Cœur artificiel : une première
29/12/2013
Cœur artificiel : une première
par Nicolas Rodrigues
(Notre Temps 24 décembre 2013)
(Dernière mise à jour du 17 mars 2014)
La première implantation d’un cœur artificiel a été réalisée avec succès. Mais quels seront les critères pour bénéficier de cette nouvelle prouesse médicale ?
Une première mondiale
L'opération aura duré une dizaine d'heures. Le 18 décembre 2013, à l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris, l'équipe du Pr Christian Latrémouille a implanté un cœur artificiel à un patient de 75 ans atteint d'insuffisance cardiaque terminale. Et aux dernières nouvelles, le patient se porte "bien".
Depuis une dizaine d'années, on implante des cœurs artificiels. Mais cette fois, il s'agit d'un cœur définitif, qui n'est plus seulement destiné à faire patienter le malade avant une greffe.
Cette prothèse mime le fonctionnement du cœur humain : composé de deux ventricules, elle accélère les battements en cas d'effort et ralentit ensuite. De plus, elle est recouverte à l'intérieur d'une membrane biologique pour éviter la formation de caillots de sang. Du coup, Le patient n'a plus besoin de prendre de traitement anti-coagulant lourd.
Le but est d'obtenir une vie normale. Avec tout de même quelques contraintes, comme celles liées à l'alimentation électrique indispensable pour faire fonctionner une telle machine", a commenté le Pr Fabiani, chef du service de chirurgie cardiovasculaire à l'hôpital Pompidou. Les médecins espèrent apporter au malade au minimum cinq ans d’espérance de vie.
La volonté d'un chirurgien français
Cette prouesse médicale est le fruit de la ténacité d'un chirurgien et cardiologue français : le Pr Alain Carpentier, 80 ans, qui tenait absolument à réaliser cette première mondiale en France.
Il y a près de 10 ans, il s'est allié avec EADS, leader de l'aéronautique, pour créer la société Carmat (Carpentier-Matra Défense). Il bénéficie alors d'un soutien financier et technologique. Au total, plus de 100 ingénieurs et médecins ont été impliquées dans ce projet.
Aujourd'hui, Carmat est une start-up cotée en bourse, financée à la fois par des investisseurs privés et publics. Sa technologie représente un espoir pour les patients atteints d'une insuffisance cardiaque terminale: sur 100 000 patients en attente d'une greffe en Europe et aux États-Unis, seuls 4000 bénéficient d'une transplantation chaque année, faute de greffons disponibles.
La mise sur le marché de ce cœur artificiel n'est pas pour demain
Les équipes doivent finaliser l'étude en cours, sous la surveillance de deux comités d'experts indépendants. Si tout va bien, une seconde implantation devrait intervenir dans les prochaines semaines. Au total, quatre opérations sont prévues au cours de cet essai, avant d'engager une 2ème phase sur une vingtaine de patients. "Un an de recul sera nécessaire pour juger le cœur Carmat", prévient le Pr Jean-Noël Fabiani. La société espère démarrer la commercialisation de son cœur en 2015.
Des critères de sélection pour les futurs bénéficiaires
Mais pour en bénéficier, les futurs patients devront répondre à certains critères physiques : ce cœur artificiel nouvelle génération pèse 900 g, bien plus lourd qu'un cœur humain (300 g). De fait, il ne pourra être implanté que chez des personnes assez corpulentes. La société Carmat estime ainsi qu'il est compatible avec 70% des thorax d'hommes et 25 % de ceux de femmes.
Des critères médicaux constituent aussi des contre-indications plus ou moins rédhibitoires : hypertension pulmonaire irréversible, infection active, cancer, voire diabète, insuffisance rénale, obésité morbide, etc.
Enfin, son prix risque de restreindre encore l'accès à ce cœur artificiel. Un bijou technologique qui coûte environ 160 000€. Un coût prohibitif comparé à une greffe cardiaque dont le tarif s'élève en moyenne à 40 000€, auquel s'ajoutent les frais liés à la prise – à vie – de médicaments anti-rejets. Des frais supplémentaires qui ne sont pas nécessaires avec ce cœur artificiel... pour autant, pas certain que la Sécurité sociale puisse le rembourser.
L’alliance de la chirurgie et de l’aéronautique
Si l’idée de Carmat est l’œuvre du célèbre chirurgien Alain Carpentier, cette prothèse n’aurait pu voir le jour sans les finances et l’expertise du groupe aéronautique Matra. Dans les années 80, Alain Carpentier avait en effet convaincu Jean-Luc Lagardère d’investir dans son projet. Mais les deux hommes ne s’attendaient pas à mettre autant de temps pour le faire aboutir. Entre-temps, Lagardère père est mort et Matra a été refondu dans EADS. Mais le groupe européen n’a pas abandonné le dossier.
Ce sont ses ingénieurs qui ont réussi à miniaturiser l’organe artificiel imaginé par Carpentier et qui ont mis au point les capteurs et le microprocesseur qui équipent la prothèse. D’autres implantations en Belgique, Pologne, Slovénie et Arabie Saoudite devraient suivre avant la mise sur le marché de Carmat. Reste également à alléger encore le poids de la prothèse – 900 grammes tout de même – et simplifier son dispositif d’alimentation très contraignant. Et il y a le coût prohibitif de cette petite merveille : 160 000 euros au moins. On doute que la sécurité sociale envisage de le rembourser…
Cette première mondiale ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de la médecine. On peut espérer que d’autres organes artificiels verront le jour sur son modèle comme des reins, des foies ou des pancréas. L'homme augmenté est déjà une réalité.
Découvrez l'animation sur : http://www.carmatsa.com/
Mise à jour du 2 mars 2014 : Décès de Claude Dany, premier malade ayant reçu le cœur artificiel.
Pourquoi le cœur artificiel de Claude Dany, implanté le 18 décembre 2013, s'est-il arrêté de battre le 2 mars dernier ? L'un des chirurgiens ayant participé à cette première mondiale, le Pr Daniel Duveau, révélait dimanche au Figaro que « pendant deux heures, à chaque arrêt du dispositif, la machine faisait tout ce qu'elle pouvait pour faire repartir la pompe ».
Pour en savoir plus, lire l'article du Figaro.fr Santé.
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