Proliférations algales dans la haute vallée du Doubs
07/06/2010
Les récentes constatations de la pollution de la Loue par une efflorescence de Cyanobactéries (ou Algues Bleues) a semé l'émoi dans la population, les pêcheurs et les touristes. Pourtant les épisodes estivaux de prolifération algale ne sont pas rares dans la région.
Proliférations algales dans la haute vallée du Doubs
par André Guyard
L'Agence de l'Eau et la DIREN émettent régulièrement des publications sur le sujet et recensent depuis 1965 ce genre de bloom, en particulier l'épisode qui a touché le cours supérieur du Doubs en 1989.
Ci-dessous quelques extraits des publications de ces deux organismes.
Un constat alarmant
• Première prolifération algale massive et spectaculaire en 1965 sur le lac de St-Point (algue verte du genre Spirogyra).
• À l'étiage 1972, nombreuses rivières du bassin du Doubs envahies par les algues filamenteuses.
• Installation régulière du syndrome de prolifération algale à partir de 1976 : Ain, Doubs, Loue, Cuisance, Seille, Ognon, Cusancin, Dessoubre, Morthe... sont atteints.
Des conditions favorables aux colonies filamenteuses fixées
• Lit fréquemment dépourvu de végétation riveraine et fortement ensoleillé,
• Substrat pierreux instable à fort pourcentage d'interstices,
• Vitesse ralentie, moyennes eaux de profondeur modeste et confinement des masses d'eau,
• Étiages estivaux renforcés par les pertes karstiques,
• Pouvoir trophique élevé de l'eau, riche en calcium.
Des désordres généralisés
• Apparition de goût dans l'eau d'alimentation.
• Envahissement de l'espace vital au préjudice de la macrofaune benthique et des poissons.
• Mortalités massives de poissons en été et en automne.
• Nuisances olfactives et visuelles suite à la dérive et à la putréfaction des colonies algales.
En 1988, la DIREN engage un programme d'études pour le compte de l'Agence de l'Eau. Le rapport d'étude 1991/1992 confirme la gravité du constat.
L'impact des activités humaines
• Rejets directs d'eaux usées dans le Doubs et le Drugeon,
• Mauvais état des collecteurs,
• Dysfonctionnement de la station d'épuration de Pontarlier,
• Modification des pratiques agricoles.
En conséquence, on constate une situation d'excédents des composés azotés et phosphorés hors période de consommation algale : ammonium et phosphate proches de 1 mg/l (valeur exceptionnelle de PO43- de 4 mg/l à Arçon en 1989), nitrate proche de 10 mg/l.
Proliférations algales
Les indications de la figure ci-dessous témoignent de l'importance des proliférations algales en Franche-Comté au cours des années 1988-1993.
Pour le secteur du Haut-Doubs, le graphique ci-dessous montrent deux pics de développement qui apparaissent communs à toutes les stations et à toutes les années : en mai et juin d'une part et fin août- début septembre d'autre part.
Les formes algales dominantes appartiennent à deux groupes :
• Algues brunes (Diatomées, Hydrurus foetidus, Vaucheria sp., Tribonema sp.),
• Algues vertes (Cladophora sp., Ulothrix sp,, et Hydrodictyon reticulatum, cette denière espèce apparue dans le Haut-Doubs en 1989).
Les Cyanobactéries, non prises en compte dans l'étude, prolifèrent dans le tronçon aval de la station d'épuration de Pontarlier.
Conséquences physico-chimiques et mortalités piscicoles
Les graphiques ci-dessous mettent en évidence les principales conséquences à l'origine des mortalités piscicoles :
• Consommation nocturne d'oxvgène dissous aboutissant à des teneurs en fin de nuit extrêmement faibles,
• Variation du pH entraînant l'apparition de produits toxiques pour les poissons : ammoniac gazeux (NH3), notamment en phase d'exubérance algale ou en période de putréfaction des colonies.
CONCLUSION : une impasse trophique
La biomasse "macroalgale" produite, calculée à partir des valeurs de poids frais de la seconde moitié de l'été 1989 à l'aval d'Arçon, s'élève à près de 5 000 tonnes pour le tronçon Arçon/Pont de Montlebon !
Cette production végétale, très faiblement consommée par la faune aquatique, n'est pas exportée. Elle constitue pour l'écosystème aquatique une sévère impasse trophique.
Le retour à une situation équilibrée des niveaux écologiques de la haute vallée du Doubs et de la vallée du Drugeon, en accord avec la richesse paysagère de la région, est lié à un haut niveau de qualité d'épuration des eaux et de la gestion des bassins versants.
Proliférations algales — Formations coloniales filamenteuses — Chronique des événements et des études en Franche-Comté
(Note complémentaire de la DIREN, 1993)
L'histoire des proliférations algales en Franche-Comté est marquée par une série d'épisodes singuliers de la période estivale, en lacs et rivières, limités à l'origine, dans le temps et l'espace, étendus aujourd'hui à des périodes de durée croissante et à l'ensemble du réseau hydrographique franc-comtois.
Le syndrome de prolifération algale estivale généralisé à l'ensemble des systèmes aquatiques de surface en Franche-Comté atteint son paroxysme dans les secteurs où se conjuguent une pollution par nitrates et phosphates et des caractéristiques favorables d'environnement stationnel et morphodynamique du lit majeur, des zones riveraines et du lit des cours d'eau.
Le tronçon Doubs-Morteau, sur le Doubs, constitue, à ce titre, un exemple hautement démonstratif de pollution et d'impasse trophique.
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