Stratégie de prédation chez le Loup
17/10/2011
Stratégie de prédation chez le Loup
par André Guyard
(dernière mise à jour : 20/10/2014)
Comme tous les vertébrés carnivores, les loups se nourrissent de la chair d'autres animaux. Ils procèderont à la recherche de proies potentielles. Dans cette quête de nourriture, il y a optimisation de la prédation par mise en place d'une stratégie de capture des proies.
Chaque espèce de prédateur utilise des stratégies de prédation peu à peu optimisées par la sélection naturelle si bien que chaque prédateur chasse de la manière la plus efficace possible et l'on peut établir des règles de stratégie optimale de prédation.
1. Les prédateurs choisissent les proies les plus profitables qui présentent le meilleur rapport énergie récoltée/énergie de capture et d'ingestion. Les individus les plus vulnérables : jeunes, malades, dépourvus de refuge ou de protection seront les plus recherchés. C'est le rapport qualité-prix qui compte. Il est évident que lorsqu'on offre un troupeau de moutons prisonniers d'un enclos sans abri, ni protection, les loups auront une préférence pour ce genre de proies particulièrement vulnérables plutôt que de s'échiner à poursuivre leurs proies naturelles comme les chevreuils.
© Nicolas Vanier
2. Les prédateurs tendent à concentrer leur effort de chasse là où les proies sont les plus abondantes (réponse d'agrégation du prédateur). Mais la qualité de la prospection varie suivant la quantité du butin. S'il est rare ou au contraire très abondant, les prédateurs n'optimisent pas, c'est-à-dire qu'ils ne distinguent pas dans leur comportement les zones riches en proies et les zones pauvres. L'optimisation paraît ne se manifester que dans les zones intermédiaires à densité moyenne.
Dans la nature, pour une certaine gamme de densité des proies, le taux de prédation tend à augmenter avec la densité des proies. Ce qui aboutit à une régulation des populations de proies (régulation densité-dépendante), ce mode de régulation n'étant qu'une composante des mécanismes qui stabilisent et régulent les populations sauvages.
© Nicolas Vanier
3. Les prédateurs accumulent de l'information au cours de l'échantillonnage : situation géographique, facilité d'accès et conformation du terrain, abondance et nature de la proie… Ainsi, les prédateurs "s'attendent" à trouver de la nourriture là où ils en ont déjà trouvé. Ils se représentent peut-être une "image de la proie" (searching image). Le Loup, comme tous les prédateurs au cours de leurs expériences successives, ira directement là où il a déjà trouvé des proies (expectation). Quant à l'image de la proie, si le Loup peut s'en former une, peut-être se ramène-t-elle à un certain niveau d'expectation ?
4. Dans le choix des proies, il faut tenir compte des goûts individuels du prédateur et on aurait tort de croire que la proie la plus grosse et la plus riche en calories potentielles va forcément être préférée. Surtout si les proies sont assez abondantes, l'animal va en rechercher de préférence certaines qui peuvent être de valeur nutritive moindre ; et on a d'assez bons arguments pour penser qu'elles en préfèrent tout simplement le goût !
5. La chasse en coopération a été bien mise en évidence chez les loups et les lions. Chez les loups, qui chassent très souvent en groupe, une stratégie tout à fait différente est observée suivant qu'il s'agit d'une proie très volumineuse comme un élan ou d'une proie moins grosse mais très rapide comme les caribous. Dans ce dernier cas, les loups semblent bien organiser des relais : un premier groupe pousse le caribou vers l'embuscade tendue quelques kilomètres plus loin, et quand les prédateurs sont presque épuisés une troupe fraîche prend la suite. Sans cela, les loups n'auraient aucune chance d'attraper les caribous, qui les dépassent nettement à la course. On pense également maintenant que les hurlements gradués et modulés émis par les loups en chasse sont interprétés par les congénères à grande distance. Les lions ou plus précisément les lionnes, dont la stratégie paraît plus développée, poursuivent le gibier à deux ou trois et sont capables de le rabattre vers un vallon sans issue.
© Nicolas Vanier
En ce qui concerne le comportement des proies, on peut remarquer que, chez les animaux supérieurs, la défense contre les prédateurs est dans presque tous les cas passive : il est rare que les animaux attaquent le prédateur. Ou bien, comme chez les bisons, les grands mâles forment un cercle qui fait face aux loups pendant que les femelles et les petits sont bien protégés au milieu du cercle ; ou bien tout le monde a recours à la fuite. Avec le retour du Loup en Franche-Comté, peut-être que les Montbéliardes vont recouvrer leurs cornes ?
En définitive, la prédation, surtout lorsqu'elle implique coopération, présente à l'observateur des phénomènes extrêmement compliqués et variés, certains mettant en cause les niveaux les plus élevés du psychisme. Dans certains cas, les techniques paraissent optimisées.
Pour explorer davantage le mécanisme de la prédation, on peut visiter l'article qui se rapporte aux mécanismes du phénomène dans l'ensemble du règne animal.
Prédation respective des chiens divagants et des loups
Une étude scientifique récente (2009), publiée par la "Zoological Society of London", réalisée dans le pays basque espagnol apporte un regard nouveau sur la prédation respective des chiens divagants et des loups. Elle est due à J. Echegaray et C. Vila et se fonde sur l'analyse génétique des fecès des loups et des chiens divagants en Espagne. Elle démontre que le prélèvement sur la faune sauvage dû aux chiens errants est considérable par rapport à celui des loups.
Les résultats de cette étude (rédigée en anglais) sont consignés ci-dessous :
Fèces de loups
Parmi les 30 fèces de loups étudiées, 73% des restes appartiennent à des animaux sauvages, seulement 3% appartiennent à des ovins :
* une seule contenait des restes non identifiés,
* 22 contenaient des restes de chevreuils (Capreolus capreolus),
* 3 des restes de sanglier (Sus scrofa),
* 1 des restes de blaireau (Meles meles)
* 1 des restes de lièvre (Lepus europaeus)
* 8 contenaient des restes d’animaux domestiques (équins : 4, bovins : 3, ovins : 1)
Fèces de chiens
Parmi les fèces de chiens étudiées : 39 restes ont été identifiés et 14 n’ont pu l’être. 54% des crottes contenaient des restes d’animaux d’élevage :
* 14 fèces (36%) contenaient des restes d’ovins
* 7 (18%) contenaient des restes de chevaux ou de bovidés.
Ci-dessous des statistiques relatives aux attaques des grands canidés au sein des troupeaux domestiques.
Quelques chiffres relatifs à l'année 2009
Le tableau ci-dessous fait le bilan des attaques et des victimes au sein des troupeaux domestiques par de grands canidés.
Bilan des attaques et victimes de grands canidés
sur les troupeaux domestiques en 2009
(© plan d'action national sur le Loup)
Le nombre de victimes des grands canidés (c'est-à-dire du Loup) peut paraître important. En fait, il faut relativiser ce nombre de 3263 victimes par rapport aux 400 000 ovins victimes chaque année de chiens errants. Voir à ce propos l'article de France Nature Environnement (FCE).
Dans sa livraison de décembre 2011, le mensuel Science & Vie essaie de répondre à la question : pourquoi le Loup est si mal toléré en France ? (Science & Vie décembre 2011, n° 1131 p.138-139).
"En effet, si le Loup est mieux toléré dans certaines régions italiennes et espagnoles, c'est qu'il n'en a jamais disparu ! Tandis qu'en France, cela fait presque un siècle que l'élevage se développe à l'abri de tout prédateur, le dernier loup français ayant disparu dans les années 1930. En Italie et en Espagne, l'espèce a survécu aux attaques répétées des hommes avant de se voir attribuer le statut d'espèce protégée en 1979. Dès lors, la reconquête de Canis lupus, tout aussi honni dans ces pays-là, a pu reprendre... Jusqu'à traverser la frontière italienne au début des années 1990 et s'installer dans les Alpes du Sud... où les éleveurs ont donc perdu depuis plus de deux générations l'habitude de se battre contre de tels prédateurs. Bilan : des centaines, et bientôt des milliers de moutons tués (4189 indemnisations au titre de victimes du loup en 2010). Sans parler du stress engendré sur le troupeau, qui grossit moins ou donne moins de lait. D'où la colère des éleveurs, déjà fragilisés par la crise du secteur.
BRACONNAGE LÉGAL ?
Toutefois, nos bergers français sont loin d'être isolés. Partout où le Loup a recolonisé des territoires désertés (le nord de l'Italie, la France, la Suisse, la Norvège), la cohabitation est difficile et le rejet unanime. Dans les régions où le Loup a toujours été présent (sud de l'Italie et Espagne), les pertes sont moins lourdes, les éleveurs plus conciliants. Et pour cause : la trilogie "berger-chien de protection-enclos pour la nuit" existe toujours. On trouve ainsi de nombreux enclos en pierre qui protègent les troupeaux la nuit, et la main-d'œuvre moins chère favorise la présence d'un aide-berger à proximité permanente du troupeau. Autre différence : dans les Abruzzes, l'élevage ovin est principalement destiné à la production de lait. Ces petits troupeaux sont regroupés chaque soir pour la traite dans un endroit protégé. Enfin, en Italie et en Espagne, le loup ne jouit pas d'une protection totale. "Les autorités tolèrent, voire autorisent les éleveurs à braconner l'animal, précise Laurent Garde, chercheur au Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée. Faisons pareil en France et les éleveurs supporteront mieux la situation." Ce qui peut aussi dissuader les loups de s'approcher. Une demande partagée par nombre de bergers français."
Pour ce qui concerne la prédation en général, voir l'article : la prédation : relations mangeur-mangé.
Un site précieux pour tout ce qui concerne le Loup : http://www.loup.developpement-durable.gouv.fr/
Quel est l'animal le plus dangereux pour l'Homme ?
Comment la réintroduction de loups dans le parc de Yellostone aux ÉTATS-UNIS a profondément modifié l'écosystème de la région : une vidéo qui souligne un rôle inattendu du Loup dans la chaîne alimentaire.
1 commentaire
Joli petit article sur les loups, et très étayé, un grand bravo !
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