Le Brochet du Doubs
01/02/2010
Esox lucius Linné, 1758
Famille des Esocidés
par André Guyard
(Dernière mise à jour : 15 novembre 2013)
Au cours d'une campagne d'échantillonnages du peuplement ichtyologique du cours inférieur du Doubs entre Voujeaucourt et Crissey (Doubs), nous avons été amenés à étudier les populations de poissons les plus représentatives de ce peuplement, aussi bien dans le cours du Doubs proprement dit que dans la partie du canal du Rhône au Rhin (canal Freycinet) qui le jouxte dans cette partie. Le présent article s'intéresse au Brochet que l'on rencontre dans la zone des brèmes.
Le corps est allongé, le dos est brun vert, les flancs plus clairs possèdent des bandes transversales, et le ventre est blanc jaune. Le museau est plat et large, la mâchoire inférieure est proéminente. La langue, l'os palatin et les deux mâchoires possèdent de très fortes dents.
Les nageoires portent des taches sombres. Les jeunes ont souvent une teinte vert pâle. La dorsale et l'anale sont semblables et placées loin en arrière.
Les mâles ne croissent pas aussi vite que les femelles, et lorsqu'ils atteignent leur maturité à l'âge de 2 ou 3 ans, ils pèsent 1 livre et ont une longueur de 25 à 40 cm. Ils atteignent rarement 90 à 100 cm, pour un poids de 5 à 8 kg et un âge de 10 à 14 ans. Les femelles mûres ont généralement 40 à 55 cm de longueur et pèsent 1 à 2 livres à l'âge de 3 à 5 ans. Elles peuvent toutefois devenir géantes, mais ne dépassent que rarement 1,5 m pour 35 kg, à plus de 30 ans.
Le Brochet préfère les eaux claires à fond graveleux et aux berges riches en végétation (hélophytes et hydrophytes). Il chasse à l'affût, embusqué, immobile, dans l'attente de sa proie, il est bien camouflé dans la végétation littorale en lisière des roseaux. D'un puissant coup de queue, il bondit sur sa proie. Cependant, sur une longue distance, il est un mauvais nageur. Dès la première année, la nourriture consiste uniquement en poissons : Vandoise, Gardon, et Rotengle. Durant toute sa vie, il pratique un cannibalisme très actif.
La fraie a lieu par 2 à 12°C de la fin mars en mai, les ovules (30 000 à 60 000 par femelle) sont pondus en eau peu profonde parmi la végétation et souvent dans l'herbe des prairies inondées. Les mêmes brochets retournent année après année aux mêmes places de fraie. Les mâles arrivent les premiers, les femelles suivent, et en fraie les brochets ne s'occupent de rien d'autre que d'eux-mêmes. Les réflexes habituels pour la capture des proies, ou pour fuir le danger, ont presque complètement disparu.
L'incubation dure de 2 à 4 semaines. Normalement la larve éclôt au bout de 10 à 15 jours (110 à 130 degrés/jours sont nécessaires). Les alevins nouveau-nés sont dépourvus d'ouverture buccale. Ils possèdent un organe adhésif sur la tête qui leur permet de se fixer à la végétation jusqu'à résorption de la vésicule vitelline et apparition de la bouche (2 à 3 semaines). Ils se nourrissent alors de petits animaux planctoniques.
Le brocheton ressemble aux adultes quand il a 25 mm de longueur, et quand il atteint 4 à 5 cm, il chasse les alevins qui apparaissent en mai-juin, c'est-à-dire juste au bon moment (Rotengle, Vandoise, Brème, etc.).
La maturité est atteinte généralement à l'âge de 3 à 4 ans. La croissance varie beaucoup, mais en règle générale, elle est très rapide. Après une année, le Brochet mesure de 9 à 20 cm ou plus, et après 2 ans (rarement 1) le mâle est mature. Il faudra deux ans de plus à la femelle pour être mature. Le poids de 1 kg est atteint d'ordinaire en 4-6 ans, parfois en 2-3 ans.
Le Brochet peut atteindre une taille considérable. Témoin ci-dessous ce spécimen qui affiche 117 cm de longueur, capturé dans le Léman par Bernard Cottet le 8 mai 2013.
Le Brochet est une espèce indigène de nos eaux douces. Dans la première moitié du XXe siècle, il est commun dans la France entière à l'exception toutefois des Pyrénées orientales, du Var, des Alpes maritimes, et des fleuves côtiers méditerranéens (Moreau, 1881 ; Spillmann, 1961 ; Morruzzi,1975 ; Grégoire, 1983). Il a été introduit dans les Vosges (lacs de Longemer, Retournemer, Gérardmer) et réintroduit en 1934 dans le lac d'Annecy (Hubault, 1955).
Après la première guerre mondiale, la pêche abusive des brochetons et les épidémies provoquent une nette régression du Brochet (Brou, 1953 ;Chimits, 1956 ; Spillmann, 1961) ; s'en suivirent alors les premiers réempoissonnements en vue du repeuplement et du développement de la pêche sportive (Chimits, 1947b). Son aire de répartition s'étend ainsi progressivement aux départements méditerranéens.
Bien que le Brochet soit présent sur l'ensemble du territoire, la disparition plus ou moins complète de ses zones de reproduction (zones inondables, prairies humides...) met en danger la survie de l'espèce.
D'après le graphe ci-dessus, on s'aperçoit que le Brochet fréquente davantage les rives du Doubs plus hétérogène que les rives du canal.
Remarque : le Brochet est une espèce vulnérable inscrite sur la liste rouge des espèces menacées. Voir à ce propos la fiche réalisée par l'Onéma.
Sources :
- Allardi J. & Keith Ph. (1991). - Atlas préliminaire des poissons d'eau douce, 234 p.
- Guyard A. et coll. (1992) - Inventaire du peuplement ichtyologique du cours du Doubs et du canal du Rhône au Rhin entre Voujeaucourt et Crissey. Rapport d'étude pour le compte de la CNR (73 pages + annexes).
- Muus B. J., Dahlstrom P. (1968). - Guide des poissons d'eau douce et pêche, 248 p. Delachaux et Niestlé Ed.
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