Carte des rivières polluées d'Europe
30/07/2014
Carte des rivières polluées d'Europe
Une analyse à l’échelle européenne de 223 composés chimiques présents dans les eaux douces met en évidence les risques toxiques pour l’écosystème. L’étude montre aussi les limites actuelles pour effectuer un tel suivi.
De nombreuses études ont montré ces dernières années que les fleuves et les rivières en Europe sont contaminées par des substances toxiques. Mais cette pollution étant souvent limitée à une région ou impliquant un petit nombre de composés chimiques, il était difficile de l'extrapoler à l'échelle d'un continent pour mettre en évidence l'aspect global de la contamination des cours d’eau. Une équipe de chercheurs allemands et français ont utilisé les données disponibles dans la base de données Waterbase de l’Agence européenne pour l’environnement pour dresser un tel tableau : ils ont estimé les risques environnementaux liés à 223 composés organiques dans 91 bassins fluviaux d’Europe.
Egina Malaj, du Centre Helmholtz de recherche sur l’environnement à Leipzig en Allemagne et ses collègues ont analysé les relevés effectués dans près de 4 000 sites. À partir de ces données, ils ont estimé le risque de toxicité aiguë ou chronique pour les invertébrés, les poissons et les algues. Les seuils de risques ont été calculés à partir des concentrations qui entraînent un risque mortel de 50 pour cent (noté CL50) pour trois représentants des principaux groupes d’organismes vivant en eau douce, le poisson Pimephales promelas, le crustacé Daphnia magna pour les invertébrés, et l'algue Pseudokirchneriella subcapitana. Ces seuils toxiques ont été évalués en laboratoire ou prédits par des modélisations. E. Malaj et ses collègues ont défini un seuil de risque aigu qui est atteint quand la concentration maximale d’un composé dépasse 10 pour cent du CL50, et un seuil de risque chronique qui est franchi quand la concentration moyenne dans le temps d’un composé atteint respectivement 0,1 pour cent, 1 pour cent et 2 pour cent du CL50 pour les invertébrés, les poissons et les algues.
Les résultats de cette analyse révèlent que les polluants organiques entraînent un risque aigu pour la biodiversité dans 14 pour cent des sites, et un risque chronique pour 42 pour cent des sites. Parmi ces composés organiques, les pesticides (herbicides et insecticides) représentent 81, 87 et 96 pour cent des cas de risques de toxicité aiguë pour les poissons, les invertébrés et les algues respectivement. D'autres composés participent de façon importante aux risques de toxicité aiguë : le tributylétain (une peinture utilisée sur les coques de bateaux pour empêcher les algues et les coquillages de s’y fixer, en principe interdite depuis 2008), les agents ignifuges bromés et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés du pétrole. Par ailleurs, l'étude met en évidence un lien clair entre la perte de biodiversité des cours d'eaux d’une région et l'augmentation du risque de toxicité chimique pour les poissons et les invertébrés. L’utilisation anthropique des terres (urbanisme, agriculture) en amont augmente aussi les risques.
L’équipe pointe cependant les limites de cette étude, liées à la nature et la qualité des données disponibles. Les résultats sous-estiment probablement les risques liés aux substances toxiques. En effet, la densité et la performance des réseaux de suivi de la qualité des eaux sont inégales selon les pays européens. Les méthodes de dosage utilisées présentent parfois des seuils de sensibilité insuffisants. Enfin, encore trop peu de composés chimiques sont étudiés.
D'ailleurs, selon l'analyse, les pays disposant des meilleurs réseaux de surveillance (notamment la France, qui représente un tiers des sites européens analysés) obtiennent les plus mauvais résultats quant à la qualité de l’eau. Il existe donc un biais qui laisse penser que les pollutions sont sous-estimées à l'échelle européenne. Les biologistes notent que d’autres facteurs de risque toxicologiques ne sont pas pris en compte dans leur étude : les effets « cocktails » liés à la présence simultanée de plusieurs composés chimiques dont l'impact sur l'environnement peut être renforcé, ou l'impact des perturbateurs endocriniens (qui agissent sur le développement et la reproduction des poissons).
Néanmoins, cette synthèse des données disponibles à l'échelle européenne met en évidence deux points marquants : un grand nombre de cours d’eau européens sont significativement touchés par les substances toxiques de nature organique et le réseau complexe des bassins fluviaux nécessite une prise en compte du problème à l’échelle européenne. Les moyens pour assurer le suivi de la qualité des cours d'eau doivent être renforcés afin de pouvoir adopter des mesures rapides et efficaces de la qualité des eaux.
Les deux cartes ci-dessus indiquent les risques aigus et les risques chroniques encourus par les espèces d'eau douce dans les bassins fluviaux d'Europe. Le pourcentage indique la part des stations de prélèvement où au moins un composé dépasse le seuil de risque aigu ou chronique. Les bassins où moins de six stations sont opérationnelles n'ont pas été pris en compte et sont indiqués en gris. Le nombre figurant dans chaque bassin indique le nombre médian de composés chimiques analysés par station dans ce bassin.
Source : Site Pour la Science
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