Food and Chemical Toxicology (FCT) retire l'article de Séralini sur les rats nourris au maïs OGM NK603
21/12/2013
Food and Chemical Toxicology (FCT) retire l'article de Séralini sur les rats nourris au maïs OGM NK603
(Dernière mise à jour : 31 juillet 2014)
On se rappelle de la polémique engendrée par la publication des travaux de Gilles-Éric Séralini portant sur portent sur les effets du maïs transgénique NK603, voir l'article dans ce propre blog.
La revue Food and Chemical Toxicology (FCT) a retiré l'article de Gilles-Éric Séralini de l'université de Caen, sur les rats nourris durant toute leur vie au maïs OGM NK603 tolérant à l'herbicide Roundup, publié en septembre 2012. Cette étude suggérait que les rongeurs développaient plus de pathologies et de tumeurs. Après examen des données brutes, la revue souligne qu'elle n'a relevé ni fraude ni manipulation, mais que « les résultats présentes sont peu concluants » et qu' « il y a une raison légitime d'inquiétude concernant à la fois le nombre d'animaux testés dans chaque groupe et la souche particulière [de rats] ».
Gilles-Eric Séralini, dont l'étude ne cesse de faire polémique. conteste cette décision, persuadé que la revue est sous pression depuis l'embauche, début 2013, d'un nouvel éditeur venu de la société Monsanto, spécialisée dans les biotechnologies. Il argue que la souche de rats (les Sprague-Dawley) qu'il a utilisée l'est aussi en routine aux États-Unis. Il rappelle qu'il a mené une étude inédite sur des rats nourris leur vie entière avec ce maïs OGM et qu'il a multiplié les mesures sur les animaux. Il pointe un article publié par Monsanto en 2004 dans FCT et jamais rétracté, concluant à l'innocuité du maïs NK 603 après avoir mesuré ses effets sur dix rats de la même souche seulement pendant trois mois. Et accuse : « seules les études pointant un effet adverse des OGM sont passées au crible d'une évaluation rigoureuse ». Il pourrait saisir maintenant les tribunaux.
Pour en savoir davantage :
Le 14 novembre 2012, dans une lettre ouverte intitulée «Science et conscience» publiée sur le Monde.fr, 140 scientifiques s'étaient insurgés contre les critiques de l'étude et défendaient le professeur Séralini. Une info reprise récemment par la Tribune de Genève.
Affaire Séralini : publier n'est pas prouver
par Elsa Abdoun (Sciences & Vie, n° 1156, février 2014, p. 16).
II y a un an, le biologiste français Gilles-Eric Séralini faisait la une de tous les journaux après avoir publié dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology un article censé démontrer, images chocs de souris déformées par d'énormes tumeurs à l'appui, la cancérogénicité d'un maïs OGM. À l'époque, nous avions émis de sérieuses réserves sur cette étude (voir Sciences & Vie n°1142, p. 68). Un an plus tard, la revue a finalement fait machine arrière : toujours consultable, elle est désormais accompagnée de la mention "retiré", et ne peut plus être citée dans d'autres articles de chercheurs.
Cette décision, qui entérine le fait que cette étude débouchait sur des conclusions erronées, a valeur d'exemple. Elle pointe la dérive par laquelle le processus de publication scientifique est de plus en plus abusivement utilisé, par des chercheurs, associations ou industriels, pour conférer à leurs opinions un caractère indubitable.
De son côté, Gilles-Eric Séralini explique le retrait de son étude par le fait que la revue s'est dotée, début 2013, d'un éditeur associé, anciennement employé par l'entreprise Monsanto. Laquelle entreprise commercialise le maïs OGM qu'il met en cause... En clair, il serait l'objet d'une censure.
De telles situations de conflits d'intérêts nuisent effectivement à la crédibilité de la science, et jettent une suspicion légitime sur ses délibérations ; mais dans le cas de l'étude Séralini, une chose est sûre : ses conclusions erronées correspondent parfaitement aux critères de retrait établis par le Comité pour l'éthique des publications, qui sert de guide pour les revues scientifiques dans leur gestion des articles qu'elles publient.
Il ressort ainsi que cette étude - incorrecte - n'aurait jamais dû paraître. Il faut donc se rendre à l'évidence: la publication dans une revue scientifique n'est pas une garantie absolue de véracité. Une information cruciale, pour qui ne veut pas se voir berné par de tels artifices. Comme ceux employés par Gilles-Eric Séralini.
En effet, le principal argument de ce chercheur face à la remise en question de son étude est d'avoir été publié par une revue à "comité de lecture". En d'autres termes, l'étude, préalablement relue et "validée par des pairs", était au-dessus de tout soupçon. Un argument non valable, qui semble ignorer que l'analyse d'un article est un exercice faillible, sujet aux erreurs humaines. Pour preuve : de nombreuses autres études sont, chaque année, publiées à tort. Plus de la moitié des articles seraient concernés, selon plusieurs chercheurs qui se sont penchés sur la question. Pis, la plupart ne sont même pas retirés une fois l'erreur confirmée, car "cela reviendrait, pour les journaux, à admettre que leur système de relecture est défectueux ", explique Ivan Oransky, auteur du blog Retraction Watch qui recense depuis 2010 tous les retraits de publications scientifiques.
Pour les éditeurs de l'étude Séralini, la question de reconnaître ou non leur erreur ne s'est pas posée : les agences de sécurité alimentaire européenne (Efsa), française (Anses) et même allemande (BfR), le Haut Conseil des biotechnologies, six académies nationales ainsi que de très nombreux spécialistes de toxicologie, cancérologie et statistiques l'ont fait pour eux. Il faut dire que l'étude, ultra-médiatisée, a été lue par un très grand nombre de chercheurs, s'exposant dès lors aux critiques.
Au final, s'il ne nous a rien appris sur les OGM, le professeur Séralini aura au moins démontré cela : les revues sont truffées de conclusions fausses. De quoi inciter à la prudence...
Février 2014 : Séralini insiste et signe : les pesticides seraient mille fois plus toxiques que ce qu'on croyait.
Voir l'article de Metronews
Ajout de juillet 2014 : Gilles-Éric Séralini republie son étude sur les OGM
Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie à l'université de Caen republie son étude sur les OGM Le chercheur avait créé la polémique avec un article sur des rats nourris au maïs transgénique. Il le complète avec les données brutes.
Huit mois après le retrait forcé de son article sur le maïs NK603, le professeur Gilles-Éric Séralini, de l'université de Caen, a republié son article dans une autre revue, Environnemental Sciences Europe (Springer). L'étude controversée suggère que des rats nourris pendant deux ans avec du maïs NK603 — tolérant à l'herbicide Roundup développé par Monsanto — connaissent une mortalité et une incidence de tumeurs plus précoces et plus nombreuses que les rats nourris avec un maïs traditionnel. À la suite des critiques, l'équipe du Pr Séralini la republie avec, cette fois, les données brutes, et rappelle que « le protocole choisi était celui d'une étude de toxicologie sur deux ans et non celui d'une étude de cancérogénèse » et que « d'innombrables études toxicologiques utilisent la souche de rats Sprague Dawley, tandis que les études de Monsanto réalisées à trois mois sur ses OGM utilisent les mêmes effectifs et... la même souche ».
Les détracteurs de Gilles-Éric Séralini pointent que le scientifique ne publie toujours pas de photos des « rats contrôle ». Ces animaux nourris sans OGM pourraient en effet avoir développé eux aussi des grosseurs spectaculaires, comme les rats nourris aux OGM et pesticides. La publication des images de rongeurs aux corps déformés avait largement participé au retentissement médiatique de l'article.
Source : Sciences et Avenir n° 810 Août 2014 p. 21.
2 commentaires
Bonjour, ces 140 scientifiques se sont insurgés en 2012 et non en 2013, d'ailleurs, M. Godard (directeur recherche au CNRS) en fait déjà mention lors de la commission de l'OPECST du 19 novembre 2012.
L'article de Science & Vie ne juge que l'étude de Séralini qui a eu au moins le mérite d'être proposée à une revue avec comité de lecture.
Mais que dire des "études" de Monsanto qui assurent de l'innocuité de leur maïs en adoptant un protocole moins complet que celui de Séralini et ne sont pas proposées à des revues à comité de lecture ? Seraient-elles plus crédibles ?
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