Pacifique : un continent de déchets fait plus de six fois la France
20/05/2012
Pacifique : un continent de déchets fait plus de six fois la France
par Cécile Cassier
Journaliste Univers-nature
(dernier ajout le 2 septembre 2015)
Découvert en 1999 par le navigateur américain Charles Moore, ce qu’on appelle le « 7e continent » est un gigantesque amas de déchets, situé entre les côtes de Hawaï et l’Amérique du Nord. Ces millions de tonnes de plastiques s’amassent sur une superficie estimée à 3,4 millions de km² selon le Cniid (1), équivalant à plus de six fois la France. Ce "continent" s’est progressivement formé dans l’océan Pacifique Nord, récoltant et concentrant via les courants marins des déchets provenant d’Asie du sud-est et d’Amérique de l’Ouest. La catastrophe de Fukushima aurait contribué, à elle seule, à l’ajout de trois millions de tonnes de déchets.
De par sa position dans les eaux internationales, lesquelles appartiennent à tous ou à personne au gré des nécessités, chacun se dédouane de ce problème qui ne cesse de grossir. Pourtant, l’impact sur l’environnement, et notamment la faune marine, est réel (contamination de la chaîne alimentaire etc.). Aussi, l’association OSL (Ocean Scientific Logistic) a mis sur pied une expédition, visant à évaluer l’impact de ce condensé de pollution. Afin de le sensibiliser, elle tiendra le public informé de ses recherches via un blog dédié (2). Seules deux expéditions scientifiques américaines se sont déjà rendues sur place, respectivement en 2006 et en 2009. Selon OSL, si rien n’est fait, dans 20 ans, ce continent sera aussi grand que l’Europe.
1- Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets.
2- Le blog est accessible à l’adresse suivante : www.septiemecontinent.com
Ajout du 3 mai 2014
On pourra également se reporter à l'article Les gyres, vortex de pollution dans les océans
par Frédérique Harrus publié le 02/05/2014 qui actualise l'information (vidéo)
Ajout du 25 août 2014
Bien sûr, la situation n'est pas meilleure sinon pire pour la pollution chimique des océans depuis la révolution industrielle. Témoin cet article récent qui fait le point sur la pollution de la mer par le mercure.
Ajout du 25 août 2014 : Même l'Arctique est gagné par le plastique (Science & Vie n° 1164, septembre 2014, p. 24)
En fondant, la banquise arctique pourrait libérer de leur prison de glace des quantités insoupçonnées de particules de plastique. C'est ce que craignent des chercheurs américains et anglais qui ont découvert pour la première fois la présence de microplastiques (moins de 5 mm de diamètre) dans des carottes de glaces prélevées en quatre points reculés de la région en 2005 et 2010. Les scientifiques ont inventorié entre 38 et 264 débris de polyéthylène, polypropylène, Nylon, etc., par mètre cube... soit près de 1 000 fois plus que dans la tristement célèbre "soupe de plastique" du Pacifique Nord.
Ajout du 2 septembre 2015 : Ces déchets de plastique qui envahissent les océans
Article de Sylvie Rouat (Sciences et Avenir, n° 823 septembre 2015, pp. 66-69)
Par milliards, des débris se concentrent dans les mers au gré des courants, formant une "plastisphère" polluante très intégrée à l'écosystème. L'éliminer est un casse-tête pour les spécialistes.
"Ce qui m'a surpris, c'est qu'on ne voyait rien. La soupe de plastique, brassée en profondeur était invisible. Comment montrer une catastrophe qui ne se voit pas", s'interroge Patrick Deixonne, navigateur-explorateur, au retour de la troisième expédition 7e Continent qu'il a menée du 15 mai au 15 juin 2015 dans le "gyre" de l'Atlantique Nord. Là, dans ce gigantesque tourbillon de la mer des Sargasses, se concentrent des milliards de débris de plastique. Sous l'effet de la force de Coriolis, trois courants y font converger les objets flottants. Jadis, les voiliers s'y retrouvaient entravés dans des agglomérats d'algues. Aujourd'hui, ce sont les déchets de plastique. Ce matériau chimique, peu biodégradable, se fragmente en infimes particules pour créer une "soupe", capable de résister à l'eau de mer et aux UV jusqu'à 1000 ans, et improprement baptisée le "7e continent". Le phénomène, connu depuis moins de quinze ans, se retrouve dans les cinq grands bassins océaniques du monde (Atlantique Nord et Sud, océan Indien, Pacifique Nord et Sud), les courants y emprisonnant les débris de plastique flottants de toutes tailles, depuis la microbille cosmétique jusqu'au bidon. L'étendue de ces gyres est immense : celui du Pacifique Nord couvre une superficie estimée à six fois celle de la France.
"En 2050, si rien ne change, la masse de plastiques dans l'océan sera supérieure à celle des poissons." Une phrase tirée du Rapport de la Fondation Ellen MacArthur, une association britannique caritative, présenté durant le forum économique mondial de Davos.
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Venus du continent grâce aux vents et cours d'eau
D'où viennent ces déchets ? À 80 % des continents : en 2015, 9,1 millions de tonnes de plastique devraient se retrouver dans la mer, drainés par les pluies et les vents, acheminés par les cours d'eau. En fonction de leur densité, certains coulent, d'autres flottent et sont entraînés par les vents et courants marins. "Aujourd'hui, on estime à 300 millions de tonnes la quantité de plastique dans les océans. Si l'on ne fait rien, il y en aura 155 millions de tonnes supplémentaires en 2025", alerte Patrick Deixonne.
Ce printemps 2015, le catamaran de 18 mètres de l'expédition 7e Continent a parcouru quelque 2 500 kilomètres dans le gyre de l'Atlantique Nord pour y faire des prélèvements. "C'était une mission risquée, raconte Patrick Deixonne. Nous étions dix, cantonnés dans un habitacle de 20 mètres carrés, à plus de 2000 kilomètres de toute côte, dans une mer houleuse avec des creux de5 mètres."
Les déchets intègrent peu à peu la chaîne alimentaire
Sur place, il s'agissait de quantifier et caractériser les macro-, micro- et nanodébris. Chaque trait de filet d'une demi-heure remontait en moyenne 250 pièces de plastique. Ce qui permet d'estimer "à environ 200 000 le nombre de débris par kilomètre carré, pour l'essentiel des particules de 2 millimètres de diamètre", explique Patrick Deixonne. Or ces dernières. brassées par les vagues et la houle échappent pour une grande part aux filets échantillonneurs, qui ne prélèvent que la couche supérieure de la colonne d'eau. "Nos estimations ne sont qu'une fourchette basse", constate le navigateur.
À bord du bateau et en laboratoire, les échantillons ont été soumis à l'étude au microscope infrarouge et par spectroscopie "pour savoir s'il existe une signature spécifique des plastiques invisibles", indique Alexandra Ter-Halle, chimiste à l'université de Toulouse. Cette nouvelle méthodologie sera appliquée aux autres gyres, qui seront étudiés dans les prochaines années. La route du bateau a aussi régulièrement croisé de gros déchets flottants. Les membres de l'équipage remontaient chaque jour qui une boîte de Nesquik, qui un bidon, etc. Un observateur posté sur le pont était chargé de les compter, deux heures durant. Soit, selon les premières extrapolations... quelques millions de tonnes ! Problème : ces macrodéchets interagissent avec le milieu marin. Ils fonctionnent en effet comme des DCP (dispositifs de concentration de poissons) — un système utilisé par les pêcheurs —, sous lesquels les poissons ont tendance à s'agglutiner. Quant aux micro- et nanoplastiques, ils s'intègrent peu à peu à la chaîne alimentaire : d'abord colonisés par des micro-organismes, ils sont ensuite assimilés au plancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine. L'ensemble finit par former la "plastisphère", un écosystème marin organisé avec et autour du plastique.
300 millions de tonnes : la quantité de plastique dans les océans, 455 millions de tonnes estimés en 2025
A priori, ce "plastiplancton" n'est pas dangereux pour les organismes qui l'ingèrent : "Leur système digestif évacue les constituants du plastique, qui sont des matières inertes, inassimilables", explique François Calgani, spécialiste des plastiques à l'Ifremer de Bastia. Cependant, une étude publiée dans la revue Environmental Toxicology and Chemistry (2012) montrait que des moules mises en présence de nanobilles en polystyrène manquaient d'appétit. L'impact n'est pas nul, donc, sur les organismes filtreurs. Il l'est encore moins quand il est dû à des micro- ou macrodéchets. D'abord parce que ceux-ci servent de véhicules pour 1a dissémination des espèces dans les océans. Ainsi, le tsunami de 2011, qui a lessivé des milliards de tonnes de déchets vers la mer, a entraîné la migration de quelque 120 espèces du Japon au Canada. Et avec elles, un grand nombre d'agents pathogènes pour les populations locales.
La plastisphère change les règles du jeu entre les différents organismes. Ainsi en va-t-il des Halobates sericeus, insectes marins qui marchent sur l'eau et pondent sur des objets flottants... a fortiori sur les débris de plastique. Dans un milieu où les ressources sont rares, la multiplication des lieux de ponte favorise leur développement, au détriment d'autres espèces. Et notamment des poissons, qui eux aussi déposent sur les plastiques leurs œufs, un mets de choix pour les halobates. Il y a trois ans, une étude menée par des chercheurs de l'université de Californie (États-Unis) avait établi que ces insectes proliféraient dans le gyre du Pacifique Nord. En 2015, la mission 7e Continent en a prélevé également de grandes quantités dans l'Atlantique Nord. Autres habitants privilégiés du septième continent, les méduses dont les jeunes polypes (premier stade de développement) colonisent volontiers les morceaux de plastique. Peut-être est-ce là la clé de leur prolifération ? "Ce qui est certain, c'est que les méduses mangent des poissons. Donc plusil y a de méduses, moins il y a de poissons", remarque Patrick Deixonne.
Enfin, les déchets qui contiennent du polyéthylène, soit la plupart des plasstiques deviennent poreux en se dégradant et absorbent les polluants persistants. Ils se muent ainsi en véritables "éponges" à métaux lourds. Que deviennent ces polluants ? Sont-ils rejetés dans l'environnement ? Sont-ils transférés aux algues, au plancton ? L'étude de la plastisphère ne fait que commencer. Et face à l'étendue du désastre, "il est urgent de comprendre avant d'envisager de nettoyer les mers", avertit Alexandra Ter-Halle. Car sous les plastiques, il y a la vie, une vie foisonnante à préserver.
Les solutions pour s'en débarrasser
Parmi les actions envisageables, certaines relèvent de la fausse bonne idée, mais d'autres auraient une réelle efficacité.
Selon une étude publiée dans Science en 2015, les 192 pays côtiers de la planète ont produit 275 millions de tonnes de déchois plastique en 2010, dont 8 millions de tonnes ont été déversés dans les océans. Face à ce constat, que faire ?
Réduire la pollution à la source ?
Bannir tous les plastiques ? La solution est irréaliste. Sans film alimentaire, par exempmle, une grande quantité de nourriture serait jetée. Cependant, des mesures de restriction sont prises. En France, les sacs de caisse seront interdits en 2016 : un sac qui sert 20 minutes pollue en effet 450 ans...
Rendre le plastique biodégradable ?
Les plastiques biodégradables sont conçus pour se déliter dans des conditions spécifiques d'humidité, de chaleur et de microbiologie rarement atteintes dans la nature. Il existe un plastique dit oxofragmentable :un additif permet sa fragmentation. Fausse bonne idée, car il rend la pollution invisible. Les emballages compostables sont. eux, issus de produits naturels : pommes de terre, algues, maïs, déchets agroalimentaires. C'est l'option choisie par le Laboratoire d'ingénierie des matériaux de Bretagne (Limat B), qui utilise des déchets locaux associés à des bactéries marines pour produire des emballages à usage local. Une économie circulaire vertueuse.
Empêcher l'arrivée à la mer ?
Cela nécessite l'immobilisation générale à l'échelle d'un bassin versant, impliquant le nettoyage régulier des cours d'eau. L'équipe de l'ONG 7e Continent mène ainsi chaque année des opérations de nettoyage, la dernière ayant eu lieu dans la Seine, où ont été enlevés en moyenne 100 kilos de déchets tous les 100 mètres. "En France, les agences de l'eau financent des grilles de captation, mais c'est encore anecdotique", souligne Patrick Deixonne, de 7e Continent. Une application participative sera inaugurée en septembre ("Stop le plastique") pour permettre de photographier et localiser par GPS les lieux contaminés. Ces informations seront transmises aux services de collecte des déchets.
Ramasser les déchets ?
Simple et efficace à court terme. Cette solution a été expérimentée à l'échelle d'un pays, le Liban, où, au lendemain de la guerre civile, les fonds marins étaient recouverts de plus d'un mètre de déchets. En août 1997, l'association Opération Big Blue lançait la première campagne de ramassage qui a réuni 40 000 personnes sur tout le littoral. Depuis, ce nettoyage est devenu annuel. Problème : tant que des plastiques seront relâchés dans la nature, il faudra les ramasser. Le cycle est sans fin, donc.
Piéger les déchets en mer ?
C'est le pari du Néerlandais Boyan Slat qui a imaginé une barrière souple de deux kilomètres de long, attachée aux fonds marins, qui arrête les déchets poussés par les courants. Ceux-ci se concentrent au milieu du dispositif, d'où ils sont extraits à partir d'une plate-forme. L'association The Ocean Cleanup a annoncé la mise en place d'un prototype en 2016 au large du Japon. Problème : ce système ne tient pas compte de la plastisphère et de la vie qui lui est associée. Et ne résout pas le problème des nanoparticules.
`voir aussi :
En 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans (Sciences et Avenir)
http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/pollution/20160122.OBS3208/en-2050-il-y-aura-plus-de-plastique-que-de-poissons-dans-les-oceans.html
Voilà comment des plaques de déchets se forment dans les océans (Maxisciences)
http://www.maxisciences.com/ocean/voila-comment-des-plaques-de-dechets-se-forment-dans-les-oceans_art35772.html
Le 7e continent de plastique: ces tourbillons de déchets dans les océans (Le Monde)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/09/le-7e-continent-de-plastique-ces-tourbillons-de-dechets-dans-les-oceans_1696072_3244.html
Bluebirds Marine Systems (le fabricant de SeaWax)
http://www.bluebird-electric.net/
L'Europe et la France vont-elles enfin interdire les sacs plastique? (Notre Planète)
http://www.notre-planete.info/actualites/3868-sacs-plasti...
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