Nouvelles pistes de dinosaures découvertes dans l'Ain
07/10/2009
Nouvelles pistes de dinosaures
découvertes dans l'Ain
par André Guyard
(Dernière mise à jour : 02/02/2018)
(Document BRGM)
Après Coisia, Loulle et Courtedoux, de nouvelles pistes de dinosaures ont été découvertes dans le massif jurassien, sur le plateau de Plagne dans l'Ain, à près de 800 m d'altitude. Ce sont les plus grandes empreintes jamais mises à jour : certaines atteignent 1,50 m de diamètre. Cette trouvaille a été réalisée en avril 2009 par deux naturalistes amateurs : Marie-Hélène Marcaud et Patrice Landry qui font partie de la Société des Naturalistes d'Oyonnax. Rappelons que les géologues de la SDNO sont déjà à l'origine de la découverte du site de Coisia. Alertés, les paléontologues, Pierre Hantzpergue du laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphères de l'Université de Lyon-1 et Jean-Michel Mazin du CNRS ont expertisé le site.
À Plagne, ce sauropode de 40 t a laissé une suite de pas de 155 m. Après deux ans d'analyses, l'animal du jurassique vient de livrer son identité.
La piste d'empreintes de sauropode de Plagne
© P. Dumas
Depuis 150 millions d'années, ces empreintes ont été conservées dans une strate calcaire, représentant un sédiment lagunaire pétrifié. Sur le cliché ci-dessous apparaît magnifiquement dessinée, l'empreinte d'un pied dans le sédiment, bordée d'un bourrelet de boue pétrifiée. Le témoin de 50 cm indique que la taille de l'empreinte mesure approximativement 150 cm.
Un beau coup de patte !
(Cliché Pierre Hantzpergue)
Comment se forment les empreintes
Pour que des empreintes laissées au bord de l'eau se conservent des millions d'années, les conditions de sédimentation doivent être idéales. « Le sol doit être compose de sédiments très fins, qu'il s'agisse de vase argileuse ou de calcaire », explique Pierre Hantzpergue (CNRS-université de Lyon-1) qui a étudié différents sites du Jura comme Plagne ou encore Loulle où 1500 empreintes ont aussi été retrouvées. «Il faut un compromis entre la finesse, qui permet le détail, et une consistance pas trop boueuse pour que l'animal ne dérape pas », précise Nicolas Olivier (université Clermont-Auvergne-CNRS). Cette vase à la plasticité d'une pâte à modeler, doit ensuite sécher rapidement, ce qui suppose un climat chaud. Aussi le scénario est-il souvent le suivant : à marée basse, des dinosaures se promenant sur l'étendue boueuse du rivage laissent leurs empreintes... que la mer vient recouvrir, déposant une microfiche de sédiments.
La sédimentation marine a ensuite accumulé des centaines de mètres de sédiments protégeant ainsi ces strates pendant des millions d'années. Le Jura ayant émergé, l'érosion s'est chargée du déblaiement des couches supérieures. C'est ainsi que les traces de ces sauropodes ont été mises à jour par le passage d'engins forestiers qui ont décapé la mince couche de terre végétale qui dissimulait la dalle.
Comme à Loulle ou à Coisia (voir articles correspondants à ces deux localités jurassiennes) il s'agit de sauropodes, des dinosaures herbivores au long cou. D'après Pierre Hantzpergue, on ne trouve pas de traces de pas de cette taille nulle part ailleurs. Elles correspondent à des animaux de 25 m de long pesant 30 à 40 tonnes.
Certes, il ne s'agit pas d'Amphicoelias fragillimus, le plus grand de tous les dinosaures trouvés jusqu'à présent qui atteint une longueur de 40 à 50 m pour un poids estimé à 120 tonnes et qui vivait en Amérique du Nord également au jurassique (du Kimméridgien au Tithonien entre 155 et 154 millions d'années), mais les empreintes laissées par ces mastodontes sont les plus grandes jamais observées en France.
Il y a 150 millions d'années, le Jura ressemblait davantage aux Bahamas qu'à la région montagneuse d'aujourd'hui. Grâce à ce lointain passé, Plagne, village peu connu du grand public situé au sud de la chaîne du Jura, près d'Oyonnax (Ain), abrite des témoignages parmi les plus fascinants de l'univers disparu du jurassique. Et les vestiges préservés dans le sol, miraculeusement exhumés, pourraient relancer la « dinomania » des années 1990.
Découverte la plus spectaculaire :
Cette suite de pas de 155 mètres, record du monde de la plus longue piste d'empreintes de sauropodes les plus imposants des dinosaures. Après trois campagnes de fouilles entre 2010 et 2012, le paléontologue Jean-Michel Mazin et le spécialiste de paléoenvironnement Pierre Hantzpergue, du Laboratoire de géologie de Lyon, et Nicolas Olivier du Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand, ont publié leurs résultats en novembre 2017 dans Geobios. Ils dressent le portrait d'un animal pesant au moins 40 tonnes pour 35 à 40 mètres de long se promenant au milieu des fougères, des mousses et des conifères. Dans cette immense lagune — une plateforme carbonatée qui se soulèvera bien plus tard lors de la formation des Alpes —, des îles émergeaient d'une mer chaude et peu profonde. C'est là que s'ébattait le reptile géant.
"Une piste de 155 mètres a été dégagée" précise Pierre Hantzpergue qui a commencé les fouilles. Une perspective prometteuse qui pourrait faire de Plagne le plus grand site de pistes de dinosaures du monde. Les résultats des fouilles qui dureront au moins trois ans seront comparés avec ceux issus des sites de Coisia, Loulle et Courtedoux, ce dernier site situé dans le Jura suisse et permettront de reconstituer l'histoire de la région au jurassique, car ces pistes sont inscrites dans des terrains d'âge différant de plusieurs millions d'années, entre -155 et -150 millions d'années.
L'identité du monstre enfin révélée
Après deux ans d'analyses, l'animal vient de trouver une identité : Brontopodus plagnensis, une ichno-espèce (décrite uniquement par son empreinte) appartenant au groupe des titanosaures, les plus lourds ayant jamais existé, et ne possédant pas de correspondant connu chez les fossiles. Ses empreintes prennent la forme de dépressions rondes ou ovales, entourées d'un bourrelet de sédiments calcaires expulsés par le poids de l'animal en mouvement. « Plus une piste est longue et plus elle raconte une histoire, se réjouit Jean-Michel Mazin. Ainsi, 155 mètres c'est 3 minutes et demie dans la vie de l'animal. Nous avons dégagé 115 pas environ. On le voit ainsi changer de direction, accélérer en passant de 3,5 à 4,5 km/h. Au début de son cheminement, ses mains — comme on appelle ses petites pattes de devant — et ses pieds — ses pattes arrière — sont bien séparées. Puis il allonge le pas et le pied écrase l'empreinte de la main ! » Avec des enjambées pouvant atteindre 2,80 m... Non content de battre le record de longueur de piste, auparavant détenu par le site de Galinha au Portugal (147 mètres), Brontopodus plagnensis grimpe aussi vers les sommets de l'échelle des pointures : selon la nature du sol et les bourrelets formés, ses traces mesurent de 96 à 112 cm. Ces marques de pied découvertes à Plagne (Ain) sont celles d'un « Brontopodus plagnensis » pesant au moins 40 tonnes. Elles mesurent de 96 à 103 cm. Insuffisant cependant pour battre le record détenu par un sauropode australien doté d'un pied de 170 cm.
Sauropode de Plagne marchant sur ses empreintes ;
© dessin : A. Bénéteau ; photographie : Dinojura
(Cliquer sur le cliché pour l'agrandir)
BIOMÉCANiQUE
4 km/h, la vitesse moyenne des dinosaures
Retrouver la vitesse de déplacement d'un animal à partir de ses enjambées est possible grâce à une formule mathématique mise au point en 1975 par Robert McNeill Alexander, zoologiste britannique spécialisé dans la biomécanique et la locomotion terrestre des mammifères :
v= 0,25g-0,5S1,67H-1,17,
g étant l'accélération de la pesanteur au sol exprimée en mètres par seconde au carré (9,81 m/s2), S la longueur de l'enjambée (distance entre deux empreintes de pied du même côté) et h la hauteur à la hanche de l'animal.
« Cette dernière n'est pas mesurable sur une piste, mais à partir de squelettes fossiles, explique le paléontologue Jean-Michel Mazin. Nous avons établi une relation entre longueur du pied et hauteur à la hanche des différents types de dinosaures. La hauteur varie de 4,5 à 5,9 fois la longueur du pied.» Un calcul a montré que les grands sauropodes ne se déplaçaient pas à plus de 4 km/h. Le chercheur et ses collègues expérimentent régulièrement cette formule avec les enfants venus visiter Crayssac. Ils les font marcher sur un sol qui imprime leurs empreintes, prennent leur hauteur de hanche et les résultats correspondent à la formule !
Le site ne recèle "pas d'ossements et on n'en trouvera pas parce que ces empreintes de pas se conservent dans des environnements qui ne permettent pas la conservation des squelettes. Pour qu'il y ait préservation d'un squelette, il faut que ce soit dans l'eau rapidement recouverte par des sédiments", précise M. Hantzpergue.
Les fouilles à venir dégageront une piste le plus loin possible, ainsi qu'un carré d'un demi-hectare à un hectare, pour déterminer la densité des traces.
Ces travaux "pourraient révéler que le site de Plagne est l'un des plus vastes connus au monde", estime le CNRS. Ainsi le département de l'Ain détient donc aujourd'hui un record du monde, celui de la piste d'empreintes la plus longue, un chemin de dinosaures plus long que la plus grande piste connue aujour'hui qui fait 147 mètres au Portugal, près de Fatima.
Sources :
Merci au professeur Pierre Hantzpergue qui nous a fourni les clichés qui illustrent cet article.
Science et Vie, n° 1106, novembre 2009, p. 17.
Voir également le site de la SDNO dédié à la découverte de Plagne.
Sciences et Avenir, n° 852, février 2018, pp. 56-58.
Futura Planète : Empreintes de dinosaures : la plus longue piste de sauropode est en France !
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