L'Arc du Jura sous surveillance GPS
02/03/2013
L'Arc du Jura sous surveillance GPS
Six stations permanentes vont mettre le Jura sous couverture GPS pour observer la déformation tectonique de la chaîne, en continu et sur le long terme.
Si la chaîne du Jura donne lieu depuis longtemps à des études portant sur les millions d'années de sa formation géologique, la période actuelle de son histoire récente demeure une zone d'ombre pour laquelle les scientifiques ne disposent que de peu d'outils d'analyse.
Savoir de quelle façon et dans quelle mesure se déforme le Jura aujourd'hui sera bientôt possible grâce à l'installation de stations GPS à des endroits stratégiques de la chaîne. Piloté par le laboratoire Chrono-environnement de l'université de Franche-Comté, ce projet d'observation géophysique devrait donner ses premières conclusions dans une dizaine d'années. Ces données seront précieuses notamment pour comprendre l'activité sismique de la région, qui, bien qu'elle soit relativement faible, nécessite d'être suivie : des tremblements de terre sont régulièrement enregistrés et des failles fracturent la croûte terrestre sur l'ensemble de l'Arc jurassien.
Une déformation mesurée au millimètre
C'est la compression alpine qui a donné au Jura sa forme de croissant et sa morphologie caractéristique en plis et chevauchements, un objet emblématique pour les scientifiques qui n'ont pas manqué de l'étudier abondamment. Aujourd'hui, la tectonique alpine plutôt décro-extensive n'aurait plus d'influence directe sur la déformation du Jura. « Pour autant, la relative faible épaisseur de la croûte, de l'ordre de 30 km, et un relief ne dépassant pas 2 km donnent à penser que le Jura bouge avec sa dynamique propre », estime Christian Sue, enseignant-chercheur en géosciences à l'université de Franche-Comté, et porteur du projet GPS-Jura. L'observation GPS en continu permettra de mesurer le moindre de ses mouvements de manière très précise, de l'ordre du millimètre, voire du dixième de millimètre par an, une échelle apparemment infime mais significative pour ce type de chaîne orogénique lente.
Le Jura rejoindra donc les Alpes et le Bassin rhénan dans le réseau RENAG (Réseau national GPS permanent) qui, constitué de laboratoires de recherche et d'organismes publics, a pour tâche la mesure et l'exploitation des données GPS en continu. « On recherche le dixième de millimètre de déformation, une précision d'autant plus contraignante qu'elle s'inscrit dans la durée. » Les stations seront donc installées sur des terrains très stables, et les antennes de réception sur des piliers ancrés à la roche. De la qualité de l'antenne dépend bien sûr celle de mesures captées à haute fréquence (30 secondes) pour une réelle observation en continu.
Les six stations devraient progressivement être installées à partir du milieu de l'année 2013 et le réseau finalisé fin 2014. Se rapprochant au maximum d'une configuration idéale « en croix », elles permettront l'analyse de la déformation de surface de la chaîne, de sa compression ou de son extension le long de l'Arc, tout comme la détection éventuelle de mouvements sur les failles majeures du massif. Répondant à des objectifs scientifiques précis doublés d'importants enjeux sociétaux, le projet GPS-Jura est mené avec le concours de la Région Franche-Comté, dont le financement de 83 000 euros sur deux ans permet l'achat et l'installation des stations. Les données recueillies seront traitées et gérées selon des techniques éprouvées à l'Observatoire de Besançon, puis mises à disposition de la communauté scientifique via le serveur de données du RENAG.
En 1996, le séisme d'Épagny en Haute-Savoie, de magnitude 5 sur l'échelle de Richter et d'intensité VII sur l'échelle MSK, rappelle brutalement l'existence de la faille du Vuache. Située au sud de l'Arc jurassien, cette faille réputée faiblement active est responsable, outre l'épisode d'Épagny, de plusieurs séismes plus modérés au cours du XXe siècle.
Plus loin de nous, le tremblement de terre de Bâle fait des ravages en 1356, détruisant la ville et propageant ses effets jusqu'à Reims et à l'opposé Constance. Il aurait pour point de départ une faille chevauchante du front nord du Jura. Bien que cette théorie ait été remise en cause par de récentes études, il n'en reste pas moins que les failles du Jura peuvent engendrer des catastrophes sismo-telluriques et appellent à une surveillance vigilante. C'est l'un des objectifs du réseau GPS prochainement mis en place sur l'Arc jurassien : la prise de mesure des mouvements et des déformations englobera l'activité des failles majeures de l'Arc, qu'elles traversent radialement en éventail resserré. La plus grande est sans doute la faille de Pontarlier, qui, présentant une brèche de 50 km de long dans la couverture sédimentaire du Jura, a permis historiquement de relier Lausanne à Besançon par la route.
Contact: Christian Sue - Laboratoire Chrono-environnement - Université de Franche-Comté
Tél. (0033/0) 3 811 66 61 23 - christian.sue@univ-fcomte.fr
Source : En Direct, le journal de la recherche et du transfert de l'Arc jurassien, n° 247 – mars-avril 2013.
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