Qu'est-ce qu'un lac ?
16/06/2010
Un lac est une étendue d'eau libre stagnante remplissant une dépression naturelle des continents, sans contact direct avec les océans. On le caractérise par différents paramètres morphologiques. Il occupe une dépression due à différents agents tectoniques, géologiques ou géographiques. La morphologie du lac dépend de son origine, de son mode d'alimentation et de son âge.
1. Définition des lacs
Les eaux stagnantes continentales sont constituées par les flaques, les mares, les étangs et les lacs.
Une flaque n'atteint pas 20 cm de profondeur La température de l'eau est ici directement liée à l'ensoleillement, sans stratification thermique. Au cours de l'année, les flaques et les mares peuvent s'assécher naturellement. Ce caractère temporaire en fait des habitats très particuliers.
Une mare est un petit étang dont la profondeur peut atteindre 0,6 à 1 mètre. La température y est variable en fonction de la chaleur solaire qui produit une petite stratification thermique.
Un étang est un lac artificiel, d'au moins un mètre de profondeur, dont la formation dépend directement de l'homme qui peut l'assécher et l'utiliser. Les étangs sont en général moins profonds que les lacs et sont envahis par une végétation qui ne reste pas localisée aux seules rives comme dans les lacs.
Un lac peut être considéré comme une étendue d'eau libre stagnante remplissant une dépression naturelle des continents, sans contact direct avec les océans.
Cette définition très générale des lacs englobe des eaux de salinité très variée allant de quelques mg/l jusqu'à 450 g/l.
La superficie des plans d'eau lacustres s'étend sur 7 ordres de grandeur, la profondeur, sur plus de 3, et le volume, sur près de 10 ordres de grandeur.
La "Mer" Caspienne est actuellement le plus grand lac du monde en termes de volume (78.103 km3) et de superficie (374.103 km2, chiffre variable) ; en ce qui concerne les plus petits lacs, il est pratique de s'arrêter à une superficie de 1 ha et/ou à un volume de 10.103 m3, ce qui correspond à une profondeur moyenne de 1 m. En dessous de ces valeurs, les plans d'eau sont le plus souvent envahis par la végétation et doivent plutôt être considérés comme des zones humides.
Milieux de transition entre les lacs et les principaux milieux aquatiques continentaux
(d'après Meybeck 1995)
Les limites typologiques des lacs ne sont pas nettes (voir figure ci-dessus). Un élargissement de rivière peut être caractérisé par des zones d'eau stagnante (cas du lac Saint-Pierre sur le Saint-Laurent). Les réservoirs de barrage, non considérés en tant que tels dans cet ouvrage, sont un des meilleurs exemples de ces milieux de transition aux caractéristiques à la fois fluviales et lacustres ; certains lacs de barrage naturels, comme celui de Chaillexon, dans le Doubs, ont d'ailleurs des fonctionnements très semblables à ceux des réservoirs artificiels et sont aussi des milieux mixtes. Les lacs côtiers, souvent appelés lagunes, peuvent avoir une ouverture, quelquefois agrandie par l'homme, sur l'océan. Lorsque les échanges avec les eaux salées sont très importants, la lagune ou le plan d'eau côtier peuvent alors être considérés comme faisant partie du milieu marin (cas pour la mer Baltique).
La Baltique doit aussi être considérée comme un milieu intermédiaire : elle est très peu salée dans le golfe de Finlande, mais elle est en connexion directe avec l'océan Atlantique. De légères modifications du seuil suffisent à la priver de cette connexion, ce qui lui est arrivé deux fois depuis le retrait des glaciers. Certains lacs ne sont pas en eau de façon permanente mais intermittente (plaines d'inondation, lacs en région karstique), ou occasionnelle (lacs en région aride).
2. Caractéristiques morphologiques des cuvettes lacustres
Les rapports entre la morphologie des lacs et leur origine ont été largement développés par les fondateurs de la limnologie tels que Forel (1892), Delebecque (1898) et Collet (1925). Ces deux derniers présentent de très nombreux exemples en France et en Suisse, ainsi que des cartes bathymétriques.
C'est à Hutchinson (1957) que l'on doit la première description exhaustive de l'origine des lacs de la planète. Plus récemment, Hakanson (1981) et Hakanson & Jansson (1983) ont largement traité de la morphologie des lacs et de son influence sur leurs caractères sédimentaires. Le répertoire des lacs du monde de l'ILEC (1988 à 1991) fournit de nombreuses indications morphométriques utiles sur plus de 400 lacs de la planète. Herdendorf (1984, 1990) décrit les 250 plus grands lacs du monde (Ao > 500 km2). L'établissement des cartes de profondeurs ou cartes bathymétriques s'est tout d'abord effectué par des sondages ponctuels le long de transversales. Ainsi, Delebecque et Hörnlimann ont dû donner des milliers de coups de sonde pour établir, en 1898, la carte du lac de Genève - ou Léman - qui fait encore autorité aujourd'hui. Depuis, l'utilisation de l'échosondeur acoustique ou sonar a permis des relevés continus sur des transversales. La probabilité de manquer une particularité importante du relief sous-lacustre (île sous-lacustre, ravin, trou) est donc beaucoup plus faible.
Les paramètres morphologiques principaux sont les suivants (Hutchinson 1957, Wetzel 1983), les abréviations les plus communément admises étant celles d'Hutchinson :
- longueur maximale (l) suivant une ligne reliant les deux points les plus éloignés du plan d'eau.
- largeur maximale (b) reliant les deux points les plus éloignés suivant une ligne orthogonale à la première qui peut traverser des îles.
- profondeur maximale (Zmax), plus grande profondeur connue du lac.
- superficie (Ao), superficie du plan d'eau à une cote moyenne. On détermine également la superficie à chaque profondeur (z).
- volume (V), intégrale des superficies déterminées à chaque profondeur (z) depuis la surface du lac jusqu'à la profondeur maximum. Une estimation correcte du volume peut généralement être obtenue par la somme d'une série de volumes (Vij) de tronc de cône entre les profondeurs zi et zj :
Vij = 1/3 [Ai + Aj + (AiAj)½] (zi - zj).
-profondeur moyenne (Z), quotient du volume (V) du lac à sa superficie (Ao) : Z = V/Ao.
- périmètre ("shoreline" des Anglo-saxons) (L), longueur totale du rivage à une cote donnée. Elle dépend de l'échelle de la carte utilisée, ayant une dimension fractale.
- développement du périmètre (Shoreline Development Ratio) (Dl), rapport du périmètre à la circonférence d'un cercle de superficie équivalente à celle du lac (Dl >. 1) : Dl = L/2. (πAo)-½.
Tous ces paramètres morphologiques s'appliquent bien sûr pour une cote déterminée du plan d'eau, en général la cote moyenne annuelle, quelquefois la cote maximale pour les lacs non permanents. Pour les lacs à fort marnage, ces paramètres peuvent considérablement être modifiés d'une année sur l'autre, voire même pendant une même année.
La distribution des superficies d'un lac suivant sa cote, la courbe hypsographique et la distribution correspondante des volumes sont des informations clés dans la compréhension du système lacustre. Ces courbes sont directement représentatives de la forme d'un lac et permettent la comparaison de lacs de différentes tailles entre eux. Les figures 1.3A et 1.3B présentent des exemples de relations entre la profondeur, exprimée de 0 à 100% pour la profondeur maximale, d'une part et d'autre part, la superficie à une cote donnée, exprimée en % de la superficie à la profondeur zéro, et le volume cumulé du fond jusqu'à une cote donnée. Dans l'exemple du lac Vänern, le plus grand lac suédois (5648 km2 ; Zmax = 106 m), à la profondeur de 20 m correspondent 50% de la superficie totale et 50% du volume total.
Courbes hypsométriques : A. Courbe profondeur-superficie (lac Vänern) - B. Courbe profondeur-volume (lac Vänern) - C. Formes des courbes profondeur-superficie pour des lacs convexes (I), normaux (II) et concaves (III)
(modifié d'après Hakanson 1981)
La forme de la courbe hypsométrique des superficies reflète la nature concave ou convexe de la cuvette liée à l'origine du lac (figure 1.3C). Ainsi les lacs peu profonds et très plats des boucliers cristallins canadiens ou scandinaves sont plutôt convexes et caractérisés par une courbe profondeur cumulée-superficie du type I (cas du lac Vänern), avec une fosse profonde d'extension limitée. Des lacs parfaitement coniques sont caractérisés par la courbe de type II. Des lacs concaves, fossés d'effondrement tectoniques et beaucoup de lacs de cratères, sont caractérisés par des pentes abruptes et un fond plat relativement développé (type III).
La profondeur maximale est liée à la taille des lacs et à leur origine. Pour une même classe de taille, les lacs les plus profonds sont les lacs de cratères, puis les lacs de surcreusement glaciaire de type alpin, et les fossés tectoniques (graben). Ces lacs sont creux et l'énergie nécessaire pour les mélanger verticalement est très grande pour une même unité de superficie lacustre. À l'opposé, les lacs de surcreusement glaciaire sur les boucliers, les lagunes côtières, les lacs de plaine alluviale et certains lacs d'origine tectonique en région aride sont très peu profonds par rapport à leur taille et sont dits lacs plats : une faible énergie extérieure, notamment éolienne, suffira pour les déstratifier et mélanger leurs eaux, parfois plusieurs fois par jour.
Delebecque (1898) a défini un rapport caractéristique très pratique, le "creux des lacs" ou rapport ZmaxA/Ao qui varie entre 1/5,7 (lac Bleu) et 1/28 (lac de la Motte) pour les lacs français. D'autres auteurs ont défini une profondeur relative (Wetzel 1983) ou considèrent le rapport /Zmax profondeur moyenne sur profondeur maximale. Ce rapport n'est guère discriminant, aussi préférons-nous introduire ici un "indice de creux moyen" basé sur la profondeur moyenne :
Ic =1000 Ao-½.
Ic est extrêmement variable sur plus de 4 ordres de grandeur et nous permet de ranger les lacs dans 5 catégories suivant leur creux : lacs très plats, Ic < 0,1 ; lacs plats, 0,1 < Ic < 0,5 ; lacs normaux, 0,5 < Ic < 2,5 ; lacs creux, 2,5 < Ic < 12,5 ; lacs très creux, Ic > 12,5 (cf tableau ci-dessous).
Classification des lacs suivant leur indice de creux
(Ic =1000 Ao-½)
Lacs très plats (Ic <0,1) |
|
Kyoga |
0,090 |
Laguna de Bay |
0,09 |
Khanga |
0,08 |
Neusiediersee |
0,08 |
Winnipeg |
0,078 |
Aral |
0,063 |
Grand Lac Salé |
0,06 |
Manitoba |
0,06 |
Balkash |
0,048 |
Chany |
0,044 |
Tchad |
0,023 |
Bangweulu |
0,014 |
Lacs plats (0,1< Ic < 0,5) |
|
Carcans |
0,44 |
Grand Lac de l'Ours |
0,43 |
Grand Lac de l'Esclave |
0,39 |
Lagoda, Malàren |
0,39 |
Vänern, Albert |
0,36 |
Michigan |
0,35 |
Onega |
0,30 |
Chapala |
0,29 |
Managua, Scutari |
0,25 |
Huron |
0,24 |
Athabasca |
0,16 |
Victoria |
0,15 |
Nicaragua |
0,14 |
St Clair, Tana |
0,13 |
Balaton |
0,12 |
Érié |
0,11 |
Urmia |
0,10 |
Lacs normaux (0,5 < Ic < 2,5) |
|
Kinnereth |
1,9 |
Malawi |
1,8 |
Biwa |
1,55 |
Titicaca |
1,15 |
Cazaux |
1,1 |
Parentis |
1,1 |
Vàttem |
0,92 |
St Jean |
0,77 |
Edward |
0,75 |
Ontario |
0,62 |
Lacanau |
0,58 |
Supérieur |
052 |
Lacs creux (2,5 < Ic < 12,5) |
|
Bourget, Paladin |
12 |
Majeur, Come |
12 |
Aydat |
9,5 |
Annecy |
8,8 |
Abbaye, Mjôsa |
8,0 |
Ohrid |
7,8 |
Bolsena* |
7,5 |
Léman |
6,3 |
Mer Morte |
5,8 |
Windermere |
5,3 |
Kivu |
4,9 |
Constance |
4,3 |
Taupo |
3,9 |
Tanganyika |
3,2 |
Issik-kul |
3,5 |
Van |
2,8 |
Baïkal |
2,6 |
Lacs très creux (Ic >12,5) |
|
Pavin* |
84 |
Issarles* |
68 |
Godivelle* |
48 |
Oredon |
45 |
Crater* |
44 |
La Motte |
31 |
Shikotsu* |
30 |
Nantua |
24 |
Lugano |
18 |
Ness |
17,5 |
Tahoe |
14 |
Zug |
13,4 |
Références : Delebecque, 1898 ; ILEC 1989 à 1991, Herdendorf 1984 et 1990 et divers.
* lacs de cratères. En italiques, lacs français.
Il faut noter que certains grands lacs de grande profondeur maximale peuvent être classés ici dans la catégorie des lacs plats, ainsi le Grand Lac de l'Esclave : en effet, seule la partie occidentale du lac, sur les terrains sédimentaires, est vraiment profonde (Zmax = 625 m) ; l'autre partie, plus étendue et située sur le Bouclier canadien, est peu profonde (Z < 40 m).
Les caractéristiques des lacs peuvent être parfois très variables, en particulier pour les lacs plats soumis à des fortes variations de niveau (marnage) : à l'échelle d'une crue du tributaire, comme pour le lac de Chaillexon formé par un barrage sur le Doubs où les marnages peuvent dépasser 10 m (Collet 1925) ; à l'échelle saisonnière, comme le Grand Lac du Cambodge qui passe de 2700 km2 à 15000 km2, de mai à octobre, avec un marnage de 9 m (Carbonnel & Guiscafré 1965) à la suite de l'envahissement par le Mékong ; à l'échelle pluri annuelle, sous l'effet de successions d'années sèches ou humides, comme le lac Tchad (Carmouze et al 1983), ou le lac Eyre en Australie qui est épisodique.
À long terme (> 1000 ans), les lacs se comblent, les deltas avancent, les berges s'érodent ou s'alluvionnent. La majeure partie des lacs du monde (en nombre) sont d'origine glaciaire et ont donc moins de 15 000 ans ; depuis leur formation, leurs caractéristiques morphologiques ont considérablement évolué. Les fluctuations climatiques quaternaires sont également responsables des changements marqués dans la superficie et la profondeur des lacs des régions semi-arides.
3. Origine des lacs
Hutchinson (1957) énumère 11 catégories principales suivant la cause principale ayant abouti à la dépression. Des subdivisions portent ce nombre à 76 : certains types de lacs sont présents par centaines de milliers d'autres connus en quelques exemplaires seulement. Les agents identifiés par Hutchinson sont les suivants (les chiffres entre parenthèses se rapportent aux types d'Hutchinson) :
Forces tectoniques : (1) grandes dépressions barrées par des chaînes de montagne ("mer Caspienne") ou (4) par des soulèvements (lac Victoria) ; (6) barrage par des décrochements horizontaux (lac de Joux) ; (9) fossés d'effondrement (lacs Baïkal, Tanganyika, Malawi).
Volcans : (11) maars ou lacs de cratères d'explosion (lacs Chauvet, Pavin, Auvergne) ; (12) lacs de cratère (Godivelle d'en Haut, Auvergne) ; (13) caldéra (dépression volcanique d'un diamètre > 3 km) (lac Crater de l'Orégon, lac Taal), etc. ; (14) effondrement graduel (lac de Bolsena, Italie) ; (19) barrage par une coulée (lac d'Aydat, Auvergne) ; (18) ou par des volcans (lac Kivu) ; (17) dépressions sur des coulées (lac Myvatn, Islande ; lac de la Landie, Auvergne).
Forces gravitaires : (20) lacs de glissement de terrain (lac de Vallon, Haute-Savoie) et d'éboulement (lac de Montriond, Haute-Savoie ; lac de Chaillexon ou des Brenets, Doubs ; lac de Sarez, Pamir).
Glaciers : (27) cirques glaciaires de montagne ; (28b) lacs-fjords ; (28c) surcreusement de vallées glaciaires (lac Majeur, lac de Constance, lacs de Patagonie, de Nouvelle Zélande, etc) ; (28d) surcreusement glaciaire sur les boucliers cristallins scandinave et canadien ; (30 à 32) barrages par des moraines ou des alluvions fluvioglaciaires (lacs de Nantua et d'Annecy, innombrables lacs canadiens et scandinaves) ; (35) fonte de lentilles de glace (Voua de la Motte, Haute Savoie ; Kettle lakes des Anglo-Saxons) ; (24) barrage par des glaciers dont le plus connu est le lac de Märjalen barré par le glacier d'Aletsch (Collet 1925).
Eaux souterraines : (43) dissolution de terrains sédimentaires, nombreux lacs en terrain calcaire ("dolines" pour des petites dépressions, "poljes" pour une coalescence de dolines partiellement comblées) ou (46) en terrain gypsifère (lacs de Ritom et de la Girotte dans les Alpes) ; (ii) lacs d'affleurement de nappe ou phréatiques ("seepage Iakes") ; (iii) mares arctiques résultant de la fonte du pergelisol de la toundra ("tundra ponds"), présentes par centaines de milliers.
Fleuves : (52 et 53) barrages par des levées ; (55) anciens méandres, etc (lônes du Rhône, "ox-bow" des Anglo-Saxons) dans les plaines d'inondations naturelles, par exemple le long de l'Orénoque ou de l'Amazone ; (48) anciennes vasques de cascade.
Vent : (60) barrages dunaires ; (63) creusement éolien ("déflation lakes", particulièrement abondants dans les plaines semi-arides).
Courants côtiers : (65) lacs de tombolos ; (64) de cordons littoraux ("étang" landais ou lacs d'Hourtin, Cazaux, Parentis ; étang saumâtre de Thau, nombreux lacs côtiers au sud-est de la Baltique, au Brésil, dans le golfe de Guinée, etc.).
Ces 8 catégories forment la quasi majorité des lacs naturels existants. Hutchinson distingue encore trois catégories très particulières :
Action des organismes : (69b) lacs de barrages par précipitation d'algues encroûtantes. Ces formations sont très rares mais deux exemples méritent d'être signalé pour leur beauté : les lacs de Plitvice (Yougoslavie) et de Band-I-Amir (Afghanistan). Cette catégorie n'est pas clairement définie par Hutchinson.
Action humaine : (73) lacs de barrage ; (74) cuvettes artificielles ; (iii) cuvettes résultant d'activités minières ou d'exploitation de granulats ; étangs de pisciculture, etc.
Agents extraterrestres : deux exemples connus au Québec, la dépression du lac Cratère du Nouveau Québec (Ouellet & Page 1990) résulte de la chute d'une météorite et le réservoir Manicouagan, dont la forme annulaire, unique, résulte de l'ennoiement par un barrage de deux grands lacs profonds (Zmax > 300 m) en forme de croissant dus à l'impact probable d'une comète (Jones et al 1974). Le lac Botsumvi au Ghana pourrait aussi être dans cette catégorie.
Certains lacs ont des origines multiples. Ainsi le Léman résulte d'un surcreusement de vallée glaciaire au front du chevauchement des Préalpes. Les lacs Toba (Sumatra) et Kivu (Rift est-africain) sont volcano-tectoniques. Les Grands Lacs Laurentiens (Supérieur, Huron, Michigan, Érié, Ontario) résultent à la fois du surcreusement glaciaire et du rebond isostatique du Bouclier Canadien.
Ces diverses origines peuvent être regroupées en trois catégories principales suivant la nature de la dépression comme l'ont proposé Delebecque (1898) et Collet (1925). Le tableau ci-dessous présente le regroupement des deux approches : lacs remplissant une dépression déjà existante qui a pu être creusée par divers agents, lacs de barrage, lacs de dissolution.
Principales origines des lacs
Type de cuvette |
Creusement ou établissement d'une dépression |
Barrage
|
Dissolution
|
||
|
Plate |
Moyenne |
Creuse |
|
|
Agent de formation |
|
|
|
|
|
Tectonique |
4 |
1 |
9 |
6 |
|
Volcanisme |
17 |
14 |
11,12,13 |
18,19 |
|
Gravité |
|
|
|
20 |
|
Glacier |
28d |
|
27, 28b,28c |
30,31,32,24 |
35 à 39 |
Eaux courantes |
|
48 |
|
52,53,55 |
|
Eaux souterraines |
lac phréatique |
44 |
|
|
43,46 |
Courants littoraux |
|
|
|
64,65 |
|
Vent |
63 |
|
|
60 |
|
Organismes |
|
|
|
69 |
|
(D'après Meybeck 1995. Les numéros sont ceux de Hutchinson)
4. Relations origine-morphologie
La morphologie et la taille des cuvettes lacustres sont directement liées à leur origine et à leur âge.
La Mer Caspienne est le plus grand lac du monde, mais pas le plus profond ; elle résulte de mouvements tectoniques s'exerçant dans cette région et représente, avec la mer Noire, la "mer" d'Aral et sans doute les lacs d'Ohrid et de Prespa, le témoin d'une ancienne mer, la Parathétys, isolée de l'océan mondial depuis 5 millions d'années.
Les lacs de graben (Baïkal, Tanganyika, Malawi) représentent les lacs les plus volumineux, après la Caspienne, et les plus profonds : 1741 m pour le Baïkal, 1471 m pour le Tanganyika, 1025 m pour le Malawi (anciennement Nyassa). Ils sont d'une forme allongée, souvent rectangulaire, aux parois abruptes, à l'hypsométrie très concave. Le développement du périmètre est limité (1,5 < Dl < 3).
Les lacs de surcreusement glaciaires sont très différents suivant les types de substrats qu'ils érodent (entre parenthèses, les profondeurs maximales) :
- boucliers cristallins : lacs extrêmement "plats" de Finlande, du Nord-Québec, des Territoires du Nord-Ouest. Le développement du périmètre est très élevé (3 < Dl < 8) en raison de la côte découpée et la proportion d'îles peut atteindre 10% de la superficie totale du lac. Leur profondeur maximale est généralement très limitée (< 50 m). L'exemple type est le lac Manitoba, Z = 3 m pour 4625 km2. Ils sont souvent convexes.
- terrains sédimentaires plats : lacs plus profonds de Terre Neuve (Melville), du sud de la Suède (Vattern), du nord de la Russie (Ladoga, Zmax = 225 m ; Onega), une partie des Grands Lacs Laurentiens. Les profondeurs maximales varient généralement de 50 à 200 m ; exceptionnellement, elles peuvent excéder 300 m pour les plus grands lacs situés à la limite de l'inlandsis canadien (Supérieur, 407 m ; Grand Lac de l'Esclave, 614 m ; Grand Lac de l'Ours, 413 m). Certains de ces lacs peuvent aussi comporter de nombreuses îles : le lac Vänern (5 648 km2) a 800 îles de plus de 1 ha, soit 4,2% de sa superficie (Hakanson 1981).
- terrains sédimentaires ou métamorphiques à fort relief : lacs très profonds, creux et étroits de Norvège (lacs-fjords tels que Homindalvatn, 514 m, et Mjosa, 449 m), d'Écosse (Loch Ness, 230 m), des Alpes (lacs de Come, 413 m ; Garde, 346 m ; Lugano, Majeur, 372 m ; Léman, 309 m ; Lucerne, Zurich), de Patagonie (Nahuel Huapi, 438 m) et de Nouvelle-Zélande (Wakapiku, 371 m). Comme les lacs de graben, ils sont concaves ; leur insularité est nulle ou très faible.
Les lacs de cratère sont de forme circulaire, généralement très creux (Ic = 68 pour le lac d'Issarlés et 84 pour le lac Pavin). Le lac Crater, Orégon, est le plus profond d'entre eux (Zm = 589 m), avec le lac Toba à Sumatra (Zm = 590 m). Ce dernier a une origine mixte car il est situé sur un fossé d'effondrement.
Les lacs de barrages par des éboulements ou des coulées sont généralement triangulaires (lac de Vallon en Haute-Savoie) ou très allongés (lac de Chaillexon). Ils sont peu ou moyennement profonds et leur point le plus profond se situe juste à l'amont du barrage. Lorsque les barrages sont gigantesques, les lacs peuvent être très profonds, comme le lac Sarez au Pamir (Zmax = 505 m).
Les lacs littoraux et l'ensemble des lacs d'origine fluviale sont généralement plats ou très plats (Ic < 0,5), leur profondeur maximale excédant rarement 10 m.
Les lacs de dissolution de roches carbonatées ou gypseuses présentent souvent des indices de creux importants Ic > 2,5), surtout lorsqu'ils sont de petites tailles et peu comblés (dolines) ; ils ont alors des formes circulaires. Les plus grands lacs (poljés) présentent une juxtaposition de dépressions coniques comme à Banyoles (Espagne). Les lacs situés dans des terrains karstiques, qu'ils soient de dissolution pure ou également d'origine tectonique, sont souvent caractérisés par des venues d'eaux souterraines au fond d'entonnoirs imposants : celui du lac d'Annecy, le Boubioz, s'ouvre nettement en dessous (82 m) du fond normal du lac (64 m). Dans le lac de Scutari (Skadar), les entonnoirs ou okos, s'ouvrent à 60 m de profondeur (Karaman & Beeton 1981). Dans d'autres systèmes lacustres karstiques, ce sont les pertes, ou ponors, qui s'effectuent par des conduits souterrains.
5. Relation sédimentologie-morphologie
Les processus sédimentaires modifient de façon continue la forme des cuvettes lacustres par des apports internes et externes de matériaux particulaires et par leur redistribution sur le fond du lac. La particularité principale bien connue est l'existence d'un fond généralement plat, la "plaine centrale", où s'accumulent en couches quasiment horizontales les particules les plus fines, argiles et sablons. La proportion de ces cuvettes centrales est variable : elle peut être presque nulle pour certains lacs de barrage et les lacs karstiques où les pertes sous-lacustres évacuent les particules fines, mais pour beaucoup de lacs, elle peut dépasser 50%. Dans le Léman, cette plaine centrale représente moins de 20% de la superficie du Grand Lac. Dans beaucoup de lacs d'origine glaciaire, la morphologie noyée définit plusieurs plaines centrales séparées par des seuils (cas du lac Ontario).
Les apports fluviaux définissent des deltas aux pentes plus ou moins fortes suivant la granulométrie des matériaux : le delta du Rhône dans le Léman (sablons et sables fins) est en pente douce (1%), comparé à celui du deuxième tributaire, la Dranse (sables et galets, 10%). Les deltas torrentiels empiètent sur la forme originale de la cuvette comme celui de la Selenga, dans le lac Baïkal, d'une superficie de l'ordre de 1500 km2. Lorsque les apports deltaïques sont très fournis, l'avancéc des deltas peut conduire au sectionnement de la cuvette comme pour les lacs de Thun et Brienz en Suisse, et St Point et Remoray (Doubs), jadis reliés.
Les apport fluviaux des rivières turbides au régime régulier peuvent conduire au creusement, dans les sédiments deltaïques, de ravins ou canyons sous-lacustres par des courants de turbidité. Celui du Rhône dans le Léman bien décrit par Delebecque (1898) et Forel (1892), a une longueur de 15 km, un dénivelé maximum de 30 m pour une largeur de 250 m.
Source :
Cet article est directement inspiré de la référence suivante :
Meybeck M. (1995) - Les lacs et leur bassin in Limnologie générale (dir. Pourriot & Meybeck). Masson Ed.
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