Les pistes de dinosaures de Loulle (Jura)
07/09/2013
Les pistes de dinosaures
de Loulle (Jura)
par André Guyard
(dernière mise à jour : 3 août 2014)
Belle empreinte de patte de sauropode
Dimanche 22 juin 2008 : Pierre Hantzpergue accueille des membres de la Société d'Histoire Naturelle du Doubs (SHND) dans la carrière où furent découvertes en 2006 les empreintes de dinosaures, sauropodes, par Jean-François Richard, géologue amateur ayant précédemment observé ce type de traces sur le site de Coisia. [1]
La campagne de fouilles a débuté durant l’été pluvieux de 2007. 1500 empreintes furent ainsi relevées correspondant au passage de différents individus, à plusieurs reprises, il y a 155 millions d’années lors de l’Oxfordien terminal (Jurassique supérieur).
Voir également le reportage de France-3 Franche-Comté consacré en partie au site de Loulle.
Ainsi, ces trois gisements d’âge différents sont l’indice d’émersions temporaires et cycliques de l’ensemble de la région jurassienne durant le Jurassique supérieur.
Hormis ces niveaux à pistes de dinosaures, il convient de mentionner la découverte en 1923 à Damparis (Jura) d’un squelette de sauropode et de fréquents ossements isolés à différents niveaux du Jurassique supérieur.
Ces témoins attestent de la proximité de terres émergées et de l’exondation épisodique de la plateforme jurassienne.
L’examen de la falaise bordant la route de Ney à Loulle permet d’analyser l’évolution des environnements aboutissant à la préservation de pistes de dinosaures.
- À la base, un récif avec empilement de lentilles coralliennes, correspond à une mer d’une trentaine de mètres de profondeur.
- Le toit du récif est tronqué par une surface de démantèlement. Il y a donc diminution de la tranche d’eau avec émersion progressive. On note la présence de galets, de niveaux à plantes terrestres…
- Puis des calcaires fins en bancs réguliers (faciès séquanien) suggèrent un milieu lagunaire en arrière du récif.
- Au sommet, ce sont des calcaires à coprolithes de crustacés et d’éléments bioclastiques, disposés en minces bancs biseautés (chenaux de marée), correspondant à des dépôts de plage. Ce faciès évolue vers des calcaires laminés, à rides de courants, fentes de dessiccation, voile micro-bactérien et pistes de sauropodes indiquant un milieu supratidal.
L’étude de ces traces fait appel à différentes techniques :
- éclairage rasant en période nocturne,
- biométrie des empreintes,
- relevé lasérométrique,
- photographie à la verticale par un drone.
En conclusion, l’étude des pistes de dinosaures apporte de nombreux renseignements sur la biologie, la locomotion et le comportement de ces animaux.
L’avenir du site : Les recherches actuelles qui reprendront durant l’été 2008 sont financées par la Région de Franche-Comté, le Département du Jura, la Communauté de communes et la Commune de Loulle, ainsi que par différents sponsors. Il est souhaité que la valorisation de ce site exceptionnel s’intègre dans un réseau jurassien géologique et paléontologique.
Les tableaux didactiques de cet article ont été empruntés à l’exposition "Paléomania" qui parcourt l’Arc jurassien, de Courtedoux à Arinthod, en passant par Pontarlier.
Membres du conseil scientifique régional de protection de la nature, Michel Campy, professeur émérite à l'Université de Bourgogne et Vincent Bichet, maître de conférence en géologie à l'université de Franche-Comté sont chargés par le ministère de l'Environnement et de la Dreal de Franche-Comté de dresser l'inventaire des sites géologiques à préserver dans la région. Les deux experts se mobilisent pour éviter la disparition de ce site de dimension internationale qu'ils ont classé en dixième position et lancent un cri d'alarme (Le Progrès du 28/04/2012, article repris par l'Est Républicain du 29/04/2012).
« Il faut désormais agir à très court terme, avant le prochain hiver. Sinon, ce ne sera même plus la peine de chercher à le valoriser, nous en aurons perdu la moitié ».
Pour éviter une catastrophe irréparable, les deux géologues préconisent deux alternatives.
- La première : la fermeture du site et la mise en place d'une couverture synthétique de géotextile qui protégerait des agressions du climat ou des visiteurs.
- La seconde : le remblayage du site. « Cela peut ressembler à une provocation que de dire qu'il faut le recouvrir. Mais cela laissera le temps de la réflexion. Ce n'est pas irréversible. Il sera inaccessible momentanément. Les Suisses l'ont fait lors de la construction de leur autoroute. »
En 2009, après la découverte du site de Plagne, dans l'Ain, les scientifiques ont quitté Loulle pour se consacrer à l'étude de ce nouveau site. De sorte que le projet de valorisation de Loulle était en cours, il souffre désormais d'une certaine concurrence. Et Loulle est, dans les faits, quasiment abandonné. »
Des études menées, entre autres par les services de l'État et le conseil général du Jura sont en cours pour réaliser un aménagement. Une réflexion menée depuis 2008. « Mais, concrètement, il ne se passe rien. Il y a juste un panneau pour expliquer aux gens ce qu'ils voient et leur dire de faire attention. Le site n'a ni protection physique ni juridique. Si la réflexion sur l'aménagement touristique doit prendre des années, il faut agir. Les collectivités ont engagé des fouilles, maintenant, il est de leur responsabilité de le protéger. »
Sources : exposé de Pierre Hantzpergue lors de la visite du site, le 22 juin 2008.
[1] Pierre Hantzpergue, Professeur à l’Université Claude Bernard (Lyon 1) est chargé, avec Jean-Michel Mazin (Directeur de recherche, UMR 5125 CNRS) de l’étude des traces de dinosaures des différents sites du Jura.
L'avenir incertain des empreintes de dinosaures de Loulle (ajout de septembre 2013)
Dix ans après leur découverte, que deviennent ces 1500 empreintes ? Le site est ouvert aux quatre vents. Les empreintes ne sont pas encore protégées. Et Jean-François Richard, le découvreur se désole. "Devant nous, des traces qui ont 155 millions d'années. Livrées à elles-mêmes et dégradées par les visiteurs et les intempéries, les empreintes s'abîment. Rien n'est fait pour les protéger." Seuls les travaux des scientifiques ont permis d'édifier des reconstitutions en 3D.
Des solutions existent mais elles ont un coût. Michel Campy, professeur émérite à l'université de Bourgogne suggère l'édification d'un toit de protection, un simple hangar, pour stopper l'effet de l'érosion pluviale et les phénomènes de gel-dégel et permettre alors une mise en valeur du site, une construction dont le coût est estimé à un million et demi d'euros.
D'après le maire de Loulle, les finances de la petite commune et de ses 170 habitants sont nettement insuffisantes pour envisager une telle proposition.
Le Conseil général du Jura devrait trancher d'ici l'automne. Le site serait alors recouvert de sable pour masquer les empreintes, ne laissant qu'une zone libre d'accès : une option à 150 000 euros qui ne satisfait pas le découvreur, comme si les dinosaures allaient disparaître une seconde fois.
Le site enfin protégé. Voir l'article de France 3 Franche-Comté.
Est Républicain du 4 août 2014 — Menace sur le « Jurassique Parc : le site des empreintes de dinosaures de Loulle, près de Champagnole, se dégrade dangereusement.
Lons-le-Saunier. Les travaux d'enfouissement d'une partie du site ouvert de Loulle, au sud-est de Champagnole, ont été réalisés au printemps. Le but de cet investissement du conseil général du Jura est de préserver des empreintes de dinosaures découvertes il y a dix ans par Jean-François Richard. Or, depuis plusieurs jours, le découvreur a pu constater des coulées d'un jus noirâtre et particulièrement nauséabond. « II s'agit d'un jus issu de la fermentation des écorces de pin, utilisées dans le procédé de protection des traces », explique-t-il, inquiet. Trois zones d'écoulement ont été repérées. « Elles correspondent aux trois échancrures qui ont été réalisées pour évacuer l'eau, à l'époque des fouilles en 2004 », précise-t-il.
Un site unique
Il y a un an, la décision était prise par le conseil général de préserver une partie du site. Les échanges avaient été assez vifs entre les paléontologues et les élus. Les scientifiques se prononçaient pour un enfouissement total du site, « afin que les futures générations profitent de ce patrimoine ». Les élus, plus pragmatiques, souhaitaient que, justement, ce patrimoine soit visible par leurs contemporains. Ils argumentaient en rappelant que « bien d'autres empreintes se trouvent sur le site, encore protégées par les strates de calcaire et de roches ».
Une petite voix se faisait entendre proposant une alternative. « Je pensais qu'il était plus intéressant de construire un bâtiment qui aurait l'avantage de protéger les empreintes tout en permettant aux visiteurs d'en profiter », prêche Jean-François Richard. Jugé trop coûteux, surtout en termes de fonctionnement, ce projet ne devait pas voir le jour.
En arbitre à l'écoute des uns et des autres, sans doute aussi sans perdre de vue l'atout touristique que représente ce site unique, « le plus ancien au monde », le département engageait des travaux d'enfouissement partiel, Les espaces retenus étaient recouverts d'un textile, de 70 cm d'écorce de pin et de 30 centimètres de sable concassé. Bon an, mal an, les parties acceptaient le compromis.
« Jus infâme »
Seulementvoilà, deuxmois après la fin des travaux, des effets de nuisance apparaissent. « Ce jus est infâme. Outre son odeur insupportable, il produit aussi des sels lorsqu'il sèche. Ces sels attaquent la couche et donc menacent les empreintes », insiste le découvreur. Un passionné qui verrait d'un mauvais œil cette nouvelle et dramatique fin des dinosaures, du moins de leurs inestimables traces.
Danièle Brulebois, conseillère générale, suit le dossier depuis le début : « Concernant les piétinements, nous mettrons en place un cheminement pour éviter que les visiteurs marchent sur les empreintes. Elles seront également repeintes avec une peinture protectrice. Pour ce qui est des panneaux d'explication, ils sont en voie de réalisation. » Quant aux jus nauséabonds, le Département se penche actuellement sur le problème.
Philippe GALLAND
9 commentaires
J.F. Richard est notre CPE :)
Eh bien Leslie, vous pouvez féliciter votre CPE pour sa pertinence et sa compétence de naturaliste averti
Merci de corriger : il y a désormais plusieus pistes de théropodes dont une d'allosaure semble-t-il
Merci
JF R
Au cours d'un déplacement récent vers les Alpes (j'habite près de Brest), j'ai amené mes petits enfants découvrir les pistes de dinosaures de Coisia.
Nous sommes ensuite allé à pied vers le bourg, observer la petite plaque de boue pétrifiée à quelques centaines de mètre plus au nord. Puis nous sommes revenus en longeant le bord gauche de la route. En face du 5ème poteau télégraphique, du côté gauche de la route en remontant, au bord de la chaussée, j'ai remarqué un rocher curieusement creusé d'encoches qui m'a rappelé les polissoirs de pierre qu'on rencontre ici et là. Peut-être s'agit-il seulement d'un autre phénomène géologique.
Qu'en pensez-vous ? Je vous remercie de votre attention
JJ Le Lez
Bonjour,
Merci de votre commentaire. J'ai corrigé la phrase en question pour tenir compte de votre remarque.
Si vous avez de plus amples détails à me fournir, de façon à actualiser cette note et à la compléter par d'autres découvertes plus récentes, n'hésitez pas à me les communiquer.
Merci d'avance.
André Guyard
C'est la classe. Et que donne le site maintenant ?
Bonjour,
Je ne suis pas retourné sur les lieux depuis la publication de l'article. Mais vous trouverez sur le site "juramusées" quelques images des différentes traces qui ont été découvertes depuis.
http://www.juramusees.fr/1/musee/musees/histoire_naturelle/-b9eaca2121.html
Pour répondre à votre question : le site est à l'abandon complet et se dégrade très vite. Chacun de nos responsables "politiques" , à différents niveaux , tous rencontrés , se renvoient TOUS la balle , n'ayant visiblement pas compris tous les intérêts de ce site et n'assumant pas leurs responsabilités et leurs obligations vis-à-vis d'un site exceptionnel , unique et non renouvelable .La seule solution que l'on m'a évoquée : enterrer le site ! Pour "enterrer l'affaire" , il n'y a pas mieux !!!!!!!!!! C'est écoeurant .Tous les gens que je rencontre , notamment des spécialistes français , suisses , italiens et belges ne comprennent pas . Nous passons vraiment pour des incultes !
bonjour,
on a fait la boucle n°30 qui part de la cave et plus haut ( +/- 500 mètres ) il y a d'autres empreintes dans les bois
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