L’échinococcose alvéolaire : une maladie franc-comtoise ? Évolution épidémiologique et options de contrôle
03/10/2009
4. L’échinococcose alvéolaire : évolution épidémiologique et options de contrôle
par André Guyard
(Suite de l'article 3 : répartition géographique)
De nombreux éléments indiquent que la situation épidémiologique de l’EA est en train de changer en Europe. On note depuis 1990 une augmentation de la prévalence chez le Renard et l’extension vers le nord de l’aire de distribution du parasite.
À l’heure actuelle, la présence du parasite a été démontrée chez le Renard au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique et de l’ouest au sud de la France (dont les côtes de la Manche et et la région parisienne), jusqu’à la Lithuanie, en passant par la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, et le nord de l’Italie.
Pour la France, on a pu montrer qu’entre les périodes 1984-1989 et 1996-1999, les prévalences vulpines étaient de 1,4 à 2 fois plus élevées dans les zones d’endémie traditionnelles comme le Haut-Doubs pour atteindre 65 % en hiver, une tendance également constatée dans le sud de l’Allemagne et l’Autriche.
(Document : plaquette de l’Observatoire de l’environnement)
Cette nouvelle situation explique que de fortes prévalences puissent maintenant être observées chez le Renard dans les zones qui ne sont pas connues pour leurs pullulations de rongeurs. C’est le cas par exemple dans les Ardennes, où une prévalence de 53 % a été observé chez le Renard, dans des paysages où les prairies sont fragmentées avec des populations d’hôtes intermédiaires faibles et stables.
Cette augmentation des populations de renards s’est également accompagnée de changements de comportements. Le Renard roux n’est plus seulement rural mais est devenu aussi urbain, ce qui s’est traduit par une implantation du parasite, non seulement aux abords et dans les villages et petites villes des zones traditionnelles d’endémie, mais aussi dans les grandes villes, où elle peut atteindre localement jusqu’à 70 % des animaux dans leur périphérie. L’infestation des renards a été observée à Zurich, Stuttgart, Genève, Copenhague, Nancy et la banlieue parisienne telle qu’en Seine-et-Marne. Quant au cycle urbain entre chats et souris, il est tout à fait exceptionnel.
Par exemple, l’analyse génétique de la population de renards urbains zurichois montre que les échanges avec l’extérieur de la ville sont limités. La présence avérée d’A. terrestris infestés dans les parcs urbains indique que le cycle pourrait y être bouclé. La densité des chiens urbains peut atteindre de 0,5 à 5 individus/ha dans certaines villes, et celle des chats trois fois plus, ce qui rend très probable la prédation de rongeurs infestés.
Dans le contexte rural du canton de Fribourg (Suisse), il a été montré que 7 % des chiens errants et 3 % des chats examinés lors d’un cycle de pullulation d’A. terrestris étaient infestés. Le rôle des chiens et des chats dans l’exposition humaine en Europe, si ce n’est dans le maintien du cycle lui-même, mériterait d’être clarifié notamment dans un contexte urbain.
(Document : plaquette de l’Observatoire de l’environnement)
(Document : plaquette de l’Observatoire de l’environnement)
La régulation par le tir ou le piégeage n’est pas à recommander car, au-delà, des controverses qu’elle peut susciter, elle pourrait conduire à l’effet inverse de celui escompté, en vidant des territoires qui seraient alors très rapidement comblés par des renards ruraux plus infestés, comme ce fut le cas pour la rage.
S’il est évident que l’échinocoque alvéolaire est un parasite qui étend son aire de distribution et augmente l’intensité de sa transmission en Europe, les données qui permettraient de constater un changement de l’épidémiologie humaine sont encore fragmentaires. Ceci peut s’expliquer soit par le fait que ce changement n’entraîne pas, pour des raisons comportementales (hygiène et mode de vie, etc.), une exposition plus forte de la population humaine en ville, soit plus probablement par le fait que l’échinococcose alvéolaire est une maladie longtemps asymptomatique et que les conséquences d’un changement d’exposition ne seront mesurées que plusieurs années après (voir plus bas).
Il serait judicieux que dans l’ensemble des zones européennes concernées, puisse être assuré le meilleur couplage entre un dispositif de surveillance de la parasitose chez les hôtes définitifs (principalement Renard et Chien), seul capable d’anticiper le risque d’exposition, et un dispositif de surveillance de la maladie humaine, qui malheureusement et pour utile qu’il soit en terme d’épidémio-surveillance, ne permet que de constater a posteriori le problème de santé publique posé après que la maladie se soit déjà largement développée.
- Giraudoux P. et al – Où l’échinoccose sévit-elle ? Bull. Acad. Natle Méd. 2008, 192, n° 6, 1119-1130.
- Observatoire régional de l’environnement Besançon – Du renard au pissenlit, l’échinoqui ? Du pissenlit au campagnol, l’échinoquoi ? Plaquette d’information de l’Observatoire régional de l’environnement. 2004, 12 p.
- Guyard A. - Cours de parasitologie. 1980.
Contacts :
• Centre Collaborateur OMS pour la Prévention et le Traitement des Echinococcoses humaines, Centre hospitalier universitaire et Université de Franche-Comté, patrick.giraudoux@univ-fcomte.fr
• Laboratoire d’études et de recherches sur la rage et la pathologie des animaux sauvages, AFSSA, Domaine de Pixérécourt. B.P. 43. 54 220 Maizeville.
• Observatoire régional de l’environnement, Conseil régional de Franche-Comté, 4 square Castan – 25031 Besançon cedex.
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