La chapelle médiévale Saint-Gengoul dans la forêt de Chailluz
15/07/2015
Une chapelle et un village médiéval dans la forêt de Chailluz
par André Guyard
Texte et figures d’après Fruchart Catherine, « Analyse spatiale et temporelle des paysages de la forêt de Chailluz (Besançon, Doubs) de l’Antiquité à nos jours ». Thèse de Doctorat en Archéologie, Université de Franche-Comté, 2014
À l'époque médiévale, on défrichait beaucoup. Dans la forêt de Chailluz, des zones qui étaient peuplées sont aujourd'hui couvertes par les bois. En reprenant ses droits, la forêt a recouvert les constructions, les réduisant le plus souvent à l'état de ruines et rendant ces sites difficiles à localiser.
De sorte que les données archéologiques enregistrées jusqu'en 2009 pour le massif de Chailluz, sont rares : on compte une trentaine de points, dont deux seulement sont situés dans la forêt même.
Ces points représentent les entités ou sites archéologiques suivants : 10 bornes de délimitation territoriale (points verts : 5 bornes attribuées au XVIIIe siècle, 5 non datées), 11 objets isolés (points jaunes : 5 objets antiques, 2 médiévaux et 4 modernes), 7 fours à chaux (points gris foncé : estimés médiévaux ou modernes), 1 carrière d'argile non datée (point gris clair), 4 occupations hypothétiques (points rouges : 2 antiques, 1 médiévale, 1 de période indéterminée) et deux occupations certaines (points rouges cerclés de noir). Ces dernières sont situées dans la forêt de Chailluz même.
À l'exception de la Chapelle Saint-Gengoul documentée historiquement et sommairement fouillée au début des années 1960, tous les points enregistrés et listés ci-dessus résultent d'observations faites au cours de prospections pédestres.
La chapelle médiévale Saint-Gengoul est mentionnée dès 1049, et c’est le seul édifice médiéval attesté en forêt de Chailluz. Bien que située sur le territoire de Besançon, elle dessert la paroisse de Tallenay jusqu’au XVIIe siècle.
En plus des prospections archéologiques au sol et géophysiques, des relevés floristiques, des analyses physicochimiques du sol, des études anthracologiques de charbonnières et des recherches historiques, pour compléter les connaissances sur cette chapelle, des fouilles archéologiques ont été réalisées au printemps 2015 dans le cadre du programme ODIT et avec le soutien du Service municipal d’Archéologie préventive (SMAP, Besançon).
Les recherches historiques et archéologiques (fouilles, prospections) indiquent que ce site a certainement été occupé pendant plus de six siècles. L’analyse des données LiDAR a révélé des aménagements sur environ un hectare autour de la chapelle formant un arc de cercle adossé à la crête et composé d’une succession de terrasses à l’intérieur desquelles des cloisonnements sont matérialisés par des talus en pierres sèches ou des épaulements, suivant la configuration du relief naturel. Les fouilles menées en avril 2015 ont notamment permis de découvrir la dernière entrée de la chapelle sur son côté nord, implantée face au village de Tallenay. Cette entrée, qui était inconnue jusqu’à présent, figure bien sur un plan du début du XVIIIe siècle conservé aux Archives municipales de Besançon et représentant une vue (non géométrique) en élévation du paysage et de l’occupation du sol au nord du massif de Chailluz.
Un texte indique la destruction partielle de la chapelle en 1722, mais les murs ont été conservés en élévation sur plusieurs assises de pierres.
Mais qu'est-ce que le Lidar ? Il s'agit d'une nouvelle technique qui va révolutionner les recherches archéologiques notamment en milieu forestier. Les photos aériennes ou satellitaires ne donnent aucune information sur le relief du sous-bois. En revanche, la télédétection par laser aéroporté (light detection and ranging ou LiDAR) permet une cartographie détaillée et fait ressortir toutes les zones potentiellement intéressantes. C'est cette technique qui a été choisie par les archéologues francs-comtois.
En quelques mots, pour obtenir une scène LiDAR, un avion survole la zone à étudier en balayant le sol avec des faisceaux laser. Ceux-ci sont absorbés ou partiellement renvoyés par les différentes surfaces qu'ils rencontrent : feuilles, branches, pierres, sol, etc. Chaque point d'impact des faisceaux laser est localisé. On utilise ensuite des algorithmes mathématiques pour associer les points ainsi obtenus et reconstituer une image très précise du relief du sol que l'on appelle un modèle numérique de terrain. “Ces images ne signifient rien si on n'y associe pas des prospections systématiques de terrain” souligne Laure Nuninger, coresponsable du projet LiDAR pour l'étude des paysages passés et contemporains (LIEPPEC) de la MSHE. Elle explique : ”Le LiDAR ne distingue pas les anomalies d'ordre naturel, comme les terriers ou les tas de sable, des aménagements liés à l'homme, pas plus qu'il ne différencie une installation récente d'un site archéologique”.
Cette prospection dans les archives locales, sur le terrain et par LiDAR a fait l'objet de la thèse de Catherine Fruchart, une thèse de doctorat en archéologie, soutenue en novembre 2014 à l'université de Franche-Comté[1].
Situation topographique de la Chapelle Saint-Gengoul
Du point de vue topographique, la chapelle Saint-Gengoul est implantée en surplomb de Tallenay dans une position centrale dans la partie basse d'une sorte d'anse naturelle dont les contours sont dessinés par la crête de Chailluz.
Implanté à environ 487 m d'altitude, l'édifice est légèrement en contrebas du point le plus haut de l'anse (489 m d'altitude), à quelques dizaines de mètres plus au sud-ouest. Cette zone d'altitude maximale est marquée par un très gros pierrier, aménagé juste au bord de la crête. Ce dernier, recoupé par le chemin de crête actuel, marque presque la limite ouest de la zone hémi-circulaire de terrasses : il est situé à quelques mètres à peine à l'intérieur de ce périmètre.
Images LiDAR (SIG et DAO C. Fruchart 2014 — MSE C.-N. Ledoux)
On connaissait déjà par des textes datant du XIIe siècle l'existence de cette chapelle. C'est la seule construction attestée pour la période médiévale sur l'ensemble du massif. Sa première mention date de 1049 (Courtieu, 1987, p. 3108) ; la chapelle est alors une dépendance du chapitre métropolitain de Besançon. La découverte de sépultures attribuées à la période burgonde[2] dans ses alentours à l'occasion de travaux de voirie vers 1875 (Boiteux, 1930) peut être l'indice d'une occupation antérieure au second Moyen Âge. Une archive de 1547 (Archives municipales de Besançon, cote DD 93, p. 82-83) permet d'établir que la chapelle est encore utilisée par les habitants de Tallenay au début du XVIe siècle. L'extrait suivant en témoigne : « II y a un petit essart ancien autour de l'église pour le cimetière. Il y a vingt ans[3] [...] il rencontra une femme et des enfants montant à l'église. [..] Ils feraient mieux d'en construire une en bas. »
En 1722, les habitants de Tallenay présentent une requête à « Messieurs du Chapitre Métropolitain pour obtenir la permission de démolir leur ancienne église dédiée à St-Gengouph. » Elle leur est accordée, « à condition que lesdits habitants laissent subsister la muraille de ladite église dans tout leur pourtour à la hauteur de 3 pieds. » Ceci afin que la présence de ces murs en bordure de la forêt prouve la limite incontestable de la forêt de Chailluz pour l'avenir[4].
De sorte que l'emplacement de la chapelle est peu apparent. En suivant les indications topographiques ci-dessus, le promeneur le repérera grâce à un crucifix qu'un quidam a fixé sur le tronc du hêtre ayant poussé dans l'enceinte de l'édifice.
Le crucifix sur le hêtre (cliché M. Hoeuillard)
Le patronage de Saint-Gengoul[7] , généralement associé à de petits établissements religieux médiévaux, n'est pas une rareté dans le nord-est de la France ; on le rencontre surtout en Lorraine, mais aussi en Alsace, en Bourgogne, en Champagne et en Franche-Comté. Les quelques monographies consacrées à ce saint (la plus ancienne date de la fin du Xe siècle, cf. Goullet, 2002) évoquent un aristocrate burgonde du VIIIe siècle qui aurait combattu aux côtés de Pépin le Bref et qui serait mort assassiné par l'amant de sa femme. Cet événement est certainement à l'origine du culte qui lui a été associé : il est le patron des maris trompés. On lui attribue aussi le don de faire surgir une source à l'endroit où il plante en terre son bâton de pèlerin, qui l'accompagne partout dans ses déplacements ; lorsque le saint quitte un lieu en emportant avec lui son bâton miraculeux, la source se tarit.
Apport des fouilles des années 1970
Du point de vue archéologique, l'on sait peu de choses sur la chapelle Saint-Gengoul. L'intérieur de l'édifice a été partiellement fouillé au début des années 1970 (zone en orange sur la figure a ci-dessous) ; il s'agit de la partie est du bâtiment Cette fouille n'a cependant fait l'objet à l'époque d'aucun rapport écrit, et seuls quelques plans et dessins de mobilier ont été transmis pour témoigner de cette opération ; ils sont actuellement conservés au SRA. Quelques informations nouvelles relatives à cette fouille ont néanmoins pu être collectées, grâce au cahier de notes original constitué au cours de la fouille, que le responsable de l'opération (Ch. Cousin) a conservé jusqu'à aujourd'hui et nous a communiqué pour la présente étude[8].
L'excavation a couvert une surface d'environ 15 m , une tranchée ouverte de mur à mur, à l'intérieur de la chapelle sur une largeur de 2 m. Le plan d'ensemble montre une construction subrectangulaire aux murs épais d'environ 80 cm ; la restitution de la presque totalité du mur nord, ainsi que celle d'une partie du mur ouest, sont hypothétiques : ces murs n'ont pas été observés en fouille (parties en gris sur la figure a ci-dessous). Les dimensions extérieures totales estimées du bâtiment sont : 13 m pour le mur nord, 9 m pour le mur est, 14 m pour le mur sud et 8,50 m pour le mur ouest. Le plan mentionne également remplacement de deux petites fouilles anciennes[9]; l'une est située dans la partie sud-ouest de l'édifice, large d'environ 1,50 m et longue de 7,50 m le long du mur sud et 3 m le long du mur ouest (zone en jaune sur la figure ci-dessous). L'autre, au sud-est de la chapelle, est une petite excavation large d'un mètre et longue de 3 m contre le mur est (zone en rouge sur la figure a ci-dessous).
La fouille des années 1970 a permis de découvrir un autel[10] en pierre accolé au mur est, au centre, et, à environ 50 cm au nord de cet autel, un petit bassin appelé "piscine eucharistique[11]" sur les plans originaux et dans le cahier de fouilles. Aucune description n'en est donnée- Cette entité a dû être déplacée au cours de la fouille ; la mention d'une monnaie trouvée sous le bassin en témoigne[12].
Une stratigraphie sommaire est esquissée dans le cahier de fouilles. Elle est reproduite, après mise au propre et mise en forme, sur la figure ci-dessus. Elle apporte les renseignements suivants :
L'unité stratigraphique supérieure (US 1) est une couche de remblai qui correspond sans doute à la phase d'abandon puis de démolition de l'édifïce. Cette couche épaisse d'un bon mètre contenait des fragments de matériaux architecturaux ("laves", fragments de tuiles plates et canal[13], fragments d'enduit peint avec des décors de couleur rouge et jaune sur fond blanc), du charbon de bois et du mobilier[14] (tessons, verre, vitrail, monnaies, cléments, clous). Le long des murs nord et est, une concentration particulièrement importante de fragments d'enduit peint (US 1b sur la figure b) traduit vraisemblablement l'effondrement in situ du décor appliqué sur la paroi intérieure du mur nord[15].
Sous la couche de remblai US 1, une couche de terre épaisse d'une dizaine de centimètres (US 2) recouvre le sol « en béton » de la chapelle, épais d'une dizaine de centimètres également (US 3). Ce sol est en connexion directe avec les murs de l'édifice[16].
Sous l'US 3, dans la partie sud de la fouille, sur toute la surface comprise entre le mur sud, le mur est et l'autel une couche de bois brûlé contient des morceaux de tuiles et quelques tessons (US 4). Cette fine couche, épaisse de 2 à 5 cm, qui signale probablement un incendie, est recoupée par l'autel, qui lui est donc postérieur et qui est aménagé directement sur le substrat rocheux en place (lapiaz). Dans la partie nord du sondage, entre le mur nord, le mur est et l'autel, l'US 3 repose directement sur la roche en place (lapiaz). Sous l'US 4, une fosse (US 5) mesurant, semble-t-il, 2 m sur 1,60 m et profonde d'au moins 30 cm occupe le coin sud-est de la chapelle. Cette fosse s'appuie sur les vestiges d'un ancien mur en "grosses pierres" situé sous le mur est de la chapelle encore en élévation. Elle contenait des ossements et quelques tessons ; il pourrait s'agir d'une fosse d'inhumation. La mention d'un "ancien mur" ainsi que la présence, sans doute, d'une couche d'incendie indiquent que cet édifice a subi au moins un remaniement substantiel au cours de son existence.
Une destruction partielle de la chapelle a été opérée en 1722, mais les murs ont été conservés en élévation sur plusieurs assises de pierres (voir cliché ci-dessous)
Le mur restitué de la chapelle (cliché P. Salembier)
Des travaux de stabilisation des assises de murs ont été réalisés en août 2015. Les deux premiers rangs de moellons du sommet des murs ont été retirés puis remontés avec un mortier de ciment-chaux. Les sommets des murs ont enfin été bétonnés afin de les rendre étanches.
Cette restauration assure la préservation et la mise en valeur de ce site, localisé sur le sentier des crêtes de la forêt de Chailluz et unique vestige construit de l’occupation médiévale de cet espace forestier.
Les murs restaurés de la chapelle angle nord
(cliché A. Guyard)
Les murs restaurés de la chapelle côté sud
(cliché A. Guyard)
Les murs restaurés de la chapelle côté nord-ouest
(cliché A. Guyard)
Apport des données LiDAR et des prospections récentes : découverte du village de Saint-Gengoul
Le relevé LiDAR a permis de mettre en évidence autour de la chapelle une zone aménagée hémi-circulaire longue d'environ 160 m et large au plus d'une soixantaine de mètres. Cette zone est appuyée contre la crête et forme une succession de terrasses en arc de cercle, à l'intérieur desquelles on observe des cloisonnements matérialisés par des talus en pierres sèches ou des épaulements, suivant la configuration du relief naturel. La chapelle se situe sensiblement en position centrale, surplombant les deux étages de terrasses inférieurs.
L'abondance de mobilier médiéval[17] découvert dans cet espace hémi-circulaire (céramique, objets en fer divers, monnaies ; figure ci-dessous) indique certainement la présence passée d'habitats autour de l'établissement religieux. Sur la terrasse inférieure, une dépression circulaire profonde d'environ 2 m, se rétrécissant légèrement en entonnoir au fur et à mesure qu'elle s'enfonce dans le sol, mesure environ 4 m de diamètre en surface ; le fond est un éboulis de pierres informes, possible remblai rapporté ou bien résultat d'un remplissage naturel dû à l'érosion. Cette dépression pourrait être soit un point de soutirage naturel, soit les vestiges d'une ancienne citerne creusée à même le substrat rocheux.
Mobilier médiéval découvert à proximité de la Chapelle Saint-Gengoul
Clichés et étude de mobilier D. Daval 2013
Ces ruines groupées autour des restes de la chapelle, des murs et des terrasses suggèrent l'existence d'un village entier formé de maisons en bois. Celui-ci aurait été occupé entre les VIIe et XIIIe siècle, comme en témoignent les céramiques retrouvées sur place. “Si ce village n'a jamais été repéré avant, c'est parce que pour le promeneur novice, rien ne distingue un mur construit il y a 1500 ans d'un simple tas de cailloux” explique Pierre Nouvel, chercheur au laboratoire Chrono-environnement et coresponsable du projet Anthropisation d’un milieu forestier : la forêt de Chailluz soutenu par la MSHE. C'est pourquoi les chercheurs travaillent en collaboration avec des archéologues bénévoles de l'ARESAC[18].
Les données Lidar ont permis d'expliquer la présence de nombreux tas de pierres provenant de l'épierrage de champs cultivés. La forêt ne s'est installée qu'après l'abandon du village et de ses cultures environnantes. La ressource en eau située au pied de la falaise dominant l'actuel village de Tallenay n'était pas très éloignée. On peut supposer que le village avait peut-être été protégé du côté sud par une palissade.
Un des nombreux pierriers entourant le village Saint-Gengoul
(cliché A. Guyard)
Ce travail de longue haleine permettra d'affiner, en collaboration avec les chercheurs slovènes du laboratoire européen associé ModeLTER[19], les algorithmes qui sélectionnent les données pour produire de meilleurs modèles.
En Bourgogne, en Languedoc et en Slovénie, des chantiers similaires ont été ouverts par les membres de cette même équipe. ”La comparaison des résultats obtenus dans chaque région nous permettra d'affiner nos méthodes et d'observer l'évolution du peuplement et du paysage dans la très longue durée” explique Laure Nuninger.
Les données obtenues grâce au LiDAR intéressent d'autres chercheurs de l'Université de Franche-Comté (UFC), comme les géographes et les géologues qui sont également impliqués dans le projet LIEPPEC.
À proximité de la chapelle Saint-Gengoul, le domaine royal était délimité par des bornes à fleurs de lys (Documentation : Grand Besançon n° 80 mars-avril 2017 p. 45)
Un texte de 1290 situe la limite topographique bien identifiable de la crête bordant le nord de la « Côte » de Chailluz[5]. Il indique que cette crête est la limite du territoire bisontin et de la forêt de Chailluz sur une longueur de 3,5 km au moins[6], jusqu'au « mostier de Talenay » qui correspond certainement à la zone de la chapelle Saint-Gengoul. C'est en 1720, sous Louis XV pour mettre fin aux querelles et procès entre Besançon et les communes riveraines de la forêt royale de Chailluz (Tallenay, Châtillon-le-Duc, École-Valentin), qu'ont été aménagés en limite parcellaire, un talus et des bornes royales. Sculptées de trois fleurs de lys en triangle, pesant 300 kg chacune, ces bornes ont été peu à peu retrouvées à la faveur de prospections archéologiques universitaires menées avec la MSHE (Maison des sciences de l'Homme et de l'Environnement). De telles bornes fleurdelysées (voir un exemplaire ci-dessous) furent posées à tous les angles de limites du domaine royal, implantées entièrement sur le terrain domanial, le parement extérieur formant limite de propriété, la fleur de lys tournée vers la propriété domaniale. Au total, sur environ 6,5 km, de Bonnay à École-Chatillon, une vingtaine de bornes a en effet été découverte, géolocalisée, mesurée et photographiée, faisant même l'objet d'un rapport scientifique déposé au service régional d'archéologie (auteurs Daniel Daval et Catherine Fruchart, 2014).
Borne fleurdelysée (cliché A. Guyard)
C'est sur sollicitation de la Ville de Besançon et de l'ONF que les chercheurs associés Daniel Daval et Catherine Fruchart, doctorante à la MSHE, ont réalisé l'inventaire des bornes royales en forêt de Chailluz, avec le concours de l'association ARESAC (Association de recherche et d'étude des sites archéologiques comtois). Le président d'ARESAC, Daniel Saval précise « Si cette réimplantation a pu avoir lieu, c'est aussi grâce à l'enthousiasme du particulier actuel propriétaire de la parcelle. Passionné, il a suivi dès le début notre travail de recherche, l'opération "Où sont les bornes disparues?". Il a autorisé la remise en place des neuf bornes et nous a même apporté son soutien financier pour toute la partie matérielle du bornage. Merci à lui ! »
Désormais ces bornes figurent sur la carte archéologique nationale. «Curieusement, aucune borne ne délimitait une très grande parcelle de forêt privée située sur la commune de Tallenay. Selon les renseignements d'un ancien du village, il est apparu que des bornes fleurdelisées avaient été négligemment retirées par l'ancien propriétaire » mentionne Daniel Daval. Il faudra à l'association mener pas mal de recherches pour retrouver neuf de ces bornes disparues.
Bien que la forêt soit aujourd'hui divisée entre plusieurs propriétaires privés — redistribution post-révolutionnaire oblige —, l'ARESAC a été autorisée à repositionner les bornes à leur emplacement d'origine, au Bois de la Lave à Tallenay. L'opération de remise en place des bornes s'est déroulée l'espace d'une journée de labeur, le 10 septembre 2016, avec l'aide d'un géomètre, de membres de l'association et d'une poignée de bénévoles.
CHAPELLE SAINT-GENGOUL — BORNAGE FLEURDELYSÉ : VERS LA CRÉATION D'UN SENTIER DE RANDO ?
Métrage rigoureux, transport mécanisé avec tracteur, pelleteuse, jeu d'échafaudage et de poulie, recollage de bornes cassées en deux, calage en pleine terre, et huile de coude bien sûr, ont rendu à ces vestiges de pierre, à défaut de leur pertinence administrative, leur absolue légitimité patrimoniale et paysagère. Aussi, l'ARESAC envisage-t-elle la création d'un chemin de randonnée thématique, de sorte que le grand public, amateurs de randonnées sylvestres ou simples promeneurs, puisse avoir le plaisir, au détour d'un sentier ou d'une clairière, de tomber sur ces fiers témoins du XVIIIe siècle.
[1] FRUCHART C. (2014). – Analyse spatiale et temporelle des paysages de la forêt de Chailluz (Besançon, Doubs) de l'Antiquité à nos jours. Thèse de doctorat Archéologie Université de Franche-Comté. 4 volumes. Texte : 647 p., annexes : 104 p., figures : 215 p., planches : 61 p.
[2] Une note parue dans le bulletin de 1875 des Mémoires de la société d'émulation du Doubs (p. Vin, Mémoires de la société d'émulation du Doubs, 4e série, vol. 10, 1875, paru en 1876) rapporte ceci : « De la part du colonel Balland, chef du génie de la place de Besançon, le secrétaire offre à la Société un coutelas et une boucle de ceinturon en fer, objets trouvés dans une sépulture de l'époque burgonde, située à l'intersection du chemin stratégique qui se construit à Chailluz et du vieux chemin descendant à Tallenay. Cette sépulture, encadrée par de petites dalles informes, n'était qu'à soixante centimètres au-dessous du sol. ». L'attribution à « l'époque burgonde » reste néanmoins à confirmer : aucune publication scientifique actuelle n'est venue valider (ou infirmer) la datation du mobilier qu'évoque cette note.
[3] Donc aux alentours de 1525.
[4] Ces informations sur la démolition de la chapelle Saint-Gengoul, établies à partir de recherches aux Archives municipales de Besançon, sont dues à J.-P.Josseron, agent ONF et correspondant pour l'ONF Franche-Comté sur les questions archéologiques et historiques.
[5] La limite du territoire de Besançon est formée par « totelicostedudit bois de Chaillous qui gieteea par devers Besençon ». Cette notion de limite coïncidant avec la direction dans laquelle découle l'eau se retrouve dansd'autres textes plus tardifs.
[6] Depuis le sommet de la côte dansl'alignement de Braillans jusqu'à la chapelle Saint-Gengoul.
[7] Il existe plusieurs variantes de ce patronyme d'origine germanique ; les plus fréquentes sont sans doute Gengoult,Gengoux et Gengulphe. L'orthographe de la chapelle de Tallenay a connu plusieurs variantes, essentiellement Gengoult,Gengout et Gengoul, graphie actuellement utilisée.
[8] Merci à Christophe Cousin de nous avoir communiqué ce document. Merci également à Sylvie Bépoix et Daniel Daval qui ont contacté M. Cousin et se sont chargés de la numérisation du cahier de fouilles.
[9] Fouille ancienne appelée « fouille boy scout » dans le cahier de fouilles.
[10] Aucune description spécifique n'est donnée. Si les dimensions indiquées sur le plan sont exactes, cet autel rectangulaire mesurait environ 2 m sur 1,50 m.
[11] Expression employée dans les notes de fouille et sur les croquis pour désigner ce bassin.
[12] La monnaie n'est ni datée, ni décrite ou dessinée.
[13] Les fragments de tuiles sont, semble-t-il, situés sous les laves, ce qui pourrait signaler que le toit de la chapelle était déjà effondré lors de la destruction définitive de l'édifice au début du XVIIIe siècle.
[14] Aucune description détaillée du mobilier n'est donnée dans le cahier de fouilles, et l'on ne dispose d'aucun élément de datation pour ces artefacts.
[15] La coupe stratigraphique ébauchée dans le cahier de fouilles indique ime autre sous unité stratigraphique US le au niveau du mur sud, au sujet de laquelle rien n'est dit ; cette US le correspond peut-être à la perturbation occasionnée par la fouille ancienne signalée sur le plan d'ensemble (zone en rouge sur la figure 134-a). Cette US le pourrait éventuellement aussi correspondre à une autre poche de concentration d'enduit peint le long du mur sud.
[16] Le cahier de fouille dit que « le sol en béton s'appuie sur les murs ».
[17] Le mobilier le plus abondant est datable des XIIIe et XIXe siècles.
[18] L'Association de recherche et d'étude des sites archéologiques comtois (ARESAC) est reconnue par le service régional d'archéologie.
[19] Modelling of landscapes and territories over the long term (ModeLTER) est un laboratoire européen associé franco-slovène mis en place en 2007 par le CNRS et le Centre de la recherche scientifique de l'Académie slovène des sciences et des arts (ZRC SAZU), en partenariat avec les Universités de Franche-Comté et de Bourgogne. Il est placé sous la tutelle administrative de la MSHE. Ce laboratoire regroupe des spécialistes de l'archéologie spatiale, des géodésistes et des géographes. Certains de ses membres sont spécialisés dans l'élaboration des algorithmes qui permettent de produire des modèles numériques de terrain.
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