Charles Beauquier, l'homme qui protégeait la nature
31/07/2012
l'homme qui protégeait la nature
Loi Beauquier : la protection des paysages
· L’homme politique
"Oublié de la République" selon Jean-Louis Debré, Charles Beauquier compte parmi les hommes politiques français ayant exercé une certaine influence sous la IIIe République. Il est successivement sous-préfet de Pontarlier (1870 à 1871), entre au Conseil général du Doubs en 1871 et devient conseiller municipal de Besançon en 1873. Le 25 avril 1880, il est élu député du Doubs et occupa cette fonction jusqu’en 1914.
· L’homme de culture
Diplômé de l’École de Droit à Paris et de l’École des Chartes en 1857, son attention se porte d’abord sur la critique musicale et les traditions populaires. Parallèlement à sa carrière politique, il s’adonne au journalisme en fondant des journaux comme Le Doubs (1868) ou La Fraternité (1875). Il est également rédacteur en chef, à Besançon, du Républicain de l’Est (1871). Homme de culture et d’héritage, ethnologue avant l’heure, on lui doit de nombreux ouvrages sur la musique et sur le patrimoine et le folklore comtois, qui font encore autorité. Engagé pour la préservation de la nature, il est l’un des fondateurs de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France. Porteur d’un nouveau rapport au paysage, cet engagement donne lieu à la loi du 21 avril 1906, première loi de protection de l’environnement, dite loi Beauquier.
· L’élaboration de la loi Beauquier
De 1901 à 1906 Marqué par la notion de pittoresque, le XIXe siècle considère le paysage comme patrimoine culturel relevant d’intérêts artistiques, géologiques ou historiques. Dans un contexte de progrès scientifiques et industriels, Charles Beauquier propose le 23 mars 1901 à la Chambre des députés une première proposition de loi "ayant pour objet la protection des sites pittoresques". Opposant farouche à l’industrialisation, Beauquier accuse l’État de "laisser commettre des actes de vandalismes dans nos musées naturels, dans cette splendide collection de sites pittoresques que renferme la France ! Étrange contradiction ! L’État veillera avec un soin religieux sur un tableau de maître qui représentera un paysage et il en laissera détruire, sans s’émouvoir, le magnifique et irréparable original !".
Parallèlement à cette proposition de loi, son confrère Louis Dubuisson, député du Finistère, présente le 17 mai 1901 un autre projet de loi sur le même thème.
Le 5 février 1903, Beauquier et de nombreux députés, tels que Ferdinand Buisson, Jaurès, Georges Leygues, Poincaré, Marcel Sembat, proposent une deuxième loi beaucoup plus courte. Malgré la création de la Société pour la protection des paysages de France en 1901, la deuxième révolution industrielle s’oppose plus que jamais à la préservation de la beauté des paysages. À ce titre, Beauquier attire l’attention de la Chambre des députés sur l’urgence d’une législation "car dans toutes les parties de la France on arrache des arbres, on brise des rochers, on capte des torrents, on couvre les campagnes d’affiches et de réclames et l’on saccage des sites merveilleux, consacrés par l’admiration des poètes, des artistes et des foules".
Il faut attendre 1906 pour que le texte soit adopté par la Chambre des députés. Le débat du 27 mars 1906 au Sénat permet au rapporteur, Maurice Faure, d’attribuer la paternité de la loi à Charles Beauquier et à Louis Dubuisson. D’après lui, il donne une résonance patriotique marquée à cette loi, qui a pour but de "protéger ces richesses vraiment nationales contre l’effet destructeur du temps et contre le vandalisme des hommes, peut-être plus destructeur encore". L’alignement est marqué sur la législation en matière de monuments historiques, sauf sur l’aspect financier : "Il n’est prévu, au point de vue financier, aucune participation de l’État. Notre loi est très franchement décentralisatrice".
La loi de protection des paysages est définitivement adoptée le 21 avril 1906, décidant de la création "d’une commission des sites et monuments naturels de caractère artistique" dans chaque département. La commission se chargera de dresser "une liste des propriétés foncières dans la conservation peut avoir, au point de vue artistique ou pittoresque, un intérêt général" ; le classement n’est décidé que si le propriétaire donne son accord. Le Doubs est, semble-t-il, l’un des premiers départements à l’avoir mise en œuvre, en 1912.
Les premiers classements dans le Doubs
(Source : Archives départementales du Doubs, 4T 51 et 52.)
La commission des sites se réunit pour la première fois dès le 12 décembre 1906. Charles Beauquier assiste à ses séances de travail jusqu’à son décès en 1916.
Sur la base d’une liste établie dès 1906 par l’ingénieur ordinaire des Ponts-et-Chaussées, les sites suivants, essentiellement des grottes, glacières, cascades ou sources, sont classés en 1912.
Le 2 mai 1912 :
- Source du Lison, creux Billard et grotte Sarrazine (Nans-sous-Sainte-Anne) ;
- Pont du Diable (Sainte-Anne et Crouzet-Migette) ;
- grottes d’Osselle (Rozet-Fluans) ;
- grottes de Plaisirfontaine (Bonnevaux) ;
- cascades du Bout-du-Monde (Beure) ;
- sources d’Arcier, propriété de la Ville de Besançon.
Le 23 mai 1912 :
- pont Sarrazin de Vandoncourt ;
- ruisseau et vallée de Fontaine-Ronde à Touillon-et-Loutelet, Montperreux et Les Hôpitaux-Vieux ;
- grottes et château de la Roche à Saint-Hippolyte ;
- rocher dit « Dames des Entreportes » à Pierrefontaine ;
- théâtre romain de Mandeure ;
- saut du Doubs et col des Roches à Lac-ou-Villers [Villers-le-Lac] ;
- cascades du Doubs à Fourcatier-et-Maison-Neuve ;
- gorges du Remonot à Les Combes ;
- grottes de Chenecey-Buillon ;
- glacière de Chaux-lès-Passavant ;
- grottes de la Baume à Bournois.
Au cours de l'année 2012, une série de manifestations a salué sa mémoire.
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