Les sauropodes : des géants agiles ?
06/10/2009
Les sauropodes : des géants agiles ?
Malgré leur taille gigantesque, les plus grands de tous les animaux ayant existé sur terre étaient capables d’une grande motilité.
par André Guyard
(Mise à jour 05/03/2013)
Parmi les sites dont l’exploitation a donné lieu à l’exposition itinérante Paléomania qui a circulé en 2008 dans l’arc jurassien, nous avons visité Loulle et Coisia dans le Jura français (voir articles consacrés à chacun de ces sites). Il restait à découvrir Courtedoux. [1]
Or les inventeurs du site de Courtedoux, près de Porrentruy dans le Jura suisse, sont à l’initiative de Paléomania et ils ont publié un article dans la revue "Pour la Science" de décembre 2008 concernant les sauropodes de l’arc jurassien.
S’inspirant largement de cet article, la présente note complète les données recueillies lors des visites des sites de pistes de sauropodes de Loulle et de Coisia (Jura français) et montre que, malgré leur taille gigantesque, les sauropodes étaient capables d’une grande motilité.
Le cliché ci-dessous montre des traces de dinosaures imprimé sur le rivage d'une plaine côtière insulaire, il y a 152 millions d’années, à Courtedoux (Jura suisse). La plupart de ces traces rondes (pattes arrière) ou en demi-lune (pattes avant),signent le passage de sauropodes de type Diplodocus,se déplaçant à la recherche de nourriture. Ils étaient suivis de près par de petits théropodes de type Compsognathus (à gauche) et par un grand théropode type Allosaurus, à l’affût peut-être d’un bébé sauropode isolé.
Les sauropodes ont été les plus grands animaux terrestres de l’histoire de la vie.
Argentinosaurus, titanosaure sud-américain du Crétacé supérieur est le plus massif animal terrestre connu. Il mesurait près de 30 mètres de long et pesait près de 90 tonnes. Brachiosaurus, un dinosaure du Jurassique supérieur, qui vivait en Amérique du Nord et en Afrique, observait le monde du haut de ses 12 mètres.
Une fois ces premières étapes complétées, ils ont appliqué leur modèle mathématique au plus grand squelette de dinosaure au monde, le Brachiosaurus brancai du Musée d'histoire naturelle de Berlin. C'est cette étude qui leur a permis de conclure à un poids bien "moindre" que ce qui avait été évalué jusqu'ici. Cette nouvelle méthode est complètement objective, a assuré à l'AFP Bill Sellers soulignant que la masse corporelle est un paramètre très important pour les biologistes. Le pois du Brachiosaurus brancai a été déterminé par les scientifiques à 23 tonnes, alors qu'il était estimé à 80 tonnes depuis les années 1960. Le détail des travaux complets a été publié dans les Biology Letters de la Royal Society.
Brachiosaurus brancai du Musée de Berlin
« Notre méthode fournit une mesure beaucoup plus précise et montre que les dinosaures sont moins massifs qu'on ne le pensait » a déclaré Bill Sellers à The Telegraph. « L’une des choses les plus importantes pour les paléobiologistes est de connaître la masse des animaux fossilisés. C’est étonnamment difficile » ajoute-t-il.
Mais le brachiosaure n'est pas le seul dinosaure qui pourrait voir son poids diminuer avec cette nouvelle méthode "robuste". "Nos résultats suggèrent que de nombreuses estimations précédentes (pour tous les dinosaures) sont vraiment trop lourdes", a ainsi déclaré le Pr Sellers. Pour de nombreux dinosaures, l'écart ne serait pas aussi important que pour le brachiosaure, mais ce sont vraisemblablement "les estimations les plus légères" qui sont correctes, a t-il souligné.
Heinrich Mallison, paléontologue au Musée de Berlin, a salué ces travaux qui sont selon lui révolutionnaires : c'est une « excellente approche » a t-il déclaré. « Non pas l’estimation des tissus mous, mais d’avoir trouvé combien un modèle osseux peut sous-estimer la masse de l'animal tout entier ».
Comment des géants à petit crâne, au long cou, aux membres massifs et à longue queue, embarrassés par leur poids pouvaient-ils être terrestres ? On les supposait même obligés, la plupart du temps, de vivre dans l’eau pour le supporter.
Europasaurus holgeri est un sauropode « nain » de six mètres
Des géants terrestres
Sur terre, les plus grands mammifères sont l’éléphant (cinq à sept tonnes) et le rhinocéros blanc (2,5 tonnes). Un Argentinosaurus pesait donc une quinzaine d’éléphants et quelque 35 rhinocéros.
Les découvertes des plus anciens spécimens en Thaïlande par Eric Buffetaut du CNRS et ses collègues montrent que le gigantisme, véritable « marque de fabrique » des sauropodes, s’est mis en place très tôt dans l’histoire du groupe.
Ces colosses étaient-ils condamnés à vivre dans l’eau, incapables de se déplacer sur la terre ferme sans être écrasés sous leur poids ? Un faisceau d’indices montre au contraire qu’ils étaient bien adaptés au milieu terrestre. Il a fallu attendre les années 1970 et les travaux du paléontologue américain Robert Bakker pour que la biologie comparée révèle leurs aptitudes réelles.
Manifestement aptes à exploiter les niches écologiques des mégaherbivores de leur temps, les sauropodes étaient construits pour s’y déplacer activement, et non pour s’y traîner péniblement. Leurs énormes pattes verticales soutenaient leur corps nettement au-dessus du sol. Robustes et larges, leurs humérus et fémurs pouvaient supporter des efforts autrement plus importants que le simple poids de leur propriétaire.
C’est donc plutôt à la locomotion efficace des éléphants qu’à celle, difficile, des crocodiles à terre qu’il faut comparer la locomotion des sauropodes. Comme ces anciens herbivores géants, les éléphants ont des membres verticaux, qui supportent un poids de plusieurs tonnes. Cela n’empêche nullement les éléphants de se déplacer assez vite (25 kilomètres par heure), même s’ils ne galopent pas, et de se dresser sur leurs pattes arrière pour atteindre un rameau tendre ou pour s’accoupler... Les sauropodes faisaient-ils de même ?
Les nombreuses pistes de sauropodes découvertes sont des indices précieux sur leur locomotion. Au sein d’un même gisement du Jurassique moyen de l’Oxfordshire, en Grande-Bretagne, on a relevé des pistes à voie étroite où les traces de « pieds » et de « mains » sont proches de l’axe du corps, et, à l’inverse, des pistes à voie large. Ces pistes révèlent une différence de posture au sein des sauropodes, entre les diplodocidés (famille du Jurassique supérieur d’Amérique du Nord et d’Afrique), par exemple, et des formes plus évoluées comme les titanosaures (un groupe cosmopolite au Crétacé) dont les pattes étaient plus écartées.
Les pistes montrent aussi que les sauropodes ne laissaient pas traîner leur longue queue (comptant parfois plus de 80 vertèbres), ce qui contredit les anciennes reconstitutions. Le célèbre squelette de Diplodocus qui trône depuis 1908 dans la galerie de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle à Paris a par exemple été monté avec la queue par terre...
En fait, l’articulation des vertèbres caudales indique que les sauropodes maintenaient leur queue à l’horizontale, pour contrebalancer le cou. Cette posture érigée et la queue à l’horizontale impliquent une locomotion plus consommatrice d’énergie que celle des crocodiles, lézards et autres reptiles, dont les membres restent en position latérale et qui traînent leur queue. Pourquoi l’adopter, sinon pour rendre possibles agilité, vitesse et endurance ?
Une grande taille constituait-elle une meilleure défense face aux prédateurs ?
Il existe un autre argument en faveur de l’efficacité de la locomotion des sauropodes : ces géants pouvaient progresser sur des sols mous. L’équipe de Jean-Paul Billon-Bruyat a découvert des empreintes de pieds de plus de un mètre de diamètre à Courtedoux, dans un environnement proche de celui des Bahamas, mais daté du Jurassique supérieur.
Quels avantages sélectifs ont-ils favorisé, dans les environnements jurassiques et crétacés, les lignées de sauropodes de grande taille ? Une grande taille constituait-elle une meilleure défense face aux prédateurs, comme chez les éléphants actuels ?
On peut le penser, mais il n’existait pas a priori de prédateurs capables de s’attaquer à un sauropode adulte. En outre, les pistes de sauropodes montrent qu’ils pouvaient se déplacer en troupeaux, composés de différentes classes d’âge. Comme chez les éléphants, ce comportement grégaire devait protéger les plus jeunes contre les carnivores.
Enfin, l’extrémité de la longue queue de certains sauropodes, tel Diplodocus, servait peut-être de fouet.
Plus convaincante est l’affirmation selon laquelle un sauropode gagnait à être géant pour exploiter les ressources végétales des parties hautes des arbres, inaccessibles aux autres dinosaures herbivores (comme les stégosaures et les ornithopodes). Les sauropodes du Jurassique se nourrissaient dans des environnements dominés par des conifères et devaient avoir un régime alimentaire sélectif. Ils favorisaient la consommation de certains conifères (Araucaria), de ginkgoales (tel le Ginkgo), de certaines fougères (telle Angiopteris) et de prêles (Equisetum), dont les valeurs énergétiques étaient supérieures à celles des cycadales (de type Cycas), des fougères arborescentes et d’autres conifères.
Au Crétacé, les sauropodes ont pu encore diversifier leur nourriture avec l’apparition des plantes à fleurs, tels les magnolias, et goûter aux fruits. Si une partie considérable de la biomasse disponible pour les herbivores se trouvait en hauteur, la grande taille des sauropodes était un avantage crucial.
Comme c’est le cas à Loulle, de très nombreuses pistes de sauropodes ont été retrouvées à proximité d’anciens rivages marins. Se nourrissaient-ils de plantes situées près du rivage, voire d’algues, qui poussaient sur les parties plus élevées des terres émergées ? La question reste ouverte, mais la présence de très grands sauropodes dans ces milieux côtiers montre que les ressources végétales y étaient plus importantes que ne le suggèrent les rares fossiles de flore qui y ont été mis au jour. Pour se sustenter, un sauropode devait sélectionner, ingurgiter et broyer une quantité considérable de végétaux. Un éléphant passe l’essentiel de son temps à chercher sa nourriture ; chaque jour, il consomme environ 200 kilogrammes de végétaux, soit quatre pour cent de son poids, et boit environ 100 litres d’eau. Ces végétaux transitent le long de 40 mètres d’intestins où seulement la moitié de la nourriture est assimilée, un système bien moins efficace que celui des ruminants actuels (telle la vache).
Des pierres pour digérer
Les mâchoires des sauropodes leur servaient avant tout à saisir et à arracher des branchages et des feuillages. Leurs dents pouvaient être spatulées (en forme de cuiller), comme chez les camarasauridés et les brachiosauridés ou encore cylindriques, comme chez les diplodocidés et les titanosaures, mais il est évident qu’elles ne servaient pas à mâcher, contrairement aux dents des grands mammifères herbivores.
Comment digéraient-ils ? Les tissus mous n’étant pratiquement jamais fossilisés, nous ne connaissons pas le système digestif des sauropodes. Toutefois, des gastrolithes (pierres polies) trouvées au sein de la cage thoracique de certains squelettes (240 sur un Seismosaurus de la fin du Jurassique), suggèrent que les sauropodes avalaient des pierres pour faciliter leur digestion comme les pierres de gésier des oiseaux herbivores et granivores actuels.
Ainsi broyés, les végétaux fermentaient à l’intérieur de très longs intestins, à l’aide d’un cocktail de bactéries et de sucs gastriques. Le bol alimentaire fermentait donc lentement dans l’abdomen des sauropodes, dégageant de la chaleur et une grande quantité de gaz intestinaux. Or la fermentation est favorisée par la chaleur, et plus la masse qui fermente est importante, plus la chaleur produite est intense...
À ce propos, le grand corps massif des sauropodes les faisait bénéficier de l’homéothermie de masse, une déperdition de chaleur moins importante due au faible rapport entre la surface du corps et son volume. Pour le diplodocidé Apatosaurus (jusqu’à 30 tonnes), on a pu montrer que la température passe de 25 °C pour un bébé de 12 kilogrammes à environ 41°C pour un adulte de 13 000 kilogrammes.
Avec leur aptitude à conserver la chaleur corporelle, les sauropodes devaient être insensibles aux variations de la température journalière, voire en surchauffe. Ainsi se dégage l’impression que, pour exploiter au mieux les ressources végétales de leur environnement, les sauropodes sont devenus de grandes « cuves à fermentation » sur pattes, alimentées en permanence par un « robot maniable » (leur long cou) portant un "outil de découpe" (leurs mâchoires aux dents coupantes), un système qui gagnait en efficacité en grossissant.
Les tailles gigantesques des sauropodes posent des problèmes biologiques et biomécaniques ardus.
Quel était leur mode de croissance ? Comment supportaient-ils leur poids ? Il apparaît que les dinosaures et les ptérosaures (leurs cousins volants) formaient principalement de l’os de type "fibrolamellaire" le type de tissu osseux que développent les mammifères et les oiseaux, reflet d’une vitesse de croissance élevée. Comme le montre la coupe ci-dessous, le tissu osseux est très riche en canaux vasculaires et présente des cernesde croissance (flèches), indiquant une croissance rapide.
Le sauropode Apatosaurus aurait atteint sa taille adulte en huit à dix ans, ce qui correspond à une prise de masse d’environ 5,5 tonnes par an ! Toutefois, une croissance et une prise de poids rapides posent le problème de la résistance des os, qui soutiennent le corps. Le volume et donc son poids d’un corps en croissance augmentent comme le cube de sa taille. En théorie, le poids d’un sauropode atteignant cinq mètres de haut était 1000 fois plus important que celui du même animal quand il ne mesurait que 50 centimètres. Et chaque centimètre carré de section du fémur d’un sauropode de cinq mètres de haut devait supporter dix fois plus de pression qu’un centimètre carré du même fémur quand l’animal mesurait seulement 0,5 mètre de haut.
Le squelette des sauropodes, bien ancré sur des membres massifs et des ceintures scapulaires (les épaules) et pelvienne (le bassin) robustes, présentait-il des allégements ? Un exemple est donné par leur long cou, constitué de vertèbres pourvues d’un système complexe de cavités. Dès les premières découvertes de squelettes de sauropodes, les paléontologues ont pensé qu’elles avaient évolué pour alléger la longue colonne vertébrale. Bien que les vertèbres des sauropodes soient massives, leurs structures sont comparables à celles des oiseaux en ceci qu’elles sont pleines d’air en connexion avec les sacs aériens et les poumons.
Pour autant, l’allégement de la colonne vertébrale et ce système respiratoire de type avien étaient-ils propres aux sauropodes ? Non, on les rencontre aussi chez les prosauropodes (dinosaures herbivores du Trias et du Jurassique inférieur, apparentés aux sauropodes), les théropodes et les ptérosaures ; mais ils sont absents chez les autres reptiles.
Le long cou des sauropodes
Le cou des sauropodes avait donc des vertèbres allégées, mais il était aussi démesuré, si long qu’il en paraît aberrant, jusqu’à quatre fois la longueur du tronc.
Comment les sauropodes ont-ils développé de si longs cous ? Comment la circulation du sang contrait les effets de la gravité pour irriguer le cerveau ? Ce cou était-il flexible ?
Nous avons vu que ce long cou leur était nécessaire pour « ratisser » efficacement leur environnement. Étant donné la longueur, la posture et la souplesse de leurs cous, on déduit les caractéristiques principales des niches écologiques qu’occupaient les sauropodes. On a pu démontrer que le cou de Brachiosaurus aurait été quasiment à l’horizontale. La grande taille de Brachiosaurus et ses membres antérieurs, plus longs que les postérieurs, lui permettaient de saisir des branches situées à plus de six mètres de haut. L’articulation des vertèbres cervicales de Diplodocus montre que son très long cou était peu flexible vers le haut ; en revanche, il pouvait aisément le baisser pour manger à même le sol. Ainsi, Diplodocus pouvait saisir des feuillages à quatre mètres de haut, mais aussi brouter des fougères et des prêles, avec l’élégance d’un bovin.
Le cou des sauropodes s’est allongé au fil du temps en empruntant deux voies : un allongement de la longueur des vertèbres cervicales (atteignant parfois plus d’un mètre) ou une augmentation de leur nombre (jusqu’à 19) par conversion de vertèbres dorsales en cervicales, voire les deux simultanément. Le très long cou de Brachiosaurus, par exemple, résulte d’un allongement de ses cervicales (13 vertèbres dont certaines atteignent 75 centimètres).
À l’extrémité du cou des sauropodes se trouvait un crâne minuscule, en proportion avec le corps : 70 centimètres de long pour un Diplodocus de 26 mètres ! Les mâchoires des sauropodes ne servant pas à mastiquer, mais seulement à la prise de nourriture, leur crâne a pu rester petit, prérequis nécessaire au développement d’un long cou. De fait, les sauropodes avaient le plus faible quotient d’encéphalisation de tous les dinosaures, c’est-à-dire le plus faible rapport masse cérébrale/masse corporelle.
Le quotient d’encéphalisation et l’anatomie des sauropodes posent la question de l’irrigation d’un cerveau situé à l’extrémité d’un si long cou. Afin de contrer les effets de la gravité étant donné leur anatomie, les sauropodes ont dû, comme la girafe, développer une pompe cardiaque puissante et des vaisseaux sanguins renforcés et équipés de valves de sécurité. La pression artérielle de Brachiosaurus, dont la tête s’élevait jusqu’à 12 mètres au-dessus du sol et à huit mètres au-dessus de son cœur, devait ainsi être très élevée. On a estimé la différence de pression entre sa tête et son cœur à 600 millimètres de mercure !
Des quadrupèdes herbivores gigantesques plus proches des oiseaux que des reptiles
Les puissants muscles nécessaires pour animer un énorme corps suggèrent que le métabolisme des sauropodes était élevé, pareil à celui des animaux homéothermes (à température constante) et endothermes (production de chaleur interne), que l’on rencontre chez les mammifères et les oiseaux. Une étude géochimique a pu établir que les dinosaures avaient une physiologie thermique plus proche de celle des mammifères que de celle des reptiles contemporains.
Ainsi, les plus grands vertébrés terrestres ayant jamais vécu, les sauropodes, étaient des quadrupèdes herbivores dynamiques, construits pour optimiser leur quête de nourriture et leur digestion. Leur biologie, caractérisée par un métabolisme élevé, était bien plus proche de celle des oiseaux et des mammifères que de celle des autres reptiles. Ce résultat est conforté par la classification des espèces puisque, sur la branche des dinosaures, les sauropodes sont proches des théropodes, dont descendent les oiseaux.
Succès évolutif des Sauropodes
(Pour la Science mars 2013)
Pour zoomer, cliquer sur le cliché
• BIBLIOGRAPHIE
J.-P. Billon-Bruyat, D. Marty et D. Becker, Les sauropodes, géants agiles, Pour la Science, n° 374, décembre 2008.
J. Horner, K. Padian et A. de Ricqlès, Dinosaures : les secrets de leur taille, Pour la Science, n° 334, août 2005.
J. Hummel et ., In vitro digestibility of fern and gymnosperm foliage : implications for sauropod feeding ecology and diet sélection, Proceedings of the Royal Society B, vol.275, pp. 1015-1021, 2008.
D. Marty et al., Late Jurassic dinosaur tracksites of the Transjurane highway (Canton Jura, Switzerland) : overview and measures for their protection and valorisation, Bulletin for Applied Geology, vol. 12, pp. 75-89. 2007.
D. Schwarz et G. Fritsch, Pneumatic structures in the cervical vertebrae of the Late Jurassic Tendaguru sauropods Brachiosaurus brancai and Dicraeosaurus , Ecologae Geologicae Helvetiae, vol. 99, pp.65-78, 2006.
A. Bénéteau : http://www.paleospot.com
http://www.lejurassique.com/lejurassique/fr/paleomania.html
Vifs remerciements à Jean-Paul BILLON-BRUYAT, Daniel MARTY et Damien BECKER qui m’ont autorisé à reproduire de longs passages du texte de leur article dans "Pour la Science" de décembre 2008.
Jean-Paul BILLON-BRUYAT, Daniel MARTY et Damien BECKER sont paléontologues à la Section d’archéologie et paléontologie du Canton du Jura, en Suisse.
2 commentaires
Bonjour,
Ingénieur au CEA en mécanique des structures. Je voudrais intervenir sur l'épineuse question posée par la taille des grands dinosaures de l'ère du secondaire.
Ces grands dinosaures ont existé. C'est indéniable. Mais imaginons un instant qu'un animal de 60 ou de 80 tonnes revienne aujourd'hui sur terre. Il ne pourrait pas vivre car il ne pourrait pas se lever, se déplacer. La force développée par ses muscles serait insuffisante pour vaincre les forces de gravité que nous connaissons aujourd'hui. C'est physiquement impossible et cela est aussi certain que l'existence des fossiles de ces grands animaux que l'on peut admirer dans les musées. Il y a une incompatibilité mécanique entre la taille et le poids de ces géants avec la valeur du champ de gravitation terrestre à la surface de terre (g = 9.81 m/s2).
Aujourd'hui le plus grand animal terrestre, l'éléphant atteint une masse d'environ 8 tonnes. Il représente la limite en taille et en poids de ce que la nature permet. De la même façon, les plus grands oiseaux volants sur terre ont aujourd'hui une masse d'une dizaine de kg, alors qu'à l'ère secondaire des animaux d'une centaine de kilogrammes volaient. On retrouve encore ce facteur de l'ordre de 10 sur la masse (et d'un peu plus de 2 sur la taille) entre les plus grands animaux de cette époque et ceux de maintenant, qu'ils soient terrestres ou pas.
Si je fais un petit calcul rapide pour que ces grands animaux puissent évoluer comme ils le faisaient, il faut tout simplement que la gravité terrestre soit, à leur époque, deux fois plus faible que ce qu'elle est aujourd'hui. Je vous entends déjà pestiférer que ce que je raconte est absurde. La gravité sur cette bonne vieille terre ne peut pas varier. Pour cela il faut que la masse varie où que son rayon change ou les deux.
Y a t'il eu à la fin l'ère secondaire des évenements catastrophiques d'une telle ampleur pour que l'une ou l'autre de ces données aient, à ce point, changé. La météorite qui nous a percuté, il y a 65 millions d'années, n'avait pas de masse significative sinon elle aurait pulvérisée la terre entière. Mais peut être en pénétrant profondément dans le magma a t-elle déréglé la chaufferie nucléaire (par fission) qui, d'après certains articles, serait à l'origine de l'énergie interne qui permet au noyau et au magma de rester chaud depuis plus de quatre milliards d'années. En provoquant un refroidissement généralisé, ne peut on pas envisager l'hypothèse d'une réduction significative du rayon de la terre. En même temps que nous observons la dérive des continents pourquoi ne pas envisager l'effondrement et la lente contraction de la terre sur elle même. Sans doute cette théorie totalement improvisée ne tient pas la route une seconde mais alors, expliquez moi comment un animal de quatre vingt tonnes faisait pour faire jadis ce qu'un animal de 8 tonnes a du mal à faire aujourd'hui.
Thégra le 30 janvier 2010
Alain ROUQUAND
Bonjour,
Vous avez raison. À la suite de travaux récents, la masse des grands dinosaures a été revue à la baisse.
En utilisant une technologie laser, l'équipe de Bill Sellers de l’Université de Manchester a étudié la quantité de peau nécessaire pour couvrir et envelopper les squelettes des mammifères comme le bison, le taureau, le chameau, l'éléphant, la girafe, le cheval, le rhinocéros ou encore l'ours polaire. Les chercheurs ont ainsi pu établir un rapport entre le volume d'enveloppement (peau et os) et la masse corporelle de l'animal, qui serait de 21%.
Une fois ces premières étapes complétées, ils ont appliqué leur modèle mathématique au plus grand squelette de dinosaure au monde, le Brachiosaurus brancai du Musée d'histoire naturelle de Berlin. C'est cette étude qui leur a permis de conclure à un poids bien "moindre" que ce qui avait été évalué jusqu'ici. Cette nouvelle méthode est complètement objective, a assuré à l'AFP Bill Sellers soulignant que la masse corporelle est un paramètre très important pour les biologistes. Le pois du Brachiosaurus brancai a été déterminé par les scientifiques à 23 tonnes, alors qu'il était estimé à 80 tonnes depuis les années 1960. Le détail des travaux complets a été publié dans les Biology Letters de la Royal Society.
« Notre méthode fournit une mesure beaucoup plus précise et montre que les dinosaures sont moins massifs qu'on ne le pensait » a déclaré Bill Sellers à The Telegraph. « L’une des choses les plus importantes pour les paléobiologistes est de connaître la masse des animaux fossilisés. C’est étonnamment difficile » ajoute-t-il..
Mais le brachiosaure n'est pas le seul dinosaure qui pourrait voir son poids diminuer avec cette nouvelle méthode "robuste". "Nos résultats suggèrent que de nombreuses estimations précédentes (pour tous les dinosaures) sont vraiment trop lourdes", a ainsi déclaré le Pr Sellers. Pour de nombreux dinosaures, l'écart ne serait pas aussi important que pour le brachiosaure, mais ce sont vraisemblablement "les estimations les plus légères" qui sont correctes, a t-il souligné.
Heinrich Mallison, paléontologue au Musée de Berlin, a salué ces travaux qui sont selon lui révolutionnaires : c'est une « excellente approche » a t-il déclaré. « Non pas l’estimation des tissus mous, mais d’avoir trouvé combien un modèle osseux peut sous-estimer la masse de l'animal tout entier ».
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