La Voie lactée ouvre son cœur aux astrophysiciens bisontins
01/09/2012
La Voie lactée ouvre son cœur aux astrophysiciens bisontins
Un bulbe en forme de sphère aplatie et une barre allongée à l'allure de cigare : voilà à quoi ressemble le cœur de la Voie lactée. Une conclusion établie avec certitude par les chercheurs de l'Observatoire des sciences de l'Univers THETA de Franche-Comté (ex-Observatoire de Besançon), perfectionnant ainsi le scénario de formation de notre galaxie.
La décomposition de la lumière émise sur toute la région centrale de la Voie lactée révèle en effet deux populations d'étoiles bien différentes en termes de métallicité, composition chimique, cinématique…, preuves d'une nature et d'une histoire propres à chacune d'elles. Ce résultat est obtenu d'après un relevé des étoiles établi par les États-Unis dans le proche infrarouge, qui, se jouant des nuages de poussières interstellaires les masquant dans le domaine du visible, est apte à mettre en évidence leur brillance et leur couleur, et ainsi d'en déduire leurs caractéristiques. Ces mesures photométriques corroborent les hypothèses avancées par les astrophysiciens bisontins, testées selon une modélisation de la Voie lactée créée voilà trente ans à l'Observatoire, sans cesse enrichie et affinée depuis. Le « Besançon galaxy model » utilisé par la communauté scientifique, qui l'a adopté et reconnu sous ce nom, est le seul au monde à synthétiser toutes les connaissances sur les objets célestes pour construire un scénario de formation et un modèle numérique. « Le modèle va encore évoluer pour être capable d'expliquer les mouvements des étoiles et de reproduire leurs orbites », explique Annie Robin, astrophysicienne à l'Observatoire, qui l'a conçu avec son équipe.
Du côté du ciel, à présent que les mesures photométriques ont apporté la preuve de leur pertinence, un relevé spectrométrique réalisé par le très grand télescope européen installé au Chili complétera les données par des informations plus fines encore, et sur une population d'étoiles beaucoup plus importante. Les avancées de l'observation et de la modélisation menées en parallèle apporteront encore des éléments de connaissance sur la formation de notre galaxie et permettront à Annie Robin et à son équipe, d'ici quelques années, d'établir une représentation de face de la Voie lactée. Une image totalement inédite et à jamais hors de vue car l'envoi d'une sonde pour se positionner face à notre galaxie dans l'idée d'en saisir un cliché nécessiterait un voyage de 10.000 ans…
Le cœur de la galaxie ESO 1118 (vue de face) présente, comme la Voie lactée, une sphère et une barre. Une telle image de la Voie lactée n'est pas réalisable, car la position de notre système solaire sur la « tranche » de la galaxie, que l'on peut imaginer comme une assiette, nous interdit de la voir de face. D'ici quelques années, les astrophysiciens bisontins seront à même d'en donner une représentation réaliste tenant compte du gaz, de la poussière, des étoiles et des dernières découvertes, grâce aux données couplées de la modélisation et de l'observation. (Copyright : 1999 - 2008 ESO).
Lancement de la sonde astrométrique Gaia
Le lancement de la sonde astrométrique Gaia est prévu pour juin 2013. Véritable scanner de la Voie lactée, Gaia devrait apporter les réponses que se posent depuis des siècles les astronomes sur sa formation et son évolution. Les chercheurs de l’Institut UTINAM et l’Observatoire des sciences de l’Univers THETA de l’université de Franche-Comté participent activement à la préparation d’une mission d’exploration révolutionnaire, dépassant les limites de la connaissance.
Avant Gaia, Hipparcos avait, à la fin des années 1980, observé 120 000 étoiles jusqu’à une centaine d’années-lumière de la Terre, avec une précision cent fois supérieure à celle des mesures effectuées depuis le sol. Hipparcos constituait une étape clé dans l’histoire de la connaissance de notre galaxie. Les progrès de la technologie autorisent aujourd’hui l’ESA, l’Agence spatiale européenne, à envoyer une deuxième sonde, Gaia, qui, plus perfectionnée encore, affiche des ordres de grandeur à donner le tournis. Gaia sera capable de mesurer les position, distance, vitesse et composition chimique de 1,5 milliard d’étoiles situées jusqu’à 40 000 années-lumière de notre planète ! La précision sera à nouveau multipliée par cent, ce qui reviendrait à mesurer depuis la Terre le diamètre d’une pièce de 1 euro posée sur la Lune !
Placée à plus d’un million de kilomètres de la Terre dont elle suivra la révolution autour du Soleil, Gaia bénéficiera d’une vue imprenable sur l’ensemble du ciel. Les relevés qu’elle effectuera pendant cinq ans, en dehors de toute turbulence atmosphérique, seront à l’origine de l’établissement d’une carte tridimensionnelle et dynamique de la Voie lactée, et grâce aux informations glanées jusqu’aux galaxies les plus lointaines, produiront rien de moins que le nouveau système de référence de l’Univers. Car Gaia recensera des milliers d’objets célestes aujourd’hui pressentis.
Connaissances exponentielles
En attendant, les astrophysiciens de l’Institut UTINAM préparent une simulation de la mission, à partir d’un modèle de l’Univers le plus réaliste possible incluant toutes les connaissances actuelles. Ces données modélisées servent à éprouver la performance des algorithmes, des instruments de mesure et des logiciels d’analyse qui depuis vingt ans se peaufinent en prévision de cet extraordinaire voyage. Astéroïdes, comètes, tous les objets célestes, même les plus petits, potentiellement placés sur le chemin de Gaia sauront ainsi être identifiés, mesurés puis analysés de façon formelle et rapide. Si l’immense masse de données collectées est estimée en pétaoctets, leur traitement est prévu en seulement trois ans, au terme desquels les informations seront mises à disposition de l’ensemble de la communauté scientifique.
Einstein supportera-t-il le voyage ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Gaia représente l’occasion d’aller juger sur pièces la théorie de la relativité générale d’Einstein, postulant que la lumière est déviée lorsqu’elle rencontre un objet massif et que l’espace autour de cette masse est déformé. Les mesures effectuées, notamment les coefficients de courbure de la lumière, soumettront les équations du savant à l’extrême précision de Gaia, et, le cas échéant, permettront aux physiciens d’aujourd’hui d’affiner cette théorie fondamentale.
L’aventure Gaia, impliquant quatre cents chercheurs et ingénieurs dans le monde, est jalonnée de nombreux colloques. Le prochain, coorganisé par l’Institut UTINAM, aura lieu du 29 février au 2 mars prochains à Barcelone. En octobre, Besançon recevra des doctorants en astrophysique lors d’une semaine d’école consacrée aux méthodes de modélisation de la galaxie et à leurs applications à la mission spatiale Gaia.
Contact : Annie Robin
Institut UTINAM
Observatoire des sciences de l'Univers THETA de Franche-Comté
Université de Franche-Comté / CNRS (INSU)
Tél. (0033/0) 3 81 66 69 4
Sources : La Voie lactée ouvre son cœur aux astrophysiciens bisontins : En Direct, n° 243, juillet 2012. Gaia : l’Univers revisité : En Direct, n° 240, janvier 2012.
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