau allant de un mètre à un mètre cinquante et devient inopérante au niveau du faciès lénitique caractérisé par des profondeurs plus importantes.
— La mise en place dans les zones calmes de filets maillants qui ne peuvent être utilisés dans les courants (risque de dérive, tension trop importante de la nappe).
Le faciès lotique n'est plus guère représenté dans le Doubs au niveau de l'agglomération bisontine. Car l'alternance naturelle mouille-radier de tout cours d'eau en équilibre, dont on peut par ailleurs trouver des traces à l'aval de Baume-les-Dames, d'Avanne, de Rochefort-sur-Nenon ou de Dole, a été transformée, pour autoriser la navigation, en une succession de plans d'eau séparés par des barrages. C'est donc à l'aval de ces derniers qu'ont eu lieu les pêches électriques à l'aide d'un groupe électrogène* Electropullman (EPMC) fournissant un courant continu de caractéristiques réglables (intensité de 0,5 à 6 Ampères - tension de 100 à 500 volts). La technique utilisée est détaillée dans l'article de ce même blog : La pêche électrique.
La cathode restant en permanence dans l'eau à proximité du groupe, l'opérateur, en se déplaçant, immerge ponctuellement l'anode : Tout poisson pris dans le champ électrique créé dans un rayon d'environ 2 m autour de l'anode, subit l'effet du courant qui le conduit à l'épuisette par une "nage forcée" ; une étape ultérieure de dérive passive ou d'immobilité permet également sa capture. Dès rupture du courant électrique, le poisson retrouve sa liberté.
Le nombre d'individus capturés par espèce a été comptabilisé, l'ensemble des habitats aquatiques présents au niveau de chaque barrage étant prospecté, notamment :
— blocs des courants tumultueux,
— fosses d'amortissement et remous,
— fonds pierreux des courants laminaires,
— hydrophytes fluicoles,
— secteurs "calmes" de bordure,
— racines et branches immergées.
Selon le protocole défini dans ce même blog (article : Échantillonnage des poissons lacustres : les filets verticaux à enroulement.) Deux batteries de filets maillants ont été tendues au niveau de chaque faciès lénitique prospecté, le temps de pêche étant d'une dizaine d'heures entre coucher et lever du soleil. Chaque batterie se composant de six éléments présente une gamme de mailles allant de 10 à 60 mm qui autorise la capture de toutes les espèces et de la quasi-totalité des classes d'âge (Silure excepté). Les nappes nylon mono-filament (fil de 8 à 16/100e) utilisées sont invisibles dans l'eau, ce qui, ajouté à une absence de tension, confère aux filets en place une grande efficacité.
D'une faible largeur (2 m), chacun de ces filets est enroulé sur un tube PVC étanche servant de flotteur. La ralingue de fond étant lestée de plomb, il est déroulé, grâce à un système de potence solidaire de l'embarcation et d'une manivelle. La hauteur de nappe est suffisante pour échantillonner toute la tranche d'eau. Ce dispositif, dérivé de travaux américains et expérimenté courant 1986 pour la première fois en France sur le lac de Saint-Point, présente un double avantage, par rapport au matériel de pêche professionnelle traditionnellement employé dans ce genre d'étude :
— limitation du nombre de poissons capturés et donc de la mortalité pisciaire entraînée,
— prospection différentielle plus rigoureuse de la masse d'eau, quelle que soit la profondeur.
Contrairement à la pêche électrique, l'utilisation de filets est une méthode d'échantillonnage passive. Elle nécessite, pour donner une image correcte du peuplement en place, une pose non aléatoire qui tienne compte de l'écologie des espèces susceptibles d'être rencontrées, notamment de leur inféodation à certains habitats.
En l'absence de systèmes latéraux, la prospection a porté principalement sur les zones de bordure notamment celles abritant des concentrations végétales d'hydrophytes (herbiers) ou dont les berges présentent des arbustes à branches déversantes. Abris privilégiés de nombreuses espèces, ces secteurs sont également fréquentés, lors de leurs déplacements alimentaires, par d'autres poissons lénitophiles de mœurs moins rivulaires.
RÉSULTATS
Au total 21 espèces de Téléostéens et une espèce d'écrevisse ont été recensées :
Salmonidae |
Salmo trutta fario |
Truite de rivière |
Esocidae |
Esox lucius |
Brochet |
Cyprinidae
|
Abramis brama Alburnus albunus Alburnoides bipunctatus Barbus barbus Blicca bjoevkna Chondrostoma nasus Gobio gobio Leuciscus cephalus Phoxinus phoxinus Rhodeus sericeus Rutilus rutilus Scardinius erythrophtalmus Tinca tinca |
Brème Ablette Spirlin Barbeau fluviatile Brème bordelière Hotu Goujon Chevesne Vairon Bouvière Gardon Rotengle Tanche |
Cobitidae |
Nemachilus barbatulus |
Loche franche |
Anguilidae |
Anguilla anguilla |
Anguille |
Centrarchidae |
Lepomis gibbosus |
Perche soleil |
Percidae
|
Gymnocephalus cernua Perca fluviatilis Stizostedion lucioperca |
Grémille Perche Sandre |
Cambaridae |
Orconectes limosus |
Écrevisse américaine |
Tableau 1 : liste des espèces capturées
L'ensemble des espèces répertoriées globalement par station d'étude apparaît au niveau des tableaux 1 et 2. Le tableau 3 affiche les limites de classes et les résultats obtenus lors des pêches électriques et des pêches aux filets sont détaillés dans les tableaux 4 et 5.
Espèces |
DELUZ |
MICAUD |
VELOTTE |
AVANNE |
Ablette |
+ |
+ |
+ |
+ |
Anguille |
|
+ |
|
|
Barbeau |
+ |
+ |
+ |
+ |
Bouvière |
|
+ |
+ |
+ |
Brème |
+ |
+ |
+ |
+ |
Brème bordelière |
+ |
+ |
+ |
+ |
Brochet |
|
|
+ |
|
Chevesne |
+ |
+ |
+ |
+ |
Gardon |
+ |
+ |
+ |
+ |
Goujon |
+ |
+ |
+ |
+ |
Grémille |
|
+ |
|
|
Loche franche |
|
+ |
|
|
Hotu |
+ |
|
+ |
|
Perche |
+ |
+ |
+ |
+ |
Perche soleil |
+ |
+ |
+ |
+ |
Rotengle |
+ |
|
+ |
|
Sandre |
|
|
|
+ |
Spirlin |
+ |
|
|
+ |
Tanche |
+ |
|
+ |
+ |
Truite |
+ |
|
|
|
Vairon |
+ |
|
|
|
Écrevisse américaine |
|
+ |
+ |
+ |
Variété spécifique par station |
15 |
14 |
15 |
14 |
Tableau 2 : liste des espèces capturées par station d'étude
Les indications d'abondance portées dans le tableau 2 sont des estimations pour chaque station échantillonnée par pêche électrique et suivant cinq classes, du nombre d'individus rapporté à une surface de 10 ares. Les capacités de reproduction et d'occupation de l'espace vital étant naturellement très différentes d'un poisson à l'autre, les limites de ces classes, définies pour le réseau hydrographique du Doubs comme suit, ont été fixées par espèce :
Classes |
+ |
++ |
+++ |
++++ |
+++++ |
Ablette |
100 |
500 |
1000 |
2000 |
4000 |
Barbeau |
2 |
10 |
20 |
40 |
80 |
Chevesne |
5 |
25 |
50 |
100 |
200 |
Gardon |
10 |
50 |
100 |
200 |
400 |
Goujon |
10 |
50 |
100 |
200 |
400 |
Loche franche |
20 |
100 |
200 |
400 |
800 |
Hotu |
10 |
50 |
125 |
250 |
500 |
Perche soleil |
1 |
2 |
4 |
7 |
14 |
Spirlin |
2 |
6 |
12 |
25 |
50 |
Tableau 3 : limites des classes d'abondance par espèce
Les abondances portées dans le tableau 4 correspondent quant à elles, au nombre de captures réalisées lors de la pose des filets. Ces chiffres ne peuvent servir de base à une extrapolation concernant les abondances spécifiques réelles pour chaque station. Il n'existe pas à l'heure actuelle, en effet, de méthode permettant un passage de l'échantillon au stock en place à partir de ce type de prélèvements passifs (difficulté de définir le "rayon d'action" des filets). On peut malgré tout considérer que le nombre de captures variant dans le même sens que la densité des populations (plus ou moins grande probabilité de rencontre poisson-filet), les résultats obtenus reflètent grossièrement la proportion relative de chaque espèce dans le peuplement inventorié. De plus, le même protocole ayant été appliqué dans les mêmes conditions à chaque fois, ces résultats peuvent être comparés entre eux.
Cette possibilité doit être restreinte en ce qui concerne la station la plus apicale dont le nombre relativement limité de prises peut en partie au moins être imputé aux "aléas" de terrain : un filet a disparu (vol ?) et deux autres ont été retrouvés endommagés 400 m à l'aval de leur lieu de pose (dérive naturelle peu probable ou provoquée lors d'une tentative de subtilisation des poissons ?).
|
DELUZ |
MICAUD |
VELOTTE |
AVANNE |
Ablette |
++ |
++ |
++ |
+++ |
Anguille |
|
P |
|
|
Barbeau |
++++ |
+++ |
+++ |
P |
Bouvière |
|
|
|
P |
Brème bordelière |
P |
P |
P |
P |
Brochet |
|
|
P |
|
Chevesne |
+++ |
+++ |
+++ |
+++ |
Gardon |
P |
++ |
++ |
++ |
Goujon |
+ |
+ |
+ |
P |
Loche franche |
|
P |
|
|
Hotu |
P |
|
P |
|
Perche |
P |
P |
P |
P |
Perche soleil |
P |
+++ |
++ |
++ |
Spirlin |
++++ |
|
|
P |
Truite |
P |
|
|
|
Vairon |
P |
|
|
|
Écrevisse américaine |
|
P |
P |
P |
Tableau 4 : résultats des inventaires par pêche électrique
P |
espèce présente |
|
+ |
espèce très faiblement représentée |
par rapport à leur coefficient intrinsèque de développement
|
++ |
espèce faiblement représentée |
|
+++ |
espèce moyennement représentée |
|
++++ |
espèce fortement représentée |
|
+++++ |
espèce très fortement représentée |
Légende du tableau 4
|
Tableau 5 : Résultats des inventaires par pêche aux filets :
nombre d'individus capturés et biomasse totale pêchée pour
en moyenne 80 m2 de nappe déroulée.
COMMENTAIRES
Le Doubs au niveau de Besançon est un mésopotamon (8e niveau typologique de la série - B8 annexe 1 - transition entre zone à Barbeau et zone à Brème) dont le peuplement pisciaire théorique, migrateurs non compris, comporte 24 espèces.
Le peuplement inventorié, toutes stations confondues (18 espèces représentant le potentiel ichtyologique actuel de la rivière dans l'agglomération bisontine) n'est pas qualitativement très différent du peuplement théorique. En effet, il faut excepter du peuplement, d'une part, l'Anguille (espèce amphibiotique thalassotoque se reproduisant au niveau de la mer des Sargasses et dont le maintien n'est assuré, depuis la construction des grands barrages sur le Rhône, que par des alevinages répétés), et d'autre part, la Truite et le Vairon qui n'appartiennent pas normalement à ce type écologique. Et ceci d'autant plus que parmi les espèces "manquantes" :
— la Lotte (Loto lota), la Vandoise (Leuciscus leuciscus) et le Toxostome (Chondrostoma toxostoma), en limite de leur amplitude typologique, ne devraient être que faiblement représentés.
— la Carpe (Cyprinus carpio) se capturant mal avec les filets maillants, son absence des relevés ne traduit pas forcément une absence du secteur.
En revanche, quantitativement parlant et si l'on considère toujours les résultats globalement, le peuplement paraît assez déséquilibré et moins abondant qu'il ne pourrait être :
— l'Ablette (Alburnus alburnus) , le Barbeau (Barbus barbus) (sauf à Avanne), le Chevesne (Leuciscus cephalus) et le Gardon (Rutilus rutilus) (sauf à Deluz) dominent le faciès lotique.
— l'Ablette (Alburnus alburnus), la Brème bordelière (Blicca bjoerkna) et dans une moindre mesure le Gardon (Rutilus rutilus), la Brème (Abramis brama) et la Tanche (Tinca tinca) dominent le faciès lénitique.
— L'Ablette, le Goujon (Gobio gobio), la Perche soleil (Lepomis gibbosus) et surtout le Brochet (Esox lucius), le Gardon, la Grémille (Gymnocepalus cernua), la Loche franche (Nemacheilus barbatulus), le Hotu (Chondrostoma nasus) et le Sandre (Stizostedion lucioperca) présentent des densités anormalement faibles en regard de leurs possibilités de développement au niveau de ce type écologique.
La prise en compte simultanée des quatre stations limitant l'intervention du hasard dans les résultats de l'échantillonnage, l'explication de cette constatation est à rechercher dans la qualité générale du système plus particulièrement dans celle de l'eau.
L'absence de systèmes latéraux peut être considérée comme une cause importante de la faible représentation du Brochet (Esox lucius) et de la Carpe (Cyprinus carpio) qui sont ainsi privés de frayères et du Black Bass (Micropterus salmoides), hôte habituel des nupharaies bien développées. L'état sanitaire des habitats du lit principal (colmatage) ainsi que la qualité de l'eau et des sédiments sont probablement à l'origine de cette situation. La même cause explique l'absence de la Lotte (Lota lota), de la Vandoise (Leuciscus leuciscus), du Toxostome (Parachondrostoma toxostoma) et dans une moindre mesure de celle du Poisson-Chat (Ameiurus melas) (qualité de la vase dans laquelle il fait son nid).
La comparaison pour les pêches électriques des résultats obtenus par station confirme cette idée. Pour des habitats favorables dans les quatre cas, la densité du Barbeau diminue entre Deluz et la boucle pour être quasiment nulle à l'aval du rejet de la station d'épuration de Port-Douvot. La densité du Goujon, globalement faible, diminue également à Avanne. Le Hotu, racleur de substrat, n'est présent qu'à Deluz et à Velotte en dehors de la zone des rejets de la boucle et de la station de Port-Douvot qui doivent entraîner un colmatage supplémentaire des fonds. Le Spirlin, quant à lui, n'est présent significativement que sur la station la plus apicale. Cette variation des densités de population des espèces rhéophiles les plus sensibles à la dégradation du milieu (oxygénation, colmatage des fonds, notamment des frayères), est très significative d'une modification de la qualité des eaux. Elle est d'ailleurs parfaitement en accord avec les analyses physico-chimiques classiques réalisées précédemment.
Seul parmi ces espèces d'eau vive, le Chevesne (Leuciscus cephalus) ne suit pas cette évolution ce qui est à relier à son caractère très ubiquiste et résistant.
En revanche, la présence accidentelle du Vairon (Phoxinus phoxinus), provenant probablement d'un petit affluent, n'est pas réellement significative, même si, n'ayant été constatée qu'au niveau de Deluz, elle va dans le même sens que ce qui précède. Il en est de même pour la Truite (Salmo trutta fario) qui s'est installée depuis longtemps sous le barrage de la papeterie de Deluz, trouvant un taux d'oxygène favorable sous la chute d'eau et des caches sous le revêtement de béton au-dessous du barrage.
L'influence néfaste des rejets peut également être mise en évidence au niveau des faciès lénitiques en comparant tes résultats des pêches aux filets. La station d'Avanne se caractérise ainsi par une variété spécifique inventoriée plus faible d'un tiers alors que la mosaïque d'habitats n'est pas défavorable et aucune espèce rhéophile n'a été capturée alors qu'elles l'ont été, à l'exception du Hotu à Micaud sur les trois autres sites de prélèvements. On notera également que la batterie tendue dans le canal du Moulin Saint-Paul n'a échantillonné que cinq espèces (Ablette, Brème bordelière, Gardon, Perche, Perche soleil) et que les trois filets présentant les plus grandes mailles ont été relevés vides. Ceci peut probablement être relié à une qualité très médiocre de l'eau et des sédiments, ces derniers devant accumuler entre autres choses les produits résiduels de la navigation.
Les autres différences significatives rencontrées sont généralement imputables plutôt à la qualité de l'habitat aquatique. À cet égard, la station de Velotte, avec ses herbiers bien développés, ses arbustes à branches déversantes et un bras droit non soumis à l'influence de la navigation, est plus accueillante que les autres. Le nombre plus important de Tanches, Perches et Bouvières (Rhodeus sericeus) capturées ainsi que la forte biomasse pêchée peuvent être directement reliés à ce fait, l'impossibilité, en raison de la navigation, d'échantillonner correctement le chenal principal expliquant les résultats obtenus pour l'Ablette.
De la même façon, le faible nombre de Tanches et de Rotengles capturés ainsi que l'absence de prise de Bouvières au niveau de Deluz sont probablement dus à l'absence d'herbiers de bordure typiques, les développements végétaux rencontrés se limitant à des hydrophytes plus ou moins fluicoles implantés sur des hauts-fonds durs et présentant une nette tendance au colmatage.
Les résultats obtenus pour le Gardon sont par contre assez surprenants et mériteraient des investigations complémentaires. Espèce ubiquiste et résistante, il n'est pourtant que faiblement représenté sur tout le secteur par rapport à ses possibilités de développement au niveau de ce type écologique qui correspond à son preferendum. La variation des densités de populations semble de plus aller a contrario de la tendance générale :
— désertion apparente du seul faciès lénitique à Micaud. Ce phénomène est généralement associé à un syndrome de pollution (changement imposé d'habitats) mais il n'est pas perçu à Avanne.
— quasi-absence des deux faciès à Deluz alors que des espèces plus sensibles sont représentées.
ÉVOLUTION DES PEUPLEMENTS
Une étude du peuplement ichtyologique du Doubs inférieur, réalisée en 1980 avait mis en évidence depuis 1970 sur le tronçon l'Isle-sur-le-Doubs — Dole :
— une expansion du Sandre, d'implantation relativement récente,
— un maintien voire une légère progression des populations de Rotengle, Brème et Chevesne,
— la régression, parfois très importante de l'ensemble des autres espèces.
La comparaison des résultats obtenus, en tenant compte des différences d'échantillonnage (effort de pêche principalement) semble indiquer que :
— au niveau de Deluz, la régression des espèces peu représentées en 1980 s'est perpétuée puisqu'elles n'ont plus été recensées (Brochet, Carpe, Grémille, Loche franche, Lote, Toxostome et Vandoise). Le Gardon verrait également sa population diminuer et de façon très nette (voir remarque ci-dessus) alors que celle de Brème bordelière augmenterait. La densité des autres espèces tendrait à se stabiliser.
— au niveau d'Avanne, Ablette et, dans une moindre mesure, Brème, Brème bordelière et Tanche présentent des populations plus importantes. Ceci, même associé à un rendement des pêches aux filets très supérieur (105,4 g/m2 contre 15,8 g/m2) et à la réapparition timide de la Bouvière ne témoigne pas forcément d'une restauration sensible du peuplement. En effet, cinq espèces ne font pas l'objet de changement notable (mêmes densités faibles à moyennes) ; le Goujon accuserait une nette régression ; Brochet, Carpe, Grémille (peu représentés en 1980) et Vandoise pourtant estimée en classe ++ d'abondance précédemment n'ont pas été capturés. On peut cependant noter, comme c'était déjà le cas en 1980, une amélioration très sensible de la situation par rapport à 1970 où le peuplement ne comportait que huit espèces dans des densités très faibles.
La progression du Sandre n'est par ailleurs pas confirmée par nos résultats : aucun individu de faible taille n'a, en particulier, été capturé dans les herbiers prospectés.
Les données recueillies au cours de différentes campagnes d'échantillonnage réalisées entre 1960 et 1988 étayées par des relevés de pêches professionnelles antérieures permettent de proposer le schéma suivant de révolution du peuplement pisciaire du Doubs (fig. 2).
Fig. 2 : Compositions comparées des peuplements pisciaires du Doubs au niveau de Besançon entre 1960 et 1988
CONCLUSIONS
Le Doubs au niveau de l'agglomération bisontine possède encore un potentiel ichtyologique important, peu différent qualitativement de celui autorisé par son type écologique. Cependant les densités de population en place sont généralement très inférieures à ce qu'elles pourraient être dans une situation normale.
L'absence de systèmes latéraux, la dégradation des habitats présents, les effets de la navigation (batillage, limitant le développement des herbiers, déchets de combustion) et une détérioration de la qualité des eaux sont responsables de cette faiblesse.
Des différences significatives sont d'ailleurs visibles entre l'amont de l'agglomération et les autres stations, ainsi qu'entre Velotte, Micaud et Avanne, ces deux derniers sites subissant directement l'influence des rejets de la Boucle et de la station d'épuration de Port-Douvot. Le phénomène général de régression du peuplement enregistré entre 1970 et 1980 semble en voie d'enrayement partiel. L'amélioration de la qualité des eaux, quant aux paramètres physico-chimiques classiques tout du moins, n'y est probablement pas étranger.
Il est à craindre cependant que cette amélioration ne soit à même d'autoriser beaucoup plus que le mieux très relatif enregistré et qu'elle soit loin d'être suffisante pour un retour à un peuplement pisciaire normal. On peut concevoir à titre didactique le schéma d'évolution général suivant qui résume les observations et relevés effectués entre 1950 et 1988 entre Vaire et Avanne (fig. 3).
Fig. 3 : Évolution schématique des peuplements pisciaires à l'amont et à l'aval de la ville de Besançon entre 1960 et 1988. Classes d'abondance relative.
Ⓐ : Dégradation progressive générale du peuplement.
Ⓑ : Amélioration progressive partielle depuis la période létale de 1965 à 1970.
Ⓒ : Amélioration progressive à l'aval de la station de Port-Douvot.
On observe :
— une régression générale du peuplement, tant en variété qu'en densité,
— une modification régressive du peuplement en amont du site,
— un peuplement fortement réduit dans les années 65-70 à partir de l'hécatombe pisciaire de l'été 1964 (15 tonnes de poissons morts sur 7 km) à partir de la fabrique de pâte à papier de Novillars actuellement en cessation d'activité,
—des tendances évolutives récentes inverses :
o de l'agglomération bisontine, plutôt croissante,cessation d'activité de la papeterie de Novillars - collecteur urbain.
o de l'aval d'Avanne (aval T.E.P.) : plutôt régressive.
Remarques sur les espèces ne figurant pas dans les schémas précédents :
Apron (Zingel asper) Roi du Doubs |
espèce relique-non répertoriée depuis 1950 sur le secteur |
Truite (Salmo trutta fario) |
présence sporadique- alevinages ou sujets échappés d'élevage |
Silure (Silurus glanis) |
présence sporadique – espèce introduite |
Black-Bass (Micropterus salmoides) |
présence sporadique – espèce introduite |
Anguille (Anguilla anguilla) |
Espèce migratrice rencontrant des obstacles à sa migration.Alevinages de civelles |
Carpe (Cyprinus carpio) |
présence permanente, mais à échantillonnage aléatoire |
Poisson-Chat (ictalurus melas) |
présence permanente, mais à échantillonnage aléatoire |
ANNEXE 1 : Résultats des pêches électriques réalisées en 1980
|
DELUZ |
AVANNE |
||
|
N |
F |
N |
F |
Ablette |
84 |
2/2 |
33 |
3/3 |
Anguille |
15 |
2/2 |
1 |
1/3 |
Brème |
4 |
1/2 |
2 |
2/3 |
Brème bordelière |
4 |
1/2 |
10 |
2/3 |
Brochet |
1 |
1/2 |
1 |
1/3 |
Carpe |
— |
— |
1 |
1/3 |
Chevesne |
92 |
2/2 |
106 |
3/3 |
Gardon |
139 |
2/2 |
370 |
3/3 |
Goujon |
12 |
|
111 |
2/3 |
Grémille |
1 |
|
— |
— |
Loche franche |
3 |
2/2 |
— |
— |
Perche |
9 |
2/2 |
9 |
3/3 |
Perche soleil |
5 |
2/2 |
9 |
3/3 |
Rotengle |
4 |
2/2 |
|
— |
Sandre |
— |
— |
1 |
1/3 |
Tanche |
2 |
1/2 |
7 |
3/3 |
Truite |
— |
— |
1 |
1/3 |
Vandoise |
— |
— |
69 |
3/3 |
ANNEXE 2 (d'après Verneaux 1981)
Composition des peuplements ichtyologiques potentiels associés aux types de cours d'eau
(Cliquer sur le tableau pour l'agrandir)
|
Nombre d'individus capturés |
|
Espèces recensées |
DELUZ |
AVANNE |
Ablette |
137 |
25 |
Anguille |
— |
1 |
Barbeau |
5 |
— |
Brème |
5 |
1 |
Brème bordelière |
14 |
9 |
Brochet |
2 |
— |
Carpe |
1 |
— |
Chevesne |
4 |
3 |
Gardon |
40 |
8 |
Goujon |
10 |
— |
Grémille |
14 |
7 |
Hotu |
6 |
— |
Loche franche |
3 |
— |
Lotte |
1 |
— |
Perche |
12 |
1 |
Perche soleil |
— |
— |
Rotengle |
3 |
1 |
Sandre |
3 |
1 |
Tanche |
4 |
1 |
Toxostome |
5 |
— |
Vandoise |
3 |
1 |
Biomasse pêchée en g |
33 130 |
6435 |
Rendement en g/m2 |
81,4 |
15,8 |
ANNEXE 3 : Résultats des pêches au filets réalisées durant l'été 1980 (407 m2 de nappe tendus à chaque fois.
ANNEXE 4 : Dépendance des espèces vis-à-vis des frayères. 2 : utilisation secondaire ; 3 : preferendum ; 2 : utilisation secondaire ; 1 : utilisation accessoire, si présence
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ANNEXE 5 : Dépendances des espèces vis-à-vis des abris. 2 : utilisation secondaire ; 3 : preferendum ; 2 : fréquentations secondaires ; 1 : fréquentation occasionnelle
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DOCUMENTS CONSULTÉS
CEMAGREF — Laboratoire d'Hydrobiologie de l'Université de Franche-Comté. 1981._ Étude du Peuplement ichtyologique du Doubs inférieur: 22 p.
Centre Universitaire d'études des Eaux Continentales. 1988._ Cycle de l'eau dans le site de l'agglomération bisontine. Qualité biologique générale du Doubs. Qualité générale de l'eau entre Deluz et Avanne 65 p.
FOUSSERET (A), GRANDMOTTET (J.-P. et KROMER (J.-L.). 1982. _ Recherches sur les caractéristiques et les exigences écologiques de 26 Téléostéens dulçaquicoles. Application à la rivière Doubs entre Montbéliard et Dole. Rapport D.E.S.S., Fac. Sci. Univ. Besançon,35,37 et 32 : 175 p.
GRANDMOTTET (J.P.). 1983. _ Principales exigences des Téléostéens dulcicoles vis-à-vis de l'habitat aquatique. Ann. Scient. Univ. Besançon, Biol. Anim. 4ème série, fasc. 4 : 3-32.
Laboratoire d'Hydrobiologie de l'Université de Franche-Comté. 1983. _ Modification de l'habitat aquatique et cartographie en relation avec les conditions du développement des peuplements de Poissons d'eau douce. Rapport d"étude commandé par la Compagnie Nationale du Rhône dans le cadre des études préalables à la réalisation du canal à gabarit européen Rhin-Rhône. Tome 1 : 31 p. Tome II : 20 p.
SRAE de Franche-Comté. 1988. _ Cycle urbain de l'Eau (Thème 2). Qualité générale du Doubs entre Deluz et Avanne. Méthodologie d'étude, Données physico-chimiques : 27 p.
VERNEAUX (J.). 1973._ Cours d'eau de Franche-Comté (massif du Jura).
Recherches écologiques sur le réseau hydrographique du Doubs.
Essai de biotypologie. Thèse Fac. Sci. Techn. Univ. Besançon : 257 p.
VERNEAUX (J.). 1981. _ Les poissons et la qualité des cours d'eau. Ann. Sci. Univ. Fr.Comté, Besançon, Biol. 2 : 33-41.
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